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Vers un retour de la politique de l’eau en France ?

07 février 2020 Paru dans le N°429 à la page 12 ( mots)

La question de l’adaptation des services d’eau au changement climatique est depuis les Assises de l’eau au cœur des préoccupations de l’Etat, des collectivités et de tous les acteurs. Elle a considérablement gagné en importance car les chiffres qui interpellent atteignent des niveaux record : 87 départements ont fait l’objet d’arrêtés de restriction d’eau en 2019. Le rendement annuel moyen du réseau se situe autour de 80 %, son renouvellement de 0.6 %. 10% des masses d'eau de surface et 20 % des masses d’eau souterraine sont surexploitées. Face à ces défis, Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État auprès de la ministre de la Transition écologique et solidaire lance un club de bonnes pratiques en faveur des économies d’eau. Dans le même temps, la FP2E signataire, énonce 22 engagements pour un meilleur accès à la ressource et à sa préservation.

Six mois après le second volet des Assises de l’eau, les priorités se dessinent en matière de réponses concrètes aux défis de la gestion de l’eau face au dérèglement climatique. A l’occasion de son déplacement à Rennes, Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État auprès de la ministre de la Transition écologique et solidaire, a lancé le club des bonnes pratiques en faveur des économies d’eau et fait un point d’étape sur la mise en œuvre de la feuille de route issue des Assises de l’eau.

De leur côté, sous l’égide de la Fp2E, les entreprises de l’eau se sont engagées collectivement à Rennes à la mise en œuvre de 22 actions concrètes déclinées autour de 3 grands axes : le consommateur, la préservation de la ressource, la responsabilisation des acteurs. Pour Frédéric Van Heems, président de la FP2E « Ces engagements sont l’acte fort que nous avons souhaité marquer avec les entreprises de l’eau suite aux conclusions des Assises de l’eau. Il s'agit toutefois d'un défi collectif. Le sujet de l’eau, avec ses retards d’investissement et le changement climatique, illustre bien que l’ensemble des actions doive se faire avec l’adhésion de tous, et porter sur l’ensemble du cycle de l’eau. »

Sur le chemin critique, il s’agit donc d’une démarche de politique nationale et non d’une démarche d’entreprise poursuit Tristan Mathieu, délégué général de la FP2E. « Ces 22 engagements nécessitent de travailler de concert avec l’Etat, les collectivités, et tous les professionnels pour déclencher les décisions d’investissement dans les infrastructures, et renforcer la sobriété des prélèvements de l’ensemble des activités ».

Depuis 6 mois, la traduction des conclusions des Assises de l’eau prend forme. « L’efficacité et la transparence de ces engagements seront renforcées si l’on veille à ce qu’un nombre de mesures d’accompagnement indispensables soient menées : clarté des critères, facilité de mobilisation des fonds, amélioration de l’information des usagers, mesures d’accompagnement sur les économies d’eau, etc. » prévient Frédéric Van Heem.        

Au chapitre des mesures mises en place par le gouvernement et des engagements forts énoncés par la FP2E, 3 axes se dégagent :   

La protection et le partage de la ressource 

Pour relancer l’élaboration de plans d’actions pour la protection des captages d’eau prioritaires, le Gouvernement a mobilisé les préfets. À ce jour, plus de 50 nouveaux plans d’actions ont été adoptés et la dynamique s’accélère. Avec la loi « Engagement et Proximité » adoptée en décembre, les compétences des collectivités territoriales en matière de protection des captages ont été clarifiées. Un droit de préemption sur les aires d’alimentation de captage a également été créé.

Pour encourager la sobriété des usages et faire face aux nombreux besoins (d’irrigation, tourisme, industrie et loisirs), un des leviers désormais identifiés repose sur la réutilisation des eaux usées traitées. Le Gouvernement a mis en place un groupe de travail qui vise à identifier et à lever les freins au développement de la réutilisation des eaux dites « non-conventionnelles.

La FP2E, dans sa feuille de route, rappelle quant à elle que la solution de REUT nécessite une mise en oeuvre effective du règlement européen, et demande l’affichage d’un objectif précis de 10 % en France pour se rapprocher d’ici 10 ans des niveaux de l’Italie ou de l’Espagne. Un véritable challenge puisque le taux de réutilisation des eaux usées en France est de moins de 1 % actuellement.

Développer la responsabilisation des acteurs, les savoir-faire et la transparence

Le gouvernement s’est fixé comme objectif de réduire les prélèvements en eau de 10% en 5 ans et de 25% en 15 ans, en mobilisant tous les leviers. Pour ce faire, il est prévu de renforcer le renouvellement des réseaux d’eau, notamment dans les territoires ruraux, par la mise en place d’aides des Agences de l’eau ainsi que des « Aqua-prêts », prêts à très long terme (jusqu’à 60 ans) de la Banque des Territoires.

Dans le cadre de leurs activités concessives, les entreprises de l’eau mettent la priorité sur la détection de fuites parfois invisibles (réseau privatif enterré, résidences secondaires…) et continueront à déployer des compteurs « intelligents » sur l’ensemble du territoire, avec l’accord des autorités organisatrices. Elles proposent de donner accès à un service d’alerte fuite, à plus de la moitié de leurs abonnés, d’ici à 5 ans.

L’idée de promouvoir, au sein de leurs contrats, des engagements de performance et des incitations financières associées fait son chemin. Dans le cadre des 700 contrats renouvelés chaque année, les entreprises de l’eau s’engagent à promouvoir la contractualisation des performances attendues, notamment sous l’angle de la sobriété des prélèvements, dans leurs activités de gestion des services.   La FP2E demande à ce titre que le système d’information sur l’eau (SISPEA) soit renforcé afin d’accroître sa représentativité, sa fiabilité statistique et son rayonnement.

Renforcer la confiance, responsabiliser et accroître l’accès à l’eau

Une des priorités affichées du gouvernement en matière d’eau est d’améliorer le service rendu aux Français. La loi a désormais ouvert à toutes les collectivités la possibilité d’instaurer une tarification sociale de l’eau, selon des modalités variées qui ont été expérimentées par 50 collectivités. 

A cela, la FP2E présente un ensemble de mesures : accompagner les collectivités dans la mise en place de "chèques eau", soit au sein des contrats de concession, soit à partir du dispositif national qui sera mis en oeuvre. Proposer à tous les départements n’ayant pas encore référencé la FP2E aux volets « eau » des fonds de solidarité logement (FSL), la signature d’une convention fixant la contribution des entreprises. Adapter l’ingénierie financière aux besoins des collectivités pour distinguer les foyers nécessitant des aides.

Enfin, pour améliorer la perception de la qualité de l’eau du robinet, et répondre à l’attention croissante des consommateurs à la sécurité sanitaire, la FP2E entend travailler de concert avec les collectivités locales sur la résorption des goûts résiduaires en leur proposant des équipements de décarbonatation et de nano filtration en sortie d’usines de traitement.

Mais elles ambitionnent de faire plus : continuer à garantir un haut niveau de qualité d’eau en maintenant des programmes de recherche dédiés à la lutte contre les micropolluants susceptibles d’être présents dans l’eau. Mettre systématiquement à disposition des collectivités les solutions technologiques permettant de traiter les polluants émergents.

Si tenir ces engagements fait partie des clés de la réussite des Assise de l’eau, reste que la nécessaire adaptation de la politique de l’eau au changement climatique repose avant tout sur les questions de gouvernance et de financement des services d’eau. Et là, l’incertitude subsiste.  

Pascale Meeschaert

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