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Valorisation des boues dans le domaine agricole : la politique de l'agence Artois Picardie

27 decembre 1979 Paru dans le N°40 à la page 145 ( mots)
Rédigé par : V. BRAME, D. FéVRIER et D. OLIVIER
[Publicité : SOCIÉTÉ AGRO DÉVELOPPEMENT]
[Photo : BASSIN ARTOIS-PICARDIE 1978 - PRODUCTION DES BOUES PAR LES STATIONS D’ÉPURATION]

V. Brame *D. Février **D. Olivier ***

INTRODUCTION

Le traitement des boues de stations d’épuration représente une fraction importante du coût total d’élimination de la pollution : cette seule phase du traitement représente un coût variant de l’ordre de 10 à 25 F/habitant/an selon la taille de la station (1), ce coût pouvant représenter de l’ordre de 50 % du coût total du traitement.

Dans ce poste « traitement des boues », la partie « élimination » (transport en décharge, utilisation agricole, incinération, …) représente une part croissant rapidement avec la taille de la station pour dépasser 40 % du total dans les unités de quelques centaines de milliers d’habitants (1). La même étude montre que, excepté pour cette dernière gamme de stations d’épuration, l’utilisation agricole des boues aboutit toujours à des coûts plus faibles (ou équivalents) que ceux des autres procédés.

À la valorisation agricole des boues, quand elle est possible et selon certaines conditions, « joint donc l’utile à l’agréable » dans la mesure où elle est économique et écologique — permettant un recyclage en agriculture (au sens large) d’éléments minéraux et de matière organique.

L’Agence de l’Eau Artois-Picardie a décidé de consacrer des moyens intellectuels et financiers importants à ce problème avant même qu’il ne devienne une préoccupation générale — dont témoignent l’étude citée ci-dessus et d’autres rapports à paraître du Ministère de l’Environnement et du Cadre de Vie : état de l’art de ces techniques et guide pratique pour l’utilisation agricole des boues.

1. — LA POLITIQUE DE L’AGENCE DE L’EAU ARTOIS-PICARDIE

Par les contacts qu’elle avait dans des pays étrangers voisins : Pays-Bas, Angleterre, Suisse principalement (et Allemagne à moindre titre), l’Agence avait pu noter que la valorisation agricole des boues était bien plus développée dans ces pays qu’en France, alors même que les caractéristiques d’occupation des sols paraissent encore plus défavorables dans ces pays que dans des régions très urbanisées et denses telles que le Nord–Pas-de-Calais.

L’analyse des causes du faible développement de ces techniques permet de dégager les obstacles principaux et les problèmes à résoudre pour une meilleure valorisation agricole :

  • — le principal obstacle paraît d’ordre psychologique, car il s’agit de convaincre les agriculteurs de la

* Chambre d’Agriculture de la Somme : Service de conseil pour l’utilisation des boues. ** Chambre d’Agriculture du Pas-de-Calais : Service de consultation pour l’utilisation des boues. *** Directeur adjoint, Agence de l’Eau Artois-Picardie.

(1) Étude comparative technique et économique réalisée par l’ENGREF Nancy pour le Ministère de l’Environnement et du Cadre de Vie / DPP / SPD.

non-nocivité (au pire) ou de l’effet bénéfique de ces boues, compte tenu des économies à réaliser, par ailleurs, sur la fumure ou la matière organique ;

  • — la valorisation agricole n’est possible (et souhaitable) que si le « produit » fourni est contrôlé et reste le plus homogène possible dans le temps ;
  • — cette destination finale nécessite en général des investissements moins importants que pour les autres solutions (en particulier pour l’utilisation sous forme liquide). Elle suppose toutefois un investissement en « matière grise » plus important, afin de motiver localement des organisations satisfaisantes. Il faut noter qu’il n’existe pas d’organisme ou de personne apte à prendre le risque : il faut prévoir et expliquer les nombreuses phases d’exécution, ce qui relève de l’Agence.

D’autres éléments, signalés par des spécialistes économiques et techniques, rendaient possible une politique spécifique dans le bassin Artois-Picardie :

  • — la prise de conscience, dans un pays d’agriculture très dépensière en énergie et en matière organique, de la dégradation des sols agricoles quant au taux d’humus (prise de conscience favorisée, notamment chez de gros agriculteurs, par les avertissements du laboratoire de l’I.N.R.A. d’Arras) ;
  • — l’existence, dans le bassin, d’équipes ayant déjà travaillé sur le sujet ou capables d’apporter un support technique solide (laboratoire de l’I.N.R.A. à Arras, centre d’Amiens – ce dernier établissement ayant, avant 1975, réalisé une étude pour l’Agence) ;
  • — les bonnes relations qui s’étaient établies entre la Chambre d’Agriculture de la Somme et l’Agence de l’Eau Artois-Picardie dès cette période, le président de la première appartenant au Conseil d’Administration de celle-ci.

Depuis trois ans, l’Agence a donc passé, avec les Chambres d’Agriculture de la Somme, du Pas-de-Calais et du Nord, dans cet ordre chronologique, des « contrats de promotion ». Il convient ici de remercier les présidents, directeurs et organes dirigeants de ces organismes de leur accueil et du concours qu’ils apportent à la lutte contre la pollution.

Par ces contrats de promotion, conclus en général pour plusieurs années, il est convenu que chaque Chambre d’Agriculture recrute un ingénieur agronome, travaillant au départ à temps plein sur le projet. Leurs missions sont les suivantes :

  • — apporter un conseil technique gratuit aux collectivités locales exploitantes de stations et aux agriculteurs (cette mission peut s’étendre, avec participation éventuelle aux frais, aux industriels producteurs de déchets) ;
  • — suivre la qualité des boues ;
  • — assurer un suivi régulier du fonctionnement des installations mises en place et promouvoir les organisations correspondantes.

De ce fait, les consultants sont amenés à :

  • — estimer les productions réelles de boues ;
  • — définir les contraintes de production et d’évacuation ;
  • — rechercher les terrains disponibles par contact avec les agriculteurs locaux et définir, en fonction de ces derniers et de leurs types d’exploitation, l’organisation la mieux adaptée ;
  • — assurer le suivi de ces organisations en procédant régulièrement à des analyses de boues et en établissant les coûts réels des diverses solutions.

Les activités des trois spécialistes font l’objet d’une coordination et d’une information inter-services (D.D.A., D.B.A.S.S., D.D.E., Services des Mines, Préfectures) ; chaque année, un compte rendu est présenté dans un comité de coordination réunissant, en plus des services mentionnés, des représentants des Conseils généraux.

Il faut noter que, pour la réalisation d’études, l’AN-VAR (Agence Nationale pour la Récupération des Déchets) a passé un contrat avec la Chambre d’Agriculture d’Amiens afin que M. Brame étudie la valorisation agricole de sous-produits industriels.

L’Agence a pris en charge, à 100 %, pendant les deux premières années, les dépenses de fonctionnement de cette promotion.

1.2. — Autres aides de l’Agence

D’autres mécanismes ont été mis en place par l’Agence pour favoriser la valorisation agricole :

  • — Études préalables : lorsque l’étude nécessite d’autres moyens que ceux des consultants des Chambres d’Agriculture, l’Agence peut apporter une aide composée de 40 % de subvention et de 30 % d’avance transformable en subvention si l’étude débouche sur une réalisation dans les deux ans (exemple : étude réalisée pour Beuvry, 62, par le groupement de vulgarisation agricole local) ;
  • — Acquisition de matériel : l’Agence peut subventionner la réalisation ou l’acquisition d’équipements spécifiques – stockage sur station ou en champ, silos, matériels d’épandage, etc. Le taux de subvention, variable suivant la zone, est en général de 50 % (exemples : Abbeville, projet sur Ham) ;
  • — Surprimes d’épuration : la surprime de 5 % appliquée aux redevances d’épuration, dans certaines zones, pourrait, moyennant une meilleure information des usagers, renforcer le caractère incitatif de cette démarche.

2. — LE PRODUIT « BOUES » ET L’AGRICULTURE

2.1. — Caractéristiques physiques du produit

Pour que les utilisations puissent être correctement organisées, il est indispensable que le produit soit stockable et épandable, quel que soit son aspect initial.

Selon leur siccité (épaississement, déshydratation mécanique, séchage naturel, etc.), les boues se présentent :

  • — sous forme liquide, manipulable par pompage :
    • · jusqu’à 8 à 10 % de matière sèche pour les boues urbaines,
    • · jusqu’à 3 à 4 % pour les boues de laiterie ;
  • — sous forme solide, supportant un stockage même prolongé :
    • · boues déshydratées mécaniquement et chaulées, à partir de 20 à 25 % de MS,
    • · boues séchées sur lits, à partir de 40 % de MS ;
  • — sous forme pâteuse.

Ces boues intermédiaires, obtenues par la plupart des procédés de déshydratation, doivent être soit mélangées à des substrats (pailles, anas, sciures, fumiers, composts…), soit épandues à l’aide de matériels spéciaux pour être manipulables, à condition que leur stockage soit maîtrisé. Actuellement, la plupart de ces boues rejoignent les décharges.

2.2. — Caractéristiques agronomiques

La composition des boues varie d’une station à l’autre (selon l’effluent reçu, le mode de traitement des eaux et des boues, etc.).

Sur une station urbaine, les variations saisonnières ne peuvent être limitées ; dans l’industrie, elles peuvent être tributaires des variations d’activité.

La composition habituelle des boues ne peut être donnée qu’à titre indicatif ; il convient, dans tous les cas, de la déterminer par des analyses sur chaque station.

La suite de l’article synthétise les enseignements :

COMPOSITION TYPE DES BOUES (*)

BOUE URBAINE LIQUIDE BOUE URBAINE DÉSHYDRATÉE BOUE D.I.A. DÉSHYDRATÉE
% EN M.S. 5 à 15 15 à 45 30 à 80
— Mat. organique 45-60 40-50 50-80
— Azote total 2-5 1,5-4 3-8
— Azote ammoniacal 0,5-1 0,5-1 0,5-3
— Ac. phosphorique 4-7 2-6 2-6
— Potasse 0,5-1 0,7-1 0,2-0,5

(*) Valeurs les plus fréquentes : réf. : analyses SOMME, PAS-DE-CALAIS.

De ces constatations moyennes, il faut retenir que les boues sont :

— souvent riches en acide phosphorique (P₂O₅) ;

— en général moyennement pourvues en azote (N) ;

— presque toujours pauvres en potasse (K₂O).

2.3. — Valeur agronomique de ces éléments.

L’analyse du produit étant faite, encore faut-il connaître l’efficacité des éléments présents.

2.3.1. — La potasse (K₂O)

Souvent carencées en K₂O, les boues représentent un apport négligeable dans la plupart des cas. Plus la siccité des boues est forte, plus cette carence est évidente, les sels de potasse étant entraînés avec les filtrats.

2.3.2. — L’acide phosphorique (P₂O₅)

On estime que 60 à 80 % des phosphates apportés avec les boues peuvent être considérés comme « équivalent-engrais ». Autrement dit, les utilisateurs doivent réduire leurs fumures minérales de 60 à 80 % des apports faits avec les boues. Pour tenir compte de la minéralisation progressive des boues dans le sol, il est plus judicieux d’étaler la réduction des fumures minérales phosphatées sur deux ou trois ans. Si cette façon de faire peut entraîner une surestimation momentanée en P₂O₅, elle n’est pas gênante pour les végétaux et n’occasionne pas de pertes par infiltration, car les phosphates sont bien retenus dans le sol.

2.3.3. — L’azote (N)

Il est souvent à plus de 90 % sous forme organique dans les boues. Sa mise à disposition pour les plantes est donc liée à la décomposition de la matière organique dans les sols. Les végétaux étant sensibles aux excès ou aux manques d’azote disponible, les rendements sont liés à une bonne utilisation du produit. La proportion d’azote à déduire des plans de fumure la première année qui suit l’épandage peut être estimée comme suit :

— Ammonitrate (engrais minéral courant) ............... 100 %
— Boue de type laiterie, liquide .......................... 50 %
— Boue urbaine liquide stabilisée ................... 30 % à 50 %
— Boue urbaine solide ................................. 20 % à 30 %
— Lisiers (déjections liquides) ..................... 40 % à 50 %
— Fumier décomposé .................................... 25 %
— Compost urbain ....................................... 10 %

En boues industrielles, il est primordial de chercher à définir, dans chaque cas, cette fraction assimilable, par des essais culturaux ou des tests de minéralisation.

2.3.4. — La matière organique (M.O.)

Elle a deux origines :

— la concentration des M.O. hétérogènes amenées par l’effluent ; — les cultures microbiennes développées au cours de l’épuration.

Dans le sol, c’est elle qui libérera progressivement les éléments fertilisants. Son rythme de minéralisation peut être apprécié au regard du rapport C/N. En sachant que, plus ce rapport est faible, plus la minéralisation a des chances d’être rapide (quelques semaines à quelques mois dans des conditions de sol et de climat satisfaisantes). C/N = 10 : M.O. à évolution très lente (humus du sol). C/N = 7-9 : évolution moyenne à lente. C/N = 4-6 : évolution rapide à moyenne.

D’autre part, la M.O. des boues est en solution colloïdale, qui n’a pas les mêmes effets structurants sur la texture d’un sol qu’un fumier enfoui.

De plus, l’intérêt à terme des M.O. réside dans la quantité d’humus laissée au sol. Il est illusoire de compter uniquement sur les boues pour remonter un taux d’humus :

— d’une part, les apports sont limités en quantité ; — d’autre part, ils seront espacés dans le temps.

La norme NF U 44-041 définit les teneurs admissibles pour neuf métaux dans les boues. Cette norme expérimentale est discutable et discutée. Cependant, une boue qui aurait les teneurs limites indiquées peut être épandue, sans risque pour l’avenir, pendant au moins trente ans dans des conditions normales sur une même parcelle.

EXEMPLES DOSE D’EMPLOI M.O. SÈCHE K₂O (kg apportés) kg = HUMUS apporté
Fumier décomposé 40 t brutes — 27 t 40-50 % 3 000-3 500
Paille enfouie 4 à 5 t — 3,5 t ≈15 % 500-600
Compost urbain 20 t brutes — 5 t 25 % 1 000-1 500
Boue 5 t de M.S. — 2,5 t ≈20 % 500

(*) Coefficient isohumique : proportion de la M.O. « donnant de l’humus ».

En résumé : les boues constituent un moyen terme — un amendement organique, qu’il faudrait utiliser à forte dose pour en « voir » les avantages, — et un engrais, d’un emploi plus difficile qu’un engrais minéral et qu’il faut utiliser à doses limitées.

2.4. — Les éléments secondaires et oligo-éléments.

Calcium et magnésium.

Le calcium et le magnésium apportés avec les boues ont un intérêt certain. Cependant, seules les boues chaulées peuvent être considérées comme un amendement calcaire aux doses où elles sont employées.

Sodium et chlore.

En général, les teneurs en sodium et chlore des boues n’entraînent pas d’inconvénients. Il faut cependant y faire attention dans certains cas : industries agro-alimentaires utilisant la soude, collectivités côtières dont les réseaux ne sont pas étanches...

Les éléments métalliques et métalloïdes.

Certains sont utiles à faible quantité, d’autres indésirables. Des épandages répétés de boues anormalement chargées peuvent entraîner des risques de toxicité, par :

— accumulation dans les sols, — absorption par les plantes, — concentration au long de la chaîne alimentaire, — contamination des eaux de surface ou de nappe.

Ces éléments peuvent avoir des origines très diverses :

— rejets industriels, de laboratoires... — zinc des toitures, plomb des canalisations, des carburants...

Dans ce domaine, toute notion d’utilité ou de toxicité est atténuée par le pouvoir tampon du sol, d’une part, et par le fait que les teneurs normales du sol sont quelquefois sans commune mesure avec les besoins des cultures (Fe, Al, Zn...). L’état actuel des recherches ne permet pas d’en dire beaucoup plus. Plusieurs laboratoires (INRA notamment) travaillent sur le sujet, la philosophie étant de mieux prendre en compte la capacité de complexation/fixation du sol, les effets de synergie ou d’antagonisme et les quantités cumulées épandues dans le temps.

2.5. — Considérations sanitaires.

Les boues concentrent les bactéries pathogènes, virus et parasites divers véhiculés par les eaux usées. Ensuite le sol agit comme un milieu sélectif non favorable aux pathogènes.

Il convient donc d’être très prudent à l’emploi des boues et d’éviter une contamination directe des hommes ou des animaux. Il faut :

— proscrire l’épandage sur fruits et légumes consommés crus, — éviter les épandages sur pâtures (délai minimum de 6 à 8 semaines entre épandage et pâturage), — préférer pour les épandages sur pâtures l’enfouissement direct à la sortie de la tonne à lisier, — limiter la formation d’aérosols à l’épandage.

3. — COMMENT UTILISER LES BOUES ?

3.1. — Quelles boues utiliser ?

L’utilisation doit se limiter à celles qui ne présentent pas de vice de composition pour l’agriculture. — cf. teneurs en métaux lourds (norme expérimentale AFNOR) ; — vérifier les teneurs en sodium, phénols et tous toxiques envisageables sur des boues industrielles où des produits spécifiques pourraient se retrouver.

Si une boue a une composition très légèrement anormale, elle peut ne pas être rejetée si les épandages ne reviennent pas toujours sur les mêmes parcelles ou si elle est employée en sylviculture par exemple.

Les boues sont généralement utilisées pour leur valeur fertilisante ; celles qui sont stabilisées à la chaux le seront plutôt comme amendement calcaire.

[Photo : Wingles (62) – Terrils des aciéries. Épandage par aspersion sur un reboisement.]

Les odeurs éventuelles.

Une station où la stabilisation des boues (aération ou fermentation pour dégrader les matières putrescibles) est bien menée ne doit pas rencontrer de problèmes d’odeurs, même si les boues sont stockées sur plusieurs mois.

Pour les boues non stabilisées, l’enfouissement direct peut être une solution.

3.2. Où les épandre ?

Les cultures les plus aptes à valoriser un apport de boues sont celles qui nécessitent une fumure azotée importante (maïs, betterave, pomme de terre, prairies temporaires pour fauche ou ensilage…) et qui sont peu sensibles aux excès éventuels d’azote.

Des apports raisonnés devant céréales sont envisageables lorsque l’agriculteur ajuste au printemps sa fumure azotée.

La reconstitution de sols, l’aménagement de friches, la fixation de dunes autorisent l’emploi à doses plus fortes, même pour des boues qui seraient chargées en métaux lourds.

3.3. À quelle période ?

De préférence avant un labour, bien que cela ne soit pas indispensable pour des boues liquides, par exemple.

Donc les épandages se feront entre : — fin juin (derrière petits pois), — surtout à partir des moissons (15-30 juillet), — jusqu’en octobre sans problème, — de novembre à mars suivant la praticabilité des sols, les pratiques culturales, le mode d’épandage…, — à partir de mars-avril, seuls les épandages par aspersion sur cultures en place (maïs, betteraves…) ou par enfouissement sur pâtures peuvent encore se pratiquer pour désengorger la période de non-épandage jusqu’en juillet.

Stockage :

Le stockage des boues, qu’elles soient liquides ou solides, est indispensable pour traverser les périodes de non utilisation.

• Boues solides : en tas.

• Boues pâteuses : – en trémies suspendues, en fosses accessibles aux chargeurs… – en lagunes étanchéifiées à l’argile compacte, en béton projeté, en silos béton, en fosses ou cuves métalliques, en lagunes ou citernes plastifiées… (l’étanchéification dépendra du sol rencontré).

• Boues liquides

3.4. — À quelle dose utiliser les boues ?

Les doses sont fonction des besoins des cultures. En général, elles seront basées sur l’azote, de façon à apporter en azote disponible tout ou partie des besoins de la culture, en prenant en compte le coefficient de disponibilité de l’azote des boues.

Pratiquement, compte tenu de la concentration des boues, les apports seront de l’ordre de : — 20 à 40 t/ha en boues solides (8 à 15 t de M.S./ha) ; — 50 à 200 m³/ha en boues liquides (2 à 10 t de M.S./ha).

Cet épandage est à faire en tête d’assolement (cf. § 3.2), c’est-à-dire tous les 2, 3 ou 4 ans suivant les pratiques culturales.

Exemple de fumure (sur 1 hectare — culture « X »)

Fumure souhaitée : 180 N  — 150 P₂O₅ — 200 K₂O  

Boue apportée (1)
100 m³ = 4 t de M.S.
N total = 200 kg dont utilisable (2) : 50 % = 100 kg
P₂O₅ total = 240 kg dont utilisable (2) : 70 % = 170 kg  

Fumure minérale à apporter : 80 N — 0 P₂O₅ — 30 K₂O  

(1) Boue liquide à 4 % de M.S. dosant en N : 50 kg/t de M.S. — P₂O₅ : 60 kg/t de M.S.  
(2) cf. point 2.3.

3.5. — Comment les épandre ?

Boues solides : • Stockage sur station — épandeur à fumier (rayon maximum 10-15 km). • Camion — stockage en campagne — épandeur à fumier (rayon jusqu’à 100 km). • Péniche — stockage en campagne — épandeur à fumier (jusqu’à 300-400 km ; ex. boues d’Achères).

Boues pâteuses : Théoriquement mêmes types de chantiers, si le stockage est résolu et l’épandage assuré par des matériels spéciaux ou adaptés.

Boues liquides : • Stockage sur station — tonne à lisier (rayon de 4-5 km maximum). Petits camions citerne (ex. : Versailles-Saint-Cyr). • Camion — stockage en campagne — tonne à lisier (ex. : Ressons/Matz) — aspersion (ex. : Abbeville) (rayon de 15-20 km possible). • Stockage sur station — camion — aspersion directe (ex. : Saumur). • Stockage sur station — péniche — aspersion directe.

En pratique : le choix d’une filière ne peut être défini que localement : • en fonction de raisons d’ordre pratique ou de facteurs locaux favorisant ou interdisant telle ou telle solution ; • en comparant les coûts d’investissement et de fonctionnement résultant des diverses filières globales de traitement et d’élimination.

4. — ASPECT ÉCONOMIQUE.

4.1. — Valeur des boues résiduaires.

Comparativement au coût des engrais minéraux simples (ammonitrate, superphosphate) et des sources traditionnelles de matière organique (paille, fumier), la valeur totale des boues (valeur engrais + valeur humus) peut être estimée entre 150 F et 250 F par tonne de matière sèche.

Économie d’engrais à effectuer :

F/T DE MATIÈRE SÈCHE

Type de boue Boue liquide urbaine de 4 % de M.S. Boue liquide G., I.A.A. à 25 % de M.S. Boue déshydratée urbaine : 15,2 % de M.S. Boue séchée : 90 % de M.S.

Valeur théorique (F/T de M.S.) — N total : 30 × 2,3 = 69 — P₂O₅ total : 60 Valeur engrais + valeur humus : 135 × 75 % = 101 Total : entre 112,5 et 158,5 F selon le type de boue.

(1) Assimilabilité de l’azote variant de 30 % à 50 %. (2) Assimilabilité de l’acide phosphorique variant de 70 % à 80 %.

Ces quelques exemples montrent bien que la valeur du produit brut est essentiellement fonction de sa concentration en matière sèche.

4.2. — Frais d’exploitation des différentes filières (francs 79)

Dans la pratique, l’utilisation des boues résiduaires est plus contraignante pour l’agriculteur :

— elle nécessite l’apport d’une fumure complémentaire,

— les quantités de produit brut à épandre par hectare sont plus importantes (20 tonnes de boues déshydratées ou 100 m³ de boue liquide par hectare au lieu de 1,5 tonne d’engrais complet).

De ce fait, pour être compétitif vis-à-vis des engrais minéraux, il est nécessaire de diminuer la participation des agriculteurs, des charges de transport et d’épandage qu’ils seraient amenés à supporter.

Participation maximale théorique — charges = valeur pratique du produit : exemples :

TYPE DE BOUE VALEUR THÉORIQUE DU PRODUIT BRUT (F/T) CHARGES (F/T) transport CHARGES (F/T) épandage VALEUR PRATIQUE (F/T)
Boue déshydratée 40 15 à 20 7 à 10 10 à 18
Boue séchée sur lit de sable 45 15 à 20 7 à 10 15 à 23
Boue liquide 6,25 F/m³ Épandage par tonne à lisier dans un rayon < 5 km : 10 à 15 F/m³ < 0

(*) Transport et épandage réalisés par un entrepreneur de travaux agricoles.

Dans les exemples ci-dessus, en boues solides, l’agriculteur, déduction faite des charges de transport et d’épandage, pourrait participer jusqu’à concurrence de 10 à 23 F/tonne de produit.

Quand il s’agit de boues liquides, les charges d’épandage sont rapidement supérieures à la valeur des boues et, dans bien des cas, ce sera la participation matérielle ou financière du responsable de l’épuration qui permettra de promouvoir l’utilisation agricole des boues dans des conditions telles que soient préservés les intérêts mutuels des producteurs de boue et des utilisateurs.

Il faut insister sur le fait que la fixation d’un prix de vente, si vente il y a, ne peut résulter que de contingences locales. Tout systématisme serait dangereux pour la diffusion du procédé.

(1) Y compris l’amortissement des matériels d’épandage.

Eu égard aux moindres coûts de fonctionnement, le rendu épandu gratuit des boues liquides peut être à la charge des collectivités.

Les investissements à réaliser dans ce cas restent comparables avec les solutions traditionnelles.

INVESTISSEMENTS COMPARÉS DES DIFFÉRENTES FILIÈRES

• Lits de sable : 1 m² ≈ 90 à 110 F (pour traiter ± 1 m³/an — région Nord).

• Épaississeur à boues : silos béton 50 à 200 m³ : 500 F à 1 000 F/m³ logé.

• Déshydratation mécanique :

— à partir de 500 000-600 000 F pour 20 à 30 000 éq. h. (> 10 000 m³/an).

— souvent 1 000 000 F à 2 000 000 F pour 30 000 à 100 000 éq. h.

• Stockage liquide > 200 m³ :

— silos béton sur stations

— silos béton en campagne

— fosses étanchéifiées par bâches

— fosses étanchéifiées à l’argile compactée

• Tonne à lisier 3 à 10 m³ : 20 000 F à 60 000 F selon équipements.

• Camion-citerne 10-15 m³ : 300 000 F à 400 000 F.

[Photo : Épandage. Tonne à lisier de 4200 litres.]

En tête de cet article, une carte du bassin indique les estimations de boues produites et de boues utilisées en agriculture, fournies par les services spécialisés mis en place (compte tenu du démarrage plus tardif du Nord, les chiffres de ce département sont incomplets).

Productions de boues et leurs devenirs

DÉPARTEMENT MISE EN DÉCHARGE (T de M.S.) INCINÉRATION (T de M.S.) UTILISATION AGRICOLE solide (T de M.S.) UTILISATION AGRICOLE liquide (T de M.S.) PRODUCTION TOTALE 78 (T de M.S.)
Nord 11 300 0 600 700 12 600
Pas-de-Calais 3 000 4 000 3 400 600 11 000
Somme (*) 900 0 1 700 700 3 300

(*) Estimations partielles portant sur 32 stations (1 200 000 E.H. théoriques), représentant 60 % de la capacité d’épuration installée sur le département.

D’une manière générale, les utilisations de boues liquides sont, faute d’organisation, le fait de petites stations situées en milieu rural. Depuis la mise en place des services spécialisés au niveau des Chambres départementales d’agriculture, l’on voit des stations plus importantes (Abbeville) s’orienter vers la filière « boues liquides ». Cette orientation devrait s’accentuer toutes les fois que l’environnement agricole le permettra (cultures, sols, éloignement de moins de 20 km).

— RÉFLEXIONS SUR L’ORGANISATION DES UTILISATIONS.

Il est bien rare que les équipements mis en place sur une station d’épuration correspondent à ceux qui sont nécessaires pour une bonne gestion de l’utilisation des boues.

Certaines réserves étant faites, il paraît essentiel de prendre en compte dès l’origine du projet la destination finale des boues, celle-ci étant partie intégrante du système d’épuration et pouvant même commander le type d’épuration. On mentionnera l’expérience de Beuvry (62) où les agriculteurs locaux ont été associés à la définition de la filière de traitement, après un voyage en car à Versailles pour voir une utilisation agricole fonctionnant depuis longtemps (voyage financé par le Syndicat d’Assainissement et l’Agence de l’Eau).

— Les problèmes rencontrés : à éviter, à prévoir ou à résoudre.

@ Insuffisance des capacités de traitement des boues :

— déshydratations mécaniques : produits obtenus peu manipulables ; coûts d’utilisation exorbitants lorsque l’on s’applique à travailler aux performances annoncées ; arrêts et réparations fréquentes ;

— lits de sable : aléatoires selon le climat ou même la nature des boues ; surfaces trop souvent sous-dimensionnées ; coûteux en nettoyage et en entretien lorsqu’ils sont bien exploités ;

— stockages liquides : trop souvent sous-dimensionnés, ne serait-ce que pour concentrer la boue convenablement. Insuffisamment équipés pour évacuer les surnageants, ou homogénéiser la boue avant épandage, ou encore pour des raisons (potence de changement ou fosse de pompage ou prise de boue pour pompage).

@ Insuffisance des temps et moyens accordés à l’élimination correcte des boues, ce qui se traduit par des baisses de performances de l’épuration.

@ Méconnaissance des coûts réels de fonctionnement des stations et des solutions actuelles d’élimination des boues :

— par manque de gestion,

— ou compte tenu de l’opacité des contrats d’affermage et des bilans d’exploitation (en cas d’exploitation par des sociétés fermières).

Ce qui fait que les solutions alternatives paraissent toujours coûteuses, faute d’éléments vrais de comparaison.

7. — CONCEVOIR DES PROJETS ÉVOLUTIFS.

Dans un premier temps, l’organisation de l’utilisation agricole doit s’adapter :

— éviter les investissements, sans une garantie d’utilisation à terme, donc utiliser ou faire appel aux…

matériels, transporteurs, entrepreneurs locaux existants,

  • — maintenir et tirer profit des équipements existants au moins comme solutions de secours (lits de séchage, stockages existants...),
  • — s'arrêter aux solutions les moins coûteuses dans l'instant où elles sont correctes. Admettre certaines imperfections dont la suppression entraînerait des frais élevés.

> Après avoir prouvé son efficacité, elle permet :

  • — la réalisation d'investissements spécifiques (avec engagements utilisateurs-producteurs),
  • — l'établissement d'un « réseau » d’intervenants (entrepreneurs, utilisateurs...) pour chaque station (avec solutions de remplacement).

Il est donc nécessaire d’investir d’abord en « matières grises » pour aboutir à des solutions économiques, fiables et correctes.

VERS UN SCHÉMA D’UTILISATION

L’expérience acquise permet de dresser un tableau de la démarche nécessaire à l’établissement d’une utilisation agricole. Y sont indiqués les différents services à consulter tant sur les aspects techniques que réglementaires.

CONCLUSIONS

La valorisation agricole des boues de station d’épuration est une solution à l’élimination des boues applicable dans une gamme de situations plus large que celle communément admise. Elle n’est certes pas une panacée universelle et son adoption, ainsi que les modalités pratiques techniques et financières, ne peuvent résulter que de conditions très locales. Le corollaire en est que cette destination suppose un investissement intellectuel important pour lequel les structures actuelles sont peu ou pas adaptées, à moins de créer, comme dans le Bassin ARTOIS-PICARDIE, des consultants spécialisés ayant si possible un contact étroit avec les utilisateurs agricoles d’aval.

V. BRAME. D. FEVRIER. D. OLIVIER.

Dans certains cas difficiles de l’industrie textile, comme les ateliers de teinture : peut-on réduire la formation des boues par traitement physico-chimique adapté ?

M. POUILLOT et D. ARDITTI P.C.U.K. — Centre d’Application de Levallois

DES CAS DIFFICILES DE DÉPOLLUTION INDUSTRIELLE

L’industrie chimique se doit de résoudre tous ses problèmes de dépollution, en particulier ceux qui concernent l’épuration des eaux résiduaires, lesquels sont nombreux et complexes. Un groupe comme le groupe français PECHINEY-UGINE-KUHLMANN s’y consacre résolument, et a d’ailleurs signé en son temps avec le Ministère de l’Environnement, dans le cadre de sa politique « Cadre de Vie », deux « Contrats-Programmes » d’entreprises, successivement le 23 juillet 1975 (1) concernant 18 usines, et le 9 novembre 1976 (2) concernant 46 usines, soit au total 64 usines pour lesquelles un programme général de dépollution a été tracé. Les usines chimiques ressortissant de P.C.U.K. sont incluses dans ces programmes, dont l’exécution se poursuit malgré des difficultés économiques que personne ne peut contester.

L’industrie chimique doit aussi participer à la résolution des problèmes de pollution en cause. Les utilisateurs de ses produits rencontrent, du fait de cette mise en conformité avec les normes actuelles, des difficultés récurrentes. C’est bien le cas pour les effluents de certains ateliers qui, de par leur conception et leur mise en œuvre, passent normalement pour des ateliers de teinture. P.C.U.K., en exemple, souhaite envisager dès aujourd’hui une approche spécifique.

PROCESSUS UNITAIRE D’ÉLABORATION

UNE EXPÉRIMENTATION EN COURS AVEC LE PEROXYDE D’HYDROGÈNE

Dans le cadre de l’étude systématique de différentes filières physico-chimiques possibles, une expérimentation a été décidée en vue d’explorer une combinaison floculation-décantation par l’intervention de péroxyde d’hydrogène. La mise en œuvre pourrait en absorber un pourcentage variable selon la technique, le but recherché étant surtout de définir les traitements physico-chimiques qui paraissent seuls pouvoir garantir la stabilité des résultats imposée par les normes de rejet.

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