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L'épuration végétalisée s'ouvre à de nouveaux marchés

31 mars 2016 Paru dans le N°390 à la page 67 ( mots)
Rédigé par : Isabelle BELLIN

La « filière française », comme on l'appelle, la seule à traiter les eaux brutes, a fait ses preuves depuis une vingtaine d'années pour les petites collectivités. Ce mode de dépollution biologique se développe dans plusieurs directions, par exemple vers l'assainissement non collectif, notamment depuis que les solutions proposées bénéficient d'un agrément. Plus récemment, grâce aux travaux de R&D engagés par plusieurs PME, Irstea et des laboratoires académiques, les filtres plantés de roseaux permettent de traiter certaines eaux industrielles, voire des eaux de ruissellement dans de plus grandes villes.

L’épuration par filtres plantés de roseaux s’est développée en France sous l’impulsion d’Irstea à la fin des années 1990 pour traiter les eaux usées brutes avant rejet dans le milieu naturel. En 2005, l’Institut a défini les règles de dimensionnement de cette « filière française », la seule à faire d’une pierre deux

[Photo : La station FPR de 400 EH installée à l’intérieur des remparts à Villefranche-de-Conflent est invisible, conformément aux prescriptions de l’architecte des Bâtiments de France, et fonctionne sur un étage recirculé dimensionné à 1,2 m²/EH. Réalisation Epur Nature.]

Dépolluer les eaux brutes, grossièrement dégrillées, et déshydrater les boues. Avec plus de 3 500 stations d’assainissement collectif, c’est, en France, le procédé le plus utilisé en dessous de 2 000 équivalents habitants (EH), désormais soumis à l’arrêté du 21 juillet 2015, révisant celui du 22 juin 2007. Fiable, pérenne, économique, esthétique, respectueux de l’environnement et nécessitant peu d’entretien, ce mode d’assainissement supporte aussi très bien les fluctuations de charge hydraulique et organique, même sur plusieurs mois.

Actuellement, le marché est néanmoins freiné par les incertitudes liées à la réforme territoriale, notamment la loi NOTRe (n° 2015-991 du 7 août 2015) qui prévoit le transfert de compétences communales d’assainissement aux communautés de communes et aux communes d’agglomération à partir du 1ᵉʳ janvier 2020. Mais nul n’en doute : le développement de cette filière est certain.

Une filière qui se structure

La filière type comporte généralement deux étages à percolation verticale à travers un lit filtrant (50 à 80 cm de graviers fins, sable, etc.) sur un fond rendu étanche par une géomembrane. Les matières en suspension (MES) sont retenues en surface (curage tous les 10 ans) et la matière organique est minéralisée en profondeur par des colonies bactériennes. Le premier étage comporte trois filtres en parallèle (1,2 m²/EH pour l’ensemble), alimentés alternativement par bâchée ; le second, deux filtres (0,8 m²/EH) pour affiner l’épuration, notamment la nitrification. Pas besoin d’apport d’énergie si le dénivelé est suffisant. Les niveaux de rejet sont excellents (< 90 mg/l de demande chimique en oxygène (DCO), < 15 mg/l de MES, < 8 mg/l d’azote Kjeldahl (NTK)).

Cette phytoépuration n’est pas une dépollution par les plantes : « C’est un traitement biologique aérobie effectué par la biomasse bactérienne se développant sur les rhizomes des végétaux et autour des grains du massif filtrant, explique Nathalie Mettling, co-gérante à l’Atelier Reeb. La plante assure un rôle mécanique. Elle crée des passages préférentiels grâce à son réseau de rhizomes et de racines et ralentit l’infiltration. » « L’intense réseau racinaire est le lieu d’importants échanges d’oxygène et d’exsudats entre la plante et les colonies bactériennes, qui joue cependant un rôle non négligeable dans le traitement », ajoute Élodie Maillard d’Aquatiris. Des travaux réalisés par Aquatiris et Bernard Védry de Res Naturalis sur un filtre planté en service depuis huit ans ont permis de mettre en évidence un réseau de 7,3 km de rhizomes, racines et radicelles par m² de filtre planté (sur les 30 premiers cm de couche filtrante).

« La végétation permet aussi de tamponner les changements de température, certaines installations fonctionnent à –30 °C, d’autres en zone tropicale », poursuit Vincent Leboeuf, directeur général d’Epur Nature, filiale de Syntea, qui propose aussi le traitement d’effluents très spécifiques, chargés en hydrocarbures, et le traitement des eaux pluviales. Epur Nature a tout d’abord développé le système connu dans le monde entier sous le nom de « french process », un filtre composé de

[Photo : Rhizostep®, le procédé développé par le groupe Saur est adapté aux rejets de 50 à 2 000 EH, utilise les propriétés épuratoires du sol comme moyen de traitement des effluents bruts ; des massifs plantés de roseaux (lits Rhizostep) assurent une filtration naturelle. Plus de 200 Rhizostep® sont en service en France.]
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La plus grande station biologique de filtres plantés en milieu industriel

Le groupe SCA, leader en produits d’hygiène, a installé des filtres plantés de roseaux pour compléter son traitement traditionnel d'eaux usées du site de Kunheim (Haut-Rhin) qui produit mouchoirs, papier toilette et essuie-tout. « Contrairement aux collectivités qui traitent de faibles volumes d'effluents fortement chargés, nous traitons de gros volumes (2 à 3000 m³/j) faiblement chargés, explique Sylvain Tschaen, responsable du projet. Notre station s'étend sur 7 500 m² : dimensionnée pour 4 500 m³/j, elle comporte quatre lagunes de trois casiers chacune, en écoulement vertical, un investissement de 2 millions d’euros. Quant aux coûts d'exploitation, ils sont deux à trois fois moins élevés qu'une filière traditionnelle à boues activées, raison de notre choix ».

Après 6 mois de tests sur pilotes avec le prestataire retenu, Olty Arkedia, situé à 20 km de l'usine, la solution a été implantée fin 2015. Les casiers sont alimentés par bachée de 25 m³ avec une alternance toutes les 9 h, soit un temps de repos de 72 h par casier. Un premier filtre mécanique récupère les plus grosses MES avant la station physicochimique ; un second filtre mécanique (20 μm) limite la concentration en fibres papetières envoyée aux filtres plantés. Les eaux traitées sont récupérées en fond de lagunes et acheminées vers le Rhin. « Après quelques semaines de fonctionnement, on constate une très bonne efficacité en termes de MES ; l'objectif est quasiment atteint en termes de DCO (60 % d'abattement). Il faudra attendre quelques mois, le temps que les écosystèmes se mettent en place, pour atteindre les objectifs en demande biochimique en oxygène à 5 jours (DBO5) ».

Deux étages à percolation verticale par lesquels transite l'effluent à dépolluer. Il s'agit du procédé Phragmifiltre®. « Ces filtres sont plantés de végétaux adaptés au climat local, par exemple des roseaux de type Phragmites australis en Europe, mais encore des Heliconia (oiseaux du Paradis) aux Antilles », explique Vincent Leboeuf. Le procédé consiste à faire percoler gravitairement les effluents ayant subi un dégrillage grossier à travers deux bassins distincts constitués de matériaux filtrants (sable, gravier fin, …) sélectionnés selon des analyses et des critères de conformité précis comme la granulométrie et la calcimétrie notamment, pour garantir un fonctionnement fiable et pérenne. La végétation, présente en surface des filtres, a un rôle essentiellement mécanique et très important pour le bon fonctionnement des filtres plantés. Elle a un effet sur la conductivité hydraulique : le réseau racinaire de la végétation favorise l'infiltration de l'eau dans les filtres. Elle a aussi un effet physique : les racines permettent de ralentir la vitesse d'infiltration de l'eau ce qui favorise la sédimentation des matières en suspension et augmente le temps de contact de l'eau avec la biomasse. « La végétation a également une influence importante sur la lumière, le vent et la température, indique Pierre-Yves Rioual, directeur général de Syntea. Elle permet d’abriter la biomasse du vent, et de la lumière. Elle permet de tamponner les changements de température, et les fortes variations selon les régions entre l'été et l'hiver. Certaines installations fonctionnent très bien à -30 °C et d'autres en zones tropicales ».

[Photo : Au Pérou, BlueSET a installé une Phytostation d’une capacité nominale de 453 m³/jour dans une région désertique proche de Lima pour traiter les eaux usées générées par un quartier résidentiel-commercial. Le suivi du fonctionnement de cette Phytostation a montré de bonnes performances épuratoires avec une réduction des concentrations en DCO, DBO5 et MES supérieure à 97 % dès la première année.]
[Photo : Jean Voisin a mis en service à St Amand Longpré (41) une installation de 2300 EH en ajoutant un réactif chloroferrique (FeCl3) pour respecter un rejet de phosphore total à 2 mg/L. Le premier bilan 24h, réalisé fin 2015, était de 0,93 mg/l.]

Victime de son succès, la filière végétalisée s'est

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[Photo : Filière « tout végétal » sur le site industriel de Saint Michel à Contes (41) de 750 EH, qui traite des effluents agroalimentaires avec des concentrations en DCO allant jusqu'à 15000 mg/l. Réalisation Jean Voisin.]

démocratisée, ouvrant la voie à de nombreuses entreprises de travaux publics.

« On compte désormais une centaine d’acteurs, beaucoup ne faisant qu’un ou deux chantiers par an, confirme Joëlle Paing, responsable R&D chez Jean Voisin. Ces entreprises de terrassement manquent souvent d’expertise et font parfois du tort à la filière. » D’où la décision de six acteurs historiques (Aquatiris, Atelier Reeb, Epur Nature, Jean Voisin, Phytorestore et Scirpe) de fonder en octobre 2014 la Fédération professionnelle des entreprises du secteur de l’épuration végétalisée (FEVE) qui « pèse » 2200 stations de filtres plantés (hors assainissement non collectif (ANC < 20 EH)). Soutenue par les pôles de compétitivité Dream, Eau et Hydreos, la FEVE a pour objectif de faire reconnaître l’excellence de la profession. D’ici deux ans, un label, défini avec les agences de l’eau et Irstea, précisera les critères de qualité des réalisations.

Phosphore : des résultats encourageants

Côté effluents domestiques issus de collectivités, il reste surtout à améliorer la rétention du phosphore qui dépasse rarement 40 à 50 %, insuffisant pour des rejets dans des zones sensibles (autour de 2 voire 1 mg/l).

Une des solutions consiste à ajouter, au cours du traitement, des réactifs chloroferriques ou des sels d’aluminium. « Nous avons mis en service en février 2015 à Saint-Amand-Longpré (41) une installation de 2300 EH en ajoutant un réactif chloroferrique (FeCl₃) pour respecter un rejet à 2 mg/l, précise Joëlle Paing chez Jean Voisin. Le premier bilan 24 h, réalisé fin 2015, était de 0,93 mg. »

Autre voie, validée par Irstea en 2012 : un réactif physico-chimique à base de phosphorite (roche naturelle riche en apatite) qui, utilisée dans des filtres saturés, permet de garantir des rejets inférieurs à 1 mg/l.

« Les apatites naturelles présentent des performances inégalées, toutefois ces matériaux sont des ressources non renouvelables et leurs coûts d’extraction et de transport depuis l’Afrique du Nord sont élevés »,

[Photo : Station d'épuration de Neuville les Dames (01), 1 600 EH, filière Azoe® de la société Scirpe. La particularité de la filière réside dans le prétraitement biologique sur lit bactérien qui crée les conditions oxydantes indispensables à la nitrification/dénitrification d'une part, et à la stabilité des précipités de phosphates ferriques d'autre part, formés initialement en amont sur la filière par injection de chlorure ferrique. Le potentiel épuratoire des deux étages de filtres verticaux est ainsi pleinement utilisé et apporte une excellente qualité de rejet.]
[Encart : Une réponse au problème de l’élimination des boues Dans le cadre du développement des filtres plantés de roseaux, le Groupe France Pluie a mis au point une solution à base de modules alvéolaires (MAP) pour apporter des réponses aux délais de mise en œuvre réduits ou au coût trop élevé de certains travaux d’aménagement. Une première application de ces MAP a permis d'apporter une réponse au problème de l'élimination des boues. Plutôt que d'avoir à procéder à des enlèvements fréquents et onéreux des boues produites par la station, la solution MAP permet leur épaississement et leur stockage sur une longue durée. Les boues produites par la station sont apportées par couches successives sur une série de MAP sur lesquels elles s'égouttent. Les périodes de repos favorisent leur minéralisation. Les percolats sont recueillis à la base de l'ouvrage. Après une période comprise entre 4 et 7 ans, les dépôts accumulés peuvent être évacués et valorisés en compost. La modularité permet une mise en œuvre rapide, évolutive, sur des terrains de configuration ou de nature délicates, et permet une maintenance simple et fiable.]
[Photo : Un Jardin d’Assainissement Aquatiris est constitué d’un ou deux filtres plantés, qui traitent, grâce à l’action des bactéries présentes en surface et au dessous, les eaux usées de l’habitation. Le 1er filtre est planté de roseaux et effectue le traitement principal. Le second filtre accueille différentes espèces (salicaires, iris des marais, menthe aquatique…) et affine le traitement de l’eau avant infiltration dans le sol.]

regrette Florent Chazarenc, chercheur à l’École des Mines de Nantes, qui travaille sur ces sujets avec de nombreuses PME, l’Irstea et de grandes entreprises. « Nous avons étudié d’autres matériaux capables d’adsorber le phosphore, notamment des laitiers d’aciérie, coproduits de l’industrie sidérurgique, dans le cadre du projet européen Slasorb avec Arcelor Mittal et Ecophyse avec Jean Voisin. Même si les résultats sur le terrain sont inférieurs à ceux obtenus en laboratoire, les performances sont stables et permettent d’atteindre des rendements > 60 % sur le PT après 4 ans. Nous expérimentons d’autres sources de matériaux. »

Epur Nature commercialise de son côté la solution de traitement du phosphore par apatite. « Elle présente l’avantage de conserver l’aspect robuste et particulièrement simple en exploitation par rapport à un traitement physico-chimique, indique Pierre-Yves Rioual. Cette solution, une fois en place, ne nécessite plus de manipulations ni de dosages contraignants de chlorures ferriques. La solution apatite permet d’atteindre le niveau de rejet de 2 mg/l sur le phosphore. Il y a une vingtaine de réalisations en France actuellement en eaux usées domestiques qui permettent de garantir un rejet stable largement sous la barre des 2 mg/l. »

Assainissement non collectif : des besoins importants

L’épuration végétalisée est également de plus en plus utilisée en assainissement non collectif, selon la réglementation du 7 septembre 2009, modifiée le 7 mars 2012 avec des solutions agréées proposées par Aquatiris, Epur Nature, IFB Environnement, BlueSET™, Sinbio… « Les demandes vont croissantes, confirme Elodie Maillard. L’assainissement non collectif à destination des particuliers représente plus de 90 % de notre activité. Plus de 3000 filtres plantés sont d’ores et déjà en fonctionnement sur le territoire national, grâce à notre réseau de référents locaux (50 bureaux d’études franchisés) et de 150 installateurs agréés. »

Le Jardin d’Assainissement Aquatiris® est constitué d’un ou deux filtres plantés, qui traitent, grâce à l’action de la biomasse bactérienne, toutes les eaux usées de l’habitation. Le premier filtre est planté de roseaux et effectue le traitement principal (l’eau en ressort traitée à 90 %). Le second filtre accueille différentes espèces (salicaires, iris des marais, menthe aquatique…) et affine le traitement de l’eau avant rejet dans la nature (infiltration dans le sol). On parle bien de filtre, et non de bassin, car il n’y a aucune eau stagnante en surface : les eaux usées de la maison sont directement déversées sur la surface du premier filtre, et le traversent aussitôt. « Pas de fosse et pas de vidange, souligne Elodie Maillard. Ce système d’assainissement ne doit pas être remplacé au bout de dix ou quinze ans, et son entretien ne nécessite pas l’intervention d’un professionnel. Il ne nécessite qu’un investissement initial, ce qui en fait l’un des systèmes les plus économiques sur 15 ans. »

À ce jour, Aquatiris a installé plus de 3000 Jardins d’Assainissement en France. L’entreprise ouvre son réseau de bureaux d’études à son partenaire historique, Atelier Reeb, qui traite, quant à lui, des effluents domestiques de hameaux ou villages en zone rurale (en général 100 à 2000 EH). BlueSET® a conçu et développé de son côté le procédé « Phytostation® Recycl’eau », spécialement dédié à l’assainissement non collectif.

[Encart : IFB Environnement intervient depuis 15 ans dans les domaines industriel et agroalimentaire grâce à des procédés de traitement intégrant tout ou partie végétalisée : Phytosorb® (procédé par évapotranspiration sous serre), Phospholith® (abattement du phosphore), Végétal® et Végétix® (effluents agroalimentaires et vinicoles), consommation hydraulique sur lits plantés d’arbres (TCR), lits de séchage de boues biologiques plantés de roseaux (LSPR).]
[Photo]
[Photo : Atelier Reeb conçoit des stations d’épuration des effluents domestiques de hameaux ou villages en zone rurale, en général de 100 à 2 000 EH.]

Ce procédé a fait l'objet d’un agrément interministériel obtenu suite à des essais d'efficacité conduits par le CSTB. « À ce jour, de nombreuses Phytostations sont en fonctionnement, témoignant de l'efficacité du procédé et de ses avantages notables par rapport aux systèmes conventionnels pour l’ANC », souligne Arnaud Alary chez BlueSET®. La Phytostation consiste en deux filtres plantés dans lesquels sont implantées des espèces végétales locales et spécialement sélectionnées en fonction de leurs propriétés épuratoires. De plus, le choix d'un cortège floristique diversifié dans chacun des deux filtres plantés, permet à la Phytostation Recycleau d’être installée sur l'ensemble du territoire français, en région méditerranéenne comme la montagne. « En effet, classiquement utilisées en phytoépuration, les espèces végétales que nous sélectionnons sont adaptées à différents contextes biogéo-climatiques et assurent des performances épuratoires optimales sous tous les climats ». Pour distribuer cette station sur l'ensemble du territoire français, BlueSET® a créé un réseau d'installateurs agréés ayant suivi une formation théorique et technique dispensée par ses soins.

Avec Hybrido®, Stoc Environnement associe quant à lui une microstation avec un filtre planté, ce qui permet de résoudre plusieurs problématiques, notamment celle de la variation de charge et de l'intégration paysagère. La solution répond aux enjeux de l’assainissement autonome de 21 à 1 000 EH.

Stoc Environnement est également mandatée par la société Flexirub, anciennement Cultisol, pour gérer le réseau Innovea qui compte environ 150 installateurs affiliés. Elle est à ce titre chargée de développer la filière “Auto Epure”, qui a été développée par Epur Nature, première filière plantée de roseaux agréée de 1 à 20 EH. Elle est ainsi chargée de faire la promotion de ce système d’assainissement autonome en France et de distribuer l'ensemble des filières qui seront à installer sur le territoire français.

Eaux industrielles : des réponses diversifiées

« Pour le traitement des effluents de l'industrie agroalimentaire, les effluents vinicoles ou encore les effluents de distillerie, les concentrations de pollution et les variations de charge ne permettent pas de les traiter avec des filières 100 % végétalisées, souligne Pierre-Yves Rioual, chez Syntea. Si l'on utilisait les bases de dimensionnement habituelles des filières végétalisées soit 50 g de DBO₅ par m² et par jour pour un premier étage de traitement, on obtiendrait rapidement des surfaces de filtre rendant l'investissement prohibitif. Et en plus de l'obligation de recirculation des effluents, ces filtres rencontreraient rapidement des limites en termes de charge hydraulique. En effet, la charge de pollution dans ces secteurs d'activité est importante mais avec un ratio de production en eau inférieur. Quand on a des charges de pollution de 0,4 g/l en DBO₅ ou 60 g/l sur la base de 150 litres/jour/habitant, pour les effluents domestiques, on se situe plutôt avec des concentrations de pollution entre 4 g/l et 30 g/l en DBO₅, selon les activités mais avec des productions en eau relativement basses ».

Agro Environnement, filiale de Syntea dédiée aux effluents agroalimentaires, viticoles et de distillerie, propose, quant à elle, des systèmes biologiques traditionnels couplés avec des traitements secondaires et tertiaires végétalisés. La partie aérobie permet de dépolluer l’effluent pour le rendre assimilable par un système végétalisé. La combinaison des deux process permet de réduire l'impact énergétique et de prendre en charge la gestion des boues générées par le traitement.

« Nous étudions deux axes de développement, explique de son côté Florent Chazarenc à l’École des Mines de Nantes. D'une part, la création de systèmes plus extensifs lorsque le foncier le permet, comme des marais naturels pour traiter des eaux. »

[Photo : Après plus de deux ans d'études et près d’un an d’aménagement, l'usine SCA de produits d’hygiène papier située à Kunheim (Haut-Rhin), qui emploie 480 collaborateurs, vient d’inaugurer sa station biologique de traitement des eaux usées issues de la production par lagunage planté de roseaux.]

Phytorestore

[Photo : Phytorestore s'est spécialisé et développe des systèmes de traitement pour des pollutions complexes : cosmétiques, pistes aéroportuaires. Par exemple, Phytorestore a conçu des Jardins Filtrants® pour traiter les eaux pluviales chargées en glycol et formiate pour l'aéroport d'Orly (7000 m² pour 12000 m³/jour).]

…de ruissellement et accueillir de la biodiversité, en s’inspirant d’initiatives étrangères comme à Berlin. D'autre part, des solutions pour dépolluer plus avec moins de foncier pour traiter les eaux domestiques de grandes villes jusqu’à 10 000 EH ou des eaux industrielles avec de fortes charges organiques, des secteurs encore très peu concernés par les filières végétalisées, que nous avons étudié à l’échelle industrielle dans le projet Phytoria ».

Piloté par Jean Voisin en partenariat avec le bureau d'études Utilities Performances, Phytoria (2012-2015) visait le traitement d'effluents agroalimentaires. « Dans l’industrie, chaque cas est particulier, précise Joëlle Paing chez Jean Voisin. La caractérisation préalable des effluents et de leur variabilité selon les jours, les saisons, la production est primordiale. Ensuite, il faut optimiser les matériaux filtrants et les configurations selon le foncier disponible. Nous avons testé plusieurs filières, plus ou moins compactes, sur 7 usines de pâtisserie industrielle, chocolaterie, production de sodas, laiterie, etc. Après 2 années de suivi sur 12 pilotes et 5 démonstrateurs à taille réelle, nous pouvons affirmer que la technologie permet d’atteindre les normes de rejets avec, soit une filière “tout végétal” à un ou deux étages si le foncier le permet, éventuellement associée à une aération forcée douce et/ou une recirculation des effluents, soit des solutions mixtes combinant une technologie intensive comme réacteurs biologiques à culture fixée avec des filtres plantés. Nous utilisons la Mayennite® comme matériau filtrant, un schiste naturel expansé que nous avons développé en 2008 avec l'École des Mines de Nantes pour notre filière domestique Ecophyltre® à un seul étage vertical (1,2 m²/EH). Sa forte porosité interne permet une meilleure fixation des bactéries que les matériaux filtrants classiques ».

Quelques résultats : les performances épuratoires sont élevées (jusqu'à 99 %), y compris pour des effluents très chargés (15 000 mg/l de DCO) ; l’emprise foncière est réduite entre 0,6 à 1 m²/EH en tout végétal, 0,25 m²/EH en filière mixte ; les coûts d’investissement et de fonctionnement, évalués sur 10 ans, sont réduits d’environ un facteur deux par rapport aux filières boues activées. De quoi faire évoluer les mentalités.

Jean Voisin étudie de son côté plusieurs nouveaux projets, y compris dans des pays tropicaux où les résultats s'avèrent encore meilleurs, et d’autres contextes industriels. C'est également le cas de Phytoserpe qui travaille sur l'adaptation des filières filtres plantés de roseaux au contexte marocain en collaboration avec l'École des Mines de Nantes.

Pierre-Yves Rioual, Syntea, précise que la filière a été adaptée pour être internationalisée. « Outre les réalisations d’Epur Nature depuis 2008 en Guyane, Guadeloupe, et Martinique, nous avons réalisé…

[Publicité : Le filtre planté de roseaux Guide d'exploitation]

Les zones de rejets végétalisées : des zones humides artificielles à vocation épuratoire

[Photo]
[Encart : Les zones de rejets végétalisées (ZRV) se composent d'une association de différents types de zones humides et sont généralement placées entre une station d’épuration classique et le milieu naturel à sauvegarder. Elles permettent une désinfection complémentaire sur les germes pathogènes et jouent également un rôle fusible en cas de dysfonctionnement temporaire de la station d'épuration amont. Le fait de passer au travers de ces zones humides artificielles a pour effet de restituer au milieu un effluent biologiquement plus sain en le rendant plus naturel, enrichi en micro-algues, microfaunes, et plus oxygéné.]

Des stations références au Maroc, dont l'une d'entre elles a été sélectionnée pour la COP 21 par Vivapolis sur le site « ville durable et changement climatique, des réalisations françaises à l'international », indique-t-il.

Agro Environnement, filiale de Syntea dédiée aux effluents agroalimentaires, viticoles et de distillerie, propose, quant à elle, des systèmes biologiques traditionnels couplés avec des traitements secondaires et tertiaires végétalisés.

Ces systèmes, brevetés en 2006, comptent plus d'une centaine de références. Phytorestore, qui compte plus de dix ans d'expérience dans l'épuration végétalisée et le design écologique en France mais aussi à l'étranger, s'est spécialisé et développe des systèmes de traitement pour des pollutions complexes : cosmétiques, pistes aéroportuaires. Par exemple, Phytorestore a conçu des Jardins Filtrants® pour traiter les eaux pluviales chargées en glycol et formiate pour l’aéroport d'Orly (7 000 m² pour 12 000 m³/jour).

Le concept « Écosystème d’Épuration Naturelle » de BlueSET permet également de traiter des effluents industriels, agricoles et spécifiques, avec d'autres avantages comme, par exemple, la limitation de déchets secondaires, la réduction de la consommation énergétique, la simplicité opérationnelle et l'intégration esthétique paysagère.

Dans le courant du deuxième semestre 2015, BlueSET a installé une station de traitement dans une usine agroalimentaire de la région vauclusienne, en appliquant le concept d'« Écosystème d’Épuration Naturelle ». « L'adoption de ce système de traitement écologique traduit la volonté de l'usine en matière de protection de l’environnement et lui a permis d’obtenir une récompense lors d'un concours RSE organisé par son partenaire, un grand groupe de distribution, souligne Arnaud Alary. Depuis la mise en service de la station, nous suivons attentivement son fonctionnement aux côtés du maître d'ouvrage afin de pouvoir collecter les premiers résultats d’épuration d'une part et, d'autre part, apporter une optimisation continue ».

Le déraccordement des industriels, encouragé par les agences de l’eau, semble bel et bien amené à se développer. « Nous avons de plus en plus de demandes d'industriels, confirme Nathalie Mettling d’Atelier Reeb. Ils représentent environ 15 % de notre activité. À titre d’exemples, nos dernières réponses à des appels d'offres concernaient un lycée agricole avec une salle de traite, une société de conditionnement de viande, une microbrasserie, une exploitation viticole ».

« Il est néanmoins encore difficile de proposer aux industriels des solutions clés en main comme pour les particuliers, explique Élodie Maillard d'Aquatiris, qui en conçoit pour de petits exploitants agricoles. Nous préparons un projet de recherche sur le sujet pour mieux caractériser ces effluents et répondre à la demande croissante de petites exploitations artisanales (une trentaine de vaches), souvent installées en bio ».

Aucun doute cependant qu’au fil du temps, la filière végétale sera capable de répondre à des marchés de plus en plus diversifiés.

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