Il revient aux traiteurs d'eau et aux exploitants de stations d'épuration la mission de maîtriser au mieux les traitements tertiaires et d'utiliser les technologies et équipements nouveaux.
Les composants du phosphate sont largement employés dans la fabrication des détergents ; il est donc fréquent de trouver du phosphate dans les eaux résiduaires urbaines, dans une fourchette de 15 à 30 mg/l en PO₄ (soit environ 5-10 mg/l de P). Dans la mesure où le phosphate est considéré comme le premier responsable des développements massifs d’algues (lesquels conduisent à l’eutrophisation des lacs et des fleuves) la législation a imposé une réduction de la teneur en phosphate des détergents, ainsi qu’un traitement au niveau de la station d’épuration, de façon à éliminer le phosphate.
L’article ci-après a pour objectif d’attirer l’attention sur l’élimination du phosphore par voies chimique et biologique combinées (tout en réduisant la quantité de réactifs et la consommation énergétique) obtenue dans une station d’épuration par la mise en œuvre d’agitateurs à pales « radiales ».
La station d’épuration d’Eidenstadt (Autriche) dont il est question ici et qui présente une capacité de 25 000 équivalents-habitants, était initialement équipée d'une phase de nitrification, sans élimination biologique du phosphore. Le traitement biologique proprement dit était réalisé dans deux chenaux d’oxydation juxtaposés de forme oblongue, d’une capacité unitaire de 2 500 m³. Il en résultait une pollution importante des eaux du petit lac de Neusiedler qui recueille les effluents de la station…
[Photo : L'agitateur SR 4410 pendant son immersion.]
Soucieux d’améliorer l’élimination de l’azote et du phosphore, les responsables de l’exploitation ont décidé de dissocier les deux chenaux pour appliquer un traitement distinct dans chacun d’eux.
Le premier chenal fut transformé en zone anoxie pour réaliser l’élimination des nitrates par voie anaérobie, technique dans laquelle il est primordial d’assurer un brassage suffisant des eaux, en évitant l’introduction d’air.
À cet effet, deux agitateurs du type SR 4410 à pales radiales furent installés symétriquement dans l’ouvrage pour réaliser la circulation des boues. Leurs caractéristiques sont les suivantes :
- — puissance nominale : 1,5 kW
- — diamètre des pales : 1,80 m
- — vitesse de rotation : 31 t/mn
- — vitesse axiale : 0,7 m/s
- — débit de circulation : 6 500 m³/h
Les mesures effectuées sur place sur toute la largeur du chenal et à différentes profondeurs, permirent de mettre en évidence une concentration homogène des boues. D’autre part, la vitesse de circulation était en tout point supérieure ou égale à 0,3 m/s, vitesse suffisante pour éviter la sédimentation des boues pour ce type d’effluent.
Il faut noter que l’utilisation de ces agitateurs n’a entraîné qu’une consommation de 1,2 W par m³ pour obtenir un brassage parfait.
Le second chenal fut utilisé en bassin d’aération équipé de deux brosses rotatives d’une puissance unitaire de 38 kW, soit une puissance spécifique installée de 30 W par m² (figure 2).
En 1983, pour éviter l’eutrophisation du lac, on décida d’abaisser le taux du phosphore contenu dans les eaux de rejet dont la teneur résiduelle moyenne s’élevait à 2,9 mg/l, concentration supérieure au maximum de 1 mg/l acceptable dans le milieu lacustre.
Une élimination du phosphore à la teneur minimale de 64 % devait donc être obtenue.
Des investigations menées sur place ont mis en évidence une libération du phosphore dans le bassin anoxique (tableau 1).
Tableau 1 : élimination biologique du phosphore dans le bassin anoxique sans apport de Fe SO₄
Éléments |
Concentration à l'entrée (mg/l) |
Concentration à la sortie (mg/l) |
Pourcentage d'élimination (%) |
P |
8,1 |
2,9 |
64 |
NH₄-N |
1,7 |
1,3 |
— |
NO₃-N |
2,7 |
— |
— |
N total |
21,8 |
5,5 |
75 |
DCO |
189,0 |
16,2 |
91 |
On eut donc l’idée d’y provoquer sa précipitation en introduisant du sulfate ferreux (Fe SO₄).
[Photo : Élimination du phosphore par voie biochimique. Principe de l'installation.]
En général, la précipitation par les sels de fer est assez difficile à contrôler compte tenu des conditions de pH et de dosage à réunir. En théorie, avec l'addition dans les quantités stœchiométriques (3 g Fe/1 g P) de sulfate ferreux, il était impossible d'arriver à éliminer le phosphore dans la proportion souhaitée. Or, grâce aux traitements par voies biologique et chimique combinées sur cette installation, on a pu abaisser à 0,6 mg/l la concentration du phosphore, avec un apport de réactif limité à 1,35 g Fe/1 g P seulement (tableau 2).
Tableau 2 : Élimination bio-chimique du phosphore dans le bassin anoxique avec apport de Fe SO₄
Fe/P entrée = 1,35 g Fe/g P — 0,80 mol. Fe/mol. P
Éléments |
Concentration à l'entrée (mg/l) |
Concentration à la sortie (mg/l) |
Pourcentage d'élimination (%) |
P |
9,0 |
0,6 |
93 |
NH₄-N |
/ |
0,6 |
/ |
NO₃- |
/ |
0,6 |
/ |
N total |
30,4 |
7,6 |
75 |
DCO |
191,0 |
16,3 |
91 |
Un suivi rigoureux a été mené sur le site pour contrôler l'évolution de cette méthode d'élimination du phosphore et en connaître le bilan énergétique. Le tableau 3 récapitule la variation du volume annuel d'effluent à traiter au cours de trois années, ainsi que l'énergie consommée pendant la même période, N₀ caractérisant l'année de début du traitement.
Tableau 3 : Bilan énergétique réalisé sur trois années
Paramètres |
N₀-1 |
N₀ |
+/- % |
N₀+1 |
+/- % |
Volume annuel d'effluent à traiter (m³) |
1 702 985 |
2 621 693 |
+85,71 |
3 309 880 |
+3401 |
Énergie spécifique (kWh/m³) |
0,332 |
0,324 |
–0,16 |
0,166 |
–48,68 |
CONCLUSION
Compte tenu de l'évolution enregistrée sur trois ans, l'énergie spécifique calculée (kWh/m³ d'effluent à traiter) permet de mettre en évidence le gain d'énergie obtenu par cette méthode : à l'issue de la première année, la réduction a été de 43 % et l'année suivante elle a atteint plus de 48 % sur l'ensemble de l'installation, ce qui représente une économie substantielle ; parallèlement, le gain de consommation de sulfate ferreux s'est élevé à 500 kg/jour. Dans les conditions mentionnées ci-dessus et depuis plus de deux ans, il a toujours été possible de maintenir au-dessous de 1 mg/l la teneur en phosphore des effluents de la station.
Cet exemple illustre, d'une manière probante, les possibilités économiques d'élimination du phosphore par voies biochimiques grâce à un aménagement peu onéreux des ouvrages existants. Ces résultats ne sont sans doute pas extrapolables à toutes les installations, mais ceux obtenus à Eidenstadt devraient conduire les techniciens à de nouvelles réflexions lorsqu'ils sont amenés à rechercher une méthode avantageuse d'élimination des phosphates.
[Photo : Phosphore libéré dans le bassin anoxique.]
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