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Friches industrielles : bien préparer les opérations de dépollution

02 juin 2020 Paru dans le N°432 à la page 41 ( mots)
Rédigé par : Patrick PHILIPON

Les bureaux d’études et entreprises techniques préconisent et utilisent des techniques bien rôdées de dépollution des sols et nappes pollués. L’amélioration des résultats passe surtout par une préparation moins empirique des chantiers. C’est actuellement dans ce domaine que porte l’innovation.

Pompage, oxydo-réduction, bioremédiation, venting, désorption thermique : les technologies de dépollution des sols et nappes polluées semblent pour la plupart bien établies désormais. Même si certaines, un peu délaissées, retrouvent une actualité grâce à des développements en amont, et que de nouvelles apparaissent. 
Les pays anciennement industrialisés comme la France regorgent de friches. Les connaît-on vraiment toutes ? Est-il toujours pertinent de les dépolluer ?

Quoi qu’il en soit, c’est avant les opérations de dépollution elles-mêmes que se joue, de plus en plus, la réussite d’un chantier. Autrement dit, lors des phases d’études historiques, de schéma conceptuel, de diagnostic, puis d’établissement d’un plan de gestion et enfin d’un plan de conception des travaux (PCT), devenu obligatoire en 2017. Il n’est pas étonnant, dans ces conditions, que l’effort de R&D, et les innovations qui en résultent, portent actuellement surtout sur ces phases. Avec toujours la même contrainte : le sol est bien souvent un milieu hétérogène et opaque, et chaque chantier recèle son lot de surprises. Dès lors, que signifie dépolluer un sol ou une nappe ? Comment mieux localiser la pollution et connaître ses éventuels mouvements ? Quelles sont les méthodes les plus pertinentes sur ce site précis ? Avec quels objectifs en termes de réduction de la pollution ? Et même, bien auparavant, quels sites dépolluer et pour quoi faire ? De plus en plus d’outils d’aide à la décision, numériques ou non, apparaissent ou sont en cours de développement.

Dépolluer à bon escient

Les pays anciennement industrialisés comme la France regorgent de friches. Les connaît-on vraiment toutes ? Est-il toujours pertinent de les dépolluer ? C’est le premier type de question que la profession, et surtout les commanditaires, peut se poser. Axelera, le pôle de compétitivité Chimie-environnement de la Région Auvergne-Rhône-Alpes (AURA), a ainsi labellisé le projet PFSP. Tesora, bureau d’études spécialisé en réhabilitation des sites et sols pollués, et porteur du projet, s’est allié à Modaal (un cabinet de conseil en immobilier, foncier et aménagement), au laboratoire Environnement-Ville-Société du CNRS, spécialisé en géographie numérique (UMR 5600, Lyon-Saint-Etienne) et à Saint-Etienne Métropole. Financé par la région AURA dans le cadre de son appel à projet R&D Booster, le programme vise à développer une plateforme numérique complète pour le pilotage des friches et sols pollués. « Tout part d’un besoin exprimé par les maîtres d’ouvrage, qui ne disposent pas d’outils pour centraliser, stocker et “faire parler” les données de toutes natures (historiques, économiques, techniques ...) relatives aux sites à réhabiliter. La plateforme devra leur fournir des indicateurs sur les potentialités de reconversion en fonction de l’entourage économique et foncier et des contraintes techniques et environnementales » explique Benjamin Pauget, responsable R&D de Tesora.

Fonctionnant à l'échelle d'un site ou d'un quartier pour rassembler les données disponibles sur les friches connues, l'outil pourra également identifier sur un territoire plus vaste des friches non répertoriées, à partir d'imagerie satellitaire ou cartographique. « Le laboratoire EVS va travailler sur cet aspect et définir des indicateurs permettant de repérer les sites en friches sur un territoire », précise Benjamin Pauget. Saint Etienne Métropole met à disposition les friches issues de son passé industriel, qui serviront de terrain d'expérimentation pour ce projet qui vient de débuter. « Dans deux ans, nous disposerons d’un pilote opérationnel qu’il faudra encore finaliser pour en faire un produit applicable partout. Tesora et Modaal en seront propriétaires, et commercialiseront l’accès à l’outil sous forme de Saas », prévoit Benjamin Pauget.

Modélisation du site et de la pollution

La capacité à modéliser le site et sa pollution, et faire “tourner” différents scenarios d’intervention, est de plus en plus la condition sine qua non d’une opération réussie. Le BIM (bâtiments et informations modélisés) devient en particulier un outil numérique en voie de généralisation. De nombreux acteurs de la dépollution des sols comme Brezillon, GRS Valtech, Remea, Züblin ou Suez Remédiation y recourent. Colas Environnement en a déployé un sur le site de la Société de Raffinerie de Dunkerque. « Ce modèle permet d’intégrer des éléments du sous-sol concernant la dépollution, avec une cartographie de la répartition. Notre BIM a été primé en 2018 par Le Moniteur et les Cahiers techniques du bâtiment. Depuis, nous avons mis en place un pilote de longue durée (6 mois) afin de déterminer les concentrations extraites et choisir les modes de traitement à mettre en place » précise Jérôme Rheinbold, Directeur de Colas Environnement.
Hydro GeoAnalyst de SDEC France est une solution de gestion des projets tout en un qui permet de stocker, importer et exporter facilement les informations relatives à un puit, d’avoir des visualisations 2D et 3D (carte, coupe, log) automatiquement mises à jour en fonction de l’évolution de la base de données et d’éditer des rapports facilement.

En juillet 2019, SDEC France, fabricants d’outils de diagnostic et de monitoring des milieux naturels, pollués ou non, mettait pour sa part sur le marché la dernière version ModFlowFlex, son logiciel de modélisation 3D et de simulation des écoulements et du transport dans les eaux souterraines. « Destiné aux bureaux d’études, collectivités et organismes publics, il permet de tester des scenarios pour mieux gérer la ressource, en quantité comme en qualité », explique Leïla Benkafouf, chargée de communication et marketing chez SDEC France. La société distribue également Hydro GeoAnalyst, un logiciel “tout en un” de gestion de projets hydrogéologiques, qu’il s’agisse de dépollution ou autres. Ce logiciel de traitement des données environnementales (données de forage, données géologiques, données niveau d’eau, données qualité des eaux, ...) intègre une suite complète d’outils d’analyse, de visualisation et de rapport. Il donne également accès à une base de données puissante et flexible. Pour le diagnostic sur site de la pollution volatile, SDEC France propose depuis peu des détecteurs portables de gaz, G888 et G999

Depuis avril 2019, Colas Environnement propose de réaliser des tests de traitabilité au sein de son laboratoire d’essais de Miribel-Les-Echets (01) dans le but précis de répondre aux mieux aux attentes clients en phase d’étude de conception
et de réalisation.

L’apport des outils de modélisation a largement été démontré par des acteurs tels que Envisol qui recoure à la géostatistique pour cartographier et dimensionner la pollution, Burgeap, Ixsane, ou encore Antea Group au Stade de France.

Sur la ZAC de Châteaucreux, à proximité de la gare de Saint-Étienne, le traitement des terres polluées de l’îlot Stronglight est réalisé “on site”, par technique de désorption thermique à grande échelle pour permettre la reconversion d’un ancien site industriel en zone résidentielle et espaces verts. Réalisation Valgo.

« Les grands projets d’aménagement ou d’infrastructure génèrent un volume de données environnementales sans commune mesure avec ce que les sociétés d’ingénierie avaient à traiter précédemment. Que cela soit pour les projets du Grand Paris, du Canal Seine Nord Europe ou pour tous les grands projets de création de nouveaux quartiers urbains, en Ile de France comme en région, ce sont des centaines de sondages, de milliers d’échantillons et de centaines de milliers d’analyses qu’il nous faut suivre et dont il faut compiler et fiabiliser les données et les interpréter. Ce constat nous amène à inclure de plus en plus dans nos process des outils de data management, adaptés au contexte français de la gestion des pollutions et de la revalorisation des terres excavées et matériaux de construction. Totalement intégrés, du terrain au client, ils nous permettent ainsi de gérer toutes les données historiques d’un terrain, ainsi que celles acquises pour un projet, pour en tirer le meilleur » explique, Yves Guelorget, Directeur Technique à la direction environnement d’Antea Group.

Un bon exemple de l’intérêt d’une modélisation pertinente : l’expérience de Valgo sur son site de Petit Couronne, une ancienne raffinerie rachetée en 2014. Un modèle de la nappe d’hydrocarbures, fourni par un bureau d’études à partir de données piézométriques, existait déjà. Réalisé selon les règles de l’art de l’époque, il suggérait l’existence d’une nappe d’hydrocarbures de 60 à 80 centimètres d’épaisseur sur les 25 hectares du site ! « Nous avons fait des diagnostics complémentaires, ne serait-ce que pour distinguer les zones polluées aux huiles, aux bitumes ou aux essences, qui exigent des techniques de traitement différentes. 

Brownfields Environnement a sollicité Soléo Services pour la réhabilitation d’un site impacté par hydrocarbures, COHV et métaux. Les travaux ont consisté à la démolition et au désamiantage de l’ensemble des bâtiments, au suivi des terrassements puis élimination des terres sur plusieurs filières (Biocentre, ISDI, ISDI+), au surcreusement au niveau des zones de pollution concentrées pour évacuation des zones sources et à l’aménagement des sous-couches des espaces publics entre chaque bâtiment.

Or, les cartes différaient avec le temps, des comportement erratiques apparaissaient », se souvient Laurent Thannberger, directeur scientifique chez Valgo. L’explication est venue d’une intuition. L’impact biquotidien de la marée sur les niveaux de nappe de ce site proche de la mer n’était pas une surprise, mais ne suffisait pas à expliquer les variations relevées dans les piézomètres. « En laissant, pour les besoins d’une thèse, des piézomètres en place durant plusieurs semaines, ce qui se fait rarement, nous avons vu apparaître une oscillation sur un cycle de quatre semaines. Nous avons alors compris que les niveaux hauts sont calés sur les coefficients de marée » explique Laurent Thannberger. Le phénomène a été vérifié dans toute l'emprise du site, et même au-delà grâce aux marégraphes de la Seine. L'observation a aussi démontré une quasi-absence de mouvements horizontaux des polluants dans le sol. Une modélisation totalement différente de la première, impliquant une manière nouvelle d'aborder les travaux, a donc été présentée à la DREAL qui l'a approuvée.

Tester, sur place ou au laboratoire

« Depuis l’obligation du PCT, de plus en plus de sociétés réalisent ou font réaliser des essais de dépollution en laboratoire. Cela débouche ensuite sur des essais pilotes qui apportent des informations complémentaires », affirme Jérôme Rheinbold. Un boom que confirme Laurent Thannberger : « nous faisons face à une recrudescence des demandes d’essais, soit directement sur le terrain, soit en laboratoire. Avec la formalisation du PCT en 2017, c’est devenu un outil récurrent, au point que nous avons dû recruter pour répondre à la demande ». Colas Environnement a finalement ouvert, en avril 2019, son propre laboratoire d'essais à Miribel-les-Echets (Ain) pour réaliser des tests de “traitabilité” à partir d'échantillons de sol ou eau du site à dépolluer. Les essais réalisables couvrent toute la gamme des techniques de dépollution possibles : demande du sol en oxydants (DSO), oxydation et réduction chimiques, biodégradation aérobie en anaérobie, évaluation de saturation du charbon actif, “respirométrie” manométrique, venting/bioventing, lessivage et désorption thermique. « Ce dernier test, qui indique la concentration de pollution restante en fonction de la température dans une matrice donnée, est un plus : peu de professionnels le réalisent », affirme Jérôme Rheinbold. Il s'agit dans tous les cas d'essais à visée applicative, adaptés à chaque cas et proposés soit au client final, soit au bureau d'étude ou assistant à maîtrise d'ouvrage intervenant sur le projet.
Exemple d’un skid de Venting. Depuis plusieurs années, Colas Environnement a développé et mis au point des unités de traitement mobiles permettant la réalisation d’essais de différents types.

Les sociétés importantes sont toutes équipées pour réaliser des essais sur site et possèdent un laboratoire d'analyse comme Serpol, Extract Ecoterres, Haemers Technologies, Remea, Soléo Services ou sont en train de s’en doter comme HPC International.

Le projet LifePopWat, auquel participe Serpol, s’attache à traiter de manière passive des eaux chargées en lindane, et plus généralement en pesticides en associant des processus naturels avec des processus chimiques.

Un autre projet labellisé Axelera, appelé Gone® Technologies, concerne cette étape. Il est porté par le bureau d’études Gone Environnement, spécialisé en sites et sols pollués.

Visant les composés organiques volatils, Gone Environnement développe le prototype d’un outil de mise en dépression d’échantillon de sols (remaniés ou non), doté d’une batterie de systèmes d’analyse chimique des gaz issus. L’idée est de pouvoir évaluer au laboratoire la capacité d’un sol donné à accepter une ventilation, et prédire l’efficacité d’un traitement par venting, combiné ou non à des techniques chimiques ou biologiques. « Nous pourrions ainsi, dès la phase de diagnostic approfondi, savoir si le sol tel qu’il est caractérisé peut accepter un traitement sur site ou in situ. Cela change la donne en termes méthodologiques : on ne compare plus des techniques parce qu’on sait qu’elles marchent en général sur un polluant mais on teste le sol lui-même, avec sa pollution, pour voir si on peut se lancer sur ce type de traitement », précise Fabrice Bedin, PDG de Gone Environnement. 

Il estime que la démarche pourrait faire gagner plusieurs semaines lors de la prise de décision… et éviter des déconvenues lorsqu’on en arrive aux essais de faisabilité pour l’établissement du PCT. Le prototype sera testé en grandeur réelle dans l’Ain, dès cette année, sur le site d’un client de Gone Environnement. « Nous ne déposerons pas de brevet sur le dispositif en lui-même, que tout le monde peut imaginer et monter en faisant un peu de recherche bibliographique. Ce qui est plus complexe, c’est de pouvoir le caler, assurer sa représentativité et disposer des outils d’analyse permettant d’obtenir un résultat pertinent pour proposer de bonnes solutions à nos clients », affirme Fabrice Bedin.

Du neuf en dépollution ?

Quoique désormais bien établies, les grandes techniques de dépollution continuent à être optimisées. « Sur le site de Petit Couronne, nous avons pu, grâce aux outils modernes, à la modélisation par exemple, changer la donne en matière de pompage et définir une façon plus pertinente de l’utiliser », affirme par exemple Laurent Thannberger. D'autres techniques, quelque peu délaissées, connaissent un retour en grâce, là aussi à la faveur de développements dans les phases amont. « La désorption thermique dans le sol, un peu mise de côté, est en train de revenir. Nous avons des demandes plus précises dans ce domaine », explique ainsi Jérôme Rheinbold, de Colas Environnement. Un retour en grâce que confirme Laurent Thannberger.
Unité d’injection de mousse bloquante. Serpol avec Renault, l’ENSEGID et l’ADEME a utilisé une mousse biodégradable comme agent de confinement temporaire in situ d’un sol contaminé par des solvants chlorés. Objectif : stopper ou réduire les écoulements d’eau souterraine et contribuer à améliorer l’efficacité des traitements.

Christophe Chêne, directeur technique de Soleo Services, rejoint l’avis de ses confrères sur la forte activité autour de la désorption thermique. « Cette solution permet de traiter des pollutions complexes et profondes qui hier n’avaient pas de solution efficace. La technologie est certes complexe mais elle ouvre la voie vers un nouveau marché, qui faute de solution technique, était inactif jusqu’à ce jour. Nous avons développé notre propre solution de désorption thermique que nous maitrisons de la conception (tests laboratoires, modélisation de chauffage, essais pilotes terrain) à la réalisation en phase chantier. Cette expérience nous a permis, ces dernières années, de mener à bien des dépollutions in-situ de sols qui étaient impactés par des HAP, des hydrocarbures lourds, de solvants chlorés ou encore de PCB, avec des taux d’efficacité qui sont à comparer à l’excavation et l’élimination hors site des terres polluées ».

Valgo utilise en particulier cette technique sur l’ancien site de Stronglight (fabricant de pièces pour cycles) situé dans la ZAC de Chateaucreux, derrière la gare de Saint-Etienne. « Pour traiter une pollution aux PCB et solvants chlorés, nous avons construit quatre piles de 1.000 m3 chacune. Au total, nous traiterons plus de 10.000 m³ de terres. C’est d’autant plus difficile que le schiste carbonifère de ce sol piège littéralement les solvants chlorés », affirme Laurent Thannberger. Le maître d'ouvrage est ici une SEM de Saint Etienne impliquant aussi l'établissement public foncier de Rhône Alpes (EPORA). Avec un collège à proximité, une nouvelle ligne de tramway et l'ouverture prévue de la gare de ce côté, cette ZAC changera totalement de visage.

Colas Environnement participe de son côté au projet Bioxyval de l'Ademe. Le point de départ est le fait que les sites industriels délaissés sont en général contaminés par une pollution complexe, comprenant souvent des HAP. Il s'agit donc de faire émerger non pas une nouvelle technologie mais d'associer – et éventuellement d'optimiser – les techniques de caractérisation, traitement et valorisation existantes pour proposer dès le départ une gestion intégrée de ces sites. Le “terrain de jeu” se situe en Moselle, sur d'anciennes installations sidérurgiques. Colas a participé en particulier à des essais très prometteurs de biodégradation des polluants par (bio) surfactants.


Remea, qui est associé au projet Bioxyval, travaille sur l’amélioration des taux de récupération des phases purs par assistance thermique. « Le principe est de jouer sur la température du milieu afin d’agir sur les constantes physico-chimiques qui régissent les taux d’extraction » précise Pierre-Yves Klein, président de Remea. « En termes de techniques innovantes et de R&D, nous avons mis au point avec Eurovia un test de lixiviation rapide permettant d’orienter les terres en inerte/non inerte en moins d’une journée. Ce test appelé Chronosol fera l’objet prochainement d’un lancement commercial ».
Le pôle de compétitivité Axelera soutient aussi le projet LifePopWat, auquel participe Serpol. Comme son nom veut l'indiquer, ce projet impliquant quatre pays répond à l'appel d'offres européen Life et concerne les POP – persistent organic pollutants pour polluants organiques persistants, une famille définie par la convention de Stockholm – dans l’eau (water). Le but est de traiter de manière passive des eaux chargées en lindane, et plus généralement en pesticides. « Il s’agit de pollutions diffuses et le but est d’interrompre leur circulation, de couper des vecteurs de pollution : une nappe souterraine contaminée, une eau souterraine passant à travers une source concentrée, ou une résurgence sur un terril contaminé », explique Antoine Joubert, responsable scientifique chez Serpol. La technologie, mise au point par l’université technique de Liberec (République tchèque), a fait ses preuves puisqu’un site pilote a montré un abattement de 98 à 99 % de la pollution. Elle consiste en une chaîne de traitements passifs comprenant des filtres garnis de matière organique et de fer et des milieux humides artificiels (lagune aérobie, filtre planté de roseaux…). Autrement dit, un système de traitement passif, peu onéreux, rustique, demandant peu de maintenance. L’idéal pour une pollution diffuse (il ne s’agit pas ici de traiter une source).
Remea travaille sur le sujet mousses afin d’améliorer la capacité de traitement in situ des zones non saturées.

Le projet vise à démontrer que cette technique peut fonctionner, à l’échelle pilote ou en grandeur réelle, sur différents sites européens. « Chaque site est différent, et il faudra à chaque fois étudier l’organisation des filtres, dans quel ordre les construire. Ce qui suppose le passage par des pilotes », détaille Antoine Joubert chez Serpol. 

Seront ainsi testés, d'une part, un terril en République tchèque, sur lequel ont été accumulés des déchets industriels, dont du lindane. Les eaux de lixiviation, transportant d'importantes concentrations de polluants, alimentent un bassin halieutique, lieu d'activités nautiques. L'autre site, en Pologne, est une nappe souterraine polluée aux pesticides. « Nous allons pomper une partie de la nappe et traiter ces eaux de manière passive », précise Antoine Joubert.

Utiliser… la mousse

Serpol est également impliqué dans deux projets plus originaux, à base de mousse… Le premier implique Renault, l’ENSEGID (école nationale supérieure en environnement, géoressources et ingénierie du développement durable) de l’INP de Bordeaux et l’ADEME. Mis en œuvre sur un site en Espagne, il consiste à injecter dans le sol une mousse biodégradable dense. La mousse se fabrique aisément avec de l'eau, un tensioactif et une crépine à travers laquelle passe de l'air comprimé. 

L'injection dans le sol est plus délicate… Une fois dans le sol, la mousse qui contient 95 % d'air constitue un bouchon qui freine l'écoulement. Elle demeure plusieurs mois avant d'être biodégradée, et donc confine efficacement la pollution, que l'on peut alors traiter par oxydation sans que le réactif ne migre ou se dilue. « Le projet de R&D sur le pilote espagnol a démontré la pertinence de la méthode, avec d’excellents résultats puisque nous avons réduit le flux de pollution d’un facteur 4 à 5. Cette année, nous allons retourner sur le site espagnol pour le traiter à échelle réelle », révèle Antoine Joubert. Un brevet a été déposé conjointement par Serpol, Renault et l'ENSEGID.

En parallèle, et toujours avec une mousse biodégradable, Serpol, Réméa.Remea travaille sur le sujet mousses afin d’améliorer la capacité de traitement in situ des zones non saturées. Et plusieurs autres partenaires ont mené un projet un peu différent sur le site d'un chimiste à proximité de Tavaux (Jura). Pollué par de très fortes quantités de solvants chlorés, le sol a d'abord été traité par pompage pour éliminer la phase organique pure. Puis, quand la phase libre s'est épuisée, est restée la matrice solide du sol, toujours imprégnée de solvants chlorés, cette fois-ci impossibles à extraire par pompage. Un traitement chimique du sol aurait nécessité une quantité trop importante de réactifs. Avec l'université de Besançon, l'équipe a alors développé une autre mousse de tensioactif. Cette fois-ci, elle a été utilisée pour nettoyer le sol. Puisque la mousse ne contient pratiquement pas d'eau, elle peut extraire les polluants du sol (grâce à sa phase organique) sans les diluer, donc sans les disperser dans le milieu. Ne reste plus alors qu'à la pomper pour récupérer les solvants chlorés. « En pratique, on injecte la mousse en périphérie de la zone polluée pour tout pousser vers le centre où l’on extrait. Ce n’est donc pas une mousse de blocage mais de remobilisation », précise Antoine Joubert. Fort de résultats encourageants sur le site jurassien, Serpol envisage maintenant d'autres pilotes sur des sites pollués par des hydrocarbures flottants comme des stations service ou des dépôts pétroliers. « Ils représentent l’essentiel de notre marché », justifie Antoine Joubert. 


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