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Assainissement non collectif : Sur 21 dispositifs étudiés, seuls 5 seraient aptes à délivrer une qualité d’eaux usées traitées acceptable

13 septembre 2017 Paru dans le N°404 à la page 5 ( mots)

Sur 21 dispositifs étudiés, seuls 5 seraient aptes à délivrer une qualité d’eaux usées traitées acceptable. C’est ce qui ressort d’une étude scientifique pilotée par le Groupe National Public ANC, réalisée de 2011 à 2016 sous la coordination scientifique d’Irstea.

En 2011, l’Onema a mandaté Irstea pour la réalisation d’un programme de suivi technique in situ des installations d’ANC (traditionnelles ou agréés) chez les particuliers. Objectif : évaluer la qualité des eaux usées traitées par les installations en conditions réelles de fonctionnement.

Pilotée par le Groupe National Public qui réunit de nombreux acteurs, l’étude s’est déroulée sur une période de 6 ans et a permis de suivre 246 installations répartie sur 22 départements. Ce suivi a permis d’évaluer une trentaine de dispositifs traditionnels ou agréés, dont une vingtaine ont pu être qualifiés selon deux critères : la qualité des eaux usées traitées (21 dispositifs) et la fréquence des opérations d’entretien « curatif » (19 dispositifs).

La caractérisation physico-chimique des eaux usées traitées a porté sur les paramètres MES, DCO, DBO5 et les formes azotées (NK, NNH4 + et N-NO3 -). Quant au suivi des opérations d’entretien, il a consisté à recenser l’ensemble des opérations d’entretien engagées à titre curatif, hors vidange et entretien courant. L’analyse de la qualité des eaux traitées a porté sur des prélèvements d’eaux usées traitées de 1286 visites réalisées sur 231 installations. Quant au suivi des opérations d’entretien curatif, il  a concerné 183 installations.

L’analyse statistique a permis de comparer les familles de traitement entre elles, puis les filières au sein de chaque famille et enfin les dispositifs au sein de chaque filière. « L’analyse statistique des données recueillies a permis de déterminer l’efficacité réelle de traitement, explique Catherine Boutin, coordonnatrice de l’étude. C’est la seule méthodologie qui permettait de pallier l’hétérogénéité inhérente à l’habitat individuel. Pour analyser la qualité des eaux usées traitées, nous avons créé un modèle à partir d’un logiciel de statistique connu, le logiciel R, qui nous a permis d'analyser simultanément les effets de tous les facteurs explicatifs. Quant aux informations recueillies sur l’entretien des installations, nous les avons exploitées via une méthode innovante, dite de logique floue, avec le logiciel FISPRO. Cet outil qui transforme des commentaires en données mathématiques nous a permis de qualifier et comparer les données liées à l’entretien des différents dispositifs d’épuration ».

Les résultats, dont la synthèse tient sur près de 190 pages, sont clairs. Sur la qualité des eaux usées traitées répartie en trois classes (acceptable, médiocre ou inacceptable) définies par la concentration (en mg/L) des paramètres étudiés, seuls 5 des 21 dispositifs qualifiés délivrent une qualité d’eau traitée acceptable. Il s’agit de trois dispositifs appartenant à la famille CFSF (cultures fixées sur support fin), à savoir le filtre à sable traditionnel, un dispositif étudié de la filière « végétaux », et l’un des deux dispositifs étudiés appartenant à la filière « copeaux de coco ». Viennent ensuite deux dispositifs appartenant à la filière "lit fixe" de la famille CFI (cultures fixées immergées) dont la qualité des eaux usées traitées est acceptable, selon l’étude.

Si l'on intègre à ces résultats le critère lié à l’entretien, seuls 3 de ces dispositifs (sur 18 qualifiés sur les 2 critères) donneraient des résultats satisfaisants : il s’agit du filtre à sable, du dispositif étudié de la filière « végétaux », et de l’un des deux dispositifs étudiés de la filière « copeaux de coco ».

A l’opposé de ce trio gagnant, la famille CL (cultures libres) s’avère être la moins performante tout en étant la plus contraignante en termes d’entretien curatif. Au sein de cette famille, c’est la filière « SBR » qui fournit une eau usée traitée de la meilleure qualité, même si sa classe de qualité globale reste « médiocre ».

Au total et sur la base des critères retenus dans cette étude, 12 % seulement des dispositifs agréés étudiés répondent au qualificatif d’«acceptable» à la fois vis-à-vis de la qualité des eaux usées traitées et de la fréquence d’entretien « curatif ».

Ces résultats posent de nombreuses questions à commencer par celles concernant la valeur à accorder à l’agrément, de nombreux dispositifs « agréés » n’apportant pas, et parfois loin de là, la preuve de leur efficacité. Or, et bien qu’il soit considéré par certains professionnels comme un critère médiocre qui ne confère à tous les dispositifs agréés que la valeur du plus mauvais d’entre eux, l’agrément reste aujourd’hui la clé de voute du marché de l’ANC…

D’autres questionnements, d’ordres techniques, devront également trouver leurs réponses pour conforter l’avenir de l’ANC. On pense par exemple aux facteurs identifiés comme influençant la qualité du traitement, tels que les qualités respectives des media dont sont composés les filtres compacts ou sur la pertinence de certains process épuratoires en cultures libres. De même sur les délicates questions liées à l’entretien et la maintenance des installations, 63% des dispositifs étudiés présentant une fréquence d’entretien curatif médiocre ou inacceptable….

 Les résultats détaillés de l’étude Irstea sont accessibles ici


Entretien avec Catherine Boutin : « Ces résultats posent de nombreuses questions »

 

L’étude nationale publique sur le suivi in situ des installations d’assainissement non collectif jette un doute sur l’efficacité de plusieurs filières, à commencer par la cinquantaine de dispositifs introduits par les 650 agréments recensés au 31 décembre 2016. Dans quelles conditions cette étude a-t-elle été réalisée ? comment l’interpréter ? Quels sont ses prolongements éventuels ? Rencontre avec Catherine Boutin, coordinatrice de l’étude pilotée par Irstea.

  

L’eau, L’Industrie, Les Nuisances : Quelle est la genèse de l’étude et dans quel contexte a-t-elle été réalisée ?

Catherine Boutin : Cette étude a démarré en 2011 sur l’initiative du Conseil général du Rhône qui a souhaité avoir un retour sur les installations pour lesquelles il accordait des soutiens financiers dans le cadre de leur réhabilitation. Compte tenu de la proximité et de l’intérêt d’Irstea pour l’assainissement non collectif, il nous a demandé de réfléchir à la mise au point d’un protocole de mesure de manière à apprécier leur fonctionnement. En parallèle, des questionnements de la part de l’Onema puis de l’agence de l’eau Loire-Bretagne, très en pointe sur le sujet, ont conduit à déployer l’étude au niveau national, sous la coordination scientifique d’Irstea. Pilotée par le Groupe National Public qui réunit de nombreux acteurs publics en charge de l’ANC et de son contrôle, elle s’est donnée pour objectif de fournir des informations étayées sur les différents systèmes disponibles sur le marché aujourd’hui.

 E.I.N : L’étude concerne-t-elle l’ensemble des dispositifs traditionnels et agréés ?

C.B. : Elle concerne les filières agréées et les filières dites « traditionnelles » à l’exception des filières non drainées qui auraient nécessité la définition d’un protocole adapté pour recueillir l’eau usée traitée. Certainement très complexe dans sa mise en œuvre, il n’aurait pas pu être déployé à l’échelle nationale.  Difficilement accessibles à des SPANC ou des Conseils généraux, sa mise en œuvre se serait avérée trop coûteuse, ces dispositifs n’ont pas été envisagés dans cette étude.

 E.I.N : Les résultats publiés sont assez pénalisants pour certaines filières, par exemple les microstations en cultures libres : avez-vous identifié des facteurs limitants qui pourraient expliquer certains résultats ou justifier certaines précautions d’interprétation ?

C.B. : Ces résultats montrent que certains dispositifs doivent évoluer. Nous avons travaillé sans a priori et sur la base d’une méthodologie statistique éprouvée. Il y a bien sûr des éléments bien connus qui peuvent être discutés, par exemple la nature de l’effluent : en habitat individuel, les modes de vie différents font que les eaux usées issues d’une habitation donnée seront forcément différentes de celles issues d’une autre habitation. Mais le fait d’être passé par des méthodes statistiques permet de lisser ce type d’hétérogénéité et de s’affranchir des particularités susceptibles d’affecter un dispositif plutôt qu’un autre.

E.I.N. : Justement, des réserves ont été exprimées, notamment concernant les prélèvements ponctuels jugés non représentatifs, ou sur certains paramètres comme la DCO ou les paramètres azotés jugés peu pertinents en ANC….

C.B. : Lorsque l’on effectue un prélèvement sur 24 heures, on dispose d’une image fine de l’émission pendant une durée de 24 heures. Un prélèvement ponctuel est lui représentatif de l’immédiateté du prélèvement. Il est évident que ces deux types de prélèvements ne répondent pas à la même question. Les différences d’évaluation dépendent également du temps de séjour et du lissage hydraulique dans les ouvrages. L’outil de traitement des données que nous avons développé analyse l’impact deux différents modes de prélèvements sur la distribution statistique des paramètres étudiés L’outil statistique n’a pas identifié d’impact du mode de prélèvement lors de l’analyse à l’échelle des filières et des dispositifs.

Sur les paramètres étudiés, nous nous sommes basés sur la règlementation existante, c’est-à-dire que nous avons adopté les valeurs s’attachant aux installations supérieures à 20 EH, et lorsqu’elles n’existaient pas, nous avons pris les valeurs inférieures aux 20 EH sur plateforme. Quant aux paramètres azotés, ils n’ont pas de valeur règlementaire sauf dans des cas particuliers en et nous savons pertinemment qu’ils sont utilisés essentiellement en zones sensibles. Nous n’avons utilisé ces paramètres qu’en tant qu’indicateurs des processus de dégradation des fractions azotées.

E.I.N : Certains dysfonctionnements ne sont-ils pas imputables à des dispositifs situés en amont des technologies mises en cause comme par exemple une fosse septique ?

C.B. : Les dispositifs étudiés l’ont été dans leur globalité. Nous avons tenu compte de potentiels dysfonctionnements touchant des équipements situés à l’aval des dispositifs étudiés, comme par exemple des pompes de relèvement des eaux usées traitées.

E.I.N. : Les résultats de cette étude peuvent-ils être extrapolés pour apprécier, par exemple, l’efficacité du parc national ?

C.B. : Non, en aucun cas. Personne ne connait aujourd’hui précisément la nature des dispositifs installés au niveau national en assainissement non collectif. Or, si l’on voulait utiliser les résultats de l’étude pour extrapoler à l’échelon national, il faudrait comparer la répartition des différents types de dispositifs étudiés avec ceux en cours de fonctionnement sur notre territoire. De plus, l’étude concerne un parc d’équipements relativement jeune, moins de 4 ans, ce qui n’est sans doute pas le cas du parc national.

E.I.N. : Les résultats publiés semblent conforter les filières traditionnelles, notamment les filtres à sable mis en œuvre depuis des décennies, au détriment de filières pourtant agréées… Qu’est-ce que ça dit de la valeur des agréments distribués ces dernières années ?

C.B. : Ces résultats posent de nombreuses questions dont vont s’emparer les commanditaires de l’étude.

 E.I.N. : Quelles sont les éventuels prolongements de cette étude ?

C.B. : Le suivi des dispositifs s’est achevé à la fin de l’année dernière. Nous avons arrêté l’acquisition de données au tout début de cette année pour disposer d’un jeu de données consolidé et passer à la phase de traitement. Notre mission s’arrête là.

Ce travail a mobilisé de nombreux partenaires dans le cadre du Groupe National Public parmi lesquels le Ministère de la Transition écologique, l’AFB, des agences de l’eau, l’Association des maires ruraux de France, des conseils départementaux, des SPANCS. Tous, à leur échelle, ont la possibilité d’utiliser les résultats de cette étude pour faire évoluer les choses.

 

Propos recueillis par Vincent Johanet

 

 

 L’IFAA voit dans l’étude de suivi in situ du Groupe National Public ANC la confirmation de ses propositions

Augmentation du niveau d’exigences du marquage CE, mise en place de critères dimensionnels minima, réflexions sur la conception des produits (volume minimum de stockage des boues), obligation d’un procès-verbal de réception des travaux, obligation du contrat d’entretien pour le propriétaire d’une filière…. L’IFAA, Syndicat historique des Industries et Entreprises Françaises de l’Assainissement Autonome, voit dans l’étude de suivi in situ du Groupe National Public ANC la confirmation de 10 années de propositions.

 

Dés 2007, l’IFAA s’est attaché à soumettre au Ministère de l’Ecologie des propositions techniques pour la révision de l’arrêté relatif aux prescriptions techniques de l’assainissement non collectif, rappellent, dans un communiqué, les professionnels de l’assainissement autonome. En 2009, l’IFAA s’est déclaré favorable à la mise en œuvre d’un protocole d’évaluation technique pour les nouveaux dispositifs d’ANC en multipliant, au cours des années suivantes, les propositions destinées à tirer vers le haut l’ensemble de la filière ANC : augmentation du niveau d’exigences du marquage CE, mise en place de critères dimensionnels minima, réflexions sur la conception des produits (volume minimum de stockage des boues), obligation d’un procès-verbal de réception des travaux, obligation du contrat d’entretien pour le propriétaire d’une filière…etc.

Entre 2008 et 2014, les industriels se sont engagés dans l’ « Etude du Tarn », portant sur la mise en œuvre et le suivi en conditions réelles de 66 installations d’ANC installées chez des particuliers. « Cette étude conclut à la nécessité d’une formation minimale des propriétaires et d’une visite d’entretien au moins annuelle », rappelle l’IFAA. L’entretien des préfiltres des FTE doit, quant à lui, être effectué tous les 6 mois et des contrats d’entretien adaptés doivent être mis en place, quel que soit le type de filière (traditionnelle ou agréée) ».

Les industriels déclarent donc se tenir à la disposition des Ministères de la Transition Ecologique et de la Santé « pour élaborer ensemble, et rapidement, des propositions et des actions concrètes pour le développement d’un Assainissement Non Collectif pérenne et de qualité ».

 

 

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