Le pari que s’était fixé le Syndicat intercommunal de Massy-Antony (Simacur) est aujourd’hui devenu une réalité.
Les objectifs prioritaires étaient les suivants :
- — création d’un complexe thermique multicombustible,
- — incinération des déchets sans créer de pollution,
- — récupération maximale de la chaleur produite,
- — automatisation intégrale de l’installation,
- — intégration dans le site.
Ils sont maintenant en voie d’être réalisés dans l’usine de Massy construite à cette fin et qui constitue une première en France : elle sera, en effet, pour de nombreuses années, la « référence » en matière de traitement de déchets.
Création du complexe thermique
L’usine d’incinération des ordures ménagères du Syndicat est le premier élément d’un vaste programme devant aboutir à la réalisation d’un nouveau centre de production de chaleur, lequel fera appel pour 25 % de ses besoins à l’énergie issue de la combustion des déchets.
Inclus dans le schéma départemental de collecte et de traitement des ordures ménagères, le projet a reçu le soutien de la Région d’Île-de-France et du Département de l’Essonne. Il a enfin retenu l’attention de l’Agence française pour la maîtrise de l’énergie et de l’Agence pour la qualité de l’air, sous la maîtrise d’ouvrage du Syndicat intercommunal de Massy-Antony pour le chauffage urbain (Simacur).
Le choix du traitement
Le choix du Syndicat s’est arrêté sur le traitement par incinération, technique totalement au point, ce qui n’est pas le cas de certains autres procédés (figure 1).
Les expériences réalisées au cours des dernières années en France sur des techniques insuffisamment testées (telles que la pyrofusion, la transformation en combustible stockable) et dont on se rappelle les erreurs, ont décidé le Simacur à ne retenir que la seule technique fiable, présentant un recul suffisant pour être jugée, à savoir l’incinération.
D’autres procédés plus récents, tels que la méthanisation, faute d’expérience industrielle de plusieurs années ont, de ce fait, également été éliminés, le Simacur ne désirant pas essuyer les revers éventuels d’un nouveau procédé n’ayant pas fait ses preuves à la même échelle.
Incinération sans pollution
L’incinération classique a fait l’objet dans le temps, de la part de ses détracteurs, de nombreuses critiques portant principalement sur la pollution engendrée par les fumées émises. C’est pourquoi des circulaires récentes ont pris en considération ces critiques souvent justifiées concernant les émissions de poussières, HCl, fluor, métaux lourds, etc., contenues dans les fumées d’incinération des ordures ménagères.
Dès 1985, à la demande des élus et de la préfecture et en prévision de ces nouvelles réglementations, l’usine du Syndicat a été conçue de façon à répondre à ces nouvelles mesures de protection de l’environnement ; mieux, la qualité prévisible des rejets est supérieure aux normes, à savoir :
poussières : 30 mg/Nm³ — Normes : 50 mg/Nm³ HCl : 30 mg/Nm³ — Normes : 100 mg/Nm³ Cd + Hg : 0,2 mg/Nm³ — Normes : 0,3 mg/Nm³
Ces résultats seront obtenus grâce à la mise en place, pour la première fois en France, d’un système de lavage particulièrement efficace, ayant fait ses preuves sur de nombreuses installations en Suisse et en Allemagne*.
Ce procédé consiste, après passage dans un électrofiltre permettant d’abaisser la teneur en poussières à 80 mg/Nm³, à traiter les fumées en deux étapes successives (figure 2), à savoir :
[Figure : Schéma des systèmes de traitement des fumées]Le procédé, outre ses résultats exceptionnels en matière de rejets gazeux, permet également de réduire à une quantité très faible les produits de déchloruration à mettre en décharge classée, soit 5 kg par tonne d’ordures, trois fois moins qu’avec une installation de traitement dite à sec ou demi-sèche. Les eaux de rejets sont, quant à elles, épurées et peuvent être déversées dans le milieu naturel (tableau 1).
Etape 1 ou circuit Quench
Refroidissement des fumées à 65 °C par injection d’eau permettant l’absorption d’une grande partie de HCl et la condensation des oxydes métalliques gazeux (métaux lourds et mercure) sous forme d’aérosols.
Etape 2 ou circuit Ring Jet
Séparation des fines particules de poussières et des aérosols dans des multiventuris (Ring Jet) ; cette étape est indispensable pour garantir la qualité du niveau de rejet en ce qui concerne le mercure, le cadmium et les métaux lourds.
Le traitement des eaux de rejet comprend :
- — la neutralisation, par adjonction de lait de chaux,
- — la décantation des boues, par adjonction de floculant et de précipitant,
- — la déshydratation des boues, par filtre-presse,
- — la captation des métaux lourds, par échangeurs d’ions.
* INOR (Ciba-Geigy)
Tableau 1 : Etat des résidus d’incinération et de traitement des rejets
mâchefers (en volume) : | 10 % |
sous-produits de déchloruration : | 5 kg/t |
eaux usées neutralisées : | 0,16 m³/t |
pH : | 6,5 - 8,5 |
matières en suspension : | 20 mg/l |
DCO : | 20 mg/l |
Hg : | 0,01 mg/l |
Un avantage supplémentaire de ce procédé est dû au fait que, contrairement aux autres techniques qui peuvent être by-passées (contournées) ou fonctionner sans neutralisation, le traitement par voie humide doit obligatoirement être mis en service en même temps que les chaudières. Pour la population environnante, le « panache blanc » qui en résulte constitue une garantie de bon fonctionnement de l’usine, le signe permanent de la dépollution obtenue par un procédé performant.
Récupération de la chaleur
Quatre tonnes d’ordures ménagères représentent l’équivalent énergétique d’une tonne de fuel ou d’une tonne et demie de charbon ; autant donc récupérer cette énergie, mais dans les meilleures conditions…
Dans l’usine du Simacur, les ordures sont brûlées dans deux chaudières (et non des fours) équipées de grilles spéciales à haut rendement (97 %), totalement automatiques, dont le fonctionnement est asservi au débit de vapeur désiré. C’est dans ces chaudières que les fumées cèdent leur chaleur pour produire la vapeur destinée au chauffage urbain.
La totalité de l’énergie ainsi récupérée est livrée sur un réseau de 30 km de longueur qui permet de l’utiliser hiver comme été.
La récupération est donc optimale (tableau 2). L’énergie récupérée et commercialisée est, tout au long de l’année, de 1,5 kWh par tonne d’ordures ménagères incinérées.
Tableau 2 : caractéristiques principales de l’installation
Capacité unitaire : | 5,5 t/h d’ordures – 2 200 m³/h/kg |
Surface de grille : | 8,25 m × 2,60 m |
Ventilateur air primaire : | 20 000 Nm³/four |
Réchauffage air primaire : | 150 °C |
Ventilateur air secondaire : | 5 500 Nm³/four |
Ventilateur air tertiaire : | 4 800 Nm³/four |
Ventilateur de tirage : | 35 000 Nm³/four |
Production de vapeur : | 18 t/h/four |
Température eau alimentaire : | 130 °C |
Pression vapeur saturée : | 18 bars |
Échangeurs vapeur/eau chaude : | 8,8 kWh/h/four |
Eau chaude réseau : | 180 °C/110 °C |
L’automatisation intégrale de l’installation
Récupération maximale, dépollution totale ne peuvent s’obtenir si l'homme doit intervenir manuellement sur l’installation ; l’automatisme permet d’atteindre ces objectifs. C’est pourquoi cette installation, également pour la première fois en France, fait appel aux techniques d’avant-garde en matière de régulation, d’automatisme et de contrôle (150 paramètres sont analysés simultanément en permanence). L’ensemble est piloté par des automates et contrôlé par une unité centrale de surveillance informatisée (Modumat de Schlumberger).
Les automates règlent, en fonction du débit de vapeur affiché et de la teneur en oxygène dans les fumées, les paramètres variables de la combustion sans intervention humaine : débit d’alimentation en ordures, vitesse des grilles de combustion, débits d’air primaire et secondaire de combustion, etc. L’ensemble du dispositif aboutit à des résultats de combustion extrêmement constants et une pollution minimale à chaque instant :
— imbrûlés dans les mâchefers < 3 % — CO dans les fumées < 0,01 % — température de combustion > 850 °C
Par ailleurs, cet automatisme permet de régler le débit de vapeur en fonction des besoins du réseau, et ultérieurement, de gérer au mieux les trois énergies du complexe thermique : charbon, fuel, ordures.
Enfin, elle permet de réduire le personnel d’exploitation à sa plus simple expression, personnel qui est ainsi à disposition pour assurer les travaux de maintenance et dont la qualification est supérieure à celle des usines classiques.
Il en résulte un coût d’exploitation plus compétitif, une maintenance mieux assurée, une disponibilité supérieure, une rentabilité accrue.
Intégration dans le site
Située en limite d’une zone d’activité tertiaire, à moins de 500 mètres des habitations, l’usine bénéficie d’une recherche architecturale particulière.
La chromatique proposée par l’architecte, le cabinet AO2A, répond parfaitement aux objectifs fixés par le syndicat.
Ce complexe thermique comprendra ultérieurement un bâtiment administratif largement dimensionné, qui permettra de recevoir les groupes de visiteurs (écoles, élus, etc.).
Sa création permet, par ailleurs, d’envisager la démolition de l'ancienne chaufferie située au centre de Massy, dont les installations de dépollution sont vétustes et peu efficaces.
Cette installation exemplaire, dont la construction en plusieurs tranches s’est échelonnée sur trois ans, est le fruit d'une collaboration étroite entre élus, techniciens municipaux, architecte, B.E., et les entreprises de construction*, collaboration qui se poursuit également avec les techniciens de l’exploitant** avec un objectif qui reste constant : « Récupération optimale, dépollution totale ».
Modèle du genre, elle est la référence française en matière de traitement des déchets pour la décennie à venir.
* Société INOR
** Société COFRETH