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Gestion des eaux pluviales et du risque inondation : comment protéger les ouvrages?

29 janvier 2021 Paru dans le N°438 à la page 27 ( mots)
Rédigé par : Patrick PHILIPON

Usines d’eau potable, réseaux et STEP sont en première ligne lors d’évènements météorologiques intenses, et susceptibles d’être inondés, voire détruits lors de catastrophes. La parade repose sur quatre piliers : prévoir, protéger, réagir, apprendre. Une palette variée d’acteurs spécialisés ou de grands groupes interviennent.

La tempête Alex d’octobre 2020 et les dégâts qu’elle a occasionnés, en particulier dans l’arrière-pays niçois, ont rappelé la vulnérabilité de certaines installations aux évènements climatiques extrêmes. Sans même envisager des évènements aussi exceptionnels, comment protéger les ouvrages du “petit cycle” de l’eau – captages, usines d’eau potable, STEP, réseaux, stations de relevage, etc. – contre les épisodes pluvieux intenses qui pourraient les saturer, voire les noyer ? Et, en situation de catastrophe, comment rétablit-on les services d’eau potable et d’assainissement ? Quels enseignements tirer de tels évènements pour la protection des ouvrages ?

Prévoir les crises

La protection des ouvrages du “petit cycle” passe forcément, en amont, par la connaissance et la surveillance du grand cycle. Il s’agit de protéger un territoire sur lequel se trouvent les installations et d’anticiper les inondations, ce qui implique de comprendre au préalable le fonctionnement des bassins versants. « Le besoin est d’autant plus pressant que, d’une part, on imperméabilise de plus en plus de surface, et d’autre part les collectivités sont incitées à supprimer les déversoirs d’orage » affirme Patrick Billette, PDG de Sources. Des bureaux d’études comme Artelia, Hydratec ou Merlin, par exemple, ainsi que certains grands maîtres d’œuvre, ont développé des compétences dans la modélisation des phénomènes hydrologiques à l’échelle d’un bassin. Olivier Astolfi, directeur du territoire Alpes Maritimes de Veolia Eau, rappelle toutefois les limites de l’exercice : « on peut tout modéliser mais, ensuite, où placer le curseur entre le risque et le coût des travaux de protection ? C’est la collectivité, avec l’aide de son bureau d’étude, qui décide à quoi ses ouvrages devront résister. Par exemple, la crue due à la tempête Alex était supérieure à la crue centennale, c’était difficilement imaginable ! ».
Paratronic fournit des solutions complètes de surveillance de crues, ici une des stations de mesure du Smiage, à Villeneuve-Loubet (Alpes Maritimes).

Quoi qu’il en soit, une fois compris et modélisé le fonctionnement des bassins versants, une surveillance se met en place, à base de capteurs placés à des endroits “stratégiques”. Vigicrue, service national d’alerte, surveille les principaux cours d’eau français (3.000 points de mesure). A cela s’ajoutent des réseaux locaux plus denses. Des syndicats de bassin, porteurs de la compétence Gemapi, disposent en effet souvent de leur propre instrumentation. C’est le cas par exemple du Syndicat Mixte pour les Inondations, l’Aménagement et la Gestion de l’Eau Maralpin (Smiage), créé le 1er janvier 2017 en réaction aux inondations du 3 octobre 2015. Compétent sur les bassins versants du département des Alpes Maritimes (sauf le Verdon) et leurs extensions dans les départements voisins (Var et Alpes de Haute Provence), il “couvre” 183 communes. Outre la gestion des endiguements et ouvrages hydrauliques, le Smiage constitue le système d’alerte crues pour le bassin de la Siagne. Débouchant à Mandelieu, ce fleuve alimente Grasse et Canne en eau potabilisable. « Nous avons installé 15 stations de mesure dans le bassin versant, en plus de celle de Vigicrue. Avec les communes concernées, nous avons mis en place des procédures à déclencher en cas d’alerte sur des débordements possibles » explique Aurélien Chartier, directeur de la Prévision des risques et de la Gestion de l’eau au Smiage. Cette compétence, “labellisée” par Vigicrue (en l’occurrence par le SPC MedEst à Aix-en-Provence), va prochainement s’étendre à plusieurs bassins voisins.

Le Smiage assure également un appui à la gestion de crise sur le reste du département. Financé par le Smiage et le département, et opéré par Novimet, un radar météorologique est installé au sommet du mont Vial. « Il nous donne une vision instantanée de la lame d’eau, permet de prévoir l’intensité des pluies, les cumuls. Il ne suffit pas de dire qu’il risque de pleuvoir : il faut préciser quand et combien » insiste Aurélie Chartier. Le Smiage a également mis en place, avec 55 communes volontaires, un système d’appel en masse de la population, en amont et en complément des polices municipales. Il assure enfin un travail de formation, en appui aux communes, pour déployer leurs plans de sauvegarde.

Sources a construit au Havre (Seine Maritime) le bassin d’orage de Harquebosc, un ouvrage de 17.000 m3 avec nettoyage par chasse d’eau claire, en cheminée centrale.

Predict Services, filiale privée de Météo France, intervient sur ce volet “formation”. Comme son nom l’indique, Predict propose surtout un service d’alerte. La société a ainsi signé en novembre 2020 un partenariat avec Veolia Eau région Sud. « Tous les exploitants ont accès sur PC et smartphone à l’application Predict qui donne l’alerte si certains de nos sites sont susceptibles de subir une pluviométrie “orange” ou “rouge”. Ils peuvent alors mettre en place les moyens de réagir, lancer des procédures préétablies » explique Olivier Astolfi. Ce type de prévision a permis à Veolia Alpes Maritimes, par exemple, de remplir “à ras bord” ses réservoirs d’eau potable avant la tempête Alex. « En général, à cette époque de l’année, ils sont remplis au tiers et nous nous appuyons sur la production pour répondre aux besoins. Or, lors de la tempête, nous avons perdu une partie de notre production (en Italie) pendant une douzaine d’heures et avons pu “passer” grâce aux réserves » se souvient Olivier Astolfi.

F-REG conçoit, fabrique, et installe des vannes de régulation mues par des vérins pneumatiques pour protéger les réseaux d’assainissement contre la saturation,  voire le débordement, en cas de pluie intense. Ici à Monaco.

Tout cela repose sur une instrumentation des bassins. « Nous vendons des solutions complètes : capteurs, loggers, transmetteurs et supervision web, le tout en multi protocole. Notre système est ouvert et évolutif » explique Joan Petringer, directeur commercial hydrologie de Paratronic. Sa société équipe, entre autres, Vigicrue. Les capteurs surveillent la pluviométrie, les niveaux et débit des cours d’eau, la qualité des eaux (pH, température, …). Les grands syndicats, et bien sûr Vigicrue, possèdent leur propre supervision sur laquelle Paratronic “pousse” ces données, mais de petites communes se sont équipées du système complet avec la supervision Web de Paratronic. En cas de crue, communes ou syndicats décident d’alerter la population, de déclencher un plan de sauvegarde, etc. Outre Vigicrue, Paratronic équipe des syndicats comme le Smiage, des acteurs comme la Compagnie Nationale du Rhône, la Société du Canal de Provence, Coteaux de Gascogne, ou de petites collectivités comme Figagnières (Gard) ou Les Arc (Var).

Le NivuFlow Stick permet des mesures fiables et pratiques de débit dans les rivières, les ruisseaux et les canaux.

Xylem propose également toute une gamme d’instruments de surveillance de l’environnement. Tout d’abord des “courantomètres” pour jauger les cours d’eau, autrement dit déterminer leur débit lorsqu’ils atteignent un niveau donné. Ces appareils comme le FlowTracker 2 ou, plus sophistiqués, les SonTek M9 et S5, combinent la mesure de la vitesse par effet doppler et de la profondeur par capteurs de pression. « Nous travaillons beaucoup avec les DREAL qui instrumentent les cours d’eau » affirme Julien Garrigues, ingénieur Technico-Commercial Process et Responsable Milieux Environnement, Hydrologie, Côtiers & Océanographie chez Xylem. Une fois les résultats intégrés, il est temps d’installer des capteurs autonomes de niveau, à certains endroits stratégiques, pour surveiller le bassin. Xylem propose alors des instruments radar (Ysi ou SonTek), à bulle d’air (Waterlock d’Ysi ou Amazon) ou des capteurs piézométriques autonomes (MJK). Vega capitalise sur son expertise des ondes radar et propose sa nouvelle série de capteurs Vegapuls dont le micromodule radar, de fréquence 80 GHz, offre une sensibilité optimisée du signal même en cas de brouillard, de pluie ou dans des espaces confinés.


Bionest loue des unités mobiles de traitement des eaux usées, basées sur  un traitement biologique.

Depuis fin 2020, Vega propose également des capteurs radar autonomes et connectés, les Vegapuls Air, qui s'installent sans fil et sans câble. Ces instruments reprennent tous les avantages des capteurs Vega, à savoir des mesures fiables et précises grâce à la technologie sans fil radar 80 GHZ. Ils sont connectés au cloud (Vega ou client) et permettent à l'utilisateur d'accéder à ses informations à tout moment, via un service web ou depuis une application mobile sur son smartphone. Associés à la plateforme de supervision VEGA Inventory System (VIS), ils permettent de suivre le niveau d’eau en temps réel. Si celui-ci atteint un niveau anormal, le système notifie les destinataires définis par email ou SMS, ce qui permet de prévenir les riverains habitants pour éviter le pire et à minima leur permettre de limiter les dégâts. Le radar de niveau Micropilot FMR20 d’Endress+Hauser, grâce à un composant électronique RF particulièrement adapté pour la surveillance des crues, offre quant à lui une mesure de niveau et de débit (via tableau de linéarisation) continue sans contact. La mise en service est possible par le protocole HART ou par Bluetooth® via une App ou par un afficheur séparé. Les courbes de signaux se visualisent sur une App disponible pour tous les smartphones/tablettes Bluetooth® (iOS, Android). VorteX.io propose également un service de suivi des paramètres hydrologiques à partir d’une gamme d’instruments compacts et peu coûteux, dérivés de l’altimétrie satellitaire.

Hach propose une méthode d’analyse par radicaux hydroxyles et catalyseur donnant plus d’autonomie aux appareils (2 à 6 mois suivant configuration) désormais normée ISO21793. 

« On a exporté et miniaturisé la technologie des altimètres sur satellites pour créer ces micro-stations. Quand un satellite fait près de 500 kg, nos micro-stations ont un format de 500 grammes pour 10 centimètres de côté. On obtient ainsi un système de télédétection qui n'est pas du tout intrusif pour l'environnement et que l'on place à la verticale du cours d'eau, le plus souvent sur des ponts, pour obtenir différents paramètres : hauteur d’eau, vitesse et température de surface, … » explique Guillaume Valladeau, co-fondateur de VorteX.io. Des cellules photographiques assurent également la prise d'images ou de mini-vidéos pour avoir une bonne vision des problématiques et savoir si des éléments extérieurs - comme par exemple une chute d'arbres - peuvent expliquer la montée des eaux. « Toutes ces mesures en temps réel de données hydrologiques sont un atout en matière de gouvernance de l'eau. Et bien entendu, la solution micro-station ne vient pas en concurrence de services d'alerte comme Vigicrues mais plutôt en complémentarité ».

Nivus met en œuvre, un nouveau système de mesure mobile, le NivuFlow Stick, qui permet une mesure complète du profil d'écoulement. Le système a été conçu pour être utilisé dans des cours d'eau de faible hauteur (à partir de quelques cm à 75 cm max). La mesure de niveau hydrostatique intégrée permet d’enregistrer simultanément la géométrie du lit de la rivière. Contrairement aux systèmes de mesure ponctuels qui enregistrent la vitesse d'écoulement de manière sélective, les vitesses d'écoulement du bas vers la surface sont mesurées simultanément et en continu.
Pour protéger la STEP de Malville (Loire Atlantique), la Nantaise des Eaux a conçu un bassin tampon aux parois surélevées au-dessus du niveau des plus hautes eaux.

Julien Garrigues rappelle aussi l’intérêt de la surveillance de la qualité de l’eau, modifiée en cas de régime hydraulique inhabituel et donc susceptible de donner une alerte. Des sondes multiparamètres (MO, pH, conductivité) entrent alors en jeu. D’autres fournisseurs d’instruments, comme SDEC France, Hach, Swan ou encore Bürkert interviennent également sur ce marché.

« Un paramètre d’analyse fréquemment utilisé sur les eaux pluviales est l’analyse du Carbone Organique. Il peut être utilisé pour la surveillance des eaux pluviales pour les aiguiller vers une station de traitement ou vers le milieu naturel en fonction de la teneur en matières organiques (sites industriels, aéroports par exemple), et également en surveillance du milieu naturel avant pompage d’une usine de production d’eau potable, confirme Jean Pierre Molinier, Sales development manager Hach Lange. Hach propose en réponse à ce besoin, une méthode d’analyse par radicaux hydroxyles et catalyseur donnant plus d’autonomie aux appareils (2 à 6 mois suivant configuration) désormais normée ISO21793 ».

Protéger les ouvrages

« Protéger les ouvrages est devenu une préoccupation depuis déjà plus d’une décennie » souligne Vincent Morand, ingénieur d’affaires de la Nantaise des Eaux, ex-division ingénierie de la NDE, aujourd’hui intégré à Aquadep. Une prise de conscience aidée par le retour régulier d’inondations catastrophiques, mais aussi par l’évolution réglementaire concernant les rejets d’eaux pluviales. Les réseaux d’assainissement et les STEP – souvent installées dans les points bas – sont les ouvrages les plus sensibles. Il n’existe pas de solution miracle pertinente pour toutes les situations mais un éventail de possibilités. A l'évidence, un réseau séparatif est un plus, mais pas une panacée. « Si le réseau d’assainissement n’est pas assez entretenu, ou trop ancien, l’eau de pluie infiltrée dans les sols y pénètre » souligne par exemple Vincent Morand. Par ailleurs, comme le fait remarquer Emmanuel Curinier, directeur de F-Reg, « le réseau séparatif est en fait rarement complètement isolé du réseau d’assainissement. Il y a toujours des entrées d’eau pluviale dans les réseaux d’assainissement. Pour éviter le débordement en cas de fortes pluies, on aménage donc des fenêtres qui déversent l’excédent vers le réseau pluvial. On envoie alors directement dans le milieu un mélange d’eaux pluviales et d’eaux usées non traitées ». Il faut également mentionner que certaines collectivités favorisent pour leur part la gestion “à la source” des eaux pluviales (voir entre autres EIN 436, 428 et 418).
Une autre manière de protéger les systèmes d’assainissement, qui a actuellement le vent en poupe, consiste à installer des bassins d’orage répartis sur des points stratégiques du bassin versant, identifiés au préalable par des études hydrauliques. Avec sa propre marque certifiée Asqual de géomembrane EPDM 1.1 fabriquée par Firestone (leader mondial), Viacon (ex Tubosider) a fait de la collecte des eaux de ruissellement l’une de ses principales expertises. Les matériaux offrent outre les caractéristiques techniques d’élasticité, de longévité et de réparations facilitées, la garantie d’une mise en œuvre rapide de bassins.
Les « courantomètres » de Xylem peuvent être embarqués sur des planches motorisées télécommandées pour le jaugeage des cours d’eau.

« On sait que la majeure partie de la pollution est entraînée durant la première heure, ensuite il arrive de l’eau claire presque équivalente à l’eau de pluie » affirme Patrick Billette. Les réservoirs stockent donc cette première heure puis surversent le reste dans le milieu. « A terme, une agglomération de 200.000 habitants, par exemple, aura de 20 à 30 bassins d’orage d’une capacité unitaire de plusieurs milliers de m³ » affirme Patrick Billette. Après l’orage, ces bassins sont en général vidés à petit débit vers la STEP via le réseau d’assainissement. Pourquoi ne pas traiter ces eaux pluviales sur place avant de les rejeter, sans passer par la STEP ? C’est l’option qu’a choisie le département du Val de Marne (entre autres). Après avoir constitué un réseau de bassins d’orage, il construit actuellement à Champigny-sur-Marne une station chargée de traiter ces eaux. Un consortium emmené par NGE Génie Civil, auquel participe Sources pour le process, est en charge de la réalisation de l’ouvrage. Les eaux de ruissellement y seront stockées et traitées par décantation lamellaire. A cela s’ajoutera une désinfection UV, ce qui constitue une première pour ce genre d’ouvrage, selon Patrick Billette. Sources a également réalisé (entre autres) le bassin de Harquebosc, un des quatre bassins d’orage de la ville du Havre. « C’est un ouvrage de 17.000 m3, avec un système de nettoyage par chasse d’eau claire, en cheminée centrale », explique Patrick Billette.

Le réseau a lui-même besoin de protection. « Ces réseaux ne peuvent en général acheminer que des pluies de 15-20 mm, au maximum une pluie mensuelle. Nous analysons le réseau pour évaluer à quels endroits il est sous dimensionné et risque de saturer. Nous installons ensuite nos vannes de régulation aux bons endroits pour stocker l’eau et éviter les problèmes en aval » explique Emmanuel Curinier. F-Reg utilise volontairement une technologie simple mais robuste : la société installe des vannes métalliques mues par un vérin pneumatique de force prédéterminée pour s’ouvrir en cas de besoin. Les vannes, non totalement occultantes, laissent toujours passer le flux normal mais retiennent le reste… jusqu’à un volume prédéterminé. « Notre savoir-faire, outre la modélisation initiale du réseau, est de dimensionner l’ajutage et la puissance des vérins » affirme Emmanuel Curinier. L’autonomie de ces systèmes hydromécaniques est un atout dans un environnement agressif - et dégradé en situation de pluie intense. F-Reg est intervenu, entre autres, à Monaco, installant une vanne qui gère toute l’eau de ruissellement du Rocher, mais aussi Givenchy-en-Gohelle (exploitant Veolia) ou Riom (exploitant Suez). « A Chambéry nous avons dérogé à notre politique du “low tech” avec des vannes motorisées et reliées au scada de l’exploitant » sourit Emmanuel Curinier.
La gamme des produits d’Hydro International gère tous les débits, des plus faibles au plus élevés du simple ouvrage aux plus grands réseaux. Fondée sur le contrôle de débit à effet vortex, les systèmes de protection contre les inondations en plus de diminuer les risques d’inondation réduisent les pollutions provenant des eaux de ruissellement.
Située au bord du Rhin et traversée par plusieurs cours d’eau, la ville de Gerstheim a déjà connu plusieurs épisodes d’inondations et de coulées de boues (1983, 1999, …). Afin de superviser un éventuel débordement du Muhlbach, la commune a décidé d’installer un capteur de niveau radar VEGAPULS C21 au niveau de son moulin.

Depuis 2 ans déjà, Side industrie propose DIP Booster, un accélérateur de gravité breveté. Le DIP-Booster s’impose comme un accélérateur du débit des canalisations pour maîtriser les écoulements chaque fois que nécessaire. « Quand une canalisation reçoit plus d’eau que prévu (autrement dit, en cas d’épisode pluvieux important), le système se met en charge et, suivant la pente, va permettre d’évacuer jusqu’à deux fois plus de débit » explique Stéphane Dumonceaux, PDG de SIDE Industrie.

Constitué d’un corps commun situé dans le profil de la conduite pour laisser passer l’écoulement gravitaire, le système comporte un clapet à rappel interne, une sonde de mesure de pression en amont et deux blocs électro-hydrauliques à vitesse variable montés en parallèle. « Tout cela est rendu possible grâce à une solution faisant appel à beaucoup d’intelligence embarquée », poursuit Stéphane Dumonceaux. « Aujourd’hui le DIP-Booster a de nombreuses applications possible : canalisations à manque de pente, conduites subissant des charges ponctuelles, circulation en ligne accélérée, augmentation du débit d’une conduite gravitaire, surpression d’eaux chargées, conduite en contre-pente, rejet gravitaire en cas de crue en aval… mais son avantage principal est sans aucun doute d’éviter de surdimensionner les équipements traditionnels, offrant ainsi une solution alternative, économique et fiable dans la lutte anti-inondations ».

Nomado conçoit et réalise des unités de traitement compactes clés en main permettant de répondre à un besoin urgent de rétablissement de la production d’eau potable et du traitement des eaux usées.

Lorsqu’il n’est pas envisageable, techniquement ou économiquement, d’intervenir en amont, il est possible d’installer dans la STEP elle-même une dérivation pour les eaux pluviales, avec une filière parallèle de traitement par décantation lamellaire. « Ce système a connu son heure de gloire début du millénaire mais on s’oriente maintenant vers des bassins d’orage répartis sur les points névralgiques du bassin » soutient Patrick Billette. Certaines circonstances l’imposent cependant. La STEP de Montpellier (600.000 Équivalents habitants) rejette ses effluents dans le Lez, un très petit fleuve côtier. La ville a durement été touchée par des inondations ces dernières années, et son système de gestion des eaux pluviales est souvent débordé. Résultat : Montpellier n’a pas eu d’autre choix que de prévoir un système de traitement parallèle des eaux pluviales dans la prochaine remise à niveau de sa STEP.

Installer un simple bassin tampon en tête de station est un aménagement extrêmement courant. Il retient les eaux de pluie qui sont par la suite restituées, par pompage, dans la filière de traitement classique. Cela permet de “lisser” les arrivées. Le système a cependant ses limites : « ces bassins sont calibrés pour recevoir au mieux de 2 à 2,5 fois le débit d’eaux usées par temps sec. Tout ce qui excède cette capacité est reversé dans le milieu naturel » affirme Patrick Billette. Pour la STEP de Malville (Loire-Atlantique), la Nantaise des Eaux a conçu un bassin tampon “hors d’eau” entouré d’un voile de béton suffisamment élevé pour être au-delà du niveau des plus hautes eaux (PHE) connues, une donnée communiquée aux concepteurs soit par la commune soit par le ministère en charge de l’écologie via le PPRI.
Dragflow propose un équipement entièrement télécommandé pour pomper les boues, sédiments et eaux d’orage à partir de n’importe quel type de bassin de rétention de grande profondeur ou de niveau très faible. Avec une drague télécommandée de type DRP, l’équipement est autonome et présente une capacité de pompage jusqu’à 400 m3/h et une distance de refoulement jusqu’à 1.000 m. La drague peut être déplacée à l’aide de winchs avec câble de 200 m à ancrer aux berges.

En situation exceptionnelle, lorsque toutes ces protections sont dépassées, il faut que la STEP résiste aux inondations. « Construire les bassins hors sol, en usine d’eau potable comme en STEP, implique des fondations plus profondes et demande donc des études préalables sur la résistance du sol » explique Vincent Morand. Il rappelle également que, même placés au sol, comme c’est le plus souvent le cas, les bassins doivent être “auto-lestés”, c’est-à-dire dimensionnés pour être stables à vide. « J’ai déjà vu un ouvrage mal lesté se soulever sous la poussée des eaux, avec les dégâts qu’on imagine » se souvient-il. Pour éviter les surcoûts en béton qu’implique l’auto-lestage, il est possible d’installer en fond de bassin un clapet de surpression qui s’ouvrira et fera entrer l’eau dans le bassin si la nappe monte. Enfin, les armoires électriques, systèmes électroniques et équipements électromécaniques doivent être installés au-dessus du niveau des PHE, mais cela relève de l’évidence.

Réagir à l’urgence

Lorsqu’un évènement catastrophique emporte toutes ces défenses, la première urgence est de rétablir l’accès à l’eau potable et d’éviter autant que possible le rejet dans l’environnement d’eaux usées non traitées. La tempête Alex, qui a frappé l’arrière-pays niçois début octobre 2020, ne fait pas exception. Dans le massif du Mercantour, où le Smiage assume depuis début 2020 la compétence assainissement pour 34 communes, tous les dégâts résultent de coulées de boue. « Il est tombé plus de 500 mm d’eau en 24 heures dans certains endroits » souligne Aurélien Chartier. Les captages de sources, situés en altitude, n’ont pas été affectés mais il a fallu rétablir des conduites emportées. De plus, trois STEP ont été très touchées, dont une complètement détruite à Tourette-du-Château.
Dans les vallées de La Vésubie et de la Roya, qui ont subi des crues exceptionnelles, la Métropole de Nice a sollicité des sociétés comme Veolia, Suez et Saur pour l’aider à rétablir une distribution d’eau potable et installer des moyens mobiles d’assainissement. « La puissance de notre groupe, son réseau de fournisseurs ont permis de trouver des solutions. Dans la Roya, nous avons rapidement disposé quatre kilomètres de tuyaux de fonte en 200 mm. Cela ne se trouve pas en stock… » explique Olivier Astolfi. Toutes les STEP de La Vésubie étaient détruites. « Nous avons pu fournir rapidement deux grosses unités d’assainissement sur conteneur, pour Roquebillière et Saint-Martin-Vésubie » se souvient Olivier Astolfi. Les grands opérateurs disposent en effet de leur propre parc, mais des sociétés comme Acqua.Ecologie, Bionest, BWT, Graf, Hidritec ou Nomado peuvent également en fournir. Encore faut-il pouvoir les acheminer. Le seul itinéraire restant disponible pour accéder à la vallée de La Vésubie était la route du col du Turini. Un exploit pour un camion transportant un conteneur de 40 pieds…
DIP-Booster permet de doubler le débit d'une canalisation d'évacuation de 125 à 1200 mm de diamètre et peut être totalement submersible.

Tous les chemins d’accès à la vallée de la Roya ont été coupés, or trois STEP y ont subi d’importants dégâts. Celles de Breil et de Tende ont résisté structurellement mais ont été entièrement inondées. « Nous avons démonté tous les systèmes électriques et électromécaniques, les avons descendus sur le littoral, nettoyés, puis remontés » se souvient Olivier Astolfi. Un processus particulièrement difficile à Tende où, en l’absence de toute route ou piste, il a fallu tout héliporter… Comme dans le Mercantour, les sources et captages d’eau potable ont été épargnés, mais certaines portions des réseaux de distribution sont parties avec la voirie. « Le raccordement a été particulièrement difficile à Tende où il n’y avait plus de route à certains endroits. Le conseil départemental a finalement pu reconstituer une piste avec des gravats, sur laquelle nous avons pu faire passer des engins et poser des canalisations en PEHD (250 mm). C’est une solution provisoire, sensible au gel et à un éventuel nouvel évènement » prévient Olivier Astolfi. A plus long terme, Veolia a obtenu de la SNCF l’autorisation de poser une conduite de fonte le long de la voie ferrée pour alimenter Tende.

D’ici quelques semaines, Nomado fournira trois stations d’épuration de 100 EH à 350 EH, dans la vallée de la Vésubie, mettant en œuvre un traitement biologique des effluents. Conçues sur la base de conteneurs maritimes, elles sont préfabriquées dans les ateliers de la société marseillaise et sont donc transportables et multimodales facilement.
« Nous avons été contactés après la tempête Alex, précise Jean-François Jauliac, responsable de l’ingénierie et des études chez Bionest. Mais nos unités mobiles (100 Eh) ne sont pas dimensionnées pour cela. Elles sont en revanche adaptées à des petites communautés, comme certains villages des Cévennes qui nous ont appelé. Conçues au Québec, ces unités de conception simple et autonome assurent un traitement biologique des eaux usées avec une exploitation extrêmement limitée. Au vu de la demande, nous envisageons de redimensionner notre offre pour nous positionner l’année prochaine sur le marché des interventions d’urgence. Nous souhaitons pouvoir proposer des unités d’une plus grande capacité (de 200 à 400 Eh) sur conteneur 40 pieds qui offriront, outre leur simplicité de mise en œuvre, la possibilité de répondre à un plus grand panel de clients » affirme Jean-François Jauliac.
Utilisés notamment en situation de crise, le choix retenu par le fabricant GRAF est de mettre en place des containers 20 pieds, d’une capacité de 100 EH, qui soient transportables par voies terrestre, ferroviaire et maritime et aérienne facilement.

Tirer les leçons de la crise

« Nous apprenons à chacun de ces évènements, en termes d’organisation comme de protection des ouvrages » reconnaît Olivier Astolfi. « Nous allons créer une cellule de crise sur le territoire : une salle hors d’eau, des moyens de communication (y compris des téléphones satellitaires car nous avons perdu la communication avec nos équipes durant la nuit d’Alex), des procédures, etc... » affirme-t-il. En clair : les opérateurs du petit cycle de l’eau mettent en place - ou vont devoir le faire - un type d’organisation que connaissent déjà des industries plus “sensibles”.
Anciens employés d’une filiale du Centre national d’études spatiales, Guillaume Valladeau et Jean-Christophe Poisson, les fondateurs de la société vorteX.io, se sont inspirés de technologies utilisées dans le domaine du spatial pour mettre au point leur dispositif visant à prévenir les crues et inondations.

Au-delà des dispositions organisationnelles, faut-il modifier les structures elles-mêmes ? « La STEP de Tourette-du-Château sera reconstruite au même endroit puisque toutes les canalisations y mènent. Nous allons réaliser des travaux dans le vallon en amont qui a engendré la coulée, et protéger le chemin qui a amené la boue » explique Aurélien Chartier, du Smiage. L’intervention est parfois plus simple : à Roquestéron, où le local électrique a été noyé, un nouveau sera construit à un endroit plus judicieux sur l’emprise de la STEP. Autre cas de figure dans la vallée de la Roya, où la STEP de Fontan (500 Eh) a été totalement emportée. « Il est probable que le futur PLU interdise de la reconstruire au même endroit. Avec la loi Notre, la compétence assainissement est entre-temps passée à des communautés. Il sera sans doute plus avisé de construire une STEP plus grosse dans un endroit sûr, et y faire parvenir des canalisations, plutôt que de multiplier de petites STEP de 500 Eh » avance Olivier Astolfi.

En situation de crise,  Graf propose le container.blue 20 pieds Dry.

A Menton, Veolia exploite en DSP une STEP souterraine, implantée sous une place en bord de mer. Inondée en octobre 2018, en même temps que le musée Cocteau attenant, elle ne s’est pas arrêtée pour autant malgré la présence de 80 centimètres d’eau dans les locaux. « Nous avions déjà été inondés par une submersion marine il y a une dizaine d’années, ce qui avait arrêté la station pendant quatre mois. Nous avions alors conseillé à la commune de remonter toutes les armoires électriques, ce qui a été fait » se souvient Olivier Astolfi. Étape suivante : comment empêcher toute inondation ? « L’année prochaine, nous construirons des batardeaux de 80 cm au-dessus de niveau du sol pour protéger les deux rampes d’accès, par où l’eau peut s’engouffrer. C’est une amélioration permanente » annonce Olivier Astolfi.

Par ailleurs, les STEP sont de plus en plus automatisées, gérées par informatique, parfois sans agent présent en permanence… avec la vulnérabilité que cela entraîne. « Nous en construisons actuellement une sur la Côte d’Azur où nous avons exigé, en tant qu’exploitant, que certaines vannes essentielles soient toujours manœuvrables à la main, même en cas de panne d’électricité, un aléa assez fréquent lors des évènements météo exceptionnels » souligne Olivier Astolfi. 


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