Les sites industriels, surtout ceux d'une certaine superficie, reçoivent évidemment de la pluie.
Pourquoi ne pas l’utiliser comme source d’eau alternative ? C’est en tout cas ce que commencent à favoriser certaines agences de l’eau. Pour des raisons de qualité et de réglementation, il s’agit ici exclusivement d’eau de pluie captée directement à la descente des toitures, avant d’avoir ruisselé sur le sol et s’être chargée de tous les polluants que l’on peut imaginer dans cette situation.
« Nous commençons à entendre parler de recyclage de l’eau de pluie car certaines agences poussent dans ce sens. C’est possible pour les utilités comme les tours aéroréfrigérantes (TAR) ou les chaufferies… même s’il n’est pas toujours simple de récupérer toutes les eaux de toiture sur un grand site. Il faut toutefois noter que ces eaux “non conventionnelles” ne sont pas évoquées dans la réglementation concernant la réutilisation en industrie agroalimentaire », souligne David Gautier, directeur commercial chez Nalco Water (groupe Ecolab).
La société a par exemple remis à niveau une installation de réutilisation des eaux de pluie dans une fonderie du Maine-et-Loire. Après filtration sur sable, elles sont réutilisées dans le procédé pour le refroidissement. BWT est intervenu dans le même sens pour un industriel de la cosmétique. « Les eaux de toiture sont traitées par ultrafiltration et osmose inverse puis réutilisées pour les utilités, le nettoyage, les sanitaires… mais pas dans le procédé », souligne Dimitri Monot, ingénieur technico-commercial chez BWT.
« Nous avons réalisé une installation pour une papeterie du Luxembourg, qui n’avait plus le droit de rejeter ses eaux pluviales (ou usées) dans le milieu naturel. Après récupération de ces eaux, nous les traitons par flottation, filtration sur sable et charbon actif, puis passons par un osmoseur d’une capacité de 25 m3 /h. Les eaux pluviales ainsi traitées repartent en tête d’une “déminée” pour la chaudière », explique, pour sa part, Olivier Leclerc, responsable des ventes à la direction Mobile Water Solutions de Nijhuis Saur Industries.
Vivlo cite l’exemple d’un aéroport du nord de l’Europe, qui a choisi de coupler plusieurs techniques : la filtration membranaire et l’évapo-concentration sous vide multiplie l’effet pour une double réutilisation des effluents de dégivrage des avions. Le distillat et le perméat d’osmose sont utilisés comme eau déminéralisée pour le montage des solutions de dégivrages, les taux de sels devant être contrôlés avec précision avant d’arriver sur les carlingues d’avions. Après filtration et différentes séparations, le concentrat d’évaporateur chargé en glycol est également réutilisé pour le montage de solution de dégivrage. Cette installation en fonctionnement depuis deux ans est une première en Europe avec ce type de technologie.
Aquaprox I-Tech a également intégré les eaux de pluie dans une installation de recyclage pour une tannerie. « Nous récupérons les eaux de procédé déminéralisées car distillées et y ajoutons les eaux de toiture, naturellement déminéralisées mais polluées du point de vue bactériologique. L’ensemble est stocké et passe par une boucle de désinfection avant de retourner vers le procédé pour le lavage des équipements », détaille Matthieu Delaunay, directeur commercial d’Aquaprox I-Tech. « De manière générale, nous avons peu de demandes en ce sens car la démarche n’est pas très intéressante. C’est envisageable pour un site en construction mais, sinon, les exigences en termes de stockage, désinfection rémanente et redistribution impliquent des coûts trop élevés pour le flux que cela représente », tient-il toutefois à souligner.
Étienne Fiquet, Market Development Manager chez Veolia, est également plutôt réservé. « C’est souvent mentionné dans les appels d’offre mais ce n’est pas si simple. Tout d’abord, d’un point de vue réglementaire, il ne peut s’agir que d’eaux issues de toitures et non de ruissellement sur le sol. Or éviter le mélange des eaux pluviales implique déjà, en général, une modification des conduites sur le site. Puis, une fois traitées (en tenant compte des risques de pollution transitoire), il faut stocker ces eaux car, évidemment, on en aura surtout besoin durant les périodes de sécheresse, lorsque surviendront des restrictions de prélèvement. Il faudra donc les maintenir désinfectées et pouvoir ensuite les redistribuer. Sans compter le fait que les volumes stockés ne correspondent pas forcément aux besoins d’un site industriel… Tout cela demande au préalable une sérieuse étude de faisabilité et de maîtrise du risque », argue-t‑il.

