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Version de travail : Dossier en cours de rédaction

Stations végétalisées : une alternative durable pour le traitement des eaux pluviales et des eaux usées

Face aux défis croissants liés à la gestion de l’eau, les stations végétalisées apparaissent comme une solution écologique et durable pour le traitement des eaux pluviales et des eaux usées. Basées sur des processus naturels d’épuration, ces infrastructures permettent de répondre aux besoins des collectivités et des sites industriels tout en limitant l’empreinte énergétique et les coûts d’exploitation.

Filtres plantés de roseaux, bassins de phytoépuration, toits végétalisés, jardins filtrants… Reposant sur des mécanismes de filtration physique et de dégradation biologique par l'action conjointe des micro-organismes et des plantes, ces systèmes offrent une alternative efficace aux technologies dites conventionnelles. 

Ils contribuent non seulement à la dépollution des effluents, mais aussi à la préservation des écosystèmes en favorisant la biodiversité et la réutilisation des eaux traitées. «Depuis les années 2000, les filtres plantés se sont largement développés», contextualise Nicolas Nastorg, Président de la FEVE, la Fédération professionnelle des entreprises du secteur de l’Épuration Végétalisée. 

Filtre au Bois de Boulogne pour les eaux de ruissellement du périphérique ouest (Paris). 

«En 2006, 50% des nouvelles stations construites utilisaient cette technologie. Aujourd’hui, sur les 18000 stations françaises de moins de 2000 habitants, environ 30% sont des filtres plantés. Chaque année, sur 250 stations construites ou réhabilitées, 70% sont basées sur cette technologie. Pour les communes plus importantes, la boue activée reste néanmoins très grandement majoritaire», détaille Nicolas Nastorg.

LE LAGUNAGE EN COMPLÉMENT DES FILTRES PLANTÉS

Quid du lagunage dans ce panorama végétal ? «Il faut distinguer le lagunage proprement dit, soit la succession de deux ou trois bassins étanches d’eau libre, des stations végétalisées », indique Étienne Dantan, Ingénieur-maître Génie des procédés de l’environnement et Directeur technique de l’Atelier Reeb. Le lagunage pur est un procédé naturel extensif, distinct des filtres plantés. Moins performant et plus gourmand en surface, il reste adapté à certaines configurations rurales, notamment en complément d’un traitement principal. «Dans le cadre des stations végétalisées, le lagunage peut venir en complément des filtres plantés», précise Nicolas Nastorg. 

Station de Beauval.

Sur la station du bassin de la Grande Volière de Beauval (un projet de Créa Step), trois traitements sont ainsi combinés : un filtre planté classique, un lagunage classique et un lagunage à macrophytes servant de traitement de finition. Objectif: obtenir une qualité d’eau permettant sa réutilisation en arrosage. En matière de stations végétalisées, le filtre planté est une solution largement répandue. De nombreuses entreprises du secteur (adhérentes ou non de la FEVE), optimisent ce procédé en développant différentes techniques de filtration adaptées aux besoins spécifiques des effluents traités. 

Un cadre guide CCTP a été mis en place par la Fédération, en collaboration avec l’INRAE, pour définir les bases d’un traitement standard, auxquelles chaque entreprise apporte ses propres innovations. Certaines sociétés comme EcoBIRD, forte de plus de 2000 références en France et à l’international, ont développé des technologies brevetées conciliant compacité, performance et sobriété énergétique, comme le Rhizosph’air®, un filtre planté de végétaux à aération forcée, garantissant des niveaux de rejet particulièrement bas avec une emprise au sol limitée.

Solutions flottantes pour dépolluer en surface sans modifier le sol.


SIMPLICITÉ, FIABILITÉ ET FAIBLE COÛT D’EXPLOITATION

«Les stations végétalisées allient simplicité, fiabilité et faible coût d’exploitation. Leur entretien, similaire à celui des espaces verts, est minimal. Leur robustesse face aux variations hydrauliques et organiques assure une épuration stable des matières organiques et de l’azote, même en cas d’eaux parasites ou de rejets accidentels. Enfin, leur faible consommation énergétique, notamment avec un fonctionnement gravitaire, réduit les coûts, faisant de cette solution une option économique et performante », souligne Joëlle Paing, Directrice Technique & Innovation de Créa Step. 

L’entreprise spécialisée dans l’épuration naturelle des eaux a notamment mis en œuvre la technologie des filtres plantés de roseaux sur la station de Gensac-la-Pallue en 1987. L’un des principaux avantages de ces systèmes est la gestion intégrée des boues qui permet leur déshydratation et compostage directement dans le système sans énergie supplémentaire, produisant un compost de qualité valorisable en agriculture. 

«Ce "système français" reconnu à l’international envoie les eaux brutes sur les filtres plantés de roseaux sans décantation primaire, évitant ainsi la gestion complexe des boues liquides. En plus de leur efficacité, ces stations s’intègrent harmonieusement au paysage, un atout esthétique favorisant l’acceptation du public », ajoute Joëlle Paing.

PLANTES AQUATIQUES ET AMÉLIORATION DE LA QUALITÉ DES REJETS

Depuis 20 ans, l’approche d’Aquaterra Solutions repose, elle, sur l’utilisation de plantes aquatiques et de supports spécifiques pour optimiser l’épuration des effluents. En intégrant des solutions adaptées aux exigences croissantes en matière d’épuration naturelle, l’entreprise contribue à la préservation des ressources en eau et à la protection des milieux aquatiques. «Nous avons deux approches différentes : des solutions flottantes (Zones Humides Artificielles Flottantes - ZHAF), pour dépolluer en surface sans ancrages ni emprises, adaptées aux bassins étanches ou au lagunage, et des plantations au sol dans des noues en sortie de stations d’épuration ou de lagunes (Zones de Rejet Végétalisées – ZRV), qui filtrent et stabilisent les sols», détaille Antoine Richard, Coordonnateur technique d’Aquaterra Solutions. «Les plantes utilisées, principalement des hélophytes, s’adaptent aux fluctuations hydriques, pouvant survivre submergées jusqu’à 30 cm et supporter des périodes hors d’eau.» 

Filtre planté en toiture (siège de l'entreprise Soprema, Strasbourg).

Si ces dispositifs présentent un intérêt pour la gestion écologique des eaux en sortie de traitement, il convient toutefois de rappeler que les radeaux flottants ont des performances de dépollution encore débattues dans la communauté scientifique, et que les Zones de Rejet Végétalisées (ZRV) ne sont pas encore reconnues comme ouvrages de traitement à proprement parler, mais plutôt comme des aménagements d’amélioration des rejets. En traitement secondaire, les solutions flottantes améliorent les rendements par phytoépuration (absorption de pollution dissoute par les plantes) et bioremédiation (fixation des micro-organismes sur les racines). 

En traitement tertiaire, les ZRV réduisent le volume d’eau rejeté par infiltration, évaporation et absorption végétale, limitant l’eutrophisation et améliorant la qualité bactériologique des rejets, notamment en zone de baignade, en favorisant l’oxygénation et la filtration naturelle. Néanmoins, en l’absence de désinfection, naturelle (type lagunage long) ou intensive (UV, chloration, ultrafiltration…), les performances bactériologiques restent limitées. 

De même, la réduction du volume d’eau rejeté ne garantit pas une limitation de l’eutrophisation, celle-ci étant fortement liée aux concentrations en phosphore, souvent très élevées dans les effluents. «Nous utilisons des méthodes innovantes pour simplifier l’implantation de la végétation. Plutôt que de planter individuellement, nous pré-cultivons en aquapépinière des géonattes en fibre de coco de 5 m². Ces supports assurent un enracinement préalable, garantissant une mise en place rapide et efficace. Ce procédé favorise une croissance homogène et une meilleure adaptation aux conditions locales. Il offre un effet d’épuration instantané grâce aux plantes aux racines bien développées et une exécution simplifiée, avec une excellente reprise, réduisant temps et coût de mise en œuvre.» 

Unité de valorisation des eaux de Coeur de France à St Amand Montrond (18) - une serre de 1360 m² pour une capacité de traitement de 25 000 EH.

Dans une approche complémentaire, certaines solutions visent à intégrer la végétalisation directement au cœur du traitement biologique, dans des environnements plus contrôlés. C’est le cas de la technologie Organica™, développée par OTV Veolia, qui combine un fonctionnement intensif avec les bénéfices des processus naturels. Le principe repose sur une serre végétalisée installée au-dessus des réacteurs biologiques, dans laquelle des plantes cultivées sur billes d’argile hébergent les bactéries dépolluantes tout en absorbant les nutriments nécessaires à leur croissance. 

Ce procédé, peu consommateur de réactifs chimiques et générant moins de boues, permet d’atteindre une qualité de rejet supérieure aux normes, avec une empreinte au sol réduite. Depuis sa première mise en œuvre en 2009 à la station du Lude (72), cette technologie a été déployée dans plus de cinquante stations, dont celles de Boulazac (24) ou de Saint-Amand-Montrond (18), confirmant son efficacité et sa fiabilité à grande échelle.


OPTIMISER ET DÉPLOYER DES SOLUTIONS ÉPROUVÉES

Acteur clé dans l’ingénierie de l’épuration de l’eau, l’Atelier Reeb produit lui des études techniques personnalisées, allant de la faisabilité à l’exécution, pour une clientèle variée: promoteurs immobiliers, agriculteurs, porteurs de projets dans le secteur hôtelier, exploitants de plateformes de méthanisation et de compostage…. Son expertise repose sur du sur-mesure: chaque projet est traité selon les spécificités des eaux à traiter. 

«Mais plutôt que de nous focaliser sur des innovations radicales, nous privilégions l’optimisation et le déploiement de solutions éprouvées. En milieu rural, où la confiance dans les solutions nouvelles est souvent limitée, nous misons sur des approches reconnues et bien acceptées, en veillant à garantir des solutions économiques et respectueuses de l’environnement», préconise Étienne Dantan, Directeur Technique de l’Atelier Reeb. 

«Nous réfléchissons aussi à la problématique de l’approvisionnement en granulats siliceux, essentiels pour la fixation des micro-organismes épurateurs. Face aux restrictions dans les carrières, augmentant la rareté et le coût des matériaux, nous explorons des alternatives comme l’utilisation de substrats organiques ligneux (broyats forestiers) pour la première étape d’épuration, réduisant ainsi le besoin en matériaux d’extraction.» 

Chazelles sur Lyon, Rhizosph’air.

Ce souci d’optimisation et de diversification des solutions est partagé par d'autres acteurs du secteur. La société EcoBIRD, spécialisée en ingénierie de l’assainissement végétalisé, développe des technologies conciliant les bénéfices des procédés naturels avec ceux des solutions intensives.

Forte de plus de 2000 références et d’une culture d'innovation soutenue (huit brevets déposés), elle conçoit des filières compactes, sobres et performantes adaptées aux collectivités comme aux industriels. 

Son système Rhizosph’air®, co-développé avec SAVEA, associe la robustesse des filtres plantés à une aération forcée au sein du massif, assurant une qualité de rejet renforcée tout en limitant l’emprise au sol. Par ailleurs, EcoBIRD contribue à des programmes de recherche ambitieux, comme ASTREAUX, soutenu par le plan France 2030, qui visent à développer des outils d’aide à la décision pour une gestion durable des eaux à l’échelle des territoires, intégrant la valorisation des nutriments et la promotion des solutions fondées sur la nature.

ZOOM SUR LE JARDIN D’ASSAINISSEMENT

Aquatiris, fondée par un ancien collaborateur de l'Atelier REEB, propose le Jardin d’Assainissement, une alternative écologique aux systèmes classiques de traitement des eaux usées, comme la fosse septique. Un système innovant particulièrement adapté aux maisons non raccordées au tout-à‑l’égout, aux habitats touristiques, aux logements groupés et aux domaines agricoles.

Jardin d’Assainissement, une alternative écologique aux systèmes classiques de traitement des eaux usées.

«Contrairement aux autres systèmes d’épuration composés de cuves enterrées et produisant des boues de station, le Jardin d’Assainissement s’appuie sur les mécanismes naturels du sol et des végétaux pour filtrer et épurer les eaux usées», explique Martin Werckmann, Dirigeant et cofondateur de Aquatiris. «Ce principe, inspiré des écosystèmes naturels du sol et des techniques agricoles, favorise un traitement écologique sans consommation d’énergie ni production de boues d’épurations.» 

Aquatiris a développé quatre filières de Jardins d’Assainissement, chacune répondant à des besoins spécifiques : Roseau, la plus compact; Iris : la plus fleurie; Carex: la plus discrète; Osier, destinée aux effluents agricoles (fromageries, laiterie…) et aux ateliers de transformations agroalimentaires. Aquatiris cherche à optimiser ses procédés avec plus de matériaux biosourcés et moins de surface pour réduire leur empreinte écologique et leur coût. Autre axe de recherche: la valorisation des eaux traitées sur la parcelle.

LA PHYTOÉPURATION SUR DES TOITS VÉGÉTALISÉS

Entreprise spécialisée dans l’étanchéité et l’isolation, Soprema investit depuis plus de 30 ans dans les toitures végétalisées et, depuis une dizaine d’années, dans la gestion des eaux pluviales et grises. Solutions cruciales pour la gestion des eaux et la réduction des risques d’inondation en milieu urbain, ces toitures végétalisées agissent comme des éponges, retenant l’eau de pluie et la libérant progressivement vers les réseaux d’assainissement. Elles permettent notamment le recyclage de l’eau stockée via un système de capillarité pour nourrir les plantes. 

La Mole, plateforme de compostage, plantation des roseaux du 1er étage.

«Pour répondre à la variabilité de la ressource en eau, nous avons, en collaboration avec Aquatiris, développé Skywater Clear, une solution innovante de phytoépuration appliquée aux toitures végétalisées», énoncent Alicia Adrovic, Responsable du développement Skywater et Clara Jarnigon, Ingénieure Projet Skywater. «Ce système collecte les eaux grises provenant des lavabos, douches, lave-mains et lave-linges, qu’il préfiltre avant de les traiter sur la toiture. Le traitement est effectué par des plantes hélophytes pendant environ 10 heures, puis l’eau est stockée et clarifiée avant d’être redistribuée pour différents usages tels que l’alimentation des chasses d’eau, l’approvisionnement des fontaines décoratives, le nettoyage des surfaces extérieures, ou l’irrigation des toitures et espaces verts.» 

Depuis le lancement du projet pilote en 2019, les résultats montre un taux d'abattement de la pollution physico-chimique et bactériologique conforme aux exigences réglementaires. L’objectif est désormais de commercialiser cette solution, facilitée par la réglementation de l’arrêté du 12 juillet 2024. Cette approche intégrée de la gestion des eaux pluviales se décline également au sol, notamment dans les aménagements urbains perméables. Les systèmes de parkings végétalisés à fondations organiques, comme ceux développés par O2D Environnement, contribuent à la dépollution des eaux de ruissellement grâce à des substrats spécifiques colonisés par des micro-organismes. 

Ces derniers participent à la biodégradation naturelle des hydrocarbures et autres contaminants, tout en favorisant l’infiltration et en recréant des espaces favorables à la biodiversité. Ce type d’aménagement, en complément des toitures végétalisées ou des solutions techniques de récupération, illustre le potentiel des solutions fondées sur la nature pour traiter à la source une partie des eaux pluviales, et ainsi réduire la pression sur les systèmes de traitement centralisés.

VERS DES TECHNIQUES D’ASSAINISSEMENT PLUS PRÈS DE LA SOURCE

Le territoire rural français dans son ensemble illustre la réussite de la mise en œuvre de toutes ces techniques d’épuration végétalisée. «Ce déploiement à l’échelle de notre pays nous prépare aux techniques d’assainissement plus près de la source (collecte d’urines, toilettes sèches, etc.) qui devraient s’imposer progressivement, en complément des techniques actuelles, à mesure que les coûts énergétiques augmenteront», prophétise Étienne Dantan. 

«Les stations par filtres plantés de roseaux classiques sont assez peu efficaces pour éliminer les nitrates et phosphates, deux polluants préoccupants», rappelle Joëlle Paing. «Bien que la réglementation n’exige pas souvent leur traitement pour les petites installations (moins de 1000 équivalents habitants), ces substances deviennent un défi pour les grandes stations. 

Toutefois, grâce aux travaux de chercheurs et de constructeurs, des solutions combinant les procédés naturels avec des traitements spécifiques émergent, permettant de traiter ces polluants. Il nous reste à faire connaître ces avancées au plus grand nombre !» Autre enjeu majeur : la réutilisation des eaux traitées. Créa Step, comme d’autres acteurs du secteur, travaille sur des solutions pour fiabiliser des traitements complémentaires afin d’atteindre une qualité d’eau compatible avec des applications comme l’irrigation ou d’autres usages agricoles. 

Toiture végétalisée de 1045m2 réalisée par Ecovegetal pour le SEDIF a Sèvres.

Autre enjeu encore: élargir ces solutions pour d’autres types d’application comme pour le secteur de l’industrie agro-alimentaire dont les effluents souvent très concentrés mais biodégradables, s’adaptent bien à une épuration végétalisée. Le mot de la fin pour Nicolas Nastorg, Directeur de la Fédération: «Autrefois incapables de traiter les phosphates, les filtres plantés peuvent aujourd’hui rivaliser avec la boue activée sur ce point. Pour l’azote global, les performances ont également progressé, passant d’un rejet de 70 mg/L à environ 20-25 mg/L, contre 10-15 mg/L pour la boue activée. 

L’objectif est d’aller encore plus loin en développant des solutions toujours plus naturelles. Certaines entreprises se spécialisent dans le traitement du phosphore sans recours aux procédés physico-chimiques. D’autres travaillent sur des alternatives fondées sur la nature pour éviter ces traitements chimiques. » 

Dans cette dynamique, EcoBIRD s’engage sur sa filière Rhizosph’air (filtre monoétage planté à aération forcée), en garantissant un niveau de rejet inférieur à 20 mg/L en azote global, et poursuit ses travaux de R&D avec l’INRAE pour atteindre des performances comparables à celles de la boue activée, tout en conservant les avantages environnementaux et énergétiques des solutions végétalisées. Ainsi, l’innovation continue de transformer la filière, rendant les solutions végétalisées de plus en plus performantes et respectueuses de l’environnement.