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Enregistreurs autonomes : autant d’appareils que d’applications

30 novembre 2021 Paru dans le N°446 ( mots)
Rédigé par : Patrick PHILIPON

La même appellation de data logger recouvre des réalités très différentes en termes d’utilisations, de fournisseurs et d’orientation technologique. A chaque besoin son enregistreur autonome.

Au début était un besoin : suivre l’évolution d’un paramètre, généralement le niveau d’eau, dans des endroits dépourvus d’alimentation électrique et impossibles à relier par câble à une supervision centrale. Typiquement : une station de pompage isolée, un déversoir d’orage, un réservoir, une nappe phréatique… De là est né le data logger, ou enregistreur autonome, un appareil pourvu de sa propre source d’énergie, alimentant un ou plusieurs capteurs et capable de stocker les données brutes jusqu’à ce qu’un opérateur vienne les relever.
Le nouveau data logger SOFREL DL4W est ici couplé en Modbus avec un débitmètre. Il communique régulièrement les infos internes du débitmètre (données + diagnostic de fonctionnement) vers la centralisation.

Puis ces appareils ont évolué car on leur a demandé, d’abord, de communiquer par radio les données à l’agent releveur, et ce même à travers le sol, une plaque de fonte ou la paroi bétonnée d’un château d’eau, puis de les transmettre à distance vers des outils de supervision via des réseaux de télécommunication, lesquels évoluent eux-mêmes de plus en plus vite. Dans le même temps, ils devaient avoir une autonomie toujours accrue et accepter des entrées de types variés : 4-20 mA, modbus, etc. « Aujourd’hui, un data logger gère le capteur, l'alimentation du capteur, sa propre alimentation, la transmission de données, et de plus en plus leur prétraitement. Il envoie des alarmes, communique l'état de santé des capteurs… Potentiellement, on lui demandera bientôt d'actionner une vanne ou un préleveur d'échantillon. Le terme est resté le même mais l'appareil a beaucoup changé » résume Christophe Magniez, responsable produit des data loggers chez Lacroix. « Initialement on demandait simplement à l’enregistreur d’acquérir des données brutes mais on va de plus en plus vers une “intelligence” intégrée : prises de mesure à pas de temps différents en fonction de seuils, envois d’alarme, gestion de l’énergie » renchérit Joan Pétringer, directeur commercial “Hydrologie” chez Paratronic.

Telle pourrait être l’histoire d’une tendance générale des data loggers à toujours plus de sophistication, suivant en cela l’évolution des capacités de calcul et des protocoles de communication. Mais cela correspond-il à une évolution générale des besoins des utilisateurs ? L’enregistreur pur a-t-il dit son dernier mot ? D’un autre côté, à l’ère des services cloud, dotés de leur propre mémoire, les enregistreurs ne vont-ils pas être supplantés par des transmetteurs, voire des capteurs communicants ?

Partir des besoins du terrain

TH industrie, qui fournit et installe des systèmes de mesure dans tous les domaines, propose un vaste panel d’enregistreurs autonomes de toutes marques et de toutes capacités. Pourquoi cette diversité ? Stéphane Coupeau, dirigeant de TH Industrie, répond en inversant la perspective : « les nouvelles technologies comme la 4G ne doivent pas faire oublier les fondamentaux : quel est le but de la mesure ? quelle est l’incertitude acceptable ? et la répétabilité souhaitée ? Tout cela aussi détermine le choix de l’enregistreur car tous n’ont pas la même fréquence d’acquisition, la même résolution (le convertisseur analogique/numérique modifie l’incertitude de mesure du capteur), etc ». Le besoin et l’application définissent donc quel enregistreur choisir. « Le mode de communication vient après, en fonction des besoins du client et de ce qui est disponible sur le site. Ce n’est pas un problème : il existe forcément des solutions pour transmettre les données. TH Industrie peut proposer du Lora ou du Sigfox quand c’est adapté à une application, pas parce que c’est la mode. Dans certaines circonstances, mieux vaut encore brancher l’enregistreur avec un câble » ajoute-t-il. Une approche qui a convaincu par exemple le SIAAP, qui modifie ses procédés de traitement des eaux usées et a demandé à TH Industrie d'instrumenter ses STEP pour cela.
Développé par Hydreka, le DTU 2 3G/GPRS est une nouvelle génération d'automate autonome IP68, associé à des capteurs analogiques ou numériques, pour l'autosurveillance des réseaux d’eau potable, d’assainissement, industriels et des milieux naturels.

Avant d’opter pour tel ou tel appareil, il convient donc de s’interroger sur ce que l’on veut vraiment faire avec. S’agit-il de réaliser une campagne de mesures (recherche d’eaux parasites, impact des précipitations sur un réseau d’assainissement, par exemple, ou topographie d’un réseau de distribution d’eau potable) ou au contraire veut-on suivre en continu, voire piloter son installation ? Alain Cruzalebes, dirigeant de Perax Technologies distingue ainsi trois catégories de produits ayant chacune leur place, représentant trois marchés avec leurs propres fournisseurs et leurs propres applications. L’enregistreur pur, que l’on “décharge” en y branchant un PC, est adapté aux campagnes de mesure des bureaux d’études. L’appareil que l’on peut interroger sans fil en passant à proximité est plutôt destiné au relevé des compteurs, lorsqu’il s’agit de “lire” automatiquement des appareils nombreux et densément répartis. Enfin le data logger transmettant ses données vers des postes centraux via les réseaux de télécommunication est indiqué pour les installations isolées où l’envoi régulier d’un agent coûterait bien plus cher que l’installation d’un appareil.

Enregistreur autonome LNU06V4-LTE pour le suivi des déversoirs d'orage.

VonRoll hydro, qui est fabricant de matériel de recherche de fuites, propose ainsi au sein de sa gamme une série de data loggers dont la particularité est de pouvoir interfacer n’importe quel type de capteur (pression, débit, hauteur de réservoir…) pour surveiller des réservoirs isolés et transmettre les données enregistrées via GPRS. IP Systems s’appuie sur la technologie RTU de son partenaire Ovarro pour garantir le fonctionnement des automates dans n’importe quel environnement. PLM Equipement offre quant-à-lui un kit de location de datalogger afin d’analyser de la qualité de l’air intérieur d’une installation et de mesurer les paramètres de température, d’humidité relative, de pression atmosphérique, de CO2 (dioxyde de carbone) et de CO (monoxyde de carbone).

Il est donc aujourd’hui possible de mesurer, enregistrer et transmettre une immense variété de paramètres. Dans le monde de l’eau, pression, température, niveau, débit, parfois turbidité, et de plus en plus des indicateurs de qualité (chlore par exemple) dominent les débats. Les principales applications restent la recherche et localisation des fuites en eau potable, l’autosurveillance réglementaire des réseaux unitaires – et maintenant séparatifs – d’eaux usées (surverses des déversoirs d’orage), auxquelles s’ajoutent désormais des préoccupations de qualité. « En eau usées, seul le volume est réglementé mais des directives demandent de surveiller la qualité de l’eau qui passe dans le réseau et est susceptible de se déverser, sans obligation de mesure. Les mesures de conductivité ou de turbidité apparaissent » souligne Mathieu Zug, directeur scientifique et innovation chez Ijinus (groupe Claire). Le suivi de la qualité de l’eau arrive aussi en eau potable, en particulier pour le taux de chlore. « Mieux vaut faire du préventif, vérifier en temps réel le chlore, le pH ou la turbidité à des endroits stratégiques du réseau de distribution qu’attendre la plainte des usagers » souligne Christophe Magniez (Lacroix).

Une évolution convergente ?

Cela posé, le choix se fera parmi les appareils de fabricants ou distributeurs comme, entre autres, Aqualabo, Bürkert, C2AI, Chauvin Arnoux, Hach (transmetteurs), Endress+Hauser, Hitec, Hydreka, IP Systems, Keller, Nivus, Ovarro (anciennement Primayer), Prisma Instruments, SDEC ou encore Xylem. La plupart de ces sociétés fabriquent aussi, voire avant tout, des capteurs : les enregistreurs autonomes n’en sont que les accessoires plus ou moins obligés. Tout en maintenant souvent leur gamme classique de data loggers, toujours pertinente, ces fabricants mettent au point des appareils “up to date” pour suivre l’évolution des réseaux de télécommunication… ou de la demande des utilisateurs.
La régie des eaux de Mont de Marsan utilise un data logger DeltaX de Perax (l’appareil hémisphérique en haut à gauche) pour suivre à distance le fonctionnement d’un poste de chloration de l’eau potable.

Ijinus a ainsi présenté à Pollutec sa nouvelle gamme V4. Si l’apparence extérieure reste la même, le nouveau LOG est doté d’un modem compatible avec la 4G, voire la 5G, en LTE-M ou NB IoT. Sa mémoire passe à un million de mesures et Ijinus garantit désormais une autonomie de 10 ans, l’appareil étant de plus doté d’une jauge numérique de consommation énergétique. Simplification de la gamme également : alors que la génération précédente (V3) comportait une référence par type d’entrée (4-20 mA, modbus… ), le même appareil a désormais toutes ces capacités. « Au total, le data logger se transforme en une sorte de mini-automate. Les clients nous demandent en effet de pouvoir brancher plusieurs capteurs sur un même appareil et de recevoir une alarme en cas de dépassement de seuil. Ils souhaitent aussi que le logger règle lui-même la fréquence des mesures, en l'augmentant en cas d'anomalie. Le tout en consommant moins d'énergie, en communicant plus vite et en étant capable de s'adapter aux nouveaux canaux de télécommunication » énumère Matthieu Zug. Ijinus étant essentiellement focalisé sur l’assainissement urbain (et les eaux superficielles) avec cette nouvelle gamme, le fabricant entend renforcer ses positions sur l'eau potable. Ses clients restent les mêmes : les grands traiteurs d’eau, des bureaux d’étude réalisant des opérations de diagnostic et bien sûr les distributeurs/installateurs. A cela s’ajoutent de grandes collectivités en régie directe comme Rennes, ou des SPL (société publique locale) et des EPCI (Établissement public de coopération intercommunale).

La série XiLog est la gamme d’enregistreurs de données d’Ovarro. Chaque enregistreur peut être programmé pour les communications GPRS ou SMS. Il est disponible en modèles à un ou neuf canaux pour une utilisation avec une grande variété de capteurs pour la surveillance des réseaux d’eau.

Dans la catégorie des automates autonomes et connectés, Hydreka propose le DTU2 4G/3G/2G dédié à l’autosurveillance des réseaux d’eau potable, d’assainissement, industriels et des milieux naturels. De conception robuste, IP68 et autonome jusqu’à 5 ans via batteries internes, le DTU2 permet la connexion d’une multitude de capteurs en simultané (vitesse, radar de niveau, pluviomètre, préleveurs, physico-chimie…). « Facilement déployable et programmable via l’Ecosystème Winfluid NG, les fonctionnalités de gestion d’alarmes, d’envoi des données sur la majorité des systèmes de supervision et de rapports automatiques en font une solution efficiente dans la réduction des coûts opérationnels et la gestion de plusieurs sites d’exploitation », assure Korentin Jolivet, responsable marketing et communication.

Chez Keller, l’enregistreur de données DCX-22-ECO est un instrument autonome en acier inoxydable, destiné à l’enregistrement de pressions hydrostatiques et les températures sur de longues périodes.

Lacroix présent sur toute la chaîne du capteur à la supervision centrale, a également profité de Pollutec pour présenter la nouvelle génération de ses enregistreurs autonomes, les DL4W. Sans grande surprise, ils gardent la même plateforme matérielle que la génération précédente mais communiquent désormais via la 4G, plus précisément les réseaux LTE-M et NB IoT. « Leur capacité de calcul a augmenté, de manière à pouvoir envoyer des informations “prémâchées” au niveaux central et gérer au mieux leur énergie » ajoute Christophe Magniez. « Les premiers data loggers de cette génération ont été expédiés en Espagne et en Arabie Saoudite où il y a une attente forte pour de la communication machine to machine en 4G. Dans les deux cas, nous en avons fourni plusieurs centaines » précise Benoît Quinquenel, chef de projets Digital & communication chez Lacroix.

Paratronic s’est lancé dans le data logger communicant pour la surveillance de la ressource en eau : nappes phréatiques puis eaux de surface. Depuis deux ans, la firme propose son enregistreur multiparamètres LHC. Au menu, des mesures de niveau, de température, de pression et maintenant de conductivité. Initialement conçu pour la 3G, le LHC évolue lui aussi vers la 4G. « Nous équipons le Conseil départemental des Landes pour le suivi de la ressource en eau (nappes). Le Conseil départemental de l’Hérault utilise aussi des enregistreurs LHC : la mesure de conductivité permet de suivre l’évolution des intrusions salines dans les nappes » précise Joan Pétringer.

Pour le suivi de la qualité de l’eau en bassin aquacole notamment, Aqualabo propose la solution autonome de communication sans fils LoRa Aquaconnect. Sur les chantiers de dragage ou cours d’eau naturelle, son Log-Aqua permet de connecter jusqu’à 4 capteurs numériques dont les données sont visibles sur un Cloud sécurisé. L'utilisateur peut en outre régler des alertes et être averti en cas de dépassement de seuil.

Le data logger Transfer de Chauvin Arnoux permet quant-à-lui de piloter les mesures de conductivité et de température du CA 10141. Il offre toute une librairie de formats de fichiers afin de sélectionner le format le plus adapté à l’application d’analyse visée.

Pour les applications réseau, Paratronic propose toujours son MAC, un enregistreur “pur” (il faut venir relever les données) qui sera supplanté début 2022 par un nouvel appareil communicant, modulaire, dont le prototype a été présenté à Pollutec.
Disponibles en version « cigare », sans câble, Keller propose l'enregistreur de données DCX-22-ECO dont la longévité de la pile permet d’enregistrer le niveau hydrostatique (pression) et la température sur plusieurs années (jusqu’à 10 ans pour une mesure horaire). Les différentes possibilités de configuration permettent d’adapter l’enregistreur au point de mesure de manière à enregistrer uniquement les données utiles, ou à détecter les résultats intéressants afin d’enregistrer ensuite les valeurs mesurées avec un intervalle plus court.

Une autre vision

« Il faut équiper de plus en plus de points de mesure, ce qui suppose des appareils innovants pour être moins chers, plus simples, durables et conçus dans un esprit de frugalité environnementale, ce qui est donc antinomique avec la sophistication croissante des systèmes. De nombreux observateurs s’accordent à dire qu’il y aura demain sur l’IoT des objets connectés très simples et très nombreux. Perax s’inscrit dans cette tendance : aller vers des systèmes simples, universels, qui envoient de la donnée brute. Le traitement se fait ensuite » revendique Alain Cruzalebes. Perax va jusqu’à remettre en cause la course à l’autonomie des data loggers. « Il existe beaucoup de situations où il faut de toute façon se déplacer pour faire des opérations maintenance. Un déversoir d’orage s’entretient, par exemple. Dans la plupart des cas, un système autonome doté d’une pile lithium-ion est donc surdimensionné – sans compter le bilan environnemental de ces piles. Nous proposons plutôt une batterie rechargeable qu’on remplace tous les ans et qu’on recharge pour l’installer dans un autre appareil, c’est moins cher et plus respectueux de l’environnement » précise Alain Cruzalebes.
Le Log-Aqua  d'Aqualabo est un enregistreur autonome et communicant adapté pour le suivi de la qualité de l’eau sur les chantiers de draguage ou cours d’eau naturels (rivière, lac). 4 capteurs physico-chimiques peuvent être connectés en simultané (pH, conductivité, turbidité, oxygène dissous, MES…).

Perax propose son logger DeltaX, capable de communiquer en 4G (LTE-M) mais toujours opérationnel avec la 2G pour s’adapter au réseau présent sur chaque site. Il utilise le protocole standard MQTT, le rendant interopérable avec de nombreux objets connectés, superviseurs et plateformes IoT. Le même appareil peut être déployé sur les réseaux d’eau potable, d’eau usée ou pour tout autre application, ce qui facilite la maintenance du parc. Au-delà des applications classiques de sectorisation et de surveillance des déversoirs d’orage, Perax vend des data loggers à des fabricants de petites stations de retraitement de l'eau destinées à l'exportation vers l'Afrique. « La ville de Mont-de-Marsan utilise aussi le DeltaX pour surveiller un système quasi autonome de chloration de l’eau potable : vérifier le remplissage du réservoir, suivre le taux de chlore injecté, les fuites de chlore… » ajoute Alain Cruzalebes.

Perax prolonge d’ailleurs la réflexion en proposant des systèmes ouverts de plateformes IoT pour exploiter et partager les données. Après tout, une même mesure de niveau peut intéresser un service d’eau mais aussi Météo France, le service d’urbanisme, un industriel local, etc.
Chez Prisma Instruments, le plus puissant des dataloggers autonomes est le ML4174G, selon Abdallah Boukli-Hacene, directeur général. Capable de recevoir aussi bien des signaux analogiques logiques que des liaisons communicantes en Modbus, NMEA, SDI-12 ou ASCII, il peut superviser jusqu’à 20 abonnés différents - compteurs d'eau ou d'énergie, capteur météo, débitmètre canal ouvert… etc- et dispose d'une capacité de calculs standards ou polynomiaux permettant si nécessaire un traitement intelligent des information reçues. Il peut être équipé d'une caméra pour la transmission d'image ou de vidéo. « Il est équipé d'un récepteur GPS, d'une carte SD pour le stockage local de données. Outre le réseau GSM (2G, 3G ou 4G) il peut être fourni avec une liaison satellitaire (Iridim SBD) en cas d'absence de réseau GSM. Nous fournissons également l'accès à un serveur MAP permettant la localisation de centaines de dataloggers avec une intégration à l'application de Google maps ». 


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