Garantissant la bonne représentativité des échantillons, les préleveurs sont des composants essentiels de la fiabilité des analyses effectuées sur l’eau et les eaux usées. Le développement des mesures in situ n’a pas eu de conséquence sur ce marché qui est toujours en croissance grâce à la réglementation, aux améliorations en termes de facilité d’utilisation, ainsi qu’à l’analyse des polluants émergents.
Les réseaux d’eau potable, les stations d’épuration (STEU) et les autres installations liées à l’eau sont aujourd’hui de plus en plus surveillés. Cela s’accompagne de l’instrumentation de toutes ces installations afin de collecter, d’une manière continue et, bien souvent, en temps réel, des données pertinentes sur l’état du milieu naturel ou le fonctionnement des installations. La plupart des appareils fixes ou portables sont proposés par des sociétés telles que: Endress+Hauser, Hach-Lange, Hydreka, Aqualabo, Bionef, Cometec, Hydrologic, Ijinus, Isma, Krohne, PLM Services ou bNovate Technologies. Au-delà, notamment, du choix du capteur et de la technologie de remontée des mesures, il y a également une composante essentielle à prendre en compte et qui contribue à garantir la fiabilité des analyses.
«Le préleveur automatique n’a pas pour vocation de réaliser les analyses, mais de prélever et de conserver des échantillons représentatifs de l’eau afin que ces derniers soient analysés ensuite en laboratoire», rappelle Matthieu Bauer, chef de marché Environnement et Énergie chez Endress+Hauser France. «Il existe différentes stratégies de prélèvement, mais il s’agit toujours de prélever une certaine quantité d’eau à un instant t. Les prélèvements sont programmés en fonction du temps (toutes les 15 minutes, par exemple) ou d’un volume écoulé, ce qui nécessite de disposer d’un débitmètre», explique Korentin Jolivet, responsable marketing et communication chez Hydreka.
Pour Olivier Paillard, directeur commercial de Cometec, « on met en place
un préleveur pour les paramètres physico-chimiques et bactériologiques, les
micropolluant, les hydrocarbures, etc. »
Ce que confirme Emmanuel Kubler,
chef de marché Environnement et
Énergie chez Endress+Hauser France :
«Généralement, les paramètres recherchés seront le pH, les MES (matières en
suspension), la DBO5 (Demande biologique en oxygène), la DCO (Demande
chimique en oxygène), l’azote par la
méthode de Kjeldahl (NKJ), l’ammonium (NH4
), les nitrites (NO2
), les
nitrates (NO3
), le phosphore total (PT).
D’autres paramètres complémentaires
peuvent être demandés sur des effluents
industriels. »
BUREAUX D’ÉTUDES ET EXPLOITANTS DE RÉSEAUX
«Les utilisateurs de préleveurs sont
assez divers : on trouve aussi bien des
traiteurs d’eau et des bureaux d’études
que des industriels et des organismes
de contrôles», indique Olivier Paillard
(Cometec). Pour Korentin Jolivet de
Hydreka, spécialisée dans les préleveurs portables, «nos clients sont
essentiellement des bureaux d’études,
des organismes de l’état et des exploitants de réseaux. Ils mettent en œuvre des
préleveurs pour mener des campagnes de
mesures à des fins réglementaires, d’optimisation du fonctionnement des réseaux
ou de recherche de la source des pollutions potentielles.»
Un préleveur est un système d’échantillonnage automatique, installé de manière
fixe ou mobile à la sortie d’une station
d’épuration. Il peut l’être également,
selon la taille de la STEU, à l’entrée et
sur le by-pass intermédiaire de la station
d’épuration. «Les stations de traitement
d’eaux usées municipales ou industrielles
doivent en effet contrôler les rejets des
eaux traitées vers le milieu naturel, dans
le cadre de l’autosurveillance. Il s’agit
d’une obligation réglementaire : toute station de traitement d’une capacité de plus
de 2000 EH – 1 EH (Equivalent Habitant)
correspond à 60 g de DBO5 par jour –
doit être munie d’un préleveur à poste
fixe réfrigéré», rappelle Matthieu Bauer
(Endress+Hauser).
Pour répondre à ces différents types d’applications, les fournisseurs proposent chacun un éventail de préleveurs, des modèles portables et/ou à poste fixe, mono-flacon ou multiflacons, réfrigérés ou non. «Un préleveur à poste fixe, par exemple, est constitué d’une armoire contenant un système d’aspiration, un bocal doseur, un ensemble de flacons pour le stockage des échantillons et un système de réfrigération, ainsi qu’un système électronique assurant la programmation et la gestion des prélèvements», décrit Emmanuel Kubler (Endress+Hauser France). Bionef propose à cet égard son échantillonneur fixe MEAS100 destiné aux stations de mesure et de surveillance des ressources et des réseaux. Réalisé en inox et équipé d’une pompe à dépression, il dispose d’un réservoir de douze échantillons. Le prélèvement est programmable selon différents critères, l’appareil pouvant mémoriser jusqu’à 12 programmes différents. Un préleveur mobile, ou transportable, est plus compact qu’une version à poste fixe. On retrouve les mêmes éléments, à l’exception du système de conservation puisque «le préleveur n’est pas réfrigéré, mais peut être équipé d’une cartouche réfrigérante», précise Emmanuel Kubler.
Hydreka propose des versions réfrigérées des préleveurs portables AS950. «Nous proposons la gamme d’échantillonneurs isothermes – l’échantillon est maintenu à température ambiante (sans réfrigération) – portables AS950 de la marque Hach et notre propre gamme de préleveurs réfrigérés», explique Korentin Jolivet (Hydreka). Ces préleveurs réfrigérés sont en fait constitués de la tête de prélèvement de l’AS950, sur laquelle la société adapte une partie réfrigération, avec une embase monoflacon ou multi-flacons.
Si un préleveur monoflacon, où tous
les échantillons sont dans le même flacon, sert à obtenir une représentativité
moyenne sur la période de prélèvement,
les modèles multi-flacons disposent
généralement de 24 flacons, qui correspondent chacun à un prélèvement
représentatif d’une heure, soit une durée
totale de 24 h.
En absence d’alimentation électrique,
dans une zone suffisamment éloignée
du réseau électrique, par exemple, la
société a développé une solution avec
un câble doté de pinces crocodiles et
sur lequel l’utilisateur peut raccorder
une batterie de camion ou de voiture.
«Cela permet, principalement, de conserver les échantillons à une température
stable dans le préleveur, pendant 24 h
par exemple, le temps qu’ils soient récupérés sur le terrain. Cela a son importance, parce que certains paramètres
évoluent avec la température», précise
Korentin Jolivet.
Ijinus propose pour sa part l'échantillonneur portable réfrigéré 3710 TR, particulièrement adapté pour la recherche des substances per et polyfluoroalkylées (PFAS). Le suivi de température se fait sur l’écran de l'enceinte et/ou par App mobile IOS & Android. Les collecteurs portables de Bionef, appelés Bouteilles IWS III, prélèvent et accumulent des échantillons selon les normes européennes. Les échantillons prélevés à différents instants ou profondeurs (selon la programmation) sont automatiquement intégrés un seul récipient : pas besoin de répéter les opération puis mélanger, comme cela se fait avec des préleveurs standard.
Ces appareils sont munis de batteries rechargeables lithium-ions et programmables par Bluetooth (donc sans connecter de câble au PC ou la tablette). Un échantillonneur portable peut également s’installer sur un drone aquatique voire sous-marin (jusqu’à 200 m de profondeur) pour prélever des échantillons en des endroits difficiles d’accès. C’est ce que propose la société Bathy Drone Solutions. Ses drones aquatiques embarquent une pompe péristaltique pour les prélèvements d’eau et une pelle en inox pour les prélèvements de sédiments. Les sous-marins sont équipés de seringues préleveuses pour l’eau ou d’échantillonneurs pour les sédiments. Les prélèvements sont géolocalisés.
POMPE PÉRISTALTIQUE OU POMPE À DÉPRESSION ?
Avant de s’intéresser à la réfrigération, ou non, de l’échantillonneur, le cœur d’un préleveur est en fait le système de pompe. On distingue deux technologies principales : la pompe péristaltique et la pompe à dépression (ou à vide). Comme le décrit la fiche technique du Liquistation CSF48 d’Endress+Hauser, le principe de fonctionnement d’un préleveur avec une pompe péristaltique s’appuie sur trois étapes : le rinçage, l’aspiration et l’évacuation. La pompe fonctionne d’abord à l’envers pour refouler le liquide vers le point de prélèvement. À l’étape suivante, la pompe fonctionne vers l’avant et aspire le liquide. Lorsque le système de détection du liquide détecte l’échantillon, la pompe est contrôlée par le débit et le volume d’échantillon défini est calculé automatiquement. Enfin, la pompe fonctionne de nouveau à l’envers pour refouler le liquide vers le point de prélèvement.
Avec un préleveur doté d’une pompe à membrane, le prélèvement se déroule en quatre étapes : le soufflage, l’aspiration, le dosage et l’évacuation. La pompe commence par nettoyer le système de dosage et le tuyau d’aspiration par soufflage d’air comprimé. L’«air manager» (commutateur pneumatique) inverse le sens de l’air de la pompe à membrane sur aspiration. L’échantillon est alors aspiré dans le bocal doseur jusqu’à ce que les sondes de conductivité du système de dosage soient atteintes. L’aspiration s’arrête et, en fonction de la position du tuyau de dosage, l’excédent de produit est évacué vers le point de prélèvement. Enfin, la vanne à écrasement s’ouvre, libérant l’échantillon dans le flacon. «L’avantage de la pompe péristaltique est de limiter le risque d'encrassement lors des prélèvements, surtout en présence d’effluents chargés, même si la précision et la répétabilité des échantillons prélevés reste inférieure à une technologie pompe à vide», constate Korentin Jolivet (Hydreka).
Une pompe péristaltique est donc la mieux adaptée pour le secteur de l’assainissement, parce que l’effluent n’est en contact avec aucun organe de l’échantillonneur pendant tout le prélèvement. «Cela évite le risque de contamination ou de présence d’éléments qui auraient été mal lavés entre deux utilisations et qui seraient susceptibles de fausser la représentativité de l’échantillon suivant», poursuit Korentin Jolivet. Il faut toutefois veiller à ce que la pompe péristaltique soit suffisamment puissante pour pouvoir faire un prélèvement, parce que des hauteurs d’aspiration minimales sont parfois à respecter, comme dans le cas de la réglementation RSDE (rejets de substances dangereuses dans les eaux). Autre argument de poids en faveur de la technologie péristaltique, certaines réglementations stipulent l’utilisation d’un préleveur doté d’une telle pompe, en particulier dans le cadre de la réalisation de bilans sur 24 h. Ijinus propose son échantinnonneur à poste fixe 5800, réfrigéré à froid ventilé, et équipé d’une pompe péristaltique particulièrement puissante pour le prélèvement d’eau fortement chargée. Doté d’un mode diagnostic complet, son ergonomie permet de changer chaque élément: pompe, groupe froid, écran de contrôle avec un simple tournevis sans voir à renvoyer l’appareil au SAV en cas de panne.
Endress+Hauser fabrique des préleveurs fixes et portables, avec les deux
technologies de pompe. Dans les faits,
c'est la pompe à vide qui est privilégiée en raison de la répétabilité des
volumes d'échantillons prélevés et la
faible fréquence de maintenance. Les
pompes péristaltiques sont préconisées uniquement sur les effluents les
plus chargés. Elles nécessitent un
remplacement du tuyau à écrasement
fréquent pour garantir la répétabilité du
volume prélevé.
Le service Support Clients de
Laboratoires Humeau propose pour sa
part des conseils personnalisés pour le
choix, l'utilisation optimale et la maintenance de ces équipements. Ils prônent
en particulier le préleveur portable
AS950 de Hach, portable et polyvalent,
les pompes à vide KNF pour leur précision et l'armoire réfrigérée LOVIBOND
pour la conservation des échantillons.
«Le prélèvement d’eau sur le terrain peut
être une tache pénible et répétitive pour
les préleveurs. L’échantillonneur portable
AS950 de Hach, de conception légère et
robuste, est doté d’un écran couleur et
un port USB pour une programmation
simple et intuitive. Il est équipé d’une
pompe péristaltique avec galets à ressorts et d’un capteur de détection de
liquide pour garantir la précision des
volumes d’échantillons» précise ainsi Arnaud Chiquart, spécialiste de gamme Supports client de
Laboratoires Humeau.
UN MARCHÉ MATURE, MAIS TOUJOURS EN PROGRESSION
Korentin Jolivet (Hydreka) pointe une autre raison à la croissance du marché des préleveurs : «Il y a une demande de plus en plus forte pour une meilleure compréhension des réseaux, d’où de nouveaux paramètres à contrôler en laboratoire, pour l’instant, à l’instar des polluants éternels tels que les substances PFAS – un arrêté a d’ailleurs été publié le 20 juin 2023 relatif à l’analyse des PFAS. Nous proposons quotidiennement, pour des besoins ponctuels, la location de préleveurs. Les clients disposent ainsi d’appareils prêts à l’emploi, c’est-a‑dire contrôlés, calibrés et nettoyés.» Même s’ils se trouvent sur un marché mature, les fournisseurs de préleveurs continuent de faire évoluer leur offre. «Notre équipe de R&D a travaillé, ces dernières années, sur les axes suivants : l’isolation thermique des préleveurs, afin de garantir une température constante de l’enceinte réfrigérée, une diminution de la consommation énergétique et une miniaturisation des préleveurs», résume Olivier Paillard (Cometec).
QUELQUES AMÉLIORATIONS TECHNIQUES
«Notre dernière génération de préleveurs à poste fixe utilise un gaz réfrigérant R600a, moins polluant, et est conforme aux exigences réglementaires les plus strictes en termes d’émission de gaz. Par ailleurs, le groupe froid est désormais une pièce modulaire qui peut être remplacée aisément par l’utilisateur. Le modèle Liquistation CSF48, lui, permet le raccordement des sondes d’analyse Memosens sur la même plate-forme électronique, ce qui simplifie les câblages et réduitl’encombrement de l’installation. Enfin, nos clients attendent évidemment des prix contenus, mais aussi l’assurance de matériels fiables et performants, ainsi qu’un service (maintenance et métrologie) performant», conclut Matthieu Bauer (Endress+Hauser France).