Les installations d’assainissement sont souvent confrontées à des nuisances olfactives et à l’émission de composés organiques volatils (COV), pouvant impacter la qualité de l’air et le quotidien des riverains. Les avancées technologiques en termes de capteurs et de traitement permettent une détection plus précise et en temps réel des émissions, ainsi qu’une capture et une neutralisation des COV et des odeurs avant qu’ils ne se propagent.
Les nuisances olfactives liées aux activités industrielles ont toujours été un sujet délicat entre les responsables des sites et les riverains, et l’on pourrait s’inquiéter encore plus avec le déploiement de méthaniseurs, de gigafactories pour la production de batteries, la mise en place de programmes de réindustrialisation en France, etc. Cette situation aurait pu encore s’aggraver, ces dernières années, avec la sensibilité accrue du grand public à l’importance de la qualité de l’air. Il n’en est finalement rien car tous les acteurs, que ce soit les industriels, les instituts de recherche, les organismes de normalisation, les fabricants de moyens de détection et de surveillance, se sont mis en ordre de bataille pour prendre la mesure de la situation et mettre en place les actions nécessaires pour réduire les nuisances olfactives.
C’est le cas, notamment, dans le domaine des installations d’assainissement, qu’elles soient industrielles ou municipales. Dans le cas d’une installation d’assainissement, qu’entend-on par «nuisances olfactives»? «Les composés organiques volatils (COV) regroupent un large éventail de molécules appartenant à diverses familles chimiques, notamment les composés azotés et soufrés, les alcools, les aldéhydes, les cétones, les acides gras volatils, les esters et les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP). Tous les COV ne sont pas forcément odorants, leur perception olfactive dépend de la nature chimique des molécules et de leur concentration respective dans l’air ambiant», explique Estelle Vas, responsable Process chez John Cockerill EE.

Bien que les odeurs soient fréquemment associées aux COV, d’autres composés inorganiques peuvent également être à l’origine de nuisances olfactives. «On trouve également, en plus des COV, le sulfure d’hydrogène (H2 S), l’ammoniac (NH3 ) et les mercaptans dans le traitement des eaux usées (stations d’épuration urbaine et municipale) et le traitement des déchets – le H2 S et des COV spécifiques (selon l’activité industrielle) dans le traitement des eaux usées industrielles – ou des hydrocarbures, le styrène, le NMP (N-méthyl-2-pyrrolidone), le phénol, des dérivés chlorés, etc. dans les effluents industriels gazeux, à des teneurs très variables et selon l’activité industrielle», poursuit Emmanuel Laurent, Sales Manager France chez Desotec.
DES SOURCES MULTIPLES

Christian Rognon, directeur d’Environnement’Air, précise que, «pour être odorants, les composés doivent être suffisamment volatils pour atteindre la muqueuse olfactive, ils doivent présenter un certain équilibre entre leurs propriétés hydrophiles/hydropobes pour, d’abord, traverser le mucus aqueux recouvrant la muqueuse olfactive et, ensuite, venir interagir avec la phase lipidique où se trouve les récepteurs olfactifs».
Quant au sulfure d’hydrogène, en raison de son seuil de détection extrêmement bas, il joue un rôle prépondérant dans l’impact olfactif des installations d’assainissement. Les émissions de COV et d’odeurs résultent principalement de trois phénomènes.
«Il s’agit de la décomposition anaérobie des matières organiques, générant des gaz tels que le H2 S et le NH3 , de réactions chimiques liées aux traitements des effluents et qui produisent divers sous-produits gazeux, et de l’évaporation de polluants volatils présents dans les effluents industriels, contribuant à la dispersion des COV dans l’atmosphère», liste Clémentine Flamand, ingénieur procédé chez John Cockerill EE.

Ce que confirme Emmanuel Laurent (Desotec): «Dans les stations d’épuration des eaux usées (STEP), les odeurs proviennent à la fois des prétraitements, de la filière de traitement des boues, d’équipements spécifiques comme les fosses de réception des graisses ; dans le traitement des déchets industriels, les sources dépendent de l’activité (stockage ou réception, transfert et déchargement des matières premières et des produits finis, hall de production…).»
Parmi ces infrastructures, on retrouve, notamment, les bassins d’orage, les postes de relevage, les ouvrages de dégrillage, les unités de déshydratation et de stockage des boues, les sites de méthanisation et de compostage. Plus concrètement, «ce sont des odeurs de type “égouts” pour les eaux urbaines, des odeurs de type “choux” ou “œuf pourri” souvent dans les collecteurs et bassins de stockage (production de composés soufrés en anaérobiose)», ajoute Christian Rognon (Environnement’Air). «Des charbons actifs spécifiques sont également utilisés pour éliminer les odeurs d’ammoniac pouvant provenir de plateformes de compostage des boues d’épuration», précise Christophe Pincebourde, Sales Director chez Puragen.
DES CONSÉQUENCES PARFOIS GRAVES
Les émissions de gaz et de COV présentent plusieurs types de risques pour les personnels intervenant sur les installations d’assainissement. Ce sont déjà des risques sanitaires avec des maux de tête, des nausées et/ou une gêne respiratoire en présence d’odeurs persistantes, voire un risque d’asphyxie en milieu confiné, ou encore des irritations oculaires, respiratoires et cutanées provoquées par l’inhalation (ou le contact) avec ces polluants. Une exposition prolongée peut même entraîner des effets plus graves tels que des troubles neurologiques ou un risque cancérogène.
Les conséquences peuvent également prendre la forme de risques concernant la sécurité des installations ellesmêmes. Le sulfure d’hydrogène peut, par exemple, provoquer une corrosion des équipements et des bâtiments et certains COV présentent un potentiel explosif rendant nécessaire la mise en place de dispositifs de ventilation adaptés pour prévenir tout risque d’accumulation de gaz inflammables. D’où l’obligation de respecter des valeurs limites et des normes. Lorsque le H2 S est présent dès le réseau d’assainissement, il est possible de le neutraliser en amont. «Nous proposons un système de régulation automatisé, le Dosaklear, qui ajuste en temps réel le dosage de réactifs anti - H2 S (chlorure ferreux ou nitrate de calcium), explique Antony Boubarne (Klearios).

Cette action permet de réduire les nuisances olfactives perçues à l’échelle du quartier, de limiter la corrosion des infrastructures, de sécuriser le personnel intervenant et les riverains, et d’abaisser la concentration en H2 S à l’entrée de la station d’épuration.»
Dans certains secteurs, comme l’industrie vinicole, les nuisances olfactives peuvent être particulièrement marquées lors du stockage des effluents. «Le stockage en bassin d’évaporation peut générer d’importantes émissions odorantes liées à la dégradation anaérobie des matières organiques», explique Clément Mahé, responsable chez Yara.
Pour prévenir ces phénomènes, le procédé WINOX, développé en partenariat avec l’Inrae, permet d’injecter une solution nitrée dans les bassins afin d’inhiber la formation des gaz malodorants. Sans danger, non corrosif et peu coûteux, ce traitement préventif agit dès l’origine des nuisances.
Plus largement, Yara propose également le système YaraNutriox, basé sur l’injection de nitrate dans les réseaux d’assainissement. «En empêchant le développement des bactéries sulfato-réductrices, nous bloquons la formation de H2 S, gaz à la fois toxique, corrosif et fortement odorant. Cela permet de limiter les émissions, d’éviter la corrosion et d’améliorer la sécurité des opérateurs», poursuit Clément Mahé. Ces solutions s’intègrent facilement aux systèmes existants, et peuvent être pilotées intelligemment pour optimiser les doses et les coûts. «Certains secteurs subissent une pression supplémentaire qui vient s’ajouter à la réglementation officielle. L’impact de nuisances sanitaires ou olfactives sur le voisinage peut inciter des industriels à prendre des mesures complémentaires de contrôle des émissions, même si les valeurs d’émission sont en-deçà des valeurs limites légales. Cela peut être le cas, par exemple, dans des industries fortement odorantes comme l’agro-alimentaire, la gestion des déchets ou le compostage», constate Emmanuel Laurent (Desotec).
Au-delà des désagréments, notamment en période estivale ou en cas de conditions météorologiques défavorables (vent, humidité), les riverains des installations d’assainissement peuvent subir les mêmes effets sur la santé d’une exposition chronique que ceux des personnels des sites. «Les nuisances olfactives peuvent avoir des conséquences économiques et sociales, c’est-à-dire avoir un impact sur la valeur immobilière des zones concernées et provoquer une opposition locale à l’implantation ou à l’extension des infrastructures d’assainissement», affirme Samuel Keller, directeur commercial chez John Cockerill EE.
Avant d’envisager la meilleure technologie de réduction des mauvaises odeurs, il est nécessaire de connaître les polluants en question et leurs concentrations. Pour cela, les exploitants et les industriels ont à leur disposition différents moyens de détection, de mesure et de surveillance des composés. Si l’on parle de toxicité, la mesure porte sur des composés, ou familles de composés, ciblés. La mesure est alors relativement simple et on peut réaliser un suivi en continu de ces espèces.

De nombreux capteurs ou analyseurs sont disponibles sur le marché, avec, de plus en plus, des petits capteurs autonomes et connectés permettant de réaliser un suivi avec un maillage intéressant pour obtenir une bonne description de l’impact environnemental. «Plutôt que d’opposer analyseurs et capteurs, il est plus juste de parler de complémentarité, explique Jean-François Despres, dirigeant d’Olentia. Les analyseurs sont des instruments précis, parfois globaux comme les FID, parfois ciblés comme ceux pour le NH3 ou le H2 S, mais ils nécessitent un investissement important, une maintenance exigeante, et s’amortissent sur plusieurs années. Les capteurs, à l’inverse, sont plus accessibles, spécifiques, et s’apparentent presque à des consommables, à amortissement court.
Ils offrent des mesures moins précises mais utiles pour suivre les variations à long terme.» Il recommande ainsi une approche en deux temps: «Un diagnostic initial s’appuie sur des analyseurs et des analyses en laboratoire pour identifier les polluants présents. Ensuite, on installe des capteurs adaptés, sélectionnés en fonction des traceurs identifiés, afin d’assurer un suivi continu et ciblé dans le temps.», ajoute-t-il.
DES MESURES PLUS COMPLEXES POUR LES ODEURS
«Un analyseur de COV basé sur la technologie FID (Flame Ionization Detector ou détecteur à ionisation de flamme) peut être déployé directement sur les installations, représentant ainsi la technologie de référence pour la mesure en temps réel des composés organiques volatils. Cette solution permet d’obtenir une concentration instantanée, assurant ainsi un suivi précis des performances des unités de traitement et de la conformité des rejets atmosphériques. L’objectif est de détecter rapidement toute déviation ou dysfonctionnement afin d’apporter les ajustements nécessaires», met en avant Clémentine Flamand (John Cockerill EE).
Il existe également d’autres technologies telles que les détecteurs à photo-ionisation (PhotoIonization Detectors ou PID), les cellules électrochimiques, les analyseurs infrarouges ou encore les capteurs MOx (Metal Oxide Semiconductor) pour la surveillance en continu. Ces différentes méthodes présentent néanmoins, généralement, une précision et une sélectivité moindres comparées à celles de la technologie FID. «Si l’on parle d’odeurs, le problème est plus complexe car, dans la grande majorité des cas, ces dernières ne résultent pas d’un nombre restreint de molécules, mais de l’interaction d’un très grand nombre de molécules dont les concentrations sont parfois extrêmement faibles – le seuil de détection de composés tels que certains mercaptans est proche du ppb [partie par milliard, NDR]. Le suivi en continu à l’aide de capteurs sous quelque forme que ce soit, donnera une information partielle pas nécessairement représentative de l’odeur. Le seul moyen de réaliser un suivi des odeurs, c’est alors de mesurer l’odeur en tant que telle», explique Christian Rognon (Environnement’Air).
Pour cela, on distingue les mesures à l’émission et dans l’environnement. Dans le premier cas, les mesures olfactométriques consiste à déterminer les concentrations d’odeur émises par chaque source présente, par exemple, sur la station d’épuration. Cette méthode de référence, définie par la norme NF EN 13725, repose sur l’olfactométrie dynamique: elle implique le prélèvement d’échantillons sur site, suivi d’une analyse en laboratoire via un diluteur de précision et un panel de jurés spécialement formés et «calibrés». «Des dispositifs compacts intégrant plusieurs technologies de capteurs sont en développement, notamment pour la surveillance des composés odorants à la périphérie des sites industriels», annonce Estelle Vas (John Cockerill EE). «Le nez humain reste, à ce jour, l’outil le plus sensible pour évaluer une nuisance odorante», souligne Charlotte Tournier, responsable chez Odournet.
La norme EN 13725 encadre strictement la sélection et l’entraînement des panélistes, garantissant des résultats fiables. Laboratoire indépendant accrédité Cofrac, Odournet applique cette norme de manière exhaustive, depuis les prélèvements in situ jusqu’à l’analyse en chambre olfactive. L’entreprise insiste également sur l’importance d’intégrer les phénomènes de dispersion atmosphérique dans l’analyse: vent, humidité ou topographie peuvent en effet modifier l’impact réel d’une émission odorante sur le voisinage. «Dans le deuxième cas (mesure d’odeurs en environnement), les mesures sont effectuées soit par une quantification des odeurs ambiantes selon les normes NF X43-103 et NF ISO 5492/A1 pour caractériser la zone d’impact, soit par un jury d’observateurs (par exemple, des riverains), dans lequel chaque membre est “géré” comme un capteur accompagné d’un protocole précis pour collecter une information de qualité et exploitable afin d’établir des relations de cause à effet entre les perceptions olfactives et l’activité du site», poursuit Christian Rognon (Environnement’Air).
Un diagnostic complet de la problématique olfactive repose souvent sur une combinaison d’outils de mesure. «Nous associons capteurs communicants mesurant en continu l’H2 S, NH3 et les odeurs, prélèvements ponctuels analysés en laboratoire, spectrométrie pour identifier les familles de COV et leurs concentrations, ainsi que mesures olfactométriques réalisées par un jury de nez ou par l’utilisation de nez électroniques», détaille Anthony Boubarne, responsable commercial chez Klearios (Veolia Agriculture France).
Jean-François Despres d’Olentia précise tout de même: «La connaissance chimique des émissions ne suffit pas toujours à établir un lien direct avec la perception des odeurs. La persistance et l’impact sensoriels doivent être évalués spécifiquement, notamment via les mesures réglementées dans des secteurs comme l’équarrissage ou le compostage.» Cette évaluation de terrain peut également s’appuyer sur des protocoles normés récents, comme la norme européenne NF EN 16841-2, aujourd’hui privilégiée par certains bureaux d’études. «Pour évaluer les nuisances odorantes à l’échelle de l’environnement, nous privilégions la norme NF EN 16841-2 (2016), relative aux mesures de terrain par la méthode du panache», explique JeanFrançois Thomas, directeur d’Odometric.
Plus récente que la norme NF X43-103, cette approche est particulièrement adaptée aux sites complexes présentant des sources multiples, diffuses ou fugitives. Concrètement, un jury de deux observateurs réalise un parcours sur le terrain, dans le sens du vent, afin de délimiter les zones de perception des odeurs. En parallèle, des mesures à l’émission sont effectuées sur chaque source pour quantifier les concentrations d’odeur et hiérarchiser les priorités de traitement. «Cette double approche est essentielle, notamment en station d’épuration où certains ouvrages à ciel ouvert nécessitent en priorité une couverture et une captation des flux avant toute dépollution.», précise François Thomas. Odometric propose également la mise en place d’un observatoire des odeurs, accessible aux riverains via une plateforme en ligne 24 h/24. Chaque signalement est transmis en temps réel aux exploitants, favorisant une gestion réactive des nuisances et une meilleure acceptabilité locale.
LE FILTRE À CHARBON ACTIF, LA MTD POUR LE TRAITEMENT
Le traitement des COV «odorants», en particulier dans une problématique de réduction des émissions d’odeur, nécessitera donc de tenir compte de cette grande variété de composés chimiques. «Les traitements des COV se divisent en deux grandes familles : ceux qui transfèrent la pollution dans une autre phase – comme les filtres à charbon ou les laveurs –, et ceux qui la détruisent – comme la biofiltration ou les thermo-oxydeurs. Cette distinction est essentielle pour évaluer l’impact global des technologies», souligne Jean-François Despres.
«Le filtre à charbon actif est désigné comme “Meilleure Technique Disponible” (MTD) pour le traitement des odeurs et des COV. Il s’agit d’une technologie permettant d’atteindre les concentrations les plus basses après traitement. Les filtres à charbon actif ne transforment pas, ne modifient pas les molécules odorantes, mais ils les adsorbent simplement à l’intérieur de la structure poreuse du charbon actif et ceci de manière totalement passive sans régulation, ni utilisation de produits chimiques ou d’eau. Il existe différents types de charbon en fonction du composé à adsorber, et les filtres sont dimensionnés selon le débit et les concentrations d’entrée. Grâce à cette flexibilité, le filtre à charbons actifs convient à de nombreuses applications», affirme Emmanuel Laurent (Desotec).
Ce que confirme Samuel Keller (John Cockerill EE) : «Cette technologie est particulièrement avantageuse en raison de son faible investissement initial (Capex) et de son empreinte au sol limitée. Cependant, son coût d’exploitation (Opex) peut s’avérer élevé en présence de fortes charges polluantes, notamment lorsque la concentration en entrée dépasse quelques centaines de mg/m3 . L’efficacité du processus dépend aussi fortement du contrôle de l’humidité de l’air en amont (idéalement, une humidité relative inférieure à 90%), afin de préserver la durée de vie du charbon actif. Une fois saturé, le charbon actif peut être remplacé ou régénéré thermiquement. Cette régénération permet de réutiliser le charbon, ce qui évite l’achat de charbon neuf, limite les déchets et réduit les coûts. C’est donc une solution à la fois économique et plus respectueuse de l’environnement.»
Le fabricant a d’ailleurs développé un nouveau concept de filtre à charbon actif, équipé d’un déshumidificateur autonome, baptisé SteamBuster, pour traiter les effluents gazeux fortement chargés en humidité en agroalimentaire. Si les concentrations de COV sont très élevées, la mise en œuvre d’une combinaison de technologies ou de systèmes de traitements thermiques peut être envisagée. «Plus particulièrement, les filtres mobiles au charbon actif sont très faciles à mettre en place et à échanger lorsqu’ils sont saturés. L’installation se fait en 30 min, sans manipulation de charbon sur site. Les filtres mobiles représentent une solution particulièrement adaptée aux situations d’urgence ou aux essais pilotes - pour mesurer le taux d’abattement des COV et déterminer le filtre et le type de charbon optimal.
Leur flexibilité, leur mise en œuvre rapide et l’absence d’investissement lourd en font un choix stratégique. Par ailleurs, ces équipements modulaires conviennent aussi parfaitement aux installations où les besoins évoluent dans le temps, nécessitant une adaptation régulière de la solution de filtration.», ajoute Emmanuel Laurent (Desotec). Pour Christophe Pincebourde (Puragen), «les filtres mobiles permettent également le mélange de charbons actifs sur mesure, autorisant l’abattement d’un large spectre de COV et sur de multiples applications.»
Des solutions mobiles de filtration, comme celles développées par OberA, permettent une captation directe à la source ou en ambiance grâce à des systèmes compacts et modulaires, adaptés aux environnements industriels variés et aux contraintes opérationnelles évolutives. Au-delà de l’installation initiale, le suivi des unités de désodorisation reste un enjeu crucial. «Nous accompagnons les exploitants dans la maintenance de leurs tours à charbon actif, en assurant notamment le remplacement des médias lorsqu’ils sont saturés, souligne Anthony Boubarne (Klearios). Un diagnostic régulier permet d’anticiper les interventions et de garantir l’efficacité continue du dispositif.»
LAVAGE PAR VOIE HUMIDE, BIOFILTRATION, ETC.
D’autres technologies sont par ailleurs disponibles sur le marché, à l’instar du lavage par voie humide et de la biofiltration. Le lavage utilise des réactifs chimiques tels que la soude, l’hypochlorite de sodium (Javel) ou l’acide sulfurique pour absorber et neutraliser les polluants. Ce procédé se caractérise par une grande efficacité et une adaptabilité aux différentes familles de composés odorants, avec une emprise au sol réduite. Il permet, notamment, l’élimination de polluants hydrosolubles, comme les amines et les aldéhydes, en ajustant le réactif employé.
Cette solution implique toutefois une consommation de réactifs et génère des effluents liquides nécessitant un traitement avant rejet, ce qui engendre des coûts d’exploitation supplémentaires. «La biofiltration est basée sur l’utilisation de micro-organismes pour la biodégradation des polluants et elle présente un excellent bilan environnemental puisqu’elle requiert peu, voire pas du tout, de réactifs chimiques.
Cette solution se révèle efficace sur une large gamme de composés, mais nécessite un dimensionnement spécifique en fonction des polluants traités, notamment en présence d’ammoniac. Pour optimiser l’efficacité du traitement biologique, il est essentiel de garantir des conditions optimales de température, d’humidité et d’apport en nutriments, ainsi que de prévoir une période d’adaptation des micro-organismes avant d’atteindre un rendement optimal», explique Samuel Keller (John Cockerill EE). En présence de mélanges complexes de polluants, les composés les plus biodégradables sont prioritairement dégradés, nécessitant parfois un posttraitement complémentaire par adsorption pour éliminer les résidus.
Le principal inconvénient de la biofiltration réside dans une emprise au sol plus importante. John Cockerill EE a investi ces dernières années dans l’optimisation de la biofiltration et a développé la gamme standardisée AyraVita Stonosorb, conçue pour le traitement des odeurs soufrées (H2 S, mercaptans…) dans des secteurs tels que les STEP et l’industrie agroalimentaire. Cette gamme repose sur un substrat minéral garantissant une longévité accrue et une efficacité optimisée avec un temps de contact réduit. Une autre technologie, historiquement très utilisée mais aujourd’hui moins mise en avant, mérite pourtant d’être reconsidérée dans certains contextes de rejet: la cryocondensation.
«La condensation à très basse température, parfois jusqu’à -160 °C, a longtemps constitué une méthode de référence pour l’abattement des COV, notamment dans les secteurs chimiques et pharmaceutiques, rappelle Raymon Le Diouron de Thermique et Ingénierie RLD. Très utilisée dans les années 1980 et 1990, cette technique est aujourd’hui en perte de vitesse faute de spécialistes, alors qu’elle reste particulièrement efficace pour capter des solvants à haute tension de vapeur comme les chlorures de méthyle ou les hydrochlorofluorocarbures (HCFC).»
Associée à l’usage d’azote liquide et à des échangeurs dédiés, la cryocondensation permet de transformer les COV gazeux en liquides ou solides récupérables, sans transfert de pollution ni rejet tertiaire. «Ce procédé, se distingue aussi par sa compacité et sa souplesse d’adaptation à différents types de flux», ajoute Raymon Le Diouron. Parmi les procédés d’oxydation avancés, l’ozone (O3 ) trouve également sa place dans la palette des technologies disponibles pour le traitement des émissions gazeuses industrielles.
L’ozone, oxydant puissant, est également utilisé dans le traitement des effluents gazeux industriels pour réduire les émissions de COV et les nuisances odorantes. «Injecté à des concentrations de 10 à 100 ppmv [ppm en volume, NDR], l’ozone réagit efficacement avec les composés organiques volatils comme le toluène, le styrène ou le NMP, mais aussi avec les composés soufrés tels que le H2 S ou les mercaptans, précise la société Oxytrading. Selon les conditions, les taux d’abattement dépassent les 90%, voire 99% sur certaines molécules soufrées.»
L’efficacité dépend du ratio ozone/ COV, idéalement supérieur à 1,5:1, et du temps de contact (1 à 5 secondes). En présence d’humidité (entre 50 et 70% d’humidité relative), la formation de radicaux hydroxyles (OH) renforce encore la réactivité. Le dosage d’ozone est ajusté en fonction du débit d’air traité et de la charge polluante, avec des besoins courants de 5 à 20 g/Nm3 . Un posttraitement peut toutefois être nécessaire pour neutraliser certains sous-produits oxydés.
D’AUTRES DÉFIS À RELEVER ENCORE
Les acteurs du traitement des COV et des odeurs poursuivent leurs efforts de R&D afin de relever plusieurs défis. Christian Rognon (Environnement’Air) mentionne, par exemple, «l’utilisation des drones pour améliorer le diagnostic des sites et la qualité de l’air». Un autre défi concerne l’identification précise des polluants et de leurs concentrations, une étape essentielle pour sélectionner la technologie de traitement la plus adaptée. Lorsque des campagnes de mesures sur site ne peuvent être réalisées, notamment dans le cadre d’un projet en phase de conception ou de construction, une estimation des émissions peut être effectuée à l’aide de modélisations basées sur les données de production fournies par l’industriel.
Ces modèles permettent d’évaluer les concentrations de polluants en fonction des paramètres des procédés industriels envisagés. «L’optimisation des procédés pour réduire leur empreinte carbone est un défi majeur que doivent relever les industriels du secteur. Dans le cas du traitement par filtration au charbon actif, le charbon usagé est de plus en plus issu de matières premières renouvelables. Une fois saturé, il est traité thermiquement dans des fours à pyrolyse afin d’éliminer les polluants, puis réactivé pour recréer ses pores. Ce processus permet de réutiliser le charbon actif sans risque de contamination croisée, avec une efficacité comparable à celle d’un charbon neuf, mais pour un coût économique et environnemental bien moindre. Ce processus circulaire de recyclage, qui est notre modèle de fonctionnement, permet de réduire l’empreinte carbone de nos solutions de filtration», met en avant Emmanuel Laurent (Desotec).
Le fabricant va très prochainement ouvrir, en Belgique, la première usine de production locale de charbon actif imprégné, à partir notamment des charbons actifs usagés très fortement chargés en soufre provenant des activités du biogaz. Le soufre est également valorisé dans cette nouvelle unité de production sous forme de matériau de construction. En complément des unités principales de traitement, des solutions de finition peuvent être déployées pour les odeurs diffuses. «Les plaques de gel, placées dans les regards, permettent de capter les émanations résiduelles, tandis que des neutralisants liquides peuvent être diffusés sur les stocks de matière, en plateformes de compostage ou en centres d’enfouissement, ou injectés dans les conduits d’extraction avant rejet à l’atmosphère », illustre Anthony Boubarne (Klearios).
John Cockerill EE va même plus loin en intégrant une analyse du cycle de vie (ACV) dans la conception de ses solutions afin de minimiser leur empreinte carbone. Cette démarche permet ainsi d’optimiser l’ensemble du cycle d’exploitation, depuis la fabrication des équipements jusqu’à leur fin de vie, en réduisant la consommation énergétique et l’utilisation de réactifs. «Nous travaillons, par ailleurs, à l’intégration de l’intelligence artificielle (IA) et du pilotage à distance. L’IA permet d’adapter en temps réel le fonctionnement des unités de traitement en fonction des variations de charge polluante et des conditions d’exploitation et notre solution de pilotage à distance assure une gestion centralisée des installations, apportant flexibilité accrue et réactivité optimisée face aux évolutions des besoins opérationnels», affirme Samuel Keller (John Cockerill EE).