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Un déchet très spécial : le résidu chloré

30 mars 1995 Paru dans le N°180 à la page 30 ( mots)

L'élimination des Déchets Industriels Spéciaux (DIS) ouvre un marché de 7 à 10 milliards de francs par an d'après le prix de revient du traitement. Notre puissante industrie chimique concourt à leur production. Les critiques d'emploi du chlore s'adressent en particulier à la fabrication et à la combustion du PVC avec les déchets urbains, à la persistance dans l'environnement des PCB, CFC et pesticides chlorés. Les traitements des DIS chlorés mobilisent SARP, Teris, EMC-Services, Aprochim, Soaf... Afin que chimie perdure.

Pourquoi « déchet spécial » ?

On l’appelle déchet spécial pour éviter de le qualifier de toxique (ça fait moins peur). Missionné par le Ministère de l'Environnement, le groupe Gemin Consulting et Ceren a dressé un inventaire national du flux de déchets industriels spéciaux, les fameux DIS. On en décompterait 7 Mt/an en provenance, pour la France :

  • - des producteurs industriels traditionnels, où la chimie intervient majoritairement, soit au total : 5,8 Mt/an,
  • - de l'industrie automobile, de la production d’énergie, de l’électrométallurgie et de l'armement, pour 0,6 Mt/an environ,
  • - des centres d’élimination des déchets, eux-mêmes sécrétant des déchets secondaires, soit 0,6 Mt/an également.

Le pactole des DIS

En quoi ce nouveau chiffrage intéresse-t-il l'économie ? Certains analystes vont jusqu’à prétendre que les déchets industriels toxiques représentent « la mine d’or de l’an 2000 ». Si la prévision tend à se confirmer en 1995, beaucoup de vocations aventurières vont se presser vers ces nouveaux gisements aurifères ! L’euphorie passée, on peut tout de même se rendre compte que, malgré la récession, des secteurs d’activités réagissent, des produits high tech ou « phares de la croissance » se distinguent, et des services se révèlent à fort potentiel ou en pleine explosion. Expressions outrées sans doute, mais une récente enquête économique Enjeux-Les-Echos sur les activités françaises de croissance à deux chiffres, ne retenant qu’une trentaine de titres, fait figurer les déchets spéciaux (C. Vincent, Les Echos, janvier 1995).

Segment le plus dynamique dans le marché des déchets européens, celui des déchets spéciaux, face aux OM et aux DIB (ordures ménagères et déchets industriels banals), sa croissance moyenne serait de 13,47 %/an selon Eurostat.

Les DIS vont affluer. En effet, la législation du 13 juillet 1992 interdit, à partir du 1ᵉʳ juillet 2002, la mise en décharge des DIS non transformés en DU (déchets ultimes). Or on estime à 50 % environ la part de DIS rejoignant encore la décharge, soit 3,5 Mt/an à détruire pour la seule production française. Selon les données du Syndicat professionnel pour le recyclage et l'élimination des déchets industriels (SYPRED), et pour l’exercice 1994, les coûts de prestation envers les DIS, qui varient selon la nature et la complexité du traitement, s’échelonnent entre 1 et 10 kF/t, et de 450 F/t pour la destruction d’un produit énergétiquement valorisable, à 4,5 kF/t pour les dérivés mercuriels (B. Gontard, SARP – revue UN, n° 2474, octobre 1994). Entre ces coûts extrêmes, le PCB se négocie vers 4 kF/t, et les déchets peu chlorés, au % inférieur à 1, autour de 1,8 kF/t (figure 1).

En prenant l’hypothèse d’un prix de revient moyen pour l’élimination d’un DIS de 2,1 kF/t, le marché français s’élèverait à près de 7,3 GF/an ce qui est en effet considérable, à moins que les industriels producteurs ne maîtrisent par leurs propres moyens l’inflation de leurs frais d’élimination, en réduisant leurs émissions de déchets (réaménagement de l’outil de travail, technologie propre, recyclage, régénération), ou en traitant par voie interne au lieu d’avoir recours aux services extérieurs collectifs, cette prise en charge étant déjà effective à près de 50 %.

D’ailleurs, Ereco, groupement de différents bureaux d’études européens spécialisés dont le BIPE, estime, après consultation de ses 160 experts des différents pays de la Communauté, que les perspectives pour l’an 2000 semblent s’orienter ainsi :

  • - pour le traitement des DIS, application de nouvelles technologies propres, et surtout résorption des pollutions héritées des impérities du passé, décontamination des sols et des eaux,
  • - pour les DIB, adoption du tri sélectif en vue du recyclage, recherche de rentabilité des filières et amélioration des habitudes comportementales des consommateurs (B. Stéphan – VV, octobre 1994)

Mesures indispensables, mais dont le remue-ménage ne manque pas de mettre à jour des sources toxiques de DIS insoupçonnées, la toxicologie, science juvénile, allant de découverte...

CodeLibellé de la filièrePrix plafond 1994 (F/t)Prix moyen constaté en 1992 (F/t)Prix moyen constaté en 1993 (F/t)
01Déchromatation1 6201 2601 354
02Décynanuration2 0001 7301 843
04Neutralisation1 220845906
06Régénération de résines20,50 F/l18 F/l18,90 F/l
08Solidification760690693
10Cassage d'émulsion et autres séparations de phase avec traitement biologique ou chimique de la phase aqueuse590440499
21Incinération d'organohalogénés (Cl > 1 %) en unités spécifiques3 8702 5002 633
22Evapo-incinération590530619
26Incinération de déchets autres, liquides à PCI < 6 000 th/t, pâteux et solides1 7509551 093
28Incinération en cimenterie au capot de chauffe de déchets à PCI < 6 000 th/t450352434
41Reconditionnement et enfouissement en mine de sel4 5003 3253 378

Filières de traitement des huiles usées (selon la nomenclature des Agences de Bassin – 1993)

Type du produitTraitement (code)Coût moyen de traitement (hors transport)
Huile entière chlorée (> 2 % Cl)Incinération (21)2 500 FF/t
Huile entière non chlorée (< 2 % Cl)Filière agréée gratuite, non subventionnée par les Agences de Bassin
Émulsion non chlorée (< 0,3 % Cl)Cassage d'émulsions (10)450 FF/t
Émulsion chlorée (> 0,3 % Cl)Incinération (21 ou 25)2 500 FF/t
Solution vraie sans chloreEvapo-incinération (22)530 FF/t
[Photo : Fig. 1 : Tarif de destruction de DIS de l'Agence de l'Eau Seine-Normandie (d'après B. Gontard, Sarp, Revue UN n° 2474, octobre 1994)]

« ne laisserons plus dénigrer le PVC » déclarent les fabricants (F. Sevenster, Syndicat des Producteurs de Matières Plastiques – DE n° 23, février 1994). Le PVC n'est pas seulement un matériau du XXᵉ siècle, il représente aussi le matériau idéal pour l'avenir. Sa particularité tient à ses deux composants en proportions égales : sels gemmes et pétrole (J. Puéchal, Elf-Atochem, même réf.). Soit, mais si la fabrication du PVC ne fait qu'intervenir deux produits naturels, les réactions délivrent du MVC, chlorure de vinyle monomère CH₂=CHCl (cancérogène, mutagène notoire) et divers organochlorés dangereux. L'application des technologies propres, en service depuis 1980, en France, entraîne un investissement de base très élevé et, au plan économique, la récupération du MVC résiduel ne permet pas de compenser, au niveau des coûts d'exploitation, la dépense occasionnée (200 kg de vapeur/t de PVC). La cartographie officielle de la pollution industrielle établie en 1990 signalait encore le rejet atmosphérique de 1,5 kt/an de MVC dans cinq des usines Atochem, malgré les aménagements mis en œuvre à cette époque. Le problème de fabrication du PVC n’est donc pas aussi simple. On notera également le retard considérable de la connaissance des processus toxicologiques sur l'ingénierie de fabrication : la plupart des produits reconnus cancérogènes pour l'homme (amiante, benzène, chlorure de vinyle monomère, chlorométhyléther...) furent identifiés comme tels en médecine du travail, par l'incidence anormalement élevée d'affections liées à l'activité de certains groupes professionnels (INRS). La réaction de méfiance du public se trouve justifiée ;

La combustion du PVC : les essais EDF-TIRU montrent que 78 % du chlore contenu dans ce matériau se volatilise à l'état de HCl, acide chlorhydrique, soit 44 % du poids de résine incinéré, soit encore 270 l de HCl/kg de PVC, ce (1)

[Photo : « Panique » imaginaire en Risque Majeur Industriel]

qui est un potentiel de corrosion et d’agression à neutraliser. Cet acide concourt à augmenter l’acidité atmosphérique (6 à 8 %) autour des incinérateurs d’ordures ménagères (2). EDF-TIRU signale la réduction de HCl dans les fumées de l’incinérateur d’Issy-les-Moulineaux, faisant passer la charge polluante de près de 1 t/j en 1991 à 130 kg/j en 1993 (PE n° 352, février 1993). On a émis l’hypothèse, dans l’excitation médiatique sur les « dioxines et furanes », que les PVC en combustion et les déchets chlorés pouvaient être à l’origine de molécules organochlorées et oxygénées toxiques pour l’homme : cette hypothèse pessimiste n’a jamais pu être vérifiée. Mais on s’apercevait, affinant nos connaissances sur le bilan chlore, que les fameuses dioxines et furanes, formés en quantités infinitésimales, s’adsorbaient préférentiellement sur les fines particules, celles qui ont tendance à échapper au dépoussiérage (3).

Le chlore contenu dans les ordures ménagères se retrouve après incinération, essentiellement sous forme de chlorures, en partie moindre de chlore gazeux libre et, à moins de 0,1 %, il fournit des organochlorés aromatiques. Ce chlore se répartit à raison de 70 à 75 % dans les fumées, 15 à 20 % dans les cendres volantes, 5 à 10 % dans les mâchefers et 1 à 10 % dans les eaux d'extinction des mâchefers (E. Poncelet, P. Léger, Ademe – A. Perrier-Rosset, Ministère de l’Environnement – TSM, mars 1989).

Pour mieux maîtriser la déchloration des fumées, Solvay injecte du bicarbonate de sodium afin de piéger toute acidité. Le procédé est à l’épreuve dans l’UIOM de Brest : les REFIOM, résidus d’épuration des fumées d’incinération des ordures ménagères, sont traités séparément, en les purifiant par piégeage des métaux lourds. Les refus d’incinération stabilisés sont donc susceptibles d’être évacués en décharge de classe 2 au lieu de la classe 1, ce qui procure des économies de gestion des déchets et diminue les risques (D. Catta, Solvay – P. Coll DE n° 23, février 1994) ;

PCB et CFC, produits chlorés rémanents, ont subi le même discrédit. Pour les PCB, polychlorobiphényls C₁₂H₁₀-xClₓ, fluides diélectriques, hydrauliques et caloporteurs, additifs des peintures, encres, résines, adhésifs, leur emploi est nettement interdit en France depuis le décret du 2 février 1987 : le CIR, Centre International de Recherche sur le Cancer, n'hésite pas à classer les PCB dans le groupe de produits chimiques 2A, « probablement cancérogène pour l'homme », VME : 0,5 mg/m³ d'air (INRS – Biphényle chloré des organochlorés de structure cyclique provenant du DEHP, phtalate de bis (2-éthylhexyle), plastifiant du PVC, du PCB éventuellement incorporé, du stabilisant bisphénol A, précurseurs qui élèveraient de plus de dix fois le niveau des dioxines et furanes (mais il n’a pu être établi expérimentalement, à ce jour, une influence significative du PVC et de ses adjuvants sur la production de ces derniers, dans le cas de l’incinération des ordures ménagères) (A. Picot, CNRS – revue AC, mars 1983).

(1) Depuis une vingtaine d'années, on sait que la chloration abusive des eaux conduit à la formation de THM, Trihalométhanes multican­cérigènes, du type chloroforme CHCl₃, de haloéthers et de composés N-chlorés, comme les haloacétonitriles de THM mutagènes. On a détecté jusqu'à 100 µg/l de THM dans les eaux de distribution new-yorkaises (J. Mallevialle, SLEE et D. Harteman, INSERM – revue TSM, juillet 1977). D'ailleurs, les effluents urbains épurés, puis chlorés ou non, contiennent des résidus de solvants chlorés, de chlorobenzène, de pesticides chlorés, le lindane et le pentachlorophénol s’avérant particulièrement peu biodégradables (M. Marchand, Ifremer – revue TSM, janvier 1989).

(2) Il existe dans les fumées des résidus chlorés, beaucoup moins « célèbres » que dioxines et furanes, et tout aussi dangereux. C'est ainsi que l’acide chlorhydrique libéré réagit avec l’aldéhyde formique HCHO (lui-même puissant mutagène et cancérogène pour le rat, et supposé pour l'homme), aldéhyde omniprésent dans les fumées de combustion de déchets organiques, pour former une série de composés chlorés toxiques :

  • - BCME, bis-chlorométhyléther, Cl-CH₂-O-CH₂-Cl (TLV : 0,001 ppm, cancer des bronches chez l’homme),
  • - CMME, chlorométhyl-méthyléther, CH₃-O-CH₂-Cl,
  • - BCE, bis (2-chloroéthyl) éther, Cl-(CH₂)₂-O-(CH₂)₂-Cl,
  • - l’épichlorhydrine qui renferme dans sa formule le redoutable groupement époxyde toxicophore par ses chaînes chloroéthyle : CH₂-CH-CH₂-Cl.

(3) EDF-TIRU indique pour l’usine d’Issy-les-Moulineaux, une éjection atmosphérique de 200 à 400 ng de PCDD/g de cendres volantes, soit 200-400 g/kt, ce qui revient à une émission constante de 100 à 200 g/an de dioxines autour de la centrale (C. Finet, EDF-TIRU – revue TSM, janvier 1986). La liste des substances cancérogènes pour l'homme, ou suspectées de l'être, fait figurer les dibenzodioxines et dibenzofuranes aux concentrations tolérables de seulement 5 ng/m³ d’air (INRS – Cahier de Notes Documentaires, n° 155, 1994).

n°132, 1988). À cette époque, une campagne d’essais démontrait que la quasi-totalité des polluants véhiculés en solution dans les eaux à potabiliser (usine d’Orly-sur-Seine) se retrouvait dans l'eau de distribution, malgré décantation, ozonation ou chloration, soit 80 ng/l d’eau traitée. La station d’épuration d’Achères, recevant de eaux brutes à 650 ng/l de PCB, ne pouvait qu’obtenir des eaux épurées à 280 ng/l, la station déversant dans la Seine l’équivalent de 450 kg de PCB/an (M. Chevreuil, L. Granier, Institut d’Hydrologie et de Climatologie – revue LR, n°242, avril 1992). De plus, on s’était aperçu que la décomposition thermique, accidentelle ou provoquée des PCB avec adjuvant trichlorobenzène libérait les « ennemis publics n°1 », PCDD et PCDF, dioxines et furanes (0,1 à 5 % de PCDF par pyrolyse de PCB vers 650 °C). Quant aux CFC, chlorofluorocarbones plus proprement appelés chlorofluorocarbures ClxFyHzCq, fluides aérosols et frigorifuges, ils sont accusés, comme chacun sait, de contribuer à la destruction de la couche d’ozone stratosphérique stoppant les rayonnements UV durs et meurtriers. Les divers Protocoles internationaux visent la suppression, non seulement des CFC, mais de molécules halogénées semblables : halons extincteurs, solvants chlorés (tétrachlorure de carbone CCl4, trichloroéthane ou méthylchloroforme CH3-C-Cl3) et les HCFC, hydrochlorofluorocarbures, remplaçants provisoires des CFC, en attendant des produits à ODP nulle (« Ozone Depletion Potential ») tels que les HFC, hydrofluorocarbures (Ademe, « Coup de froid sur les CFC », La Lettre n°12, mai 1994).

Il est vraisemblable que les autres solvants chlorés, trichloréthylène Cl2C=CHCl, ou même le dichlorométhane ou chlorure de méthylène CH2Cl2, seront mis à l’index également, et remplacés dans leur usage, soit par des procédés de substitution, soit par des solvants type terpenes, le « tri » en particulier difficilement biodégradable auquel on attribue des propriétés cancérogènes en expérimentation animale. De plus, la préparation industrielle des solvants « tri » et « per » engendre divers agents d’alkylation chlorés : il y a tout lieu de penser que ces substances halogénées induisent des mutations létales dominantes (J. M. Moutschen « Introduction à la toxicologie génétique », Ed. Masson, 1979).

Les phytosanitaires organochlorés ont été fort employés et estimés (le DDT a sauvé autant de vies humaines, soit 30 millions, que la seconde guerre mondiale n’en a éliminées). Mais leurs propriétés secondaires, envers les mammifères, de se révéler cumulatifs et neurotoxiques, ont limité leur usage. Les pyréthrinoïdes, de type deltaméthrine malheureusement dibromé, offrent une activité sélective importante (400 fois supérieure à celle du DDT) et une moindre rémanence (1 mois contre 48 pour le DDT).

La destruction

Les industriels du chlore sont satisfaits de leur « non-lieu » : l’EPA, l’Agence américaine pour la protection de l’Environnement, admet que ce sont les incinérateurs de déchets urbains qui sont à 60 et 85 % les sources d’émission de dioxines. Tandis que l’étude aux Pays-Bas, sur le territoire néerlandais démontre que moins de 1 % des dioxines émises provenait de la production chimique : les dioxines apparaissent comme des résidus fatals, à l’état de traces dans les fumées de combustion des matières organiques.

Comment s’y prend-on pour détruire proprement les résidus chlorés ? L'incinération est le moyen de destruction le plus usité en France, puisque 70 % des 1,3 Mt/an de DIS traités à l’extérieur sont incinérés. Le développement des centres de dépollution industrielle collectifs s’explique par le prix de revient plus bas du déchet incinéré en fonction des tonnages plus grands, par effet d’échelle. Une usine d’incinération d’une capacité de 50 kt/an représentera un montant de 250 MF, alors qu’une petite unité ne traitant que 9 kt/an entraînera un investissement de près de 100 MF. Dans le premier cas, le prix de revient s’établira entre 1,5 et 1,7 kF/t, et dans le second entre 5 et 6 kF/t (C. Sokolski – revue CM, n°121, mars 1994).

Parmi ces centres collectifs français, « À tout seigneur, tout honneur », on doit citer SARP-Industries (CA : 1 GF en 1993 contre 858 MF en 1992, effectif : 1 100 personnes) qui se place en tête de tous les groupes européens de traitement de déchets industriels. Une vingtaine de centres SARP ont traité en 1992 700 kt/an (4), dont SARP-Limay 200 kt/an (Dossier de Presse, mai 1993). La situation, jusqu’en 1993, était simple : SARP (CGE) détruisait pendant que SITA (SLE-Dumez) stockait. Mais désormais le groupe Rhône-Poulenc a créé avec SITA la filiale TERIS qui s’est alliée à SCORI (5), l'un des leaders du traitement des DIS. L’association Teris-Scori a ainsi incinéré plus de 400 kt/an de DIS en 1993 (CA : 300 MF) : les deux incinérateurs du site Teris de Pont-de-Claix offrent une capacité de traitement de 35 kt/an de déchets chlorés, valorisables en acide chlorhydrique. Troisième grand des traiteurs de DIS : EMC-Services, filiale Entreprise Minière Chimique (CA : 242 MF en 1992, effectif : 525 personnes) dispose d’une capacité d’incinération de 200 kt/an pour déchets chlorés et PCB (P. Dubois, EMC-Services, revue IC n°354, janvier 1994). Mais Aprochim aussi (CA : 33 MF en 1992) détruit bien le PCB en son usine de Mayenne, filiale du groupe Chimirec-Atochem ; et le groupe Sita stimule TES en incinération, ainsi que sa filiale Credia pour la future usine de Saint-Nazaire (investissements : 80 MF, capacité de traitement : 20 kt/an).

Cependant, l’incinération des déchets chlorés ne doit pas seulement être efficace, mais intégrale. On admet que la dégradation thermique des organochlorés n’est complète qu’à partir d’une température de 1 100 °C. Et aux USA, on propose, pour assurer la décomposition complète du PCB en four, d’effectuer une injection de méthane et d’oxygène cryogénique et maintenir la température de 1 200 °C pendant deux secondes. Les normes européennes de rejets à l’atmosphère en composés chlorés, exprimés en HCl, que la récente usine Merex entend respecter, ne toléreront que 10 mg/m³ dans les fumées.

Le chlore semble, pour un temps, amnistié. Pour les fanatiques de sa suppression à tout prix : « Nous devons surmonter notre rage et notre dégoût, nous devons les faire partager, afin d’élever et d’élargir notre action comme notre morale » (René Char, « Feuillets d’Hypnos »).

(4) À signaler deux usines dépendantes de SARP en PACA : Solomat, à Rognac (CA : 85 MF/an), qui accepte les déchets faiblement halogénés, et Merex, à Fos-sur-Mer, inaugurée en décembre 1993 (investissement : 200 MF, CA : 80 MF/an, capacité : 60 kt/an) pour incinérer les DIS hors PCB.

(5) Scori, Société de Courtage de Résidus Industriel valorise les déchets organochlorés, avec ses partenaires cimentiers (Calcia, Lafarge, Vicat). Les essais d’injection au brûleur s’étaient soldés par une efficacité de 99 % pour un traitement thermique de plus de 6 secondes à plus de 1 000 °C (M. Verhille, Scori – juin 1986). L'incinération des DIS en cimenterie ne cesse de croître (20 centres en 1993 contre 3 il y a dix ans) et absorbe 250 kt/an de DIS, soit près d’un tiers incinéré en centres collectifs (Ademe, mai 1993).

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