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Eaux de process : la percée des techniques membranaires

31 octobre 2019 Paru dans le N°425 à la page 39 ( mots)
Rédigé par : Patrick PHILIPON

Très présentes en production d’eau potable, les techniques membranaires investissent aujourd’hui le marché des eaux de process, avec ses exigences particulières. Au sein du portfolio des techniques disponibles, l’ultrafiltration, la nanofiltration et l’osmose inverse, notamment, semblent gagner du terrain, spécialement sur les procédés de haute technologie. Explications.

Compacité des installations, consommation réduite de produits chimiques, performances élevées, adaptabilité à toutes les qualités d'eau, simplicité d’utilisation et coûts en baisse : les techniques membranaires ont désormais de sérieux arguments à faire valoir en matière de production d’eau de process et ceci dans la plupart des secteurs industriels.
D’où la progression que constatent aujourd’hui la plupart des acteurs.

« Ces technologies se sont "démocratisées", avec des coûts en baisse, grâce, notamment, à une production plus importante, et des consommables désormais facilement disponibles à des prix concurrentiels » affirme par exemple Christophe le Coq, gérant d’HydroBios. Frank Bourdon, directeur technique d’OTV (France, Belgique, Suisse), constate aussi une augmentation “tous azimuts” du recours aux techniques membranaires, aussi bien en eaux municipales qu’en eaux industrielles. « Le marché est en train de basculer. Depuis les cinq dernières années, de plus en plus de consultations mentionnent directement les technologies membranaires. Ce sont aujourd’hui des technologies matures, avec une gamme très large de produits, un marché, des spécialistes, une concurrence… » confirme Salvador Perez, président et directeur technique de Chemdoc Water.

Le système Optiperm de Chemdoc Water pour la déminéralisation de l’eau des chaudières vapeur industrielles de 1 MW à 20 MW repose sur une osmose inverse de dernière génération. Les membranes basse pression offrent un bon compromis qualité/sobriété énergétique/durabilité. La conception double train garantit la continuité de service (24h/24h). Le système repose sur un process automatisé
et un pilotage à distance.

Bien entendu, la fabrication des membranes elles-mêmes, à base de polymères, reste le domaine de spécialistes bien connus comme Suez (par le rachat de GE Water & Process Technologies), Dupont Water Solutions, Hydranautics, Lanxess, Koch Membrane Systems, Orelis, Pentair, Polymem, Toray Membrane, Ultratec… même si l’on observe l’arrivée de nouveaux acteurs comme Vontron (Chine) ou Membranium (Russie). Les accords transversaux se développent également. « Pour les membranes d’osmose, que nous ne fabriquons pas, nous travaillons exclusivement avec un nouveau venu sur le marché : l’Allemand Lanxess » précise ainsi Isabelle Duchemin, responsable marketing et commercial export chez Polymem. Lanxess, acteur bien connu en matière de résines échangeuses d’ions, s’est en effet lancé sur le marché des membranes. La complémentarité de l’ultrafiltration en prétraitement de l’osmose est en effet avérée et permet de réduire le nombre de membranes d’osmose de 30 % en moyenne ainsi que de réduire la fréquence de remplacement.

Un signe des temps ?
Lanxess a réalisé une installation ZLD (Zero Liquid Discharge) pour un acteur important de la chimie à Nagda en Inde, en couplant différentes technologies de filtration sur membrane - ultrafiltration, cartouche et osmose inverse (Lewabrane®) - et sur résines échangeuses d'ions. Les eaux usées, une fois traitées, sont utilisées pour alimenter la chaudière de production d'eau chaude et de vapeur. En effet, partant d'un TDS de 600 à 1.300 mg/l, celle-ci descend sous les 20 mg/l après filtration, pour arriver sous 0,1 mg/l après traitement sur résines. Le concentrat est alors traité sur osmose inverse haute pression, puis évaporé, afin d'arriver au ZLD recherché.

Ces fabricants de membranes ne proposent, en général, pas directement leurs produits aux industriels : ils fournissent des équipementiers qui se chargent de développer des solutions adaptées aux demandes et aux besoins de leurs clients, qu’ils soient industriels ou bureaux d’études. C’est le terrain de chasse de sociétés bien connues des industriels telles que BWT, Chemdoc Water, Elmatec, Hytec Industrie, John Cockerill Proserpol, Hydrobios, Nalco Water ou TIA, sans oublier les majors français tels que Suez ou OTV DBI pour Veolia ou Saur… Les bureaux d’études de ces trois grands opérateurs développent et installent en effet leurs propres solutions membranaires. A noter la position particulière de Suez, qui a fait le choix d’intégrer des fabricants dans le groupe, et travaille donc avec des membranes “maison”.

Conjuguer besoins standards et exigences spécifiques

Il n’existe pas d’“eau industrielle type” mais de nombreuses qualités d’eau qui répondent à une grande diversité de besoins et qui exigent chacune des qualités particulières. L’eau destinée aux chaudières et aux tours de refroidissement doit être débarrassée de toutes ses particules (et bactéries) et déminéralisée. « Beaucoup de procédés en place utilisent les résines échangeuses d’ions mais on voit augmenter la demande de solutions membranaires de type osmose inverse à basse pression ou nanofiltration (pression encore inférieure) », explique Frank Bourdon, directeur technique d’OTV (France Belgique Suisse). « Il est intéressant de préciser que pour les chaudières vapeur, une partie de l’investissement peut être pris en compte via les Certificats d’Économie d’Énergie (C2E), explique Patrice Hervé, Sr Marketing Manager chez Nalco Water. Ce dispositif réglementaire incite les consommateurs d’énergies à réaliser des travaux de rénovation énergétiques et la mise en place d’une osmose inverse sur l’eau d’appoint permet de faire des économies d’énergie et d’eau au niveau des purges de déconcentrations ».
HydroBios, conçoit et installe des skids d’osmose inverse compacts, simples d’utilisation et modulaires. Le perméat est débarrassé des éléments dissous (ioniques et organiques) présents dans l’eau brute mais aussi des MES.

Les eaux “de process”, qui participent directement à la production, répondent à des cahiers de charges variés propres à chaque branche.

« On utilise également de plus en plus les membranes à des fins de réutilisation de l’eau. Pour des raisons environnementales, réglementaires ou d’image, les industriels adoptent le ZLD (zero liquid discharge) », explique Frank Bourdon (OTV). Une évolution que confirme Isabelle Duchemin chez Polymem : « Dès qu’il est question de recycler ou réutiliser, nous sommes sollicités pour clarifier et éliminer les micro-organismes par ultrafiltration, souvent aussi pour déminéraliser par osmose inverse ». Même son de cloche chez Suez, où Rozenn Jegouic, responsable de la communication et du marketing opérationnel, souligne que « les clients sont de plus en plus demandeurs de solutions de recyclage et de reuse pour améliorer la performance environnementale de leurs sites. Les technologies membranaires sont un élément essentiel de nos propositions en ce sens ».

« Le développement de membranes spécifiques utilisées au niveau du process agroalimentaire, principalement lors de la concentration du lait et du lactosérum a ouvert de réelles opportunités de réutilisation des eaux issues du lait (ou eau de concentration), explique Patrice Hervé, Sr Marketing Manager chez Nalco Water. Cette approche est fortement développée au niveau du Benelux et des Pays Nordiques, où les eaux issues du lait traitées par osmose peuvent être réutilisées au niveau des utilités ou du process ».

Les exigences étant peu ou prou homogènes au sein de chaque secteur industriel, les équipementiers s’attachent à développer des gammes de racks standard de manière à répondre à un grand nombre de besoins récurrents… tout en conservant leur capacité d’ingénierie pour faire face aux exigences particulières. « Notre filiale Solys produit ainsi des skids préfabriqués et standardisés. Ils correspondent aux besoins de différents corps de métier » révèle par exemple Frank Bourdon chez OTV.
BWT France a développé une solution de traitement de l’eau ingrédient destinée aux industries agroalimentaires. Elle assure une qualité d’eau conforme aux préoccupations actuelles des industriels de l’agroalimentaire (réglementation CE 1935/2004) et intègre les règles de conception hygiénique des équipements, en accord avec la directive machine (Annexe 1, 2.1), assurant ainsi la maîtrise de la qualité bactériologique
de l’eau produite.

Une démarche que partagent la plupart des autres fournisseurs.

Chemdoc Water, qui a longtemps proposé des solutions sur mesure – et continue à le faire – propose désormais une gamme de produits standard destinés aux grandes “familles” d’industrie. « Nous avons besoin d’une base lisible, avec des noms identifiables comme Nanoselect®, même si la plupart des projets demandent une étude spécifique » explique Salvador Perez.
Suez propose l'un des porte-feuille les plus larges du marché : « aussi bien des membranes d'ultrafiltration en fibres creuses avec leur gamme ZeeWeed que des membranes d'osmose inverse et de nanofiltration spiralées », comme l’affirme Kristen Barroso, responsable de la veille technologique et concurrentielle pour les lignes de produits Filtres & Membranes. Cela vaut tant pour les gammes de produits que pour les membranes elles-mêmes.
Adoucissement, osmose inverse, électrodéionisation continue… L’Orion MkIII de Veolia Water Technologies associe de nombreuses technologies et les met au service de l’industrie pharmaceutique. Il produit de l’eau hautement purifiée et de l’eau pour préparations injectables à partir d’eau potable, en respectant les normes en vigueur : USP, EuPh.

Coté systèmes, Polymem fait bénéficier à ses clients traiteurs d’eau et équipementiers qui le souhaitent du savoir-faire du fabricant de membranes pour la conception et/ou la fabrication de systèmes ergonomiques, économiques et spécifiques pour s’adapter aux contraintes des différentes industries.

« Outre les membranes de traitement d'eau classiques, nous fabriquons des membranes de spécialité, qui résistent aux hautes températures (jusqu'à 90 °C avec la Duratherm), aux solutions acides concentrées (Duracid), à l'encrassement et fortes concentrations (gamme Industrial RO & NF) », explique Samuel Morelle, responsable commercial France pour les équipements membranaires chez Suez.


Des techniques matures associées à de nouveaux développements

Outre les désormais classiques “cartouches plissées” de microfiltration, encore omniprésentes dans de nombreux process, la technique la plus souvent citée reste l’osmose inverse, à basse ou haute pression, pour l’élimination des éléments dissous (donc la déminéralisation) et le retrait des micropolluants. Pour fonctionner au mieux, sans avoir à remplacer trop souvent les membranes, un osmoseur doit recevoir une eau préalablement débarrassée des MES, des bactéries, virus et autres molécules importantes. C’est la raison pour laquelle l’osmose est souvent couplée avec un traitement amont par micro ou ultrafiltration. « Nous développons des solutions basées sur l’osmose. Au besoin, nous nous fournissons chez des confrères pour installer en amont une cartouche de microfiltration, de manière à amener sur l’osmoseur de l’eau déjà filtrée à 0,1 ou 0,2 microns » explique ainsi Christophe Le Coq chez HydroBios.
Polymem a été pionnière dans l’adaptation des modules d’ultrafiltration en remplacement de filtres à sable sur plateformes pétrolières offshore pour le traitement d’eau d’injection. Les modules d’ultrafiltration GIGAMEM sont ainsi utilisés pour la clarification/désinfection d’eau de mer, cette eau étant directement injectée ou étant désulfatée sur membranes de nanofiltration avant injection.

Polymem propose pour cette application la fourniture de cartouches d’ultrafiltration Neophil®, les membranes en polymères fluorés de nouvelle génération avec une durabilité de performance unique. Ces membranes sont mises en œuvre dans des carters réutilisables pour des coûts de remplacement inégalés.

La plupart des fournisseurs suivent la même logique. « On n’utilise pas systématiquement l’ultrafiltration, pour des raisons de coût (Capex-Opex). Elle est pertinente sur une eau de surface ou pour recycler l’eau, mais la microfiltration suffit si l’usine s’alimente en eau municipale de bonne qualité » nuance cependant Mickael Tournaux, responsable Grands Comptes Agroalimentaire chez BWT.

La nanofiltration, qui fonctionne à une pression bien moindre, est parfois préférée à l’osmose inverse lorsque les exigences ne sont pas aussi élevées. « Elle retient les ions divalents. C’est un bon procédé pour adoucir les eaux à moindre coût énergétique. Le résultat est proche de celui d’une décarbonatation par échange d’ions… mais sans devoir gérer des acides pour régénérer les résines. Elle règle, en une seule passe, les questions de minéralisation et de substances indésirables (pesticides, traces de chloration, polysaccharides, acides humiques, etc.). Elle a donc une place à prendre, et nous luttons pour ça avec notre procédé Nanoselect® » affirme ainsi Salvador Perez chez Chemdoc.

En plus de ces technologies désormais bien établies, de nouveaux développements commencent à se faire une place. Ils interviennent souvent en traitement de finition, après l’osmose.

Les contacteurs membranaires proposés par Alting, 3M ou Ymelia sont basés sur une membrane semi perméable et permettent ainsi de séparer les gaz dissous, en particulier le CO2. Ils remplacent les classiques colonnes de stripping, et leurs inconvénients associés : encombrement, rupture de charge, contamination bactérienne possible de l’eau… « Les contacteurs membranaires sont encore très peu utilisés et ont une marge de progression énorme sur le marché. Très compacts, ils s’intègrent au sein d’un skid, sans rupture de charge et pour un très faible coût énergétique » affirme Salvador Perez.
Polymem, donc le cœur de métier est la conception et la fabrication de fibres creuses organiques, développe des membranes pour contacteurs et dispose maintenant de technologies à TRL élevés. L’entreprise recherche des partenaires industriels pour finaliser leur mise sur le marché.

Autre développement, nettement plus utilisé : l’électro-déionisation (EDI). L'EDI est un traitement qui combine des membranes échangeuses d'ions et des résines. La séparation s'effectue grâce aux membranes et la résine n'est présente que pour faciliter la migration des ions. Outre Chemdoc Water, Suez est également très présent sur ces technologies, et sur l’électroséparation en général. « L'EDI remplace de plus en plus les résines pour la production d'eau ultrapure. C’est une évolution que nous constatons » constate Samuel Morelle.

Outre les développements observés pour les membranes polymères, le marché des membranes céramiques a également connu une croissance importante ces 10 dernières années. « Les membranes céramiques sont évidemment supérieures aux membranes organiques, en particulier dans le traitement des eaux particulièrement difficiles, caractérisées par des niveaux élevés de turbidité, de solides en suspension ou de température, indique Chris Burleigh, directeur des ventes de ItN Nanovation. Elles ont de plus une durée de vie de deux à quatre fois supérieure à celle des membranes organiques, optimisant le cycle de vie d’un projet ».

Agroalimentaire : les spécificités de l’eau ingrédient

Dans l’agroalimentaire, l’eau “ingrédient”, intégrée au produit ou à son contact direct, répond à des cahiers des charges spécifiques à chaque industriel. Là encore, Salvador Perez constate “une vraie mutation” avec le remplacement de techniques conventionnelles (traitement physico-chimique et résines) par des membranes. D’autant plus que la réglementation se durcit, notamment sur les pesticides et les perturbateurs endocriniens.
A l’évidence, l’exigence minimale, au sein de cette industrie, est de disposer d’une eau potable.
Machine PRO séries d’osmose inverse ou de nanofiltration de Suez.

Les usines s’alimentent au réseau collectif lorsque c’est possible, ou potabilisent une eau brute, via une station de traitement agréée auprès de l’ARS. « Nous intervenons ensuite, avec nos solutions d’ultrafiltration, pour la clarification et la désinfection. Et éventuellement pour la déminéralisation ou l’élimination de polluants spécifiques par osmose inverse, avec les produits Lanxess en ce qui nous concerne », précise Isabelle Duchemin chez Polymem.

Ce schéma d’ultrafiltration suivie d’osmose inverse à basse pression, voire de nanofiltration, est à la base de la plupart des systèmes fournis par les différents équipementiers. « L’osmoseur s’est déplacé dans l’usine : il est passé de la chaufferie au process, et est désormais physiquement présent dans le local même du process, ce qui implique de nouvelles exigences : construction en inox, nettoyabilité. Les industriels demandent que les matériaux en contact avec l’eau ingrédient soient conformes à la réglementation CE 1935-2004 », précise Mickael Tournaux chez BWT.

Suez équipe de grands noms du secteur agroalimentaire comme Coca-Cola en équipement et en membranes d'osmose inverse basse pression. « Nous pouvons également fournir une solution alternative, l'EDR (électrodialyse à polarité inversée) qui permet de partiellement déminéraliser à 85-90 % avec une qualité ajustable par le courant », précise Samuel Morelle. C'est une technique utilisée aujourd'hui par des brasseurs.
En l’absence d’un référentiel propre à la profession, comme il en existe par exemple en pharmacie, BWT a choisi une conception basée sur un référentiel international connu, issu de l’EHEDG (European Hygienic Engineering Design Group). « Nous garantissons ainsi une sécurité alimentaire optimale avec une solution d’osmose inverse haute pression qui permet d’obtenir le résultat en une seule passe », souligne Mickael Tournaux.
Le groupe KWI a conçu avec sa société sœur ItN Nanovation, fabricant de membranes céramiques, un procédé qui combine un process biologique à cultures fixées fluidisées ou MBBR avec un procédé d’ultrafiltration sur des membranes céramiques plates. La combinaison des deux procédés donne des installations si compactes qu’elles peuvent s’intégrer dans un container.

Chemdoc Water, en collaboration avec Utilities Performance, a pour sa part équipé une usine à Meyzieu (69) pour Suntory, un groupe japonais détenant Orangina en France. Fournissant 60 m³/h d’eau déminéralisée, la chaîne conçue autour d’un osmoseur est entièrement réalisée en inox. « Pour de l’eau destinées aux “utilités”, nous aurions proposé un rack en matière plastique, avec la même membrane. Ce ne sont pas les mêmes budgets : en agroalimentaire, la tuyauterie est un poste lourd, alors qu’en production d’énergie c’est plutôt l’instrumentation », précise Salvador Perez. Hydrobios exploite pour sa part les potentialités d’un nouveau marché pour de “petites” solutions : l’explosion du nombre de brasseries artisanales.

Un nouveau problème se fait jour en agroalimentaire, et plus spécifiquement dans le secteur des aliments pour bébés : la présence de chlorates dans l’eau. Les nouvelles normes, transposées d’une directive européenne, exigent une teneur extrêmement faible : moins de 5 microgrammes par litre. Or, tous les réseaux d’eau potable traités par chloration en contiennent. Les industriels s’alimentant au réseau doivent donc s’équiper très rapidement pour éliminer les chlorates. « A ce jour, la seule technique efficace pour éliminer les chlorates est l’osmose inverse. Cela oblige les industriels à déminéraliser leur eau, quitte à devoir la reminéraliser ensuite. Les premiers cas ont émergé en 2017 et les grands groupes comme Danone se sont très vite équipés » précise Salvador Perez chez Chemdoc.

Une problématique que souligne également Mickael Tournaux, de BWT : « nous voyons depuis 2015 une reprise sur le marché des produits infantiles. Des usines se sont créées en France, avec un nouveau besoin qualitatif : la quasi-absence des chlorates, considérés comme des perturbateurs endocriniens. Nous avons réalisé plusieurs essais, et seule l’osmose inverse (à haute pression) est à même de garantir le niveau de qualité attendu ». Un grand groupe laitier a choisi la solution de BWT pour une usine du Nord de la France produisant des laits infantiles. Elle s’alimente en eau potable du réseau, et est donc confrontée au problème des chlorates. D’autres usines du même genre sont équipées de solutions BWT, que ce soit pour la production d’eau ingrédient ou de vapeur alimentaire en amont de générateur de vapeur.

une vapeur ultra propre

Dans le domaine de la production d’énergie, le problème consiste à fournir une vapeur destinée à entraîner à très grande vitesse les turbines des alternateurs. Elle doit pour cela être parfaitement débarrassée de ses particules en suspension et totalement déminéralisée pour éviter les phénomènes d’abrasion. La silice, qui peut se sublimer dans la chaudière et se recristalliser sur les pales de la turbine, est un paramètre particulièrement surveillé. « Les cahiers des charges de groupes comme EDF sont très exigeants. Nous avons réalisé une installation de déminéralisation “tout membrane” à Golfech, par exemple. Ce type de solution est aujourd’hui décliné en plus petite taille avec l’essor des centrales à biomasse, qui ont les mêmes exigences qualitatives » affirme Salvador Perez, Chemdoc Water.

Dans le même domaine, mais pour une demande plus complexe, Chemdoc développe actuellement un procédé industriel exigeant une eau déminéralisée à partir d’une eau brute de provenance multiple. « Nous mettons en place une solution “tout membrane” de 80 m³/h. L’usine utilise trois ressources de manière aléatoire : de l’eau de pluie recyclée (avec ses problèmes de lessivage), de l’eau industrielle (fortement minéralisée) ou, en dernier recours, l’eau de la ville. Tout cela passe par le même procédé - ultrafiltration, osmose inverse et finition - pour produire une eau très déminéralisée » précise Salvador Perez.

Autre cas difficile traité par Chemdoc Water : l’eau déminéralisée pour une chaufferie vapeur haute pression sur une centrale biomasse. « C’est une eau très difficile, contenant des matières organiques, des métaux et beaucoup d’éléments peu indiqués pour faire de la vapeur dans une chaudière à haute pression ! Nous avons installé un procédé par osmose inverse double passe, ce qui garantit le résultat », affirme Salvador Perez.

Pharmacie et électronique : des exigences extrêmes

La microélectronique et la pharmacie réclament des eaux dites “ultrapures”. Une chaîne complète de déminéralisation membranaire comporte alors en général une ultrafiltration suivie d’une osmose inverse et d’un traitement de finition, généralement par EDI. L’eau ainsi produite est ensuite distribuée aux différents points d’utilisation par un circuit de distribution fermé. « Cela implique une précaution supplémentaire : nous installons souvent une cartouche plissée de microfiltration à chaque poste d’utilisation, pour prévenir une éventuelle recontamination bactérienne durant le trajet » explique Kristen Barroso, responsable de la veille technologique et concurrentielle pour les Filtres & Membranes chez Suez, groupe qui intervient beaucoup en microélectronique.
Suez Water Technologies and Solutions, vient d’équiper, pour Modec, deux unités flottantes de production, stockage et déchargement FPSO au large du Brésil. Construits autour des membranes de nanofiltration SWSR-440, ces équipements élimineront les sulfates de l’eau de mer afin de réduire la corrosion dans le puits d’injection.

Bien que tous les équipementiers maîtrisent les technologies nécessaires, des spécialisations apparaissent.

Certains, comme par exemple Chemdoc, interviennent peu en pharmacie. « Nous saurions techniquement le faire, mais la branche a ses habitudes documentaires, ses modes de réception, ses normes », explique Salvador Pérez. C’est donc plus un problème de “culture” que de capacité technologique. Même son de cloche chez Suez. « Nous souhaitons développer ce marché sur lequel nous sommes encore peu présents. Nous avons toutes les technologies pour cela, en particulier nos membranes Duratherm, résistantes aux hautes températures, ainsi que notre stack d'EDI », explique ainsi Samuel Morelle.

Oil & gas : des débouchés qui évoluent

Pour extraire le pétrole de la roche, il faut le remplacer par de l’eau injectée sous haute pression. Pas n’importe quelle eau, toutefois, puisqu’elle doit passer par les circuits et les pompes à pression, et ne pas colmater les pores de la roche. Les plateformes offshores, en particulier, qui puisent évidemment leur eau dans la mer, doivent la clarifier au préalable. « Malgré notre “petite” taille, nous, avons été de ceux qui ont développé cette application pour remplacer la filtration conventionnelle sur média, initialement à la demande de Total, explique Isabelle Duchemin chez Polymem. Nos solutions d’ultrafiltration interviennent soit seules, soit en amont d’une nanofiltration destinée à éliminer les sulfates. Il s’agit évidemment de très grosses installations, bien que la place et le poids soient limités sur une plateforme, ce qui implique un effort de compacité. Nous avons pour cela développé des modules spécifiques, les Gigamem®, que nous avons ensuite déclinés avec des carters différents pour d’autres applications industrielles ou municipales ». Polymem, en partenariat exclusif avec l’équipementier Schlumberger, a ainsi équipé six plateformes offshores, que ce soit dans le Golfe du Mexique (pour BHP, HESS et Pemex), au large du Nigeria (pour Total) ou d’Abou Dhabi (pour Zadco).

Dans le même domaine, Suez, au travers de sa division Water Technologies and Solutions, vient d’équiper, pour Modec, deux unités flottantes de production, stockage et déchargement (FPSO pour Floating Production Storage and Offloading), au large du Brésil. Construits autour des membranes de nanofiltration SWSR-440, ces équipements élimineront les sulfates (et bien entendu toutes les particules, bactéries, etc. en suspension) de l’eau de mer afin de réduire la corrosion dans le puits d’injection.

Les membranes céramiques offrent quant à elles, le grand avantage de permettre un nettoyage à pH très faible et très élevé ce qui est particulièrement appréciable pour le traitement des eaux produites nécessaires à l’exploitation pétrolière. « Les travaux de R&D de notre société sœur, ItN Nanovation, portant sur les nano-revêtements des membranes céramiques, offrent une technologie de filtration matures pour les eaux huileuses », indique Alexandre Bonhomme, directeur commercial de KWI France


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