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Des scientifiques plaident pour une nouvelle représentation du cycle de l’eau

12 septembre 2019 Paru dans le N°424 à la page 18 ( mots)

Une étude, publiée dans Nature Geoscience, relève d’importantes inexactitudes dans la plupart des représentations actuelles du cycle de l’eau.

Une équipe internationale, à laquelle se sont joints des scientifiques d’Irstea et de l'Université de Rennes, a analysé plus de 450 représentations du cycle de l’eau provenant du monde entier, et a trouvé que seulement 15 % d’entre elles montrent l'interaction de l'homme avec le cycle de l'eau et seulement 2 % représentent le changement climatique ou la pollution de l'eau, deux des principales causes de la crise mondiale de l'eau.

Selon ces scientifiques, le fait de ne pas tenir compte des activités humaines contribue à une méconnaissance fondamentale de la façon dont elles interagissent avec l'eau sur Terre et à un faux sentiment de sécurité quant à la disponibilité de cette ressource vitale. « Si la représentation du cycle de l’eau est fausse, il est difficile ensuite pour les décideurs et les citoyens de se rendre compte des enjeux et des problèmes que la ressource en eau peut générer », explique Gilles Pinay, directeur de l’unité de recherche Riverly à Irstea.

Les scientifiques ont également compilé les dernières estimations de l'eau sur Terre à partir de plus de 80 études qui montrent à quel point l’influence des activités humaines sur l'eau est devenue considérable : nous utilisons l’équivalent de plus de la moitié de l'eau qui coule dans toutes les rivières du monde, soit 24 000 km3 par an, principalement pour l'élevage du bétail.


L'activité humaine modifierait le cycle de l'eau de trois manières : en utilisant directement l'eau notamment pour le bétail, les cultures et les forêts, en perturbant les trois quarts de la surface terrestre par des activités telles que l'agriculture, la déforestation et la destruction des zones humides. Ces perturbations modifient l'évapotranspiration, la recharge des eaux souterraines, le débit des rivières et les précipitations. Enfin, les changements climatiques, en partie induits par les activités humaines, perturberaient l'écoulement et le stockage de l'eau à l'échelle locale et mondiale.

« Hormis les activités humaines, d’autres importantes inexactitudes existent sur ces représentations, poursuit Gilles Pinay. Notamment, la plupart des pluies que l’on reçoit sur Terre ne vient pas directement de la mer, comme le laissent croire les représentations actuelles. Les deux-tiers sont en fait dues à de l’évapotranspiration par les plantes et les sols, ce qui génère de la vapeur qui est poussée par le vent vers d’autres bassins versants où l’eau retombe. Il est important de comprendre que l’eau pompée par les arbres n’est pas « perdue » mais en partie redistribuée. Cela peut avoir une influence sur la manière dont sont appréhendés les enjeux d’utilisation des terres ».

Les scientifiques soutiennent que ces représentations erronées du cycle de l'eau contribuent à entretenir la méconnaissance du grand public et des décideurs et la persistance de mauvais usages. Il est donc urgent de promouvoir une meilleure compréhension du cycle et de son fonctionnement au XXIe siècle, afin que la société soit en mesure de trouver des solutions à la crise mondiale de l'eau.

Pour ceci, ils ont élaboré, à l’instar de ce qui se fait pour les diagrammes du cycle du carbone ou de l’azote qui intègrent pour la plupart les usines et les engrais, une nouvelle série de représentations pour mieux comprendre le fonctionnement du cycle de l'eau. Ils montrent une image plus complexe qui illustre les liens entre l'utilisation des terres et les précipitations, les changements dans la fonte des glaciers, la pollution et la montée du niveau de la mer. « De meilleurs dessins du cycle de l'eau ne résoudront pas la crise mondiale de l'eau, mais ils pourraient aider à prendre conscience des conséquences mondiales de la surconsommation d'eau, et représentent une étape importante vers une gestion plus équitable de l’eau », conclut Gilles Pinay.


B. W. Abbott et al. "Human domination of the global water cycle absent from depictions and perceptions", Nature Geoscience, 10 juin 2019

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