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Valorisation agricole des boues issues d'eaux résiduaires du traitement

27 decembre 1979 Paru dans le N°40 à la page 117 ( mots)
Rédigé par : G. CHAPUT, F. MILLET et D. VERCOUSTRE

LE LACTO-SÉRUM, UN SOUS-PRODUIT VALORISÉ DE L'INDUSTRIE LAITIÈRE

On connaît l'importance de la production fromagère en France, un secteur agro-alimentaire très actif. Or la fabrication du fromage, comme celle du beurre, laisse après la séparation du caillé obtenu par coagulation un extrait aqueux : « le petit lait » ou lacto-sérum. Ce sous-produit, sans valeur au départ, contient toutes les matières minérales sucrées et protéiques solubles du lait, mais bien entendu en doses très diluées (de l'ordre de 6 % de matière sèche).

Les quantités disponibles de lacto-sérum sont considérables puisqu'il peut représenter jusqu'à 50 % du lait utilisé comme matière première en fromagerie : on estime que la France produit chaque année près d'un million de tonnes de fromages et, parallèlement, environ 7 milliards de litres de lacto-sérum.

Le traitement industriel du lacto-sérum liquide permet — essentiellement par concentration et évaporation — d'obtenir la gamme de tous les lacto-sérums en poudre destinés à la diététique : doux, délactosé, déprotéiné, déminéralisé, et de séparer également certains constituants intéressants tels le lactose destiné aux industries alimentaires, le lactose Codex pour la pharmacie, et aussi la caséine et les caséinates ainsi que des ferments lactiques et des fractions utilisables comme aliments liquides pour bovins.

LA SOCIÉTÉ LACTO-SÉRUM FRANCE

C'est la vocation industrielle que s'est donnée la société LACTO-SÉRUM FRANCE avec son usine implantée en Argonne à Baleycourt (Meuse) sur la Nationale 5, à quelques kilomètres de la sortie ouest de Verdun en direction de Sainte-Menehould, en bordure de la Saulces, petit affluent de la rive gauche de la Meuse — une usine qui occupe 150 personnes dont une vingtaine de techniciens et cadres.

Mais pour réussir une rentabilisation dans ce genre d'industrie, il faut travailler sur des volumes gigantesques de matière première, et tout réside d'abord dans le problème de la collecte. Le ramassage du lacto-sérum traité à Baleycourt s'étend actuellement sur une vaste zone de 12 départements du Nord-Est de la France, englobant une partie du Nord, les Ardennes, la Champagne, la Lorraine, les Vosges et une partie de la Franche-Comté, et intéressant 55 usines fromagères.

La progression du litrage journalier collecté est impressionnante : 10 000 l/j en 1955 – 500 000 l/j en 1965 – 1 600 000 l/j en 1976 pour atteindre près de 2 millions de l/j en 1979, mettant en ligne 35 ensembles routiers semi-remorques de 38 tonnes chacun. Pour limiter les frais de transport, le lacto-sérum ainsi collecté est d'abord partiellement concentré dans 15 centres de concentration répartis sur toute la zone décrite (dont 4 dans le département de la Meuse), lesquels concentrent à environ 30 % de matière sèche.

À leur arrivée, les lacto-sérums bruts sont contrôlés et triés en quatre catégories principales :

  • — les sérums doux d’Emmenthal,
  • — les sérums doux de pâtes molles,
  • — les sérums acides,
  • — les sérums partiellement déprotéinés.
[Photo : Batterie d’évaporateurs.]

L'orientation vers telle ou telle fabrication est basée sur cette répartition, et d'ailleurs un service d'assistance technique intervient dans les usines fromagères afin d'améliorer la qualité des sérums collectés.

On poursuit l'élimination de l'eau par évaporation sous vide, pour amener le lacto-sérum à 50 % de matière sèche. Le concentré ainsi obtenu est pulvérisé ensuite en très fines gouttelettes en haut d'une tour d'atomisation dans laquelle on envoie à contre-courant un courant d'air chaud qui s'empare de l'eau de la gouttelette et la véhicule à l'extérieur de la tour. L'air entre dans la tour à 180 °C et en sort à 70 °C chargé en eau. La matière sèche restante de la gouttelette, qui est portée à haute température, tombe au bas de la tour sous forme de poudre. Il existe deux tours d'atomisation d'une capacité évaporatoire de 2 t/h chacune.

[Photo : Tour d’atomisation.]

L’USINE DE BALEYCOURT

La capacité actuelle de traitement de l'usine de Baleycourt est de 500 millions de litres de lacto-sérum par an, ce qui la place incontestablement au tout premier rang des industries des dérivés du lait en France et en Europe. Cette capacité étant déjà atteinte, un transfert de 200 000 l/j de lacto-sérum est effectué à l'usine de Port-sur-Saône (Haute-Saône) de la SICA de Franche-Comté-Sérum, à la centrale de laquelle Lacto-Sérum France a largement participé, en étant aujourd'hui un des principaux actionnaires.

Les citernes, de contenance 20 000 l, apportent chacune à Baleycourt, depuis les centres de concentration, 14 000 l d’eau pour 6 t environ de matière sèche. La poudre de lacto-sérum est mise en silos et part vers l'ensachage, les principales qualités produites se répartissant de la manière suivante par rapport aux matières premières réceptionnées :

— Sérum doux d’Emmenthal — Sérum doux déminéralisé — Sérum doux de pâtes molles — Poudre de sérum doux — Sérum acide — Poudre de sérum acide — Sérum partiellement déprotéiné — Lactose édible — Lactose Codex — Sérum délactosé

Signalons encore que Lacto-Sérum France dispose à Baleycourt de possibilités de traitement spécifiques permettant une grande diversification des productions : la déminéralisation et la cristallisation du lactose étant les plus importantes. Depuis 1970, une installation de déminéralisation fonctionne sur des résines échangeuses d'ions ; cette installation a été complétée par un atelier d’électrodialyse, technologie de pointe pour la profession. Les extensions de cet ensemble placent Lacto-Sérum France à la première place en Europe pour la capacité de déminéralisation et la qualité des produits déminéralisés obtenus.

Dans ce domaine également, les installations de cristallisation, séparation et séchage du lactose représentent une capacité globale de 6 000 t/an, la plus importante en France. La conception de ces diverses installations et l'expérience des techniciens permettent la production de lactose alimentaire et de lactose Codex pharmaceutique dont les qualités sont appréciées dans le monde entier. La société a réalisé en 1978 57 % de l'ensemble de sa production. Les laboratoires de contrôle et de recherche-développement jouent un rôle très important et occupent une dizaine d'ingénieurs et techniciens.

LE TRAITEMENT SIMULTANÉ DES EFFLUENTS DES DEUX USINES DE LA ZONE INDUSTRIELLE DE BALEYCOURT

Bien que l'établissement utilise les sous-produits des transformateurs de lait, il lui reste, comme à ces transformateurs, à évacuer des eaux de lavage. Les eaux de lavage des évaporateurs présentent une forte demande en oxygène, mais sont facilement biodégradables. Or, sur la zone industrielle de Baleycourt est implantée par ailleurs une usine du groupe I.C.I. qui fabrique des plastifiants et des paraffines chlorées. Les effluents chimiques qu'elle rejette ont une demande moindre en oxygène, mais par contre sont plus difficilement biodégradables.

Le souhait de l'Agence de Bassin Rhin-Meuse était de réussir à résoudre en une fois le problème de la pollution causée par les deux sortes d'effluents, et une étude fut entreprise pour savoir si leur mélange pourrait être traité dans une station d'épuration unique. Le problème fut résolu, et début 1974 la station (commune) d'épuration de Baleycourt était opérationnelle et réduisait de l'ordre de 90 % la pollution cumulée. Son investissement fit l'objet d'un financement pour moitié par l'Agence de Bassin, et pour le solde : 85 % par Lacto-Sérum France (qui a la position de leader) et 15 % par I.C.I., ceci dans la proportion des volumes respectifs des effluents traités.

[Photo : Vue d'ensemble de la station d'épuration de Baleycourt.]

Les caractéristiques de ces effluents sont les suivantes :

Effluent LSF  
Débit journalier : 4 200 m³/j  
Pointe horaire : 130 m³/h  
DBO₅ : 1 800 mg/l  
DCO : 6 000 mg/l  
MES : 200 mg/l  

Effluent I.C.I.  
Débit journalier : 300 m³/j  
Pointe horaire : 150 m³/h  
DBO₅ : 1 000 mg/l  
DCO : 2 000 mg/l  
MES : 250 mg/l
[Photo : Implantation de la station d'épuration de Baleycourt]

LA STATION D'ÉPURATION DE BALEYCOURT

L'option choisie a été une station biologique à faible charge, dimensionnée de façon à traiter un débit de 2 400 m³/j pour 5 000 kg/j de DBO₅ et 7 500 kg/j de DCO. Elle a été construite par ERPAC en 1972 (voir schéma ci-dessus).

— Traitement primaire :

Les effluents sont rassemblés dans une lagune circulaire de 25 000 m³, équipée de 12 turbines d'oxygénation. Le temps de séjour est de l'ordre de 10 jours, ce qui permet d'obtenir des boues relativement bien stabilisées. La lagune traite environ 75 % de la charge polluante, ce qui correspond approximativement à 2 200 kg/j de M.E.S.

— Traitement secondaire :

Le mélange boues/eaux partiellement épuré est conduit vers le traitement biologique qui opère par contact-stabilisation. Le bassin de contact a une capacité de 600 m³ et est équipé de deux turbines d'oxygénation de 34 kW, tandis que le bassin de stabilisation, de même volume, ne possède qu'une seule turbine de même puissance. La recirculation se fait à 100 %.

— Décantation :

Les boues vont dans un décanteur de 500 m³ où sont séparées les eaux clarifiées et les boues. Les boues en excès sont soutirées et leur masse représente environ 2 700 kg/j de M.E.S. La moyenne sur une année montre qu'une tonne de D.C.O. produit 350 kg de M.E.S. avec ce processus.

— Traitement des boues :

Les boues sont traitées par deux filières :

— par flottation : le flottateur traite 1 200 kg/j de M.E.S. et les boues produites sont à une concentration de 40 g/l,

— par filtration : dans un épaississeur de 350 m³ qui les concentre à 25 g/l, à la suite de quoi elles sont filtrées sur un filtre à bandes CECIL PAIN. Celui-ci peut traiter 150 m³/j de boues à 25 g/l, soit 3 500 kg/j ; la siccité à la sortie de la presse est de 13 %.

Les boues sont enfin homogénéisées.

[Photo : Vue prise depuis le bassin de contact]

UNE VOLONTÉ DE VALORISATION AGRICOLE DES BOUES

À partir du moment où la station d'épuration devint opérationnelle, c’est-à-dire en 1974-75, LACTO-SERUM FRANCE se trouva par la force des choses à la tête d'une production de quelque 10 000 m³ par an de boues (comptées à 110 g/l) et devant la nécessité de leur trouver une destination compatible avec l'environnement.

Étant elle-même une importante entreprise agro-alimentaire implantée en pleine région agricole, l'idée toute naturelle fut de proposer ces boues (dont on présumait qu'elles avaient une valeur fertilisante) aux agriculteurs du voisinage, et ceci en fonction des obligations d'évacuation. Un camion fut acheté pour les livrer et une première campagne d'expérimentation pratique fut entreprise.

Mais très vite on rencontra des difficultés propres aux contraintes agronomiques du site et les premiers enseignements tirés de cette expérience permirent de recenser tous les aspects des problèmes à résoudre pour arriver à concilier ces deux impératifs : d'un côté, donner la possibilité à l'industriel d'évacuer le résultat inévitable du traitement de ses effluents ; de l'autre, apporter à l'agriculteur, dans des conditions qui lui conviennent, un fertilisant qui lui rende service.

C'est ainsi qu'on reconnut la nécessité de recourir à une méthodologie appropriée, telle celle qui est développée par des sociétés spécialisées dans ce genre d'étude (Société AGRO-DEVELOPPEMENT). Selon les critères habituels, cette approche passe nécessairement par quatre stades :

— la connaissance des caractéristiques agronomiques du produit,

— la détermination de périmètres d'épandage compte tenu des contraintes particulières du site et des cultures,

— la négociation avec les agriculteurs après une information appropriée et moyennant certaines modalités qui permettent de fixer le prix de vente du produit,

— l'établissement d'un calendrier et d'un plan de travail bien déterminés, dont il va être possible d'étudier les quantités à prescrire pour les épandages selon les critères des problèmes particuliers à résoudre, et qui sont de quatre ordres :

• les contingences d'environnement,

• la nature des sols,

• les conditions climatiques,

• les genres de culture et leur stade végétatif.

[Photo : Les boues en sortie d’épaississeur, dans la fosse de reprise]

Les constituants essentiels pour la fertilisation (azote, acide phosphorique, potasse) ont pu en particulier être mesurés à partir de séries de prélèvements effectués sur des cycles de fabrications à des périodes différentes de l'année. Il faut en effet réaliser suffisamment d'analyses pour connaître la fourchette de variations desdits composants, et apprécier les modifications éventuelles de l'élément fertilisant final dont on disposera à un moment déterminé. Ces analyses doivent être poursuivies périodiquement.

À partir de la composition moyenne établie et selon des doses d'épandage qui seront préconisées, par exemple 10 t à l'hectare (fumure d'entretien) ou 20 t (fumure de fond), on va savoir de quelles quantités d'éléments fertilisants le sol va pouvoir être enrichi, et ceci avec une appréciation suffisante (Tableau 1).

Par chance, du fait des fabrications industrielles en cause : d'une part (à 85 %), les dérivés du lait, d'autre part (à 15 %), les colles et plastifiants, les teneurs en métaux lourds sont nettement inférieures à la norme NF U 44-041.

LA DÉTERMINATION DES PÉRIMÈTRES D'ÉPANDAGE

En traitant tout au long de l'année le mélange 85/15 des effluents respectifs de LACTO-SERUM FRANCE, et celles qui proviennent tous deux de fabrications industrielles à caractère constant et répétitif, la station d'épuration de BALEYCOURT finit par produire des boues dont on peut déterminer des caractéristiques moyennées. Ces critères, que nous passerons rapidement en revue, vont conduire eux-mêmes à des interférences qui, dans certains cas, élimineront purement et simplement toute possibilité de mise en œuvre, d'où la notion restrictive de détermination de périmètres d'épandage dans lesquels il y aura lieu d'intervenir.

[Photo : Epandage par lance]

Les contingences d’environnement. — Ce sont des éléments très divers propres aux zones d’habitats tels que : proximité ou non des zones d’habitation, possibilité d’accès aux parcelles, profils géomorphologiques des terrains, caractéristiques hydrogéologiques de la région, etc.

Ainsi la zone de Baleycourt, spécifique de l’Argonne, est relativement accidentée et certaines parcelles seront éliminées d’office parce qu’elles présentent des pentes trop accentuées. Pour l’étude considérée, cela conduisit d’ailleurs à l’obligation de se restreindre en premier lieu à des fonds de vallées, lesquels furent bien entendu plus faciles d’accès et présentant des sols plus riches, sont la plupart du temps mal drainés et soumis à des engorgements pendant les mois d’hiver.

Quand on se trouve devant des difficultés de ce genre, on évitera autant que possible la circulation dans les parcelles elles-mêmes pour éviter de provoquer des tassements fâcheux ou des dommages de structure superficielle néfastes pour, par exemple, les semis de maïs ou les cultures de printemps.

Nature des sols. — Il s’agit en général de formations d’argiles plus ou moins calcaires, et il y a lieu de déterminer les niveaux de fertilité de ces sols, pour savoir par exemple si leurs déficits en M.O. ou NPK sont fréquents.

Il va apparaître immédiatement que dans de nombreux cas l’apport de boue de Baleycourt va permettre de reconstituer — et à moindre coût — les stocks en éléments fertilisants fondamentaux d’où lui-même, tout en apportant le « coup de fouet » approprié aux cultures qui seront décidées.

Les conditions climatiques. — La collecte des données statistiques a été réalisée pour une durée suffisante, de trente années. Rapporté à notre territoire national, le climat de l’Argonne est considéré comme climat « semi-continental », avec une pluviométrie assez régulièrement répartie sur tous les mois de l’année (Tableau 2).

Les genres de cultures et leur stade végétatif. — Les types de cultures locales ont évidemment constitué un point capital de l’étude. C’est grâce à l’existence d’une diversité culturale traditionnelle en ces lieux qu’il a été possible de concevoir un épandage réparti sur une grande partie de l’année. Il a fallu bien entendu s’informer sur les assolements pratiqués, sur les types et les quantités d’engrais précédents utilisés, sur les rendements moyens obtenus, et enfin sur les calendriers usuels de semis et de récoltes, tout ce qui constitue en somme la technique culturale propre à la région.

À partir de ces éléments il a été possible de calculer des doses d’apport appropriées, variables selon les périodes d’application et le stade végétatif de la culture, en ne perdant pas de vue que suivant la définition que l’on peut prendre du DL 50 (Dose Létale pour 50 % de la population) — c’est la dose qui peut faire le poison. Entre autres, on peut prendre le cas de l’acide phosphorique dont la teneur est de l’ordre de 3,8 % dans la moyenne des boues de Baleycourt : cela sera un avantage certain pour la culture du maïs dont elle favorise la précocité, la maturation et la fécondité ; par contre, elle se révélera catastrophique pour la pomme de terre car elle favoriserait la production de petits tubercules au détriment des gros.

Des périmètres sur une zone de 10 000 ha. — Finalement la synthèse de ces études a permis de dessiner, dans un rayon approximativement autour de la station d’épuration, c’est-à-dire sur 10 000 ha environ, des « périmètres d’épandage » où la mise en œuvre s’avérait réalisable et efficace.

LA NÉGOCIATION AVEC LES AGRICULTEURS

Une fois tous ces périmètres dessinés, il fallut commencer à parlementer avec les agriculteurs qu’ils concernaient, lesquels devenaient automatiquement les clients potentiels utilisateurs des boues de Baleycourt, le but recherché étant de leur vendre ces boues.

En l’occurrence on a procédé d’abord par contacts individuels pour instaurer au départ une atmosphère de dialogue et de concertation précurseurs d’un climat de confiance. Cette campagne fut couronnée par une assemblée générale sous forme de réunion-débat, au cours de laquelle furent repris et exposés à la fois les caractéristiques et avantages du fertilisant proposé, la pratique de son emploi, les modalités exceptionnelles de collaboration à la mise en œuvre expérimentale, et enfin les conditions de vente avantageuses qui seraient consenties.

Pour faire accepter la notion d’expérimentation avec placement des produits utilisés, il a fallu faire bénéficier les intéressés d’un ensemble de dispositions tout à fait engageantes à savoir :

  • 1° — la livraison sur parcelle effectuée gratuitement par l’usine (autrement dit les produits sont achetés « rendus sur parcelle ») ;
  • 2° — l’épandage in situ réalisé gratuitement pendant toute la première année d’expérimentation, avec l’appareillage approprié et le concours d’un opérateur formé et rémunéré par l’usine ;
  • 3° — le contrôle de garantie de composition du produit et le suivi agronomique des cultures assurés gratuitement par une équipe qualifiée, également rémunérée par l’usine.

À noter que ces dispositions onéreuses procurent en contrepartie pour l’usine l’avantage d’une évacuation assurée par elle-même et une sécurité dans l’expérimentation, celle-ci étant conduite de bout en bout par une équipe bien spécialisée instituée responsable unique de toutes les opérations.

Restent maintenant les conditions de vente, et sur ce point le principe admis a été que l’agriculteur ne paierait que sur la base de la valeur des éléments fertilisants les plus riches (N et P2O5) de la composition ; les autres éléments, même avantageux, n’étant pas pris en considération dans l’établissement du barème de prix.

Conduite de cette façon, avec la volonté d’aboutir et la communication d’une confiance dans le pouvoir fertilisant du produit, la négociation a pu se terminer favorablement, sur les bases d’un barème de prix reconnu raisonnable par les intéressés (Tableau annexe).

LA RÉALISATION DE L’EXPÉRIMENTATION

Elle se déroule depuis un an et en premier lieu a entraîné un certain nombre de prises de dispositions du côté de l’usine :

  • — L’engin d’épandage : il a fallu remplacer le premier camion (trop lourd et mal équipé) par un engin plus léger à quatre roues motrices, équipé d’un système d’épandage bien adapté, c’est-à-dire comportant à bord une cuve de reprise du produit pâteux avec un système d’homogénéisation, et muni d’une lance d’épandage permettant de pulvériser si nécessaire à partir d’un chemin, sur une distance de 40 m en assurant une bonne répartition au sol.
  • Le choix s’est porté sur un MAN 4×4 équipé d’un système MOLEX (pompe hélicoïdale MOINEAU), avec une citerne de 8 m³ qui, suivant le principe même de la pompe, ne sera jamais sous vide d’air (ce qui donne une meilleure sécurité). Ce camion est équipé de pneus spéciaux basse pression qui permettent de circuler sur tous les terrains et d’effectuer un plus grand nombre de rotations en transportant une plus grande quantité que, par exemple, un tracteur muni d’une citerne à lisier.
  • — À la station d’épuration : il a été nécessaire d’effectuer divers aménagements pour la prise en charge du produit après soutirage et mélange à des concentrations différentes.
  • — Calendrier des livraisons : il a fallu programmer les livraisons, à effectuer avec un seul engin et autant que possible bien réparties sur toute l’année pour assurer une évacuation continue. Toutes les parcelles proposées par les agriculteurs ont dû être visitées, avec détermination parcelle par parcelle des doses à épandre selon le sol, les cultures, et la période de l’année. Avec tous ces éléments on a pu établir un calendrier pratiquement continu sur les 52 semaines, avec dans certains cas une option d’épandage tous les deux ans pour éviter des risques de colmatage.

Du côté des agriculteurs, enfin, il fallait les intéresser par des démonstrations pour leur faire apprécier petit à petit le genre et la qualité du service proposé. Cela fut facilité d’ailleurs par le fait que depuis trois ans l’usine avait pratiqué déjà l’opération d’épandage dans des conditions plus ou moins rustiques ; il est vrai que les cultivateurs étaient déjà quelque peu familiarisés. On a pu leur expliquer aussi les raisons de certains incidents survenus à la verse, ou certains effets fâcheux sur la structure des sols qui ne se reproduiraient plus désormais.

CONCLUSION

Cette première campagne, qui est en cours depuis un an, est elle-même expérimentale et, au fur et à mesure de son déroulement, des adaptations et des améliorations sont réalisées, entre autres :

— le délai de trois semaines a été accepté par les agriculteurs pour la prévision d'épandage sur une parcelle,  
— les modalités de commande et d’engagement se sont mieux définies et ainsi une série de neuf agriculteurs représentant en tout 450 hectares se sont engagés pour une période couvrant trois ans, avec renouvellement chaque année par tacite reconduction,  
— une clé de réactualisation du prix de cession du produit a pu être définie et acceptée.  

Finalement, on arrive à dépasser le but recherché, car la quantité de boue produite n'est plus suffisante pour couvrir l'épandage sur l'ensemble de toutes les parcelles proposées et ceci, même avec certaines rotations à cadence biennale.

Seule une semblable approche agricole pour un problème spécifiquement agricole pouvait permettre d'atteindre de tels objectifs. Pour l'usine LACTO-SERUM FRANCE (et sa voisine I.C.I.), le problème du destin des boues de la station d'épuration de Baleycourt se trouve désormais réglé, et de la façon la plus noble qui soit, puisque ces boues vont finalement retourner à cette terre de l'Argonne, dont elles vont contribuer à perpétuer la fécondité...

G. Chaput – F. Millet – D. Vercoustre.

[Photo : Une collaboration ternaire. De gauche à droite : l'agriculteur, l'atelier agronome, l'opérateur (conducteur du camion et réalisateur de l'épandage).]
[Publicité : SARP Industries]

EFFETS DE L’OXYGÈNE PUR SUR LA DÉCANTATION ET LA DÉSODORISATION DE BOUES D’ÉPAISSISSEURS

Essais réalisés sur la station de traitement des eaux usées de l’agglomération messine.

A. Leriche Ingénieur en chef – Directeur du Syndicat Intercommunal à Vocation Multiple de l’Agglomération Messine

J.-P. Torres L’Air Liquide – Chef du Domaine Environnement

J. Duc L’Air Liquide – Ingénieur responsable Environnement Région Est

RÉSUMÉ

L’utilisation d’oxygène pur dans un épaississeur permet d’augmenter la concentration des boues d’environ 50 % et d’éliminer les émissions de H₂S. La présente publication décrit la technique d’oxygénation mise en œuvre ainsi que les résultats obtenus lors d’essais en vraie grandeur.

I — LA STATION D’ÉPURATION DE L’AGGLOMÉRATION MESSINE

La station d’épuration des eaux usées de l’agglomération messine a une capacité actuelle de traitement de 320 000 équivalents-habitants et reçoit des eaux usées mixtes (eaux urbaines et eaux industrielles).

Après dégrillage, dessablage et déshuilage, les effluents subissent une décantation primaire, un traitement biologique conventionnel (contacteurs biologiques) puis une clarification. Les boues biologiques en excès (environ 5 l/s) sont rejetées en sortie de station. Les boues fraîches, recueillies lors de la décantation primaire, sont épaissies de deux manières conduites en parallèle, conditionnées par chauffage à 200 °C puis décantées à une certaine pression dans un même ouvrage. Les boues ainsi épaissies sont déshydratées sur des filtres-presses ; ces boues d’épuration sont transportées vers un silo alimentation où est utilisée l’autocon…

[Photo : La station d'épuration du SIVOM de Metz. (Photo Degrémont.)]

II — DONNÉES DU PROBLÈME

Les deux épaississeurs de boues fraîches réceptionnent, d’une part, les boues primaires et, d’autre part, les boues biologiques. Leurs caractéristiques sont les suivantes :

— diamètre : 20 m ;  
— hauteur utile droite : 4,5 m ;  
— capacité unitaire : 1 500 m³ ;  
— débit de boues fraîches :  
   • débit séquentiel : 60 m³/h durant 2 h ; 120 m³/h durant 2 h ;  
   • débit moyen : 90 m³/h ;  
— recirculation en retour du décanteur/stockage des boues épaissies.  

La fermentation des boues fraîches, en milieu aérobie, entraîne un développement de fermentations anaérobies au niveau des épaississeurs conduisant à un dégagement d’odeurs nauséabondes.

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