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Quand la biosurveillance lève les contraintes

30 novembre 2022 Paru dans le N°457 à la page 12 ( mots)
© DR

Du fait de son approche biologique, qui en fait une véritable sentinelle pour l’environnement, la station de bio-détection ToxMate complète l’évaluation des traitements des effluents industriels.

Le sentiment d’être menacé, d’être principalement concerné par les restrictions d’eau sur le territoire, que la réaction est disproportionnée et qu’il convient de réunir en urgence tous les paramètres sur lesquels on a prise pour ne pas fermer l’usine.  C’est ce qu’a vécu le 5 août dernier Jean-Michel Bertrand, directeur général de Teintures et Impressions de Lyon (TIL), une entreprise historique de la région caladoise spécialisée dans l’impression textile depuis 1894, en réceptionnant une mise en demeure de la DREAL. « En France, nous avons été, à ma connaissance, la seule usine dans notre domaine d’activité à recevoir une mise en demeure nous intimant l’ordre d’arrêter d’exploiter en raison de l’aggravation du niveau de la sécheresse en Val de Saône. Cela a sidéré tout le monde, clients, salariés, élus » se souvient le dirigeant, à l’occasion de la visite organisée le 15 novembre par Cycl’eau pour mettre en évidence les retours d’expérience de ses partenaires.

Ceci d’autant plus que depuis les années 2000, l’usine, dont les acheteurs sont les circuits de distribution mass market de l’habillement tels que Beaumanoire, Promod ou Zara en France et en Europe, s’est engagée dans une stratégie d’acteur éco-responsable sans compter. « En tant qu’ennoblisseur textile, nous sommes soumis aux contraintes réglementaires françaises et européennes les plus fortes du monde dans notre secteur d’activité. Alors quitte à devoir être conformes aux normes et règlements obligatoires, nous avons choisi de transformer l’ensemble de ces contraintes en opportunités » assure Jean-Michel Bertrand. Ainsi, l’usine obtient en 1998 la labellisation Standard 100 par Oeko-Tex qui garantit l’innocuité pour la santé de ses produits et adopte une démarche de certification de l’ensemble de son process de production afin de le rendre plus respectueux de l’environnement. En 2019, le site est le premier en France à être labellisé STeP by Oekotex qui certifie l’usine d’un point de vue RSE sur l’ensemble de son process. 

En 2015, elle s’attelle à apporter une réponse à la STEP de Villefranche sur Saône dans laquelle elle rejette ses effluents en confiant à Veolia la refonte du système et la conception-exploitation de sa propre STEP. Le procédé retenu pour traiter les 350 000m3/ an de rejets très fortement concentrés en azote est un traitement biologique de type culture fixée MBBR (Moving Bed Biolfilm Reactor) suivi d'un traitement physico-chimique et d'une double filtration sable et charbons actifs. La nouvelle station est inaugurée en janvier 2019. 

Dans le même temps, l’entreprise décide de collaborer avec Viewpoint Biosurveillance de l’Eau et implante sur la STEP la station de bio-détection ToxMate. Objectif : traquer les micropolluants et alerter les équipes en cas de dépassements de seuils définis. L’agence de l’Eau Rhône-Méditerranée-Corse (AERMC), voyant dans le déploiement de cet outil biologique un fort potentiel pour le tester et l’adapter aux spécificités de l’industrie textile, soutient l’initiative.

Respecter les normes

Plongé pendant plusieurs jours au cœur des problèmes d’anticipation d’intensification de la sécheresse soulevés par la DREAL, Jean-Michel Bertrand essaie d’obtenir une dérogation de prélèvement d’eau en démontrant qu’avec ses investissements, TIL respecte toutes les contraintes. « Même si la Saône est à un dixième de son étiage, on a essayé de défendre qu’en construisant une STEP, on a respecté toutes les contraintes et que dès lors, ce que l’on pompe on peut le rejeter car les rendements d’abattements sur les paramètres de pollution sont respectés et satisfaisants ». Des arguments insuffisants pour la DREAL…

A l’appui d’une deuxième demande de dérogation, le dirigeant mobilise les équipes de Viewpoint Biosurveillance de l’Eau. Les rapports de contrôle permanent de la station ToxMate, qui attestent que les seuils de toxicité ne sont pas dépassés et les traitements adaptés, doivent constituer tous les éléments à caractère prédictif permettant de rassurer la DREAL. Effectivement, elle accède le 8 septembre à la demande de dérogation de prélèvement de 50%. « En termes d’activité, nous ne retrouvons notre rythme de production que depuis début novembre » fait remarquer le patron de l’usine qui en moyenne produit 8 millions de mètre linéaire par an pour une consommation d’eau d’un peu plus 1000m3/jour. « Notre objectif est de continuer à réduire notre consommation d’eau. Le changement de procédé de traitement de la STEP et l’évolution de l’impression numérique appliquée à notre métier nous ont permis de passer de 650 000m3/an à 350 000m3 d’eau prélevée/an en 10 ans. Il est de notre responsabilité d’industriel de poursuivre ces efforts ».

Voir plus loin

Convaincu par la fiabilité et la réactivité de la station de bio-détection, TIL souhaite maintenant aller plus loin en définissant une procédure en cas d’alerte déclenchée par ToxMate pour dériver les eaux déversées dans la Saône vers des bassins tampons.  A ce titre, TIL devient la première entreprise française du secteur textile, équipée de la technologie ToxMate.

« Avec les niveaux d’étiage que l’on connaît actuellement, le retour d’expérience de TIL montre que l’on a tout intérêt à installer un ToxMate sur Step urbaine ou industrielle. On est d’ailleurs très sollicités pour offrir une analyse plus poussée permettant d’éviter l’afflux de micropolluants qui peuvent endommager les stations d’épuration. Avec l’OFB et les agences de l’eau, nous avons déployé le programme Tox’Amont sur cinq sites à Reims, Fécamp, Caen, Épernay, Laon, qui font preuve de concept, avant d’autres sites à venir » se félicite Didier Neuzeret, PDG de Viewpoint. Affaire à suivre.

 Pascale Meeschaert

 

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