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Surveillance des eaux de surface : utiliser le vivant ?

01 mars 2022 Paru dans le N°449 à la page 61 ( mots)
Rédigé par : Patrick PHILIPON

Les eaux de surface - rivières, lacs, etc - sont étroitement surveillées, tant pour vérifier leur bon état écologique que pour suivre l’impact des activités humaines ou préserver les captages d’eau potable. Aux contrôles réglementaires, ponctuels, s’ajoute le suivi par les opérateurs eux-mêmes, qui peuvent choisir dans une vaste gamme de solutions.

Le contrôle réglementaire de l’état des eaux de surface se fait par prise périodique d’échantillons suivie d’une analyse en laboratoire agréé. Une procédure insuffisante pour beaucoup d’industriels tenus de mesurer en continu leur impact environnemental, de collectivités ou d’opérateurs voulant contrôler les effluents de leur STEP, voir arriver une éventuelle pollution dans leur ressource d’eau potabilisable ou garantir le bon état des milieux aquatiques aux différents utilisateurs : pêcheurs, pisciculteurs et conchyliculteurs, baigneurs… D’où le recours à diverses sondes, analyseurs en ligne voire stations d’alerte permettant un suivi opérationnel de la qualité de l’eau brute. De nombreux fabricants proposent de classiques appareils de mesure physico-chimique. Ils ont été rejoints par des nouveaux venus développant des systèmes basés sur des organismes vivants.

Les paramètres de base

« Le pH, la conductivité, l’oxygène dissous et la turbidité donnent déjà de bons renseignements sur l’état du milieu » affirme Jean-Pierre Molinier, responsable Laboratoires/Études chez Hach. Et de fait, la plupart des stations d’alerte sont équipées de ces paramètres physico-chimiques de base, pour lesquels Anael, Datalink Instruments, EFS, Endress+Hauser, Hach, Neroxis, NKE Instrumentation, S::CAN, Swan ou Xylem parmi d’autres, proposent des solutions. La charge en matière organique, sous diverses formes, est également de plus en plus mesurée. « La pollution organique totale apparaît dans les normes ou arrêtés préfectoraux » rappelle Camille Triffaux, responsable du marché de l’eau chez EFS. L’analyse du COT suppose une oxydation suivie de la mesure du CO2 dégagé. Les COTmètres sont donc des appareils complexes et relativement coûteux. Ils ne sont pas toujours nécessaires, d’où l’utilisation de sondes UV (à 254 nm), plus limitées mais suffisantes pour, par exemple, détecter la présence d’hydrocarbures dans une eau de captage.
Pour le suivi de la matière organique totale, Swan propose de COT Evolution VUV, un COTmètre par oxydation développé par Seres OL (absorbée depuis par Swan) paramétrable selon l’application prévue. Ici il suit la qualité d’une eau brute en entrée d’usine de potabilisation.

EFS propose toujours ses sondes UV-Probe 254+. « L’absorbance UV est une technologie très connue mais pas toujours bien employée. Puisque c’est une mesure indirecte, il faut établir au départ la corrélation entre absorbance UV et COT ou DCO, par comparaison avec des analyses de laboratoire. Cette corrélation est propre à chaque site puisque l’eau brute n’est jamais la même » prévient Camille Triffaux. L’UV-Probe 254+ dispose d’une autre longueur d’onde (560 nm) pour mesurer également les MES. « Placée en aval d’une STEP, la sonde permet de voir très vite un éventuel dysfonctionnement » affirme Camille Triffaux.

Le dernier né d’Endress+Hauser, Memosens Wave CAS80E, est également un capteur multiparamètres. « Il balaie les longueurs d’onde de l’UV au visible (200-800 nm), ce qui permet de mesurer CAS, COT, DCO, DBO, turbidité, nitrates et couleur » explique Matthieu Bauer, Responsable de marché Environnement Énergie. « Il faut prouver que la mesure marche en permanence et qu’elle est juste » ajoute-t-il. Pour cela, Endress+Hauser intègre dans ses appareils la technologie Heartbeat, un autocontrôle permanent du bon fonctionnement. Heartbeat émet une alerte dès la survenue d’une dérive, ce qui permet d’intervenir avant la panne.
Les capteurs et rapatriement des données sont gérés par Endress+Hauser, qui dispose d'un centre de production dédié aux stations d'alerte.

« Le COT est de plus en plus utilisé pour suivre la présence de matière organique, qu’elle provienne de pollutions industrielles ou de phénomènes naturels. D’où une nette augmentation de la demande en COTmètres. Nous en avons disposé par exemple sur un lac où la décomposition des feuilles, le développement d’algues ou l’inversion de couches entre les saisons se traduisent par des variations de COT » explique de son côté Jean-Pierre Molinier, de Hach. La société propose deux appareils. D’une part un véritable COTmètre, le Biotector. « Notre méthode spécifique d’oxydation utilise soude et ozone, qui permet d’utiliser des tuyaux plus gros que l’oxydation thermique ou UV. Ils s’encrassent moins, donc demandent moins de maintenance » affirme Jean-Pierre Molinier. La sonde UVAS, elle, fonctionne par absorbance UV à 254 nm. « C’est un appareil plus simple mais pas universel car toutes les matières organiques n’absorbent pas l’UV. Par exemple le sucre, que peut rejeter un industriel de l’agroalimentaire, n’absorbe pas. Il faut donc savoir quel composé on veut suivre avant d’installer ce type de sonde » précise Jean-Pierre Molinier. Hach propose également la FP 360 sc, une sonde à fluorescence destinée aux HAP. « Ce n’est pas une analyse complète mais la présence d’HAP suffit à signaler une pollution aux hydrocarbures, par exemple lorsqu’un camion se renverse ou qu’une citerne fuit en amont d’un captage. Nous en installons beaucoup » affirme Jean-Pierre Molinier.

Anael propose un véritable DCOmètre, le QuickCOD, qui mesure directement la DCO, sans réactif et en quatre minutes.

Anael propose toute une gamme de COTmètres en ligne. Christophe Vaysse, ingénieur technico-commercial chez Anael, signale cependant une nouvelle tendance. « En sortie de STEP, on nous demande de plus en plus de mesurer la DCO plutôt que le COT, parce que les DREAL exigent une DCO inférieure à 125 mg/l » affirme-t-il. D’où un boom sur les ventes du DCOmètre LAR que commercialise Anael. « Il mesure la DCO en 4 minutes par oxydation thermique. C’est une mesure directe et non une corrélation avec le COT, ce que proposent la plupart de nos confrères. De plus il fonctionne sans réactifs, or ces produits souvent CMR sont de plus en plus bannis des sites » souligne-t-il.

Swan propose également deux appareils distincts. Le COT Evolution VUV est un “vrai” COTmètre, développé par la société Ceres OL, absorbée il y deux ans par Swan. « L’oxydation se fait par UV et ozone, plus du persulfate pour vraiment tout minéraliser. Possédant différentes plages de mesure, l’appareil est paramétré à l’usine selon l’application prévue : captage pour potabilisation, sortie de STEP… » explique Guillaume Schneider, directeur commercial chez Swan. L’appareil intéresse de gros syndicats qui l'installent sur certaines usines eau potable. L’AMI SAC 254, plus simple, est basé sur l’absorbance UV. La métropole de Bordeaux, qui capte son eau en nappe, l’utilise pour signaler une éventuelle contamination, par exemple aux hydrocarbures.
A l’image de ces fabricants, Aquacontrol, distributeur exclusif des sondes multiparamètres B&C Electronics, Datalink Instruments, ou Metrohm interviennent également sur ce marché.
NKE Instrumentation commercialise la sonde multiparamètres Wimo qui peut accepter jusqu’à 7 capteurs numériques. Bien que pouvant fonctionner en mode data logger, elle est souvent connectée à un boîtier de transmission (en bleu), créant ainsi une station d’alerte.

A Paris, la direction de l’Innovation du SIAAP est également convaincue de la nécessité de catalyser l’innovation métrologique pour être capable demain de regarder autrement l’eau transitant dans les réseaux, traversant les usines et s’écoulant dans les rivières, une des lignes directrices de la programmation innEAUvation, portée par le syndicat et ses partenaires scientifiques. Vincent Rocher, directeur de l’innovation de SIAAP considère même que « la promotion de méthodes innovantes pour le suivi des matrices de l’assainissement, qu’il s’agisse de méthodes physiques, chimiques ou biologiques, en ligne ou en laboratoire, qu’elles concernent les effluents, les sous-produits ou les gaz, constitue, sans nul doute, un levier essentiel pour répondre aux enjeux de demain ». Selon lui, ces méthodes doivent permettre de mesurer autrement les paramètres classiquement suivis, d’aller plus loin dans la caractérisation de la composition (substances émergentes chimiques et biologiques, analyses non ciblées, espèces intermédiaires du cycle de l’azote [N20]), et, au-delà de la composition, d’appréhender les effets induits sur le biote.

Parmi les technologies innovantes développées dans le cadre de la programmation scientifique, on trouve une sonde capable de suivre la signature de la matière organique. Née d’une collaboration entre le LEESU et le SIAAP engagée dès 2014, cette sonde permet de suivre en ligne la matière organique des effluents des usines d’épuration et des eaux de surface par fluorescence 3D. « Cette technologie innovante de détermination de la qualité de la matière organique dissoute présente un intérêt opérationnel évident en termes d’exploitation des usines d’épuration et de suivi de leurs impacts sur la rivière », souligne Alexandre Goncalves, directeur adjoint du site Seine Aval du SIAAP. C’est la raison pour laquelle les équipes du site Seine Aval en charge de la mutation technologique ont d’ores et déjà déployé un prototype industriel sur la file de traitement des eaux, dans le but de confirmer tout le potentiel de cette technologie pour estimer en continu les concentrations en DCO, DBO5, COD, etc. « Le déploiement de ce prototype industriel sur notre site industriel est une étape clé, car il nous appartient aujourd’hui de poursuivre la démarche pour faire que cette innovation scientifique devienne une innovation industrielle et qu’elle puisse être déployée vers le secteur de l’assainissement, voire d’autres secteurs industriels, concernés par le suivi de la matière organique soluble », précise le directeur adjoint du site.

Le reste : selon les circonstances

Si les paramètres précités permettent en général un bon suivi environnemental, les exploitants veulent parfois en suivre d’autres plus particuliers car ils ont connaissance d’un risque local de pollution. « Les industries du verre et des semi-conducteurs peuvent rejeter des fluorures, la pétrochimie des sulfures, le traitement de surface des métaux comme le zinc, le fer, l’aluminium, le manganèse… Nous avons des capteurs pour tout cela. Ils peuvent être ajoutés à la demande à des solutions intégrées fabriquées sur mesure selon les besoins du client » explique Frédéric Soumet, directeur France de Hach.
Biomae utilise des gammares (crevettes d’eau douce), qui sont immergés trois semaines, en cage, dans le milieu à contrôler puis analysés en laboratoire pour rechercher les micropolluants accumulés dans leurs tissus. Ici l’élevage de Biomae, où sont prélevés les crustacés avant exposition au milieu à contrôler.

« Les polluants visés varient selon les régions ou les sites. En Bretagne, on surveillera par exemple les nitrates d’origine agricole. Dans d’autres cas, on s’intéressera aux microalgues, etc. Nous avons des solutions pour toutes ces situations » affirme pour sa part Fabrice Ropers, ingénieur technico-commercial chez Xylem Analytics. La firme propose trois grands types d’appareils. Tout d’abord la sonde portable Pro DDS pour des mesures ponctuelles. Un ou plusieurs capteurs classiques sont raccordés à un seul boîtier de lecture, qui enregistre également les données. Commercialisé en octobre 2021, le Pro Swap Logger est pour sa part destiné à la mesure en continu, in situ, d’un paramètre déterminé à l’avance (en plus de la température et la pression, intégrées à l’origine). Il intéresse donc, par exemple, les collectivités voulant surveiller un type particulier de pollution menaçant leurs captages, ou l’intrusion d’eau de mer dans les nappes car la sonde est assez fine pour s’insérer dans un piezzomètre. Autonome (sur piles alcalines) en mode data logger, il peut aussi être connecté à un transmetteur ou un automate. « Les grands traiteurs d’eau sont intéressés. Selon le capteur choisi, il peut être installé en sortie de STEP ou en amont d’un captage » affirme Fabrice Ropers. Enfin, pour la mesure en continu, in situ, de plusieurs paramètres en simultané, Xylem propose toujours la sonde immergée EXO. « C’est une station d’alerte à elle seule. Sur ses propres piles (des LR1 du commerce), elle peut fonctionner trois mois à raison d’une mesure toutes les 15 minutes, et mémorise les données. L’idéal, par exemple, pour des bureaux d’étude réalisant une mission, ou une collectivité qui veut étudier différents points de son territoire » explique Fabrice Ropers. Pour un fonctionnement continu à l’année, mieux vaut la relier à un transmetteur ou un automate et lui fournir une alimentation. « Un exploitant d’usine d’eau potable l’installera avec les paramètres classiques plus, selon les sites, les nitrates ou la chlorophylle a par exemple. Elle est aussi beaucoup utilisée en mer, fixée sous la bouée DB 600 munie de panneaux solaires, d’une batterie et d’un modem 3G-4G » ajoute Fabrice Ropers.

Les stations d'alerte sont installées en amont des prises d’eau brute destinée à l’eau potable sur le canal BRL pour assurer le suivi de la qualité d’eau et prévenir d’une pollution accidentelle. Ici à la Tour de Farges.

Nke Instrumentation propose des stations d’alerte autonomes reposant sur la sonde Wimo. « Outre tous les paramètres classiques, on nous demande beaucoup les hydrocarbures et les cyanobactéries. Les premiers car ils sont très difficiles à traiter, les secondes car elles peuvent colmater rapidement les filtres » explique Goulven Prud’homme, directeur commercial chez NKE Instrumentation. La société a installé une station d’alerte en amont d’une usine d’eau potable sur le Blavet, fleuve côtier qui arrose Lorient. « Un chantier naval de réparation de péniches est installé en amont, et Veolia, qui opère l’usine, veut être prévenu d’une éventuelle pollution. Nous avons aussi installé des stations d’alerte avec détecteurs d’hydrocarbures sur des bassins de collecte d’eau de ruissellement le long d’une autoroute. Il y a des risques de débordement dans une rivière où sont installés des pompages pour l’eau potable » énumère Goulven Prud’homme.

NKE a aussi installé une station d’alerte à la Seyne-sur-Mer, pour surveiller les rejets de la STEP Toulon Ouest-Cap Sicié. En cas de forte pluie, les débordements peuvent en effet affecter la baie du Lazaret, une zone utilisée entre autres par des ostréiculteurs. A sa gamme de capteurs numériques “plug and play”, qui se brochent très simplement sur la sonde, Nke Instrumentation va ajouter cette année deux petits nouveaux, l’un pour les nitrates, l’autre pour l’ammonium.
Microbia Environnement utilise des biocapteurs génétiques spécifiques pour mesurer l’activité de plusieurs espèces de cyanobactéries et microalgues dans des échantillons d’eau brute. La société suit ainsi les dynamiques des populations et peut très rapidement émettre une alerte avant la prolifération des microorganismes.

L’ammonium est en effet de plus en plus contrôlé. « C’est un poison pour l’environnement et un bon indicateur du dysfonctionnement d’une STEP ou d’un réseau unitaire en amont d’un captage. Nous sommes de plus en plus amenés à le mesurer. Par exemple, une collectivité nous a récemment demandé une station de mesure avec les paramètres classiques plus l’ammonium pour pouvoir suivre le bien fondé des modifications de son réseau unitaire » affirme Jean-Pierre Molinier (Hach).

Endress+Hauser propose également une gamme complète de stations d'alerte, allant de la platine au shelter en passant par l'armoire de terrain. A chaque fois, le client dispose de la gamme de capteurs et analyseurs en ligne mais également de capteurs tiers qui peuvent être intégrés à la solution, pour répondre à la demande en matière d'analyse. Intégration de capteurs et rapatriement des données seront gérés par Endress+Hauser, qui dispose d'un centre de production dédié aux stations d'alerte.

Mesure des pollutions microbiennes et algales

Microalgues, cyanobactéries, bactéries fécales, protozoaires : de nombreux microorganismes peuvent affecter la qualité de l’eau, former des biofilms, boucher les filtres, libérer des toxines, asphyxier le milieu, et sont donc susceptibles de surveillance.
En région Parisienne et en province depuis plus de 15 ans, le phytoplancton et son activité sont suivis en ligne avec les AOA et AlgaeGuard bbe par des usines Suez, Veolia et Saur, complétés par des mesures sur les ressources in situ avec les Algae Torch, Fluoroprobe et AlgaeGuard. « Désormais, ces gammes ont été enrichies avec la mesure en simultanée de la Phycocyanine libre pour quantifier la lyse des bactéries et mesurer le risque sanitaire lié au cyanotoxines potentiellement libérées. Il s'agit de la gamme Phyco bbe, avec son procédé breveté. Elle permet également aux exploitants de suivre l'abattement de cette molécule et des différents phytoplanctons dans la filière de traitement » précise Yves Primault, directeur général de Bionef.
Grâce aux signaux bioluminescents émis par trois souches bactériennes et  à leurs interprétations, l’Insitox délivre une information fiable afin d’aider à la prise de décisions.

Bionef propose ainsi des sondes portables spécialisées pour les microalgues, fabriquées par BBE : Algae Torch pour la mesure rapide de la chlorophylle a, des cyanobactéries et du phytoplancton total Fluroro Probe, très sensible et utilisable en portable ou à poste fixe pour le suivi environnemental, ainsi que la Benthotorch qui, comme son nom l’indique, mesure en temps réel la concentration des algues benthiques, c’est-à-dire fixées à des substrats comme les pierres ou les sédiments.

Pour le suivi en ligne Bionef propose trois appareils BBE. L’Algae Guard et l'AOA d'une part, fluorimètres en ligne autonomes, déterminent simultanément la teneur en chlorophylle selon les classes d’algues vertes, bleues-vertes, brunes (diatomées et dinoflagellés) et cryptophytes. Le Phycosens d'autre part, qui mesure en sus et en simultanée la Phycocyanine libérée par les cellules de caynobactéries. Nécessitant très peu de maintenance, ils sont munis de sorties analogiques 4-20 mA et d’une interface de transfert de données. Ces trois analyseurs utilisent aussi le principe de la fluorescence à différentes longueurs d’onde pour quantifier la densité d’algues et leur répartition entre les différentes classes pigmentaires. Nécessitant une alimentation électrique mais très peu d'entretien, grâce à leur système simple d'autonettoyage, ils sont destinés aux stations de surveillance ou au laboratoire.
L'analyseur bbe PhycoSens offre une analyse rapide des concentrations de chlorophylle et de phycocyanine non liée (PC libre). Il peut également mesurer l’activité photosynthétique des microalgues et la transmission. Toutes les mesures peuvent être affichées numériquement ou graphiquement. Les réglages et les étalonnages sont effectués par le logiciel.

Microbia Environnement intervient également dans la surveillance des microalgues et cyanobactéries, mais avec une méthode d’analyse en laboratoire de ces organismes, grâce à des biocapteurs génétiques spécifiques à différentes espèces préoccupantes. La société a d’ailleurs développé un système de pompe portable munie d’un filtre pour faciliter le prélèvement et le transport de l’échantillon. « Avec un prélèvement une ou deux fois par semaine, nous pouvons suivre la dynamique des populations de ces organismes et prévenir du risque de prolifération avant que le problème ne survienne. Nous ne mesurons pas une quantité de cellules mais une activité, que nous traduisons sous forme d’alertes de type météo, simples à comprendre : bleu, vert, jaune ou rouge » explique Sandra Lagauzère, chargée du développement des marchés chez Microbia. Elle rappelle que les analyses réglementaires par microscopie, longues et chères, se font à des fréquences de deux semaines, voire un mois, ce qui ne permet pas aux professionnels - conchyliculteurs, pisciculteurs, collectivités responsables d’une baignade ou d’une usine d’eau potable - de réagir à temps et entraîne des périodes d’interdiction subites et très longues. Des analyses d'auto contrôles peuvent néanmoins se faire en fonction du site et du risque ; un calendrier est à adapter au cas par cas. On peut par ailleurs suivre les algues en continu par des sondes algales installées in situ, ou de façon ponctuelle selon les besoins/alertes pour gérer le risque. Résultat, des grands traiteurs d’eau comme Veolia, des acteurs de l'eau comme BRL (Bas Rhône Languedoc), des régies des eaux comme à Nice, ou Montpellier, des sites touristiques comme le lac de Villeneuve de La Raho ou conchylicoles comme l’étang de Leucate, travaillent avec Microbia. Fonctionnant actuellement sur un modèle de prestation de service, Microbia développe des kits de réactifs pour que les grands opérateurs puissent réaliser l’analyse dans leur propre laboratoire.

« Nous proposons un nouvel appareil, l’EZ ATP, pour mesurer l’activité microbienne (bactéries, protozoaires). La mesure de l’ATP permet en effet la distinction entre cellules mortes et vivantes » expose pour sa part Frédéric Soumet (Hach). L’appareil est destiné à la surveillance du milieu naturel, des eaux brutes avant pompage ou des eaux de refroidissement.

Appréhender la toxicité

Changement de perspective ici. La liste des paramètres à contrôler peut s’allonger indéfiniment, comme le montre par exemple la nouvelle directive européenne sur l’eau potable. Mais est-ce suffisant ? De nouveaux acteurs proposent plutôt de s’intéresser à la toxicité du milieu pour des espèces sentinelles. Les tests physico-chimiques concernent nécessairement un nombre fini de polluants : on ne voit que ce qu’on cherche. « Or on estime aujourd’hui qu’il existe 200 000 molécules de micropolluants différentes potentiellement présentes dans l’eau. Sans compter l’effet cocktail… D’où l’intérêt du vivant, qui signale une toxicité même sans en connaître précisément l’origine, que l’on peut d’ailleurs rechercher ensuite par des méthodes analytiques » estime ainsi Didier Neuzeret, PDG de Viewpoint. David Mariet, directeur technico-commercial de Cifec, partage le même constat : « si on veut s’assurer qu’aucun polluant n’arrive sur une station de pompage, il faut disposer d’un capteur par polluant potentiel. Avec nos poissons, nous voyons au contraire l’effet d’un large spectre de molécules… sans savoir lesquelles. Quitte à prélever un échantillon d’eau en cas d’alerte pour l’analyser. Nous ne sommes pas concurrents mais complémentaires ».
Le ProSwap Logger est un enregistreur autonome, avec capteurs de pression et de température intégrés, sur lequel est ajouté un capteur d’algues. Il se connecte via une sortie Modbus ou SDI-12, et permet ainsi d’envoyer les données directement sur votre superviseur. Un système d’alerte peut être configuré pour être prévenu en temps réel d’une prolifération d’algues.

Certes il existe déjà en laboratoire des tests normalisés de toxicité sur des organismes vivants : daphnies, bactéries, diatomées, etc. C’est le domaine de laboratoires comme Carso, Eurofins ou Wessling par exemple. Ils sont cependant plus destinés au contrôle des process ou de la qualité de l’eau potable qu’à la surveillance du milieu. Dès lors, comment surveiller de manière plus réaliste la toxicité des eaux brutes ? Premier test de ce type, développé à l’origine par la SEM (société des eaux de Marseille) : une cinquantaine de truitelles placées dans un aquarium, dont les mouvements sont surveillés par sonar. Il est toujours commercialisé, sous le nom de Truitel, par Cifec, avec quelques améliorations comme le passage d’un aquarium tout en parois de verre, susceptible de fuir à la moindre tentative de déplacement, à un caisson monobloc en PVC avec une fenêtre en verre. Aujourd’hui l’appareil héberge plus volontiers des vairons, tout aussi sensibles à la pollution mais acceptant des températures d’eau plus élevées que les truites. « Il est habituellement implanté en station d’alerte en amont d’un captage. Il ne s’agit pas d’identifier telle ou telle pollution mais de signaler la survenue d’un problème - un camion qui se renverse par exemple - afin d’arrêter le pompage pour éviter de contaminer toute la filière de traitement » explique David Mariet. Les poissons réagissent en quelques dizaines de minutes à la présence de divers polluants. Canal de Provence, par exemple, est un client régulier. Parmi les autres adeptes : Veolia à Toulon, la SEM, l’usine d’eau potable de Pech David à Toulouse, les villes du Havre ou de Lyon. Le Truitel peut aussi se placer en sortie de STEP, ne serait-ce que pour convaincre les pêcheurs de l’efficacité du traitement. « Si les vairons survivent dans l’effluent, pas besoin d’en dire plus aux pêcheurs, ils comprennent… » affirme David Mariet.

Cifec commercialise toujours le Truitel, un appareil de contrôle de toxicité des milieux, basé sur les mouvements des truitelles ou de vairons, mesurés par sonar. 

Biomae utilise pour sa part des gammares (crustacés d’eau douce) placés dans une cage immergée pendant trois semaines dans le milieu à contrôler. Les crustacés sont ensuite retirés, expédiés au laboratoire de la firme et la concentration de micropolluants dans leurs tissus est analysée par spectrométrie de masse. Il ne s’agit donc pas d’une surveillance continue. « Au début, nous procédons à des mesures rapprochées puis, lorsque nous avons une vision sur 1-2 ans de l’impact des pollutions sur un site, nous préconisons une à trois campagnes par an, souvent en saisons de hautes et basses eaux » explique Laurent Viviani, directeur du développement chez Biomae. Au laboratoire, l’analyse porte sur une base de 200 micropolluants. Outre ceux définis par la directive européenne, la recherche est ciblée en fonction de la demande : un industriel qui sait ce qu’il risque de rejeter, une collectivité qui sait quelles sont les menaces sur ses ressources. La firme peut aussi mesurer le niveau d’alimentation, la fécondité ou la perturbation endocrinienne, tous tests normalisés AFNOR. « Chez les invertébrés, une perturbation endocrinienne signale en général la présence de produits phytosanitaires » précise Laurent Viviani.

Pour la détection de HAP dans le eaux de surface, Hach propose la sonde HAP de type FP360 sc à fluorescence UV. La sonde peut être combinée à des capteurs supplémentaires situés sur les transmetteurs sc.

Watchfrog observe exclusivement la perturbation endocrinienne sur des vertébrés, têtards et poissons, proches de la santé humaine. Ces modèles sont sensibles à l’ensemble des micropolluants (résidus de médicaments, pesticides, herbicides, hydrocarbures, etc…) qui agissent sur notre physiologie. « Le système endocrinien est un bon baromètre de l’impact global des polluants chimiques sur notre organisme » justifie Gregory Lemkine, dirigeant de Watchfrog. Les larves transgéniques apparaissent fluorescentes en cas de contamination et l’intensité de cette fluorescence est proportionnelle aux effets des polluants. L’eau est ainsi prélevée pour exposer les larves en dehors du milieu. Watchfrog propose deux types de fonctionnement. Tout d’abord l’analyse au laboratoire de prélèvements envoyés par les utilisateurs, par exemple en sortie de STEP. « Certains le font depuis une dizaine d’années, ce qui nous permet de suivre l’évolution des performances de la STEP » précise Grégory Lemkine. « Nous avons aussi développé, à certains endroits pilotes comme au SIAAP, des dispositifs de surveillance en continu, les Frogbox. Ces systèmes d’alerte sont placés sur les ouvrages ou le milieu récepteur » ajoute-t-il.

Par ailleurs, Watchfrog a lancé en 2019 le projet Pacque (pilotage de l’analyse chimique de la qualité de l’eau). Il s’agit d’utiliser en parallèle le test Watchfrog et l’analyse chimique exhaustive de l’eau, afin de repérer les substances les plus impactantes dans chaque échantillon. Réalisé sur le Bassin versant de l’Oudon, avec aide du conseil général de la Mayenne, de l’Ademe, des plans investissement d’avenir et du pôle DREAM, Pacque rendra ses résultats dans les mois à venir.
Viewpoint propose pour sa part le Toxmate, un appareil hébergeant trois espèces d’invertébrés (gammare, radix et sangsue) dont les mouvements sont filmés et analysés en temps réel. Il permet un suivi toxicologique sur site, en ligne et en continu et crée une alerte en 2 mn en présence de micropolluants . « Avec trois espèces, sensibles à des polluants différents, nous avons une gamme de détection importante. Nous espérons à terme pouvoir indiquer le type de micropolluants présents en corrélant les réponses des trois espèces. C’est l’objet d’une thèse que nous hébergeons actuellement, en partenariat avec Inrae » précise Didier Neuzeret.

Commercialisé depuis septembre 2020, ToxMate est utilisé tant en surveillance de la ressource potabilisable, comme sur un site en Bretagne exploité par Saur, qu’en sortie de STEP comme à Saint Fons, au sud de Lyon, et nouvellement à Chartres. Des usines de potabilisation utilisent ToxMate car l’hypersensibilité des 3 espèces utilisées permet de s’assurer de la bonne efficacité des traitements et grâce à des pics très fins, d’affiner le traitement, le suivi de la qualité et le coût. Des industriels sont également intéressés dans une démarche RSE et afin d’identifier des événements problématiques au cours de leurs process. Dans le cadre du programme H2020, ToxMate a aussi été installé en Suisse allemande sur le site d’Altenrhein pour mesurer les performances des traitements des micropolluants et au SIAAP pour les tests sur les eaux de STEU et de la Seine.

ToxMate, développé par ViewPoint Biosurveillance de l'Eau, est une station de détection de micropolluants sur site et en continu, basée sur l'analyse du comportement de 3 espèces d'invertébrés aquatiques.

Enfin, Tame-Water propose l’Insitox, un analyseur de biosurveillance terrain, qui permet un diagnostic rapide et automatique de la toxicité de l’eau en quelques heures. Grâce aux signaux bioluminescents émis par trois souches bactériennes et à leurs interprétations, l’Insitox délivre une information fiable afin d’aider à la prise de décisions.

Dans les Côtes d’Armor, à Kern Uhel, la station d’alerte  Datalink Instruments exploitée par la Saur analyse les nitrates (analyseur NT200), les ions ammonium (AM200), hydrocarbures (FL200-H), chlorophylle-a (FL200-C) et les phosphates ( PCA200-PO4).

« Grâce à la complémentarité de tests unicellulaires, Tame-Water propose aussi des analyses diverses de biosurveillance ciblant différentes thématiques : toxicité générale, génotoxicité, perturbation endocrinienne, etc. Alors qu’il n’existe pas encore de réglementation poussant à utiliser la plupart de ces tests, Tame-Water espère contribuer à faire évoluer les normes, avec son approche en panel analytique et ses clés d’interprétations spécifiques », assure Erwan Michelin, responsable du laboratoire Testing et production.

La plupart de ces acteurs sont réunis dans l’association France Eau Biosurveillance, récemment créée dans le cadre du contrat de filière, et qui a pour but de favoriser l’utilisation des bioessais. « Il existe désormais une large gamme de tests validés, certifiés, pour certains normalisés. Or ils sont encore peu utilisés à cause d’une certaine frilosité des autorités compétentes » affirme Grégory Lemkine. Les utilisateurs, eux, semblent plutôt convaincus. 


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