Jusqu’aux années 1970, le charbon actif était utilisé dans le domaine de la production d’eau potable uniquement sous forme de poudre (CAP). Mais les difficultés de mise en œuvre (dosage aléatoire) et une maintenance très contraignante ont fait que ses performances étaient loin d’être optimales. La mise en place du charbon actif en grain (CAG), qui ne demandait qu’un simple lavage et une régénération périodique, a paru alors la solution à l’élimination des micropolluants. Cependant, des problèmes de contraintes
[Photo : Schéma du réacteur Carboflux®]
d'exploitation et d'impossibilité d'adaptation à la variabilité de la qualité des eaux en ont fait un système à améliorer. En conséquence, l'injection de CAP, actuellement réalisée au niveau de la clarification, est inévitable en cas de pointe de pollution.
Il était donc nécessaire de rechercher une optimisation de la mise en œuvre du CAP pour l'élimination des micropolluants, ce CAP qui est actuellement utilisé en dessous de ses capacités réelles.
En effet, les temps de contact classiquement appliqués sont trop limités et l'injection en début de filière entraîne une saturation du charbon par les matières organiques de l'eau brute.
Il en découle un gaspillage de charbon qui est un matériau coûteux.
Le procédé
Une nouvelle filière intégrant le système Carboflux® a été conçue pour améliorer l'efficacité du charbon actif en poudre en augmentant le temps de contact et en éliminant la matière organique par une étape préalable de clarification.
Cette technique originale a été brevetée en novembre 1997 et a permis de démontrer qu'elle pourrait solutionner deux problèmes : éliminer suffisamment les micropolluants et fiabiliser le système de production d'eau potable. Cette filière a été testée et comparée à une filière classique en essais pilotes :
- filière classique : coagulation - floculation/flottation/filtration bicouche (sable - CAG) ou monocouche (sable)/ozonation/filtration CAG ;
- filière Carboflux® : coagulation - floculation/flottation/ozonation/Carboflux® (réacteur eau flottée - CAP/floculation/décantation)/filtration bicouche (sable - CAG) ou monocouche (sable).
Le schéma ci-dessus présente le réacteur Carboflux®.
Résultats des études et performances
La concentration en charbon actif en poudre dans le réacteur a été amenée progressivement de 0,5 à 2-3 g/l par injection continue de CAP neuf à des doses variables comprises entre 2 et 20 mg/l.
La filtration bicouche est mise en œuvre en parallèle à la filtration monocouche afin de comparer les performances des deux types de filtre.
La turbidité de l'eau filtrée est toujours sous la norme de 2 NTU et elle est largement sous les 0,5 NTU, même dans des conditions non optimisées de fonctionnement (recyclage et filtres) et de conditionnement des boues (voir figure 2).
L'élimination des matières organiques est de l'ordre de 75 %. Cette valeur est maintenue au-dessus des 70 % même quand la clarification, déficiente, élimine les matières organiques à moins de 45 % (au lieu de 60 % en régime normal de fonctionnement).
La limite de qualité de 0,1 µg/l exigée pour les pesticides est respectée même en cas de forte pollution d'atrazine (essais à 5,2 µg/l) et ce, pour un dosage minimal en CAP à 5 g/m³, soit 10 fois moins que lors d'une utilisation classique de charbon actif en poudre en tête de filière qui, de plus, n'offre aucune garantie d'obtention d'une eau de bonne qualité (figure 3).
La capacité d'adsorption est donc supérieure à 300 µg/g de CAP. Dans le cas de la filière avec un affinage classique CAG, la concentration en atrazine dépasse 0,3 µg/l dans l'eau traitée au bout de trois mois de fonctionnement, ce qui donne une capacité d'adsorption de 20-25 µg/g de CAG (valeur conforme à l'expérience industrielle).
Les avantages du procédé
Ce nouveau procédé Carboflux® présente donc plusieurs avantages : il réduit pratiquement par dix la consommation de charbon actif tout en étant plus efficace ; la qualité de l'eau traitée est constante en fonction du temps, contrairement à un traitement classique sur le charbon actif en grains où la qualité de l'eau traitée décroît au fur et à mesure.
Les pilotes de 25 m³/h chacun et leur suivi pendant un an ont permis de valider la faisabilité des performances du procédé. L'eau brute a été dopée en atrazine à une concentration moyenne de 1,5 µg/l. Les résultats obtenus ont bien démontré l'efficacité de la filière utilisant ce procédé.
[Photo : Abattement de la turbidité]
[Photo : Abattement des pesticides sur l’atrazine]
mesure de la saturation du charbon ; il offre une flexibilité d’exploitation face à la variabilité des flux polluants.
La souplesse de l’injection des réactifs par son adaptation en fonction de la qualité de l’eau brute (dosage adapté strictement aux besoins qui peuvent être nuls lors de l’absence de micropolluants) est un confort d’exploitation technico-économique important.
De plus, les boues concentrées au niveau du Carboflux® assurent un effet tampon important limitant les points éventuels de pollution. L’utilisation optimisée des capacités du charbon autorise donc un délai en ce qui concerne l'apport d’un complément en réactifs neufs.
Il suffit d’observer l’élimination des pesticides par la filière lorsque le dopage de l’eau brute atteint 5 µg/l.
En outre, le Carboflux® peut jouer un pouvoir tampon face à la qualité de l’eau produite qui varie peu même si la clarification est momentanément insuffisante.
Enfin, pour l’élimination des pertes d’eau de lavage, la réutilisation des eaux sales de lavage permet aussi de récupérer les particules fines retenues sur les filtres et limite alors les pertes en charbon.
Le risque microbiologique du recyclage de ces eaux est réduit car on effectue une double clarification avant le filtre à sable qui lui-même peut être désinfecté, contrairement à un filtre à charbon actif.
Conclusion
Ce nouveau procédé, breveté, permet d’accroître les performances d’une filière de traitement d'eau confrontée aux problèmes des micropolluants et des pesticides dans des conditions technico-économiques optimales de fonctionnement.
En outre, la compacité du réacteur permet un gain économique à l'investissement avec une emprise au sol réduite, élément non négligeable pour certaines collectivités confrontées au problème de la taxe foncière et/ou de l’espace disponible.
Deux installations depuis mi-1997 fonctionnent et confirment la bonne performance du procédé.
Il s'agit de deux unités de production, l'une à Andrézieux (450 m³/h) et une deuxième à Beaumont de Lomagne (300 m³/h) dans le Tarn-et-Garonne.
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