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Promouvoir des approches globales pour optimiser les traitements

28 février 2015 Paru dans le N°379 à la page 29 ( mots)
Rédigé par : Françoise BRETON

Associer les technologies de dépollution dans l'espace et le temps, les compléter avec des stratégies de valorisation des matériaux et promouvoir des approches globales pour optimiser les traitements des sites promis à la réhabilitation : trois voies prometteuses pour réduire les coûts et l'impact environnemental des chantiers, tout en restant compatibles avec les projets des clients.

« Le métier évolue car des technologies très efficaces et rapides comme l’oxydation ou la réduction chimique ou bien la désorption thermique permettent aujourd’hui de traiter la source in situ et pas seulement la pollution résiduelle », explique Boris Devic-Bassaget, directeur technique chez Sita Remediation. Dans le cas de la réhabilitation de friches industrielles, les clients sont prêts à payer pour des solutions rapides et ces techniques

[Photo : Des solutions reposant sur des chauffages modérés constituent aujourd'hui une voie de recherche prometteuse et pourraient permettre de combiner ou d’associer la désorption thermique avec d'autres traitements.]

In situ, auparavant écartées en raison de leur coût, sont de plus en plus utilisées. La désorption thermique, très utilisée actuellement, va à l’encontre de la tendance générale vers le développement durable car elle utilise beaucoup d’énergie ; on injecte dans le sol des centaines de kilowatt/heure pendant plusieurs mois afin de vaporiser les polluants (hydrocarbures, solvants, PCB, HAP et pesticides) et de les récupérer par un réseau de venting pour être brûlés ou traités. Elle est néanmoins en concurrence avec les solutions de terrassement classiques car les délais de réhabilitation sont du même ordre de grandeur et le transport routier des terres à mettre en décharge a aussi un coût énergétique et un impact sur le bilan carbone. De nombreuses sociétés, comme Sita Remédiation, Deep Green, GRS Valtech, ATI Services, Ikos Sol Meix, Idra Environnement, Colas Environnement, Valgo, ICF Environnement ou Züblin, proposent des technologies reposant sur la désorption thermique dont certaines variantes utilisent par exemple des injections de vapeur (Züblin) ou prévoient l’injection combinée de réactifs permettant de réduire la chaleur nécessaire à la volatilisation des produits.

Euremtech, société proposant uniquement des technologies in situ, a ainsi travaillé en partenariat avec la société canadienne McMillan-McGee qui a conçu et développé la technologie ET-DSP™ qui combine une chauffe électrique avec deux autres vecteurs de transfert de chaleur que sont la conduction et la convection. Cette technologie « 3 phases », qui tire parti des propriétés électriques résistives de la matrice sol/eau souterraine pour transférer une énergie thermique, est actuellement mise en œuvre sur un ancien site de production de créosote à Ostende (Belgique). Pendant environ deux ans et suite à des tests en laboratoires, les conditions du site ont été numériquement simulées ainsi que la conception de la technologie afin qu’elle s'adapte parfaitement pour l’obtention des objectifs de traitement garantis contractuellement. Les résultats à mi-parcours seront prochainement présentés à Intersol 2015.

Spécialisé dans la réhabilitation des sites, Valgo a élaboré un logiciel de calcul permettant de visualiser la propagation de la chaleur, de la vapeur d’eau et des polluants en fonction du type de sol et de polluant. L’entreprise réalise également des essais de perméabilité sur le terrain et des essais de chauffe afin d’optimiser les paramètres de conduction du sol. Cette approche a permis à Valgo de traiter, en 2014, les polluants se trouvant sous une ancienne concession automobile sur l’île de Beaulieu, à Nantes, et provenant d'une ancienne fonderie, en particulier des sources de naphtalène pur (12 g/kg) avec des concentrations dans les gaz du sol de 9 130 µg/m³. La stratégie adoptée a consisté à favoriser la désorption des réchauffeurs de 4 kW chacun afin d’atteindre des teneurs résiduelles inférieures à 300 µg/m³. Une phase pilote a duré quelques jours et a permis de déterminer le rayon d'influence des aiguilles de venting, de vérifier la diffusivité thermique et de dimensionner l'installation. Un traitement de 4 mois a permis de récupérer près de 5 kg de naphtalène pur et l’atteinte de l'objectif de 300 µg/m³ moins d’un mois plus tard, après avoir traité 2 900 t de sol, pour un coût de traitement de 100 € la tonne.

Des solutions reposant sur des chauffages modérés constituent aujourd’hui une voie de recherche prometteuse et pourraient permettre de combiner ou d’associer cette technologie avec un traitement biologique du sol, par exemple.

Traiter les composés chlorés par chauffage indirect

Le procédé d’oxydation est proposé par

[Photo : Les sédiments sont de plus en plus utilisés dans des projets de construction en France. Des sédiments pollués déshydratés ont été utilisés pour la couche de fondation de la “Route Freycinet 12” aménagée dans la zone portuaire de Dunkerque. Réalisation Envisan.]

Les terres polluées : du déchet à la ressource

Les phytotechnologies, basées sur l'utilisation de plantes qui extraient ou immobilisent les polluants du sol, représentent une très faible part du marché, notamment du fait qu’elles ne concernent que les couches supérieures du sol, jusqu’à 2 m, alors que les techniques in situ descendent jusqu’à 30 m. Ces technologies se développent néanmoins, notamment autour d'une communauté lorraine très dynamique, le GISFI (groupement d’intérêt scientifique sur les friches industrielles, regroupant 12 laboratoires publics) parce qu'elles sont porteuses d'un changement de paradigme : le sol pollué n'est plus considéré comme un déchet mais comme une ressource. La biomasse générée par ces technologies peut être valorisée : fibres de construction, biomasse énergie, substances pharmaceutiques (en utilisant des plantes spécifiques), bio-charbon, sols construits à partir de mélanges de boues, de déchets de démolition, de sols pollués et de plantes. Mais elle peut également donner lieu au phytomining qui vise à récupérer les métaux précieux prélevés par la plante (cadmium, chlorure, …) par des procédés d’extraction et de séparation appropriés, et à les concentrer pour les valoriser.

Soléo Services, par exemple, participe au projet de recherche ANR Agromine, coordonné par Marie-Odile Simmonot (laboratoire Réactions et génie des procédés), qui étudie la possibilité d'utiliser des plantes pour récupérer les métaux précieux présents dans des sols naturels ou des déchets, notamment des métaux stratégiques comme le nickel et le cobalt. L'objectif du projet est d'identifier des plantes hyperaccumulatrices pour ces éléments et à les exploiter par des procédés de phytotechnologie. « Les processus sont trop longs pour envisager de les utiliser comme moyen de dépollution d’un site en réhabilitation, souligne Christophe Chêne de Soléo Services. La technique peut toutefois être déployée sur des friches abandonnées ou bien en complément, à l’échelle d’un site ou d’une agglomération, en créant un espace vert dépolluant sur les terres excavées plutôt que de les mettre en décharge. Mais pour l’industriel, la mise en décharge règle rapidement le problème avec des garanties fortes. Il n’est pas prêt de tenter cette solution. Au niveau réglementaire non plus. »

Le contexte est néanmoins porteur avec le mouvement, issu de l’étude internationale d’évaluation des écosystèmes pour le millénaire conduite sous l'égide de l’Onu, consistant à évaluer la biodiversité en termes de services rendus par la nature et traduits en valeur économique (services écosystémiques). Ce concept, qui a mis du temps à s'imposer en France, est aujourd'hui pris en compte et évalué dans le cadre du programme Évaluation française des écosystèmes et services écosystémiques (Efese), la contribution française au programme européen MAES. Ce programme s'inscrit dans une stratégie nationale pour la biodiversité avec des groupes de travail et se traduit par des guides méthodologiques et d'action et, à terme, des recommandations. « Cette orientation change le regard sur le sol avec, à terme, une convergence des approches de type services écosystémiques (multicritères large) et approche réglementaire sur les sites pollués, qui se fonde sur l'évaluation des risques sanitaires (monocritère : une concentration d'exposition dans une matrice eau, sol ou air), analyse Jean-Marie Come, directeur R&D chez Burgeap. Cela devrait modifier les choix de stratégie de réhabilitation. »

La technologie d’oxydation chimique in situ pour la dépollution des sols et des nappes compte de nombreux intervenants pour le traitement d’hydrocarbures, BTEX, etc., parmi lesquels GRS Valtech, Sita Remediation, Serpol, Euremtech, ICF Environnement ou Brézillon, et utilise des oxydants puissants à doses élevées comme le persulfate, le permanganate de potassium, le peroxyde d'hydrogène ou l’ozone. La réaction n’est pas la même que pour la biodégradation et ne fait pas intervenir les bactéries. « L'oxydation chimique est violente et brûle tout, indique Patrick Epardeau, directeur technique chez Brézillon, filiale de Bouygues Bâtiment en IDF. Nous développons une technique sur site à moindre impact environnemental, Oxyterre, qui permet une atténuation du polluant, avec une revalorisation géotechnique. » La technolo…

Dans le cadre du programme de recherche PHYSAFIMM, coordonné par l'École des Mines de Saint-Étienne et subventionné par l'ADEME, ICF Environnement a développé de son côté un protocole de phytostabilisation et revégétalisation, avec des apports extérieurs extrêmement limités, des friches industrielles et minières, pour en limiter les transferts vers le milieu naturel et ainsi créer des espaces verts moins artificialisés que les couvertures par membranes actuellement préconisées.

[Photo : Vue d'ensemble de la technologie ETDSP en fin d'installation par Euremtech. La température à atteindre sera de 100 °C en 60 jours dans la zone saturée jusqu'à 15 m de profondeur.]
[Photo : Sur un ancien site de blanchisserie industrielle localisée dans la zone Est de la Flandre (Belgique), Euremtech a mis en œuvre la technologie ISCO utilisant le procédé de GeoCleanse International®, son partenaire exclusif en Europe pour l'élimination des DNAPL.]
[Photo : Serpol a mis au point un procédé de traitement des eaux et des sols (Naneau) reposant sur une suspension de fer zéro valent de taille nanométrique. L'innovation réside dans l'enrobage des nanoparticules qui améliore les rayons d'injection sans perte de réactivité.]

La technologie consiste à mélanger les matériaux avec un réactif à base de chaux à une température qui permet la dégradation des polluants chlorés dans la matrice et la gestion d'un faible volume des gaz. Le chauffage est indirect et ne nécessite pas de gros apports en oxygène par flux d’air. L’émission de gaz est faible et les coûts de traitement de ces gaz sont donc restreints alors qu’ils constituent la partie la plus onéreuse des traitements actuels. « Nous nous focalisons sur des polluants chers à dégrader comme le PCB dont l’évacuation coûte 300 à 400 € la tonne, explique Patrick Epardeau. Les essais opérés jusqu’à présent ont permis d’abattre du PCB de 400 ppm à 2 ppm ». Bien que complexe à mettre en œuvre, cette technique permet de traiter 1 t/h et présente l’avantage d’être adaptée aux petits volumes, par exemple 1000 t de PCB sur une friche industrielle.

Euremtech a également mis en œuvre ce type de procédé avec succès en le combinant avec un traitement de finition biologique. Sur un ancien site de blanchisserie industrielle localisée en Flandre (Belgique), une campagne d’investigation technologie MIPs (Membrane Interface Probes) a permis de cartographier précisément l’ampleur et l’extension d’une pollution en révélant notamment la présence généralisée de perchloréthylène (PCE) en phase pure (DNAPL) à différentes profondeurs dans l’aquifère. La localisation de cette contamination d’une surface d’environ 3500 m² en dessous et aux abords de constructions résidentielles constituait une problématique majeure dans l’évaluation du risque environnemental et de santé publique. Euremtech a proposé l’application de la technologie ISCO utilisant le procédé Geo-cleanse International®, partenaire exclusif de Euremtech en Europe, pour l’élimination des DNAPL : Catalyzed Hydrogen Peroxide. Après une première phase de validation en laboratoire, un pilote a été mis en place (100 m², 9 puits d’injection et 4 vents de monitoring) pour valider le process de traitement et établir un engagement sur le budget et la durée de dépollution.

La phase de traitement proprement dite a consisté à mettre en place 174 injecteurs espacés de 5 m, 122 vents permettant le monitoring en temps réel et la libération du CO₂ résultant de l’oxydation de la contamination (157 m³ à 50 % H₂O₂ injectés) sur 6 mois de traitement en 3 phases avec un monitoring journalier. Les objectifs fixés ont été atteints : no NAPL, PID < 50 ppm. La pollution résiduelle et le panache ont été traités par voie biologique anaérobie (injection du substrat CAP18 (-ME)® huile végétale issue des graines de soja). Après vérification du bureau de contrôle par une campagne de sondages maillés, 94 % de la contamination PCE a été éliminée sur l’ensemble de la zone de traitement (3500 m²) sur les 2 niveaux de présence NAPL mesurés initialement.

La réduction chimique bénéficie de particules de fer de plus en plus fines

Les procédés chimiques par réduction sont de plus en plus préférés à l’oxydation dans leur application in situ, notamment du fait des nouvelles potentialités présentées par

[Photo : Sita Remediation a développé un traitement par injection de fer zéro valent : Biocatalyzer F. Cette réaction par oxydation du fer a pour avantage de transformer les polluants en produits non toxiques comme l’éthylène ou des chlorures pour des COVH courants par exemple.]

UCIE :

Un problème de pollution ?

Notre réseau d’experts indépendants a la solution !

L’UCIE (Union des Consultants et Ingénieurs en Environnement) représente et défend les intérêts de tous les professionnels qui œuvrent dans l’environnement, tous domaines confondus, y compris les experts et conseils indépendants, les entreprises de dépollution, les laboratoires d’analyses, les préleveurs et les foreurs.

[Photo : Thierry Blondel]

« La priorité de notre association est de renforcer et promouvoir notre réseau de professionnels : consultants, ingénieurs, techniciens et experts. Notre indépendance nous permet de conseiller les donneurs d’ordre au mieux de leurs intérêts ; nous ne tirons aucun avantage à défendre une méthode ou une technique plutôt qu’une autre », commente Thierry Blondel, président de l’UCIE.

Du conseil technique au conseil juridique et à l’expertise, de la caractérisation des milieux et à la dépollution lorsque nécessaire, l’UCIE intègre et représente l’ensemble des prestataires intervenant dans le vaste domaine de l’environnement, y compris la gestion des sites et sols pollués et des terres excavées.

UCIE : connaître et faire connaître les métiers et les prestations des différents domaines de l’environnement, en France et à l’international

Depuis sa création en 2003, l’UCIE organise régulièrement des conférences, des réunions-débats et des colloques en France, comme à l’international, afin de favoriser les échanges et les retours d’expériences entre professionnels de l’environnement. « La communication est notre cheval de bataille », poursuit Thierry Blondel. « Nous faisons également partie du comité scientifique d’INTERSOL, et nous participons activement, de longue date, à différents groupes de travail (Ministère de l’Écologie (MEDDE), AFNOR, ADEME…), afin de faire avancer en concertation les méthodologies relatives à nos métiers ».

Pour l’association, en effet, l’amélioration continue des pratiques et prestations des métiers de l’environnement doit être générée, et issue, d’échanges et de débats constructifs et contradictoires entre professionnels, afin de contribuer au final à l’amélioration continue de notre qualité de vie, tout simplement !

CONTACT

L’UCIE

Tél. 06 61 10 96 75

tblondel@cblondel.fr

www.ucie.org

Traiter les eaux souterraines par réduction chimique in situ

[Encart : texte : Il s'agit d'un site en activité qui est à l'origine d'une pollution des sols et des nappes par des composés organo-halogénés volatils (COHV) et des composés aromatiques volatils (CAV), résidus de tétrachlorométhane, principal composé à l’origine des impacts identifiés dans les sols et les eaux souterraines, de chloroforme, du dichlorométhane et du toluène. Il y a 1 à 2 m d'argiles limoneuses puis 4 à 5 m d’alluvions aquifères (niveau 2,4 m du sol ou 8,3 m NGF). La technique de traitement adoptée par Valgo a consisté à réaliser une barrière perméable réactive (BPR) perpendiculairement au sens d’écoulement des eaux souterraines à aval, et à injecter à une pression de 20-25 bars tous les 33 cm, sur toute la hauteur de l'aquifère, des composés réducteurs dans la nappe sous forme de boues constituées de fer zéro valent. Le carbone est consommé par les bactéries aérobies qui épuisent l'oxygène et contribuent à la chute du potentiel redox pour aboutir aux conditions de déchloration réductive. Deux séries d'injections ont été réalisées d'avril 2013 à mai 2014, puis une troisième en juillet 2014, portant le nombre de puits à 58. Les puits, de diamètre 6,2 cm et de rayon d’influence 2,5 m, étaient espacés de 4,5 m en quinconce. Les analyses de suivi ont été réalisées par le laboratoire Alcontrol.]

L'utilisation de fer micro et nanométrique.

Ce traitement consiste à mettre en contact le sol pollué avec un composé fortement réducteur comme le fer zéro valent. Cette méthode est utilisée depuis une vingtaine d'années pour traiter les solvants chlorés et les contaminations en métaux lourds ou en pesticides organochlorés solubles. En France, Soléo-Services a été précurseur sur le soil mixing avec injection de fer zéro valent pour le traitement des solvants chlorés avec son procédé MIXIS®-Red. La nouveauté réside aujourd’hui dans le fait d’utiliser des particules de fer de plus en plus fines. « Nous avons développé une gamme très serrée de fer zéro valent micrométrique injectable par forage, indique Boris Devic-Bassaget, directeur technique chez Sita Remédiation. Il est plus économique et persistant que le fer nanométrique même s’il n’est pas aussi réactif. De plus, nous n’en connaissons pas les effets sur la santé ». Ce fer permet de traiter des nappes très rapidement car le fer est lourd et ne se déplace pas. La réussite du traitement de nappes ou de sols repose sur un dimensionnement correct de la masse de fer nécessaire pour détruire le polluant et garantir la pérennité du traitement sur une durée suffisante (2 à 5 ans). « Il faut identifier le plus précisément possible le milieu à traiter (couches géologiques, granulométrie de sol pour le calcul de la taille des particules à injecter) ainsi que la géochimie de l'eau (nitrates, sulfates, oxygène) afin de définir la cinétique de la dégradation biologique et adapter la quantité de fer nécessaire, insiste Boris Devic-Bassaget. Par exemple, s'il y a une surconsommation d’oxygène qui provient de l'oxyde de fer du sol par les bactéries, on peut être amené à doubler les quantités ! Pour tous nos dossiers, nous faisons une modélisation hydrodynamique préalable et nous procédons à un recalage pendant le suivi pour valider les conditions limites et mieux appréhender l’évolution des panaches. Nous avons une labellisation là-dessus ».

Brézillon développe de son côté, en collaboration avec le BRGM, des systèmes de traitement des pollutions chlorées des nappes in situ par réduction chimique (projet Dechlored) basés sur l’injection de nanoparticules de fer zéro valent avec de l'hydrosulfite de sodium (dithionite) pour limiter les phénomènes de passivation du fer. « Le fer nanométrique est un réducteur très puissant car la surface de contact avec le polluant pour un même volume est beaucoup plus élevée, explique Patrick Epardeau. Cela permet la réduction des composés chlorés directement en chlorure et hydrogène-chlore, sans étape intermédiaire par le chlorure de vinyle, qui est dangereux et dont il peut rester des traces dans le sol. Les tests en laboratoire font état d’une performance de 80 % et nous effectuons actuellement un essai pilote grandeur nature sur 1000 m² pour tester différents dosages de dithionite et de nanofer ». Serpol a également mis au point un procédé de traitement des eaux et des sols (Naneau) reposant sur une suspension de fer zéro valent de taille nanométrique. L’innovation réside dans l’enrobage des nanoparticules qui améliore les rayons d’injection avec les appareils des sociétés tchèques Aquatest et Naroiron, sans perte de réactivité. Ce procédé est proposé pour le traitement de zones sources difficilement accessibles et pour une gamme large de polluants, les organochlorés mais aussi des pesticides, PCB, dioxine, TNT, chrome VI et arsenic notamment.

Injection ou sol mixing ?

Ces traitements sont possibles grâce aux nouvelles techniques d’injection de réactifs sous pression contrôlée que Sol Environment, entreprise de dépollution intégrée.

[Photo : GRC-Kallo (exportation France-Belgique) associe et combine les traitements et filières de recyclage, adaptés aux pollutions multiples.]
[Publicité : intersol'2015]
[Encart : Suite à la découverte d’une pollution des sols en zone non saturée par des solvants chlorés lors de la création de sous-sols, Soleo Services a mis en sécurité un bâtiment par un dispositif de confinement aéraulique des sols couplé à une dépollution dynamique par venting à terme. Cette solution permet d’assurer la sécurité d’usage du bâtiment tout en étant moins chère qu’une solution de type terrassement ou désorption thermique in situ.]

Dans le groupe Vinci, a adapté au secteur de la dépollution il y a deux ans. « L’injection présente l’avantage de ne pas déstructurer le sol et d’atteindre des profondeurs de 40 m, explique Jean-Daniel Vilomet, directeur de Sol Environment. Mais le sol doit être injectable, c’est-à-dire qu’il doit être poreux et régulier. On peut injecter des particules de fer de 10 microns jusqu’aux sables fins (10-5 m/s). Si c’est un mille-feuille avec une alternance de zones perméables et imperméables, il faudra forcer mécaniquement le mélange pour créer un contact suffisant entre le sol et le réactif et on ne descendra pas à plus de 20 m. » Sol Environment dispose de procédés de soil mixing hérités des fondations spéciales, avec des machines spéciales qui sont introduites dans le sol et entrent en rotation en se dépliant pour mélanger le terrain avec le réactif. L’entreprise a développé trois gammes d’outils selon les caractéristiques du sol et du chantier. Le Springsol, utilisé depuis trois ans, se déploie en parapluie à la profondeur souhaitée ; la tarière, un engin de 80 t, malaxe sur l’ensemble de la colonne de sol jusqu’à la profondeur voulue (1 m de diamètre max) ; et le Transmix (45 t) permet de couvrir de grandes surfaces en labourant sur 2,50 m de large et jusqu’à 10 m de profondeur. « Nos innovations concernent principalement la création d’outils qui améliorent le mélange du sol en fonction des besoins, indique Jean-Daniel Vilomet. Par exemple, nous travaillons sur un outil à couple élevé, capable de malaxer des terres très serrées et dures, sur des aquifères glaciaires avec des galets de 60 cm de diamètre. Cette machine fera 100 t. »

L’association de plusieurs techniques est bien souvent le meilleur moyen de traiter les différentes zones polluées d’un site et de réduire les coûts globaux de l’opération. Le plus souvent, il s’agit de traiter la source et la pollution résiduelle différemment, mais l’association ou la combinaison des techniques est également nécessaire pour s’adapter aux contraintes du chantier. Sol Environment a associé plusieurs techniques, à Soissons en 2014, sur un site contaminé par des composés chlorés (notamment PCE 110 mg/l et TCE 65 mg/l) et entouré de cours d’eau et d’un aquifère profond (30 m). Après excavation des zones sources sur une profondeur de 2,5 m, un puits a été installé dans la nappe pour créer un sens d’écoulement artificiel permettant de pomper et traiter les eaux polluées. Un traitement par réduction in situ a été réalisé par injection sous pression de fer zéro valent et d’une source de carbone pour la bio-stimulation. Ce mélange a été injecté par des tubes à manchette qui présentent des ouvertures tous les 33 cm et la possibilité de sélectionner le niveau auquel on veut injecter, la pression et le débit. Quatre-vingt-deux forages de 30 m de profondeur ont été nécessaires et ont permis l’injection de 408 m³ de produit pour un objectif de 80 % d’abattement. Une barrière perméable réactive a été également établie en limite de propriété à l’aval hydraulique de la zone et a nécessité la création de quinze colonnes de réactifs, l’injection de 46 m³ de produit et des outils de malaxage pour travailler entre 6 et 30 m de profondeur.

Traiter des cocktails de polluants

Associer des technologies permet également de répondre à d’autres problématiques. « Nous sommes de plus en plus souvent amenés à traiter des mélanges de substances dont les interactions ne sont pas toujours connues, souligne Christophe Chêne, directeur technique chez Soléo Services. Il s’agit alors d’être en mesure d’associer des technologies bien maîtrisées, en parallèle ou l’une après l’autre, afin d’obtenir les résultats escomptés. Cela nécès-

[Photo : Forage à la tête sonique et mise en place des tubes à manchette pour injection.]
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[Photo: Soléo-Services a développé sa propre technologie de désorption thermique in-situ et a réalisé, avec succès, un essai pilote terrain en 2014 pour traiter des sols contaminés par un mélange de solvants chlorés et d’huiles lourdes. L'entreprise mènera en 2015 un chantier grandeur nature avec 258 aiguilles chauffantes pour traiter 2000 m² d’ateliers.]

site de multiples compétences en interne, des améliorations techniques et de l’expertise sur les associations possibles ». La démarche consiste souvent à abaisser par une méthode chimique le niveau de concentration des polluants de sorte que les processus biologiques puissent prendre le relais. Il est ainsi possible de coupler une oxydation chimique avec un traitement biologique aérobie ou une réduction chimique avec un traitement biologique anaérobie, le tout éventuellement associé à un peu de venting. Ces technologies sont connues, mais il faut être capable d’adapter les procédés et le choix des réactifs à des polluants et mélanges de polluants nouveaux, en combinaison avec des mélanges de sols. Elles sont mises en œuvre in situ par Arcadis, Biobasic ou hors sites par Biogénie, GRC-Kallo, Ikos, GRS Valtech, Envisan, Ortec, Euremtech ou Sita Remediation.

Soléo Services a développé de nombreux tests en laboratoires, aujourd’hui au catalogue, permettant d’évaluer l’adéquation des techniques et des combinaisons de techniques aux besoins spécifiques des clients et de dimensionner les chantiers. « Nous concevons le protocole de test en partant de ce qui peut être mis en œuvre sur le terrain et non l’inverse, précise Christophe Chêne. De ce fait, les solutions que nous proposons sont économiquement viables et réalisables. C’est important car les clients demandent de plus en plus de garanties sur les résultats ». Récemment, l’entreprise a complété cette panoplie en mettant au point un essai pilote de désorption thermique en laboratoire qui permet d’avoir toutes les données du sol (capacité thermique, conductivité thermique...) et être capable d’évaluer l’efficacité d’un chauffage de sol sur l’extraction des polluants et faire un bilan massique complet de la part extraite (gaz et phase aqueuse) et de la part absorbée par le sol. Ce test en colonne permet de simuler ce qui se passe sur le terrain avant d’entamer un essai pilote sur le terrain qui validera la technologie avant de la déployer in situ grandeur nature.

Sita Remédiation, par exemple, a associé un traitement biologique et du fer zéro valent pour traiter les eaux souterraines d'un site toulousain polluées par des composés chlorés (TCE, PCE, et TCA). Les zones sources ont été réduites par une dégradation anaérobie stimulée par 62 forages d’injection d'un substrat carboné (22 t de mélasse diluée et 25 t d’huiles végétales) et le panache par une barrière de réduction chimique constituée de 50 forages dans lesquels ont été injectés 3,5 t de coulis de fer zéro de granulométrie 80 et 15 µm. Cette solution a permis d’abattre les teneurs en TCA, PCE et TCE de plus de 95 % en 18 mois.

La voie sulfato-réductrice pour le traitement de pollutions mixtes

Sita Remédiation a développé une méthode originale de dégradation biologique s’appuyant sur l’activité de bactéries sulfato-réductrices, naturellement présentes dans les sols en condition d’anaérobie et de faible potentiel Redox. Associée à la déchloration en aérobiose, cette solution permet en particulier de traiter simultanément les solvants chlorés et les aromatiques (BTEX) qui se trouvent fréquemment associés mais dont les conditions de dépollution sont incompatibles. Les BTEX sont traités assez facilement par voie aérobie, mais les pollutions chlorées se traitent

[Photo: En présence de composés organiques volatils (COV) dans les sols, leur transfert vers l’air et les concentrations induites dans l’air constituent une part significative de l'impact du passif environnemental du site. Le projet FLUXOBAT fournit les outils et méthodes pour diagnostiquer les sites construits ou à construire et modéliser les impacts.]
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[Encart : texte : L'objectif d'un échantillonnage est d'être le plus représentatif possible du milieu qu'il est censé représenter. La qualité de cette phase est capitale car elle conditionne un grand nombre de décisions et constitue la base d'actions importantes et coûteuses. La géostatistique fournit les outils et les résultats nécessaires à une rationalisation rigoureuse et systématique de programmes d'échantillonnage.]

en milieu réduit et anaérobie. « En apportant le carbone et les sulfates nécessaires au bon développement des bactéries sulfato-réductrices dans le sol ou la nappe, ces dernières consomment les sulfates pour en tirer de l'oxygène, et cet oxygène permet de dégrader les aromatiques, explique Boris Devic-Bassaget. C’est une solution douce (pas d’ajout de produits toxiques), naturelle, peu regardante quant à la qualité du sol et très économique ».

Sa mise en œuvre nécessite néanmoins une étude de faisabilité en pilote d’environ trois mois qui comprend le traçage de génome par hybridation pour identifier les populations de bactéries présentes et leur quantité, certains sites, comme les nappes alpines, n’en hébergeant pas. Il faut compter un à trois ans pour le traitement sur le terrain. La technologie convient bien pour les interventions sur des sites en activité car les forages sont de petits diamètres et espacés d’environ 5 m, ce qui permet de ne pas toucher aux réseaux électriques qui passent sous le bâtiment par exemple.

La voie sulfato-réductrice a été utilisée par cette entreprise à la suite d'une biostimulation anaérobie pour traiter les eaux souterraines polluées par les composés volatils (BTEX) et des composés chlorés de type tétrachloroéthylène émanant d’un ancien site de stockage et de conditionnement dans le Nord-Pas-de-Calais. Les tests en laboratoire ont permis de choisir une micro-émulsion mixte lactate/huile végétale comme source de carbone pour les bactéries déchlorantes et une supplémentation en sulfate pour accélérer la dégradation des BTEX par sulfato-réduction. Au bout de 30 mois de traitement, un abattement de plus de 97 % des teneurs en composés chlorés, TCA, TCE et PCE, et de 82 % des BTEX a été constaté.

Associer une valorisation aux traitements

Une autre évolution dans le secteur de la dépollution des sols et des nappes consiste à associer aux traitements sur site une réutilisation des matériaux, offrant ainsi à la fois un débouché pour les sols déstructurés issus des procédés et des économies substantielles sur la gestion du chantier.

Par exemple, Brézillon utilise depuis dix ans pour les polluants volatils (BTEX, chlorés, phtalène, …) la technique Terrastrip qui peut s’effectuer sur site dans une petite installation de 500 m² avec tapis et malaxeur double hélice dans un réacteur fermé. La technique consiste à mettre en œuvre un stripage par malaxage du matériau dans un flux d’air puissant qui récupère le polluant. « Lorsque la matrice est limoneuse ou argileuse il est nécessaire de la déstructurer en ajoutant de la chaux, indique Patrick Epardeau. Dans ce cas, la vie bactérienne est compromise et il est préférable de combiner la technologie avec une valorisation de type sous-couche routière en ajoutant un liant hydraulique par exemple ».

L’entreprise a adopté la même approche sur un chantier de dépollution de friche industrielle à Conflans-Sainte-Honorine en 2014 qui combinait lavage et dégradation thermique. La présence de mercure dans la matrice sablonneuse rendait indispensable le lavage par malaxage avec de l'eau, validée par une étude préalable de granulométrie et un essai pilote, puis passage sur différents tamis pour la séparation. Le nettoyage du sable a été terminé par hydrocyclone attrition qui, en choquant les grains les uns contre les autres, enlèvent les

[Photo : Sur le chantier de Conflans-Sainte-Honorine, Brézillon a séparé, lavé et réutilisé la fraction sableuse du sol sur le chantier pour la pose des canalisations.]
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Fines particules et métal restant sont emportés avec l’eau puis traitée, filtrée, décantée et stabilisée. « L’originalité du chantier est d’avoir récupéré la matrice sablonneuse sur le chantier pour la pose de canalisations, souligne Patrick Epardeau. C’est bien moins onéreux que l’incinération et les matériaux peuvent être réutilisés sur place. Ce type de solution commence à se mettre en place et devrait prendre plus d’importance à l’avenir. » À un degré moindre, les techniques consistant à stabiliser les métaux en les faisant réagir avec des produits au cours d’un malaxage intensif permettent également de les valoriser sur le site ou bien de les déclasser en déchets non dangereux, ce qui réduit les coûts de décharge. Ces procédés sont toutefois difficiles à maîtriser ; la stabilisation de l’arsenic, par exemple, peut déstabiliser d’autres éléments comme l’antimoine.

Les traitements longs peuvent être intégrés dans un projet

La durée des traitements plus classiques (venting, bioventing, biologie pour les eaux souterraines) se chiffre en années et leur valeur réside dans la manière dont ils sont utilisés pour répondre aux difficultés spécifiques d’un chantier. Une approche innovante a été proposée par Soléo Services sur un chantier de construction situé en région parisienne et mis à l’arrêt suite à la découverte, lors de la création des sous-sols, d’une pollution par des solvants chlorés s’étendant à plus de 10 m de profondeur. Ce type de pollution gazeuse (BTEX, solvants chlorés) pose en effet des problèmes sanitaires car elle est susceptible de traverser les dalles en béton et de remonter dans les bâtiments.

La solution adoptée a été d’intégrer, dans les fondations du bâtiment en construction, un réseau dense d’aiguilles de venting (24 unités) et un réseau d’extraction des gaz du sol ainsi qu’une unité d’extraction et de traitement des gaz pilotée par un automate. L’extraction des gaz met le sol en dépression, dirigeant les flux d’air du bâtiment vers le sol, mettant ainsi le bâtiment en sécurité, tout en dépolluant le sol petit à petit en trois ans maximum. Le confinement aéraulique peut être maintenu si nécessaire. « Non seulement cette solution est moins onéreuse que le terrassement ou la désorption thermique in situ et permet d’aménager le terrain tout en le dépolluant, mais son bilan environnemental est meilleur et les coûts sont étalés dans le temps », résume Christophe Chêne.

Bien caractériser les sources de pollution : la clé d’un bon dimensionnement

« La dépollution in situ ne supporte pas la demi-mesure concernant la connaissance du milieu et de la contamination intimement liée : la vérité est cachée dans les détails, la dépollution in situ n’est que détail », martèle Guillaume Garcia, responsable Euremtech France & Suisse.

« La cartographie donne une meilleure vision de la localisation des polluants dans les sols, mais on n’est pas à l’abri d’imprévus, souligne de son côté Patrick Epardeau, directeur technique chez Brézillon. On peut être passé, au cours de l’échantillonnage, à côté de petites zones de pollution éparpillées qui génèrent des perturbations à 15 ou 20 m de là. Parfois, il n’y a que peu ou pas de pollution au niveau du sol mais l’analyse des gaz contredit ce résultat car la matrice granuleuse permet un transit de l’air et crée un risque en dégazant petit à petit dans l’air et dans l’eau. Il est nécessaire dans tous les cas de demander des analyses complémentaires sur la base du diagnostic vendeur, notamment à l’emplacement des futurs bâtiments. Ces études sont aujourd’hui en partie financées par l’Ademe. »

Cette préoccupation est renforcée par les travaux conduits dans le cadre du projet FLUXOBAT, coordonnés par Burgeap, sur les transferts des composés organiques volatils de la zone non saturée jusqu’à l’air extérieur et l’air intérieur des bâtiments. « Ce projet de recherche a mis en évidence la très grande variabilité spatio-temporelle des mesures de solvants chlorés, résume Jean-Marie Côme. Plusieurs ordres de grandeur peuvent exister à l’échelle de la semaine ! Plusieurs campagnes de mesures doivent donc être menées pour évaluer les risques sanitaires et les caractéristiques du sol doivent être prises en compte. Connaître l’incertitude et la variabilité spatio-temporelle de la mesure devrait changer la manière de conduire une étude. »

La variabilité des émanations toxiques n’est pas seule en cause dans la difficulté à caractériser les sources de pollution. Les mesures et leur interprétation posent également des problèmes lorsque les polluants en cause sont volatils. « On s’est rendu compte qu’un verrou dans le traitement des sites est lié à une mauvaise caractérisation des sources de pollution qui concerne aussi bien le prélèvement d’échantillons que l’interprétation des résultats d’analyse et les calculs de dimensionnement, explique Jean-Marie Côme, directeur R&D chez Burgeap. Cela entraîne des études d’impact, de risques sanitaires ou de dimensionnement des travaux de dépollution non satisfaisants. » Ces questions ont été adressées dans le cadre du projet MACAOH, cofinancé par l’Ademe, réunissant des laboratoires de recherche (IFP, IMFS, IMFT), une société d’ingénierie (Burgeap) et un industriel.

Le premier problème est la perte des polluants due aux méthodes non conservatives de prélèvement : classiquement, de 200 à 500 g de sol sont extraits avec une tarière et envoyés au laboratoire qui en prélèvera quelques grammes qui seront ensuite introduits dans du méthanol, l’extrait méthanolique étant ensuite dilué un certain nombre de fois en fonction de la concentration en polluants. « Lorsque l’on procède ainsi avec des polluants volatils (solvants chlorés, BTEX…), on peut perdre jusqu’à 99,9 % du polluant au cours de l’échantillonnage et au laboratoire ! s’exclame Jean-Marie Côme. C’est ainsi que les concentrations en polluants mesurées avec le protocole classique (pot brut de sols) sont généralement de l’ordre de quelques mg/kg, alors qu’en adoptant le protocole MACAOH qui permet de limiter au mieux les pertes par volatilisation, on passe couramment à quelques dizaines de g/kg. Les teneurs sont ainsi multipliées par un facteur mille ! »

La stratégie mise en place pour limiter les pertes par volatilisation consiste notamment à réaliser des carottages sous gaine, puis à réaliser sur le terrain un screening à l’aide d’un PID. L’échantillon est ensuite prélevé sur le terrain à l’aide d’un emporte-pièce et placé dans un flacon contenant du méthanol afin de stopper la volatilisation.

« L’interprétation des analyses de sols est également délicate et nous a conduit »

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[Photo : Estimation tri-dimensionnelle de teneurs en hydrocarbures totaux, à partir de sondages, au droit d'un ancien dépôt pétrolier (Geovariances).]

À mettre au point un logiciel basé sur des travaux américains, OREOS qui permet, à partir de la concentration en polluants organiques dans les sols fournie par le laboratoire d'analyse, de distinguer les parts absorbées, en phase liquide, en phase gazeuse et en phase organique », détaille Jean-Marie Céme. La quantité de polluant en phase organique est en effet une information capitale pour les pollutions non miscibles à l'eau (solvants chlorés, hydrocarbures pétroliers, …) car leur absence, par exemple, signifie que le sol sera vite dépollué naturellement. Le logiciel permet également de déterminer si cette phase organique est mobile ou immobile et de choisir le mode de traitement en conséquence : mobile, on peut pomper la phase organique ; immobile, il est nécessaire de prévoir d'autres techniques, comme par exemple l’oxydation chimique ou une biodégradation.

Enfin, des outils géostatistiques permettent d'interpréter les données de concentration pour évaluer le volume de la zone source. Les deux principaux logiciels disponibles en France sont proposés par Geovariances (Logiciel Kartotrak, développé en partenariat avec le CEA et commercialisé depuis 2010 avec des références sur plus de 150 sites industriels en France et à l'étranger) et Kidova (SoilRemediation Suite, liée au modeleur géologique GOCAD® et entièrement dédiée aux données environnementales). Les approches géostatistiques, qui ont été initialement développées pour l’estimation des ressources minières, sont de plus en plus fréquemment appliquées aux problématiques de la dépollution qui présentent de nombreuses similitudes méthodologiques. Elles permettent notamment de contrôler la qualité des données, d’optimiser les investigations et de quantifier les incertitudes liées à l’interpolation des données ponctuelles. Ces outils servent surtout aujourd'hui à quantifier une zone source et sont utilisés par exemple pour calculer les cubatures de sol à excaver et les incertitudes associées. Dans ce contexte, Geovariances et eOde mènent actuellement, pour l'association RECORD, un projet proposant, à partir de plus de 25 cas réels, un retour d’expérience sur la cohérence entre les prédictions de volumes de sols ou de masses de polluants et les résultats de dépollution. « CubicM, un logiciel de modélisation qui simule les écoulements triphasiques (phase organique, eau, gaz), le transport de masse avec l'ensemble des termes d’échange entre phases (dissolution, volatilisation, sorption) en équilibre et non-équilibre local, ainsi que différentes cinétiques de dégradation pour l'eau et la phase organique », souligne Jean-Marie Céme. On relève la lithologie par des carottages, des analyses granulométriques et procédons à une évaluation de la porosité en labo ; pour les cinétiques d'échange, on capitalise sur les retours d’expériences et on calcule les coefficients d'échange en confrontant les concentrations dans les sols avec les concentrations dans l'eau et en phase gazeuse ».

Là encore, les stratégies d’échantillonnage dans l’eau ou le gaz sont essentielles et les moyens de mesure par prélèvement moyen dans un piézomètre ne sont pas toujours suffisants pour répondre à l'objectif de l'étude. « Nous sommes en train de déve-

[Photo : Utilisation de SoilRemediation® développé par Kidova pour délimiter par une approche usuelle non probabiliste (fig. haut) et géostatistique (fig. bas) une zone source de pollution constituée des sols où les polluants (des organochlorés) forment une phase liquide non aqueuse. Voir Mathieu et al., 3èmes Rencontres de la recherche sur les SSP, ADEME, Paris, nov. 2014.]

Développer, au sein d’un projet cofinancé par l'ADEME et qui doit se terminer courant 2015, un préleveur d'eau multi-niveaux statique qui permet de ne pas pomper l'eau dans chaque compartiment mais d'ouvrir chaque compartiment par une commande actionnée de la surface, la fermer lorsque la chambre est remplie et la vidanger pour analyse », dévoile Jean-Marie Come.

L'estimation des concentrations à partir des campagnes de mesures constitue l'un des points-clé de la qualité d'un dimensionnement d'une pollution dans les sols. C'est dans ce sens qu'Envisol propose à ses clients l'utilisation de la géostatistique afin de modéliser les contaminations et d'affiner les volumes de terres polluées pour une meilleure gestion des travaux de dépollution. Néanmoins, lorsque les concentrations en polluants sont fortement contrastées ou s'étendent sur plusieurs ordres de grandeur, l'estimation géostatistique devient délicate. Le projet de recherche Contrasol, lauréat de l'appel à projet Gésipol par l'Ademe, en collaboration entre Armines et Envisol, vise à l'acquisition de nouvelles connaissances en modélisation et à l'innovation dans les méthodes d'estimation géostatistiques en sites et sols pollués.

À noter que l'UPDS a publié en décembre 2014 un guide de définition de la pollution concentrée qui comporte, outre une définition de la pollution concentrée, une présentation synthétique de méthodes permettant de dépouiller les données et de mettre en évidence la localisation/caractéristiques de ces pollutions.

Vers une meilleure intégration de la problématique dépollution dans les projets urbains ?

La prestation d'assistance à maîtrise d'ouvrage (AMO) telle qu'elle est pratiquée par des experts tels Burgeap, le Cabinet Conseil Blondel, Hub Environnement, Néoprisme, Envisol ou Cap Air est plus particulièrement destinée aux donneurs d'ordre ne disposant pas de connaissances spécifiques dans le domaine des sites et sols pollués. Elle a pour mission de les aider à concevoir ou définir leurs projets puis à en suivre la réalisation, en ayant connaissance de l'état des sols le plus en amont possible.

[Photo : Dans le cadre de l'assainissement du site de l'ancienne usine à gaz à Genève, Züblin Umwelttechnik a mis en place une installation d'injection de vapeur afin d'extraire une phase lourde goudronneuse accumulée au fond de l'aquifère.]

Chez les professionnels de la dépollution, on déplore de façon unanime le manque de vision et de coordination avec les constructeurs et aménageurs qui ne permet pas d'optimiser les solutions proposées. « Pour l'industriel dont le site est en activité, il est possible de chercher la meilleure solution au meilleur coût, observe-t-on chez Soléo Services. Mais quand il s'agit des aménageurs, les fonds font défaut pour étudier les problèmes à l'avance et, une fois que les premiers appartements sont vendus, il faut faire très vite, même à coût élevé. »

« Comment travailler en amont est une vraie question, confirme-t-on chez Brézillon. Il est exceptionnel de discuter l'aménagement afin d'adapter le projet au profil des pollutions et de diminuer les coûts, explique Patrick Epardeau, directeur technique. Une amélioration substantielle consisterait à pouvoir mutualiser le diagnostic et le traitement de sources sur l'ensemble du site et non lot par lot afin d'amortir les coûts du matériel lourd. C'est une idée qui fait son chemin. »

Renforcer le lien entre la gestion des sites pollués et l'aménagement urbain est un autre sujet sur lequel Burgeap travaille également. L'entreprise développe sur ce sujet un outil, ÉquitéE, destiné à faire le lien entre les enjeux énergie-climat et l'aménagement urbain, tout en prenant progressivement en compte les préoccupations environnementales dont celles concernant la gestion des sites pollués. Ce logiciel géodécisionnel permet à la fois une analyse territoriale et la simulation prospective, permettant par exemple d'évaluer l'impact de différents choix de gestion d'un site pollué avec une approche globale multi-critères et multi-échelles.

ICF Environnement vient de terminer la dépollution d'une ZAC de 8 ha en milieu urbain (petite couronne parisienne). La dépollution a été réalisée pendant le temps de l'aménagement (réalisation du plan d'urbanisme, changement du PLU, dépôts des permis de construire).

Plusieurs techniques ont été mises en œuvre afin de livrer aux promoteurs un terrain délivré de toute contrainte liée à la pollution. Les traitements in situ/sur site ont été privilégiés afin de réduire l'empreinte environnementale et favoriser les réutilisations sur site. Traitement des solvants chlorés par Venting sur 2 ha, traitement du chrome VI par réduction sur site dans les bâtiments industriels encore présents, traitement de la nappe par oxydation chimique pour les COVH, pompage-écrémage pour les hydrocarbures, tri, excavation, traitement par biodégradation et par lavage avec valorisation des fractions de 40 000 m³ de terres polluées par des huiles.

Lavage, rabotage, tri et concassage de 45 000 t de bétons. Au total, plus de 150 000 m³ de terres auront été traités par plusieurs techniques et dans un délai inférieur à 4 ans ; les bétons ont été valorisés sur site et hors site. Le terrain a été livré en temps et en heure aux premiers promoteurs, soit trois ans après l'achat du terrain.

Dans ce cas, l'aménageur a intégré l'économie réalisable par anticipation de la dépollution qui se chiffre à plus de 60 % par rapport au tout excavation, sans compter des relations sereines avec les promoteurs, un bilan carbone intéressant et des nuisances réduites au minimum pour les riverains.

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