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De l’eau potable malgré les intempéries : automatiser pour garantir la qualité de l’eau

13 juillet 2023 Paru dans le N°463 à la page 82 ( mots)
Rédigé par : Grégoire JACQUEMETTAZ de Commune de Saxon, Daniel CLARET de PMAX, Sara FERDI de BNovate Technologies SA et 1 autres personnes

La commune de Saxon a trouvé une solution innovante pour assurer la qualité de son eau potable : diminuer les prélèvements pour l’analyse microbiologique par des mesures automatiques et périodiques en ligne du nombre de bactéries dans l’eau. Cela a été rendu possible grâce à l’intégration de la cytométrie de flux à leur système et l’intervention d’une société d’automatisation locale.



RÉSUMÉ 

La commune suisse de Saxon a connu ces dernières années des épisodes de fortes contaminations bactériologiques de son eau de source. Ces pollutions se produisaient surtout lors de fortes précipitations et de la fonte des neiges. En collaboration avec un bureau d’ingénieurs, la commune a résolu le problème avec une solution de surveillance et de contrôle entièrement automatisée permettant de maîtriser les risques, lorsqu’ils se produisent. Ce système novateur permet un traitement aussi ciblé que possible, basé sur des événements de pluie et sur une technologie de mesure de pointe: la cytométrie en flux. L’intégration d’une technologie de mesure moderne, de pompes à chlore et de vannes de fermeture garantit un approvisionnement à faible risque. Les villages peuvent être alertés si besoin, en temps réel et de manière isolée, en cas de risque de contamination dans leur zone d’approvisionnement. 

INTRODUCTION 

Au pied de l’emblématique Pierre Avoi, le village de Saxon a une histoire singulière avec l’eau. Station balnéaire dans les années 1850, berceau de l’eau minérale Cristalp vendue jusqu’en 2022, la commune tire la majeure partie de son eau potable des sources de montagne. Cette eau pure et naturelle est directement injectée dans le réseau sans filtration ni traitement. Alors que les normes de potabilité deviennent de plus en plus strictes et que les conditions climatiques influencent la qualité de l’eau, la question se posait depuis quelques années d’acquérir un système d’analyse afin d’assurer une qualité irréprochable de ce bien précieux qu’est l’eau aux quelques 7000 résidents du territoire. 

Fortes pollutions en 2019 

Suite à deux fortes pollutions bactériologiques en 2019, la commune a développé en plusieurs étapes un système automatisé pour maîtriser les risques de pollution microbiologique. Dès la phase de conception du système, la commune a émis la volonté de garder l’eau naturelle et de haute qualité; c’est pour cela que l’installation d’une station de traitement n’a pas été envisagée. 

ALIMENTATION EN EAU Ressources en eau

La figure 1 montre les sources et les principaux réservoirs de Saxon. La zone située en amont du réservoir de la Louette est alimentée par différentes sources. Plusieurs réservoirs secondaires permettent d’alimenter les différents hameaux des Mayens. Dans chaque réservoir un trop plein alimente les réservoirs inférieurs, jusqu’au réservoir principal du Pessot qui peut également être alimenté par une station de pompage d’eau souterraine. Une interconnexion avec la commune voisine permet quant à elle, d’alimenter directement le réseau de plaine. Environ 96% de la population tire son eau du réservoir principal. Au cours d’une année moyenne, une grande partie de l’eau de Saxon et de ses Mayens provient de sources d’altitude (jusqu’à 70%). Selon les conditions climatiques, entre 15% et 40% de l’eau provient d’une interconnexion avec une commune voisine.

SYSTÈME MIS EN PLACE

Pour répondre au problème de qualité, une analyse des risques a été effectuée d’après la méthode HACCP et la mise en œuvre a suivi les normes de la directive SSIGE W12 [1]. Le principal danger identifié est un danger microbiologique pouvant se produire suite à une contamination environnementale d’un des 17 captages de sources par des germes pathogènes. Dans un premier temps, l’arrivée du réservoir principal de Pessot a été identifiée comme un point de contrôle critique et l’emplacement idéale pour surveiller la qualité de l’eau. Pour surveiller en continu la qualité microbienne de l’eau potable, à ce niveau, le BactoSense a été utilisé (cf. SSIGE W1014). Cet appareil permet de quantifier toutes les bactéries et les différentes fractions cellulaires en colorant l’ADN avec un marqueur fluorescent (Sybr Green I) et en effectuant une mesure optique. Les cellules peuvent ensuite être classifiées. La fraction des cellules à haute teneur en acide nucléique (HNA) comprend la plupart des agents pathogènes connus, dont E. coli. Comme cette fraction a tendance à représenter un plus grand danger, une augmentation du nombre de cellules HNA a été choisie comme critère de qualité à Saxon. Dès l’été 2020, un système complet de gestion des risques de contamination microbiologique a été mis en place par une entreprise d’automatisation locale (PMAX). Il se compose de trois parties (cf. Fig. 2): 

1. détermination de la qualité de l’eau par cytométrie de flux en ligne 2. En cas d’anomalie, interruption de l’alimentation en eau, chloration en sortie de réservoir Pessot et alimentation du réseau inférieur par la nappe phréatique du Vaccoz ou l’interconnexion avec la commune voisine. 3. Et alerte du responsable. 

Ainsi, à part les 300 habitants des Mayens (Boveresse, L ’Arbarey et Près de Champs), tous les habitants sont protégés. Dans un deuxième temps, l’évaluation par cytométrie de flux de la qualité de l’eau des deux affluents se déversant dans le réservoir de Louette a également permis de réduire le risque. La mesure séparée des deux affluents permet d’informer directement la population concernée en cas de pollution et d’isoler de manière ciblée la source concernée. La Fig. 3 montre l’installation de BactoSense dans l’arrivée du réservoir Pessot. 


Analyse de l’eau et actions automatiques

En analysant les données météorologiques en temps réel fournies par MétéoSuisse (“RainAlert”) sur une application cloud, les intervalles de mesure du BactoSense sont réglés via PLC et SCADA. Cette automatisation permet de régler la fréquence des mesures en fonction des besoins. Par exemple, les périodes de pluie ou de fonte des neiges présentent des risques de pollution plus importants et nécessitent une plus grande attention. La figure 4 montre comment l’intervalle de mesure est ajusté en fonction de la météo et comment la qualité de l’eau est déterminée grâce aux résultats de cytométrie en flux. De hautes valeurs, correspondent à une forte contamination microbiologique et donc à une mauvaise qualité de l’eau. L’eau est mesurée par deux BactoSense dans deux réservoirs différents (Pessot et Louette). 

En cas de mauvaise qualité, l’eau est automatiquement isolée. Sur le réservoir de Louette, les mesures sont effectuées en alternance en deux points : le premier au niveau à de l’arrivée de l’Arbarey et l’autre à l’arrivée de la source de la Pleyeux. La Table 2 montre les mesures prises si la valeur critique est dépassée à l’un des deux points de mesure. L’alarme est émise par deux canaux. D’une part, les responsables sont informés par le système de gestion via SMS. D’autre part, l’administration communale se charge, en cas de pollution, d’avertir les habitants via son site internet ou une application. Pour ceux qui sont réfractaires à ces moyens de communication, le service des eaux prévient chaque ménage concerné grâce à la distribution de flyers. La consommation électrique de l’ensemble du système de gestion des risques de contamination microbiologique est faible (quelques centaines de watts) et le coût est d’environ 4 à 5 centimes par m3 (amortissement sur 25 ans). En 2022, 3,5 kg de chlore ont été utilisés. En revanche, une chloration continue aurait nécessité environ 129 kg de chlore.

RÉSULTATS ET ÉVÉNEMENTS DE POLLUTION

Evénements en 2022 En 2022, une dizaine d’alarmes ont été déclenchées ; toutes n’ayant pas nécessité d’intervention. En effet, si la cause est connue ou s’il ne s’agit que d’une seule valeur élevée, la personne responsable peut accuser réception de la notification et décider de maintenir le fonctionnement normal. 

En 2022, quatre événements ont été considérés comme significatifs et ont nécessité une chloration : • 13.05. - 16.05.2022 • 05.07 - 06.07.2022 

• 25.10. - 29.10.2022  • 23.12. - 26.12.2022

Le premier événement a eu lieu en mai. La figure 5 montre que le nombre de cellules a augmenté dans les deux réservoirs de la Louette et du Pessot. A Louette, il y a deux apports, l’un provenant du réservoir de l’Arbarey, l’autre du captage Pleyeux, qui sont mesurés en alternance. Le nombre de cellules a augmenté fortement dans le réservoir du Pessot ainsi que sur l’adduction provenant de l’Arbarey. Un examen plus approfondi a conduit à rejeter certaines sources, qui ont été mises manuellement en décharge par un collaborateur du Service des eaux de Saxon. En conséquence, le nombre de cellules s’est normalisé et la chloration a pu être arrêtée. Les prélèvements de suivi pour analyse microbiologique du 17 mai ont montré des valeurs principalement conformes, un seul Entérocoque a été trouvé. L’échantillon de suivi du 18 mai était finalement conforme. 

L’augmentation des bactéries n’a pas pu être associée à un épisode de pluie, mais une forte fonte des neiges a eu lieu à ce moment-là. La Fig. 6 montre une anomalie en Juillet. La réaction immédiate a été d’isoler la source de la Vouarde et l’arrivée de l’Arbarey, ce qui a permis d’éviter la chloration au réservoir du Pessot. Plus tard, des contrôles réalisés en laboratoire de la zone en aval de la source de la Vouarde jusqu’à l’arrivée de l’Arbarey ont révélé des contaminations E. coli et Enterococcus spp. Suite à cette pollution, le captage de Vouarde a été complètement rénové lors de l’été 2022. L’événement suivant s’est déroulé en octobre. Des contaminations provenant du réservoir de l’Arbarey à l’arrivée de la Louette ont entraîné une augmentation rapide du nombre de cellules à Pessot. La vanne à Louette s’est fermée automatiquement et une chloration prolongée a été effectuée au réservoir Pessot jusqu’au 29 octobre, car une mesure précédente plus élevée a suscité un certain scepticisme et les valeurs ultérieures n’ont pas permis un rétablissement complet du système. 

Le chlore et l’isolation de la Louette ont toutefois permis de maîtriser rapidement la situation dans ce cas également. Les prélèvements microbiologiques qui ont suivi cet évènement ont montré une augmentation des germes aérobies, des E.coli et d’entérocoques de la source Vouarde. Les échantillons prélevés dans les réseaux en aval du réservoir de Louette et Pessot étaient tous conformes. Grâce aux mesures automatiques, la source de la Vouarde a donc pu être isolée à temps permettant de protéger les consommateurs des réseaux avals. Le dernier événement a eu lieu en décembre, juste avant Noël. Le BactoSense a détecté une anomalie au réservoir de la Louette. Une chloration du réservoir Pessot a été déclenchée à cette occasion, ainsi qu’une isolation du réservoir Louette. La situation a ainsi pu être rapidement maîtrisée et les fêtes de fin d’année ont pu être sauvées pour de nombreux habitants.

Résumé pour l’année 2022

En 2022, aucun habitant n’a signalé une maladie suite à une pollution du réseau d’eau potable. Dans plusieurs situations, le danger a pu être réduit immédiatement et le plus souvent automatiquement. En 2022, ce sont surtout des sources isolées qui ont été touchées par des contaminations. Grâce aux connaissances acquises par les mesures du BactoSense, il a été possible de trouver et d’écarter les sources concernées en quelques étapes au cours du second semestre. Toutes ces analyses ont montré que la plupart des contaminations proviennent d’un petit nombre de sources. Celles-ci devraient maintenant être équipées d’un système automatique de rejet. Ce système peut être basé sur plusieurs paramètres. 

A Saxon, celui qui a été choisi est la turbidité; des mesures prises tout au long de l’année ont permis de décider de la meilleure façon de mettre en œuvre le rejet automatique. La table 3, montre une comparaison entre des tests microbiologiques et des tests de turbidité. Les résultats ont été évalués selon les critères de l’OPBD (non conforme si > 1 NTU) [2]. Les deux valeurs, turbidité et microbiologie, étaient disponibles sur 87 échantillons. On peut voir qu’avec la turbidité, la contamination bactérienne a tendance à être sous-estimée. C’est à prévoir pour les mesures au niveau du système, mais inattendu pour l’eau brute (Table 3 B). Les résultats de cette étude sont en accord avec les résultats précédents obtenus avec la cytométrie de flux dans une vaste étude menée par Besemer en 2016 [5]. Il y était indiqué que les sources sont stables par temps sec et réagissent rapidement aux événements pluvieux. 

En plus, différents paramètres physiques en ligne ont montré des réactions aux événements pluvieux, mais différents en termes de temps de réaction, de sensibilité et de variation relative. Ils concluent qu’aucun des paramètres abiotiques individuels ne décrit de manière fiable la concentration cellulaire totale. La turbidité baisse trop rapidement [5,6]. Ils ont conclu que le nombre de cellules totales constitue donc un précieux paramètre pour les impuretés microbiologiques dans les sources karstiques. Le monitoring permet notamment d’élaborer une compréhension optimale du système et des processus. Ce n’est que si le système hydrologique est suffisamment connu et que des critères spécifiques sont fixés qu’un compteur de particules peut détecter la contamination fécale avec une grande précision [7]. La turbidité ne permet donc pas d’exclure de manière fiable les contaminations microbiologiques. Mais combinée à la cytométrie en flux automatisée, qui offre une détection rapide, précise et efficace des cellules, c’est une façon fiable d’automatiser le rejet des sources. Pourvu que le critère de rejet soit défini séparément pour chaque source et aussi strict que possible. De son côté, la cytométrie en flux automatisée permet d’analyser un grand nombre d’échantillons et trouve des applications dans divers domaines de la distribution de l’eau, spécialement en combinaison avec d’autres systèmes de détection d’événements environnementaux, comme de plus fortes pluies.

CONCLUSION 

A la suite des contaminations de l’eau potable de 2019, l’acquisition du BactoSense et son installation ont permis le contrôle et la chloration automatisée au réservoir principal permettant d’augmenter significativement la sécurité de la distribution de l’eau potable pour les habitants du village de Saxon. L’utilisation de deux cytomètres de flux en ligne aux points critiques permet de comprendre et de limiter efficacement les risques. Les résultats obtenus avec le BactoSense peuvent aussi être confirmés et complémentés par des analyses de laboratoire. Dans plusieurs cas, l’efficacité des mesures prises a pu être confirmée et a validé le processus mis en place pour éliminer les contaminations. Le système de prévention est très efficace grâce à l’analyse des précipitations combinée à une technologie de mesure moderne. L’automatisation a une faible consommation de ressources et d’énergie. En raison du rejet ciblé de sources individuelles, le traitement de l’eau n’a été nécessaire que quelques jours en 2022. Ainsi, la plupart du temps, le réseau d’eau potable fournit à ses habitants une eau de source non traitée et de qualité irréprochable. 

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