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Traitement des eaux résiduaires et des boues par dispersion gaz liquide : le réacteur IBR

30 mars 1995 Paru dans le N°180 à la page 55 ( mots)

Le traitement des eaux résiduaires en station d'épuration et le traitement des boues en vue de leur stabilisation nécessitent dans la très grande majorité des cas la construction d'ouvrages importants. L'Intensiv Bio Reacktor (IBR) est basé sur le principe de dispersion gaz-liquide. Ce réacteur compact (volume maximal 63 m3), permet de traiter des effluents domestiques et industriels de faibles et moyens débits journaliers, ainsi que des effluents fortement pollués tels que les eaux de ruissellement des décharges, les lisiers, les jus d'ensilage, et ceux des industries agro-alimentaires. Le couplage du réacteur avec un traitement biologique permet d'obtenir une élimination quasi totale de la pollution carbonée. Le réacteur IBR est également utilisé pour la stabilisation des boues de station d'épuration par réaction biochimique exotherme.

Les ouvrages de dépollution biologique, dans la grande majorité des cas, sont de grande capacité. Dans le cas des eaux résiduaires industrielles ou agricoles, des ouvrages plus compacts peuvent être utilisés.

Ces ouvrages, facilement installés, peu onéreux comparés aux bassins d’aération classiques, sont aussi caractérisés par leur faible encombrement. Leur entretien et leur maintenance sont relativement aisés, leurs besoins en énergie sont moindres que ceux des traitements biologiques classiques, et ils présentent une excellente sécurité de fonctionnement.

Comme on le verra ci-après, le réacteur biologique IBR (Intensiv Bio Reaktor) présente tous ces avantages, et donne d’excellents rendements épuratoires sur des eaux résiduaires urbaines et agricoles fortement chargées.

Déjà commercialisé en Allemagne et en Suisse, il a fait l’objet de plusieurs dépôts de brevets internationaux (1) (2) (3) (4) (5).

Principes de fonctionnement du réacteur IBR

Nous distinguerons deux cas : celui du traitement des effluents et celui de la stabilisation des boues.

Le traitement des effluents

Le réacteur IBR fonctionne suivant un principe de dispersion gaz-liquide. Il s’agit du développement optimisé d’un réacteur à circulation en circuit fermé.

Le réacteur cylindrique, constitué par cinq segments, est entièrement réalisé en acier inox (figure 1). La hauteur totale de l’ouvrage peut ainsi atteindre 10 m, le diamètre du cylindre s’étageant de 0,636 m à 2,865 m (tableau 1). On produit ainsi à l’intérieur du réacteur un flux circulaire de l’effluent qui va en s’accélérant vers le haut (figure 1). La vitesse angulaire du flux est supérieure à la vitesse d’élévation des bulles de gaz, ce qui crée une forte turbulence et augmente la durée du contact entre le gaz et le liquide.

La perte de vitesse due aux frottements est neutralisée, ce qui a pour effet de supprimer le démul-

[Photo : Schéma du réacteur IBR]
fonctionnement sur toute la hauteur du réacteur ; de ce fait, on assure le taux maximum d’utilisation du gaz provenant de la dispersion pour un volume très réduit du réacteur qui n’excède pas 51 m³, et une très forte vitesse de réaction qui réduit très fortement le volume du réacteur par comparaison avec les traditionnels bassins biologiques. En effet, de par sa constitution en système fermé et la présence des séparations qui permettent une montée de l’effluent par phénomène d’aspiration, le taux d’utilisation du gaz est maximal à la différence des bassins d’aération où l’on rencontre des pertes au niveau des surfaces d’échange gaz-eau. Dans le système IBR, l’apport en gaz (air ou oxygène) s’effectue en même temps que l’arrivée de l’effluent, par injection latérale à la base de l’appareil. Après avoir parcouru toute la hauteur du réacteur, l’effluent passe dans le conduit central par une sortie réglable située dans la partie haute du réacteur (figure 1). Un évent de dégazage est situé à la partie supérieure du réacteur. Les gaz rejetés ne sont en général pas traités, mais des cartouches de charbon actif peuvent être ajoutées pour les épurer. La suspension, fortement dégazée, est ramenée par le conduit central vers la base du réacteur, où elle est à ce moment-là saturée en gaz frais grâce à une pression statique déterminée (600 à 800 mbars) puis remise en circulation à l'aide de la pompe de recirculation. Le volume correspondant à la quantité d’eau usée et de boues recyclées est continuellement prélevé à la tête du réacteur et amené dans les bassins de décantation rectangulaires ou lamellaires, où la séparation liquide-solide sera effectuée (figure 2). Les boues décantées pourront être éventuellement recirculées à l’intérieur de l’IBR ou envoyées en traitement. L’eau épurée est soit rejetée dans le milieu naturel, soit acheminée vers un traitement biologique à faible charge placé en deuxième étage de traitement (figure 2). Les mousses dues à des polluants présents dans les eaux usées ou à des réactions biochimiques, qui peuvent éventuellement se former sont constamment « cassées » en partie haute du réacteur par une rampe d’eau. La stabilisation des boues Lors de son utilisation en stabilisation des boues, le réacteur comporte une double enveloppe. L’enveloppe intérieure sert de stockage, et l’extérieure comporte la vapeur d’eau qui permet le maintien en température (35 °C) des boues traitées durant deux heures. Grâce au faible volume du réacteur, et à une forte utilisation d’oxygène, la température de réaction se maintient au-dessus de la température des eaux brutes. Les pertes de température sont ainsi fortement réduites par cette constitution en double enveloppe, ce qui conduit, aussi bien en hiver que lors d’afflux importants, à l’augmentation de la vitesse de réaction par rapport à des chaînes de traitement classiques (épaississement). Si la concentration en biomasse est maintenue à un niveau suffisant, la réaction biochimique exothermique produira l’énergie suffisante pour travailler dans les zones de température thermophile, ce qui dédouble la vitesse de réaction en comparaison de la zone mésophile.
[Photo : Le réacteur IBR]

Tableau I

Caractéristiques des divers modèles de réacteurs IBR.

TypeABCDEFGH
φ Int (m)0,630,790,951,271,591,912,382,86
φ Ext (m)0,790,951,271,591,912,382,66
H Tot (m)1010101010101010
H Utile (m)88888888
Vol (m³)79102148230360514
Poids (t)0,751,251,52,12,73,35,06,7

Tableau II

Capacités et rendements du réacteur IBR.

EffluentDCO Entrée (mg/L)DBO₅ Entrée (mg/L)% Élimination
Urbain400 – 700160 – 28060 – 80
Industriel3200 – 48002400 – 350075 – 85
Agricole15000 – 1800085 – 95

Tableau IIIa

Élimination de la DCO : lisiers et choucrouterie.

EffluentDCO (mg/L) EntréeDCO (mg/L) IBRDCO Biologique (mg/L)IBR + Bio % Éliminé
Lisiers700001050085
Choucroute3500070098

Tableau IIIb

Élimination de la DBO₅ : lisiers et choucrouterie.

EffluentDBO (mg/L) EntréeDBO (mg/L) IBRIBR % ÉliminéDBO (mg/L) BiologiqueIBR + Bio % Éliminé
Lisiers2860042908528699

Tableau IV

Consommations électriques de l’IBR et d’un traitement biologique classique.

EffluentIBR kWh/kg DCO abattuBiologique kWh/kg DCO abattu
Urbain0,15 – 0,30,5 – 1
Industriel0,15 – 0,250,6 – 1,2
Agricole0,1 – 0,20,6 – 1,2

Représentant un faible débit (lisiers : 48 m³/j, choucrouterie : 20 m³/j), ces effluents ne peuvent pas être acceptés dans les stations d’épuration urbaines, leur forte concentration en pollution organique dépassant largement les charges admissibles.

C’est dans ces zones de températures thermophiles que se réalise la stabilisation des boues de stations d’épuration. Les boues obtenues par traitement avec le réacteur IBR présentent une concentration en matières sèches de 150 g/l, ce qui donne une siccité comparable, voire supérieure, à celles obtenues par épaississement et stabilisation classiques.

Traitement d’effluents urbains

Les réacteurs IBR peuvent être utilisés en prétraitement ou en traitement total d’effluents d’origines urbaines, industrielles ou agricoles, soit dans un but de rejet de l’effluent traité dans le milieu naturel, soit dans un but de prétraitement (tableau II). On constate sur ce tableau que le réacteur IBR permet un abattement de 60 à 95 % de la DCO ou de la DBO₅ selon les effluents.

Dans le cas du traitement des eaux résiduaires urbaines, le réacteur IBR permet d’obtenir un abattement de 60 à 80 % de la pollution en DCO, ce qui respecte dans la majorité des cas les prescriptions de la Directive européenne sur les eaux usées du 21 mai 1991, qui préconise un rejet inférieur ou égal à 125 mg/l en DCO. Si le réacteur IBR, à lui seul, ne suffit pas pour descendre à ce niveau, on peut lui adjoindre un bassin d’aération.

La présence du réacteur en premier étage permet de réaliser un bon abattement de la pollution carbonée et, de ce fait, de diminuer le volume du traitement biologique total, ce qui entraîne des économies d’investissement sur la station.

L’installation d’un traitement biologique à faible charge couplé à une zone d’anoxie permet ainsi d’éliminer la quasi-totalité de la pollution carbonée et azotée.

Cette solution permet de donner à ces eaux usées fortement chargées les caractéristiques d’un effluent à dominante domestique, leur teneur en DCO étant voisine de 500 à 700 mg/l, ce qui permet de les traiter ensuite dans une station d’épuration d’effluents urbains.

Traitement des effluents de choucrouterie et des lisiers

En matière de traitement de ces effluents industriels ou agricoles fortement ou très fortement chargés en pollution carbonée, les rendements épuratoires obtenus sont très performants.

Des essais ont été réalisés sur des effluents de choucrouterie et sur des lisiers de porcs, caractérisés par des DCO souvent voisines de 50000 mg/l (tableaux IIIa et IIIb) et une forte biodégradabilité (rapport DCO/DBO₅ compris entre 2 et 3).

On constate que l’installation du réacteur IBR en prétraitement biologique permet un abattement important de la pollution carbonée (85 à 98 % selon les effluents). Malgré des charges organiques très élevées, ce réacteur permet d’obtenir un effluent traité dont les caractéristiques sont proches de celles d’un effluent urbain, ce qui autorise les rejets industriels dans un réseau urbain ou dans le milieu naturel suivant leur charge. On peut également coupler le réacteur avec un traitement biologique aérobie en deuxième étage, ce qui permet le respect des normes de rejet.

Traitement d’effluents de conserverie

Le réacteur IBR a été installé à Müllhausen (Allemagne) en vue de traiter des effluents de conserverie. Ces effluents représentent une pollution voisine de 100000 EH et des volumes très fluctuants (de 20 à 300 m³/j). La campagne de mesures a été réalisée du 18 juillet au 10 novembre 1992, période de pointe annuelle de la

[Photo : Station d'épuration de Mülhausen.]
[Photo : Abattement de la DCO par le réacteur IBR : effluents de choucrouterie (Mülhausen).]

production dans l’usine de conserverie.

On constate sur la figure 3 que l’on obtient un abattement de la DCO de 50 à 100 % à l'aide du réacteur IBR, les valeurs de la DCO en sortie de réacteur étant en général comprises entre 0 et 2000 mg/l. Ces différences dans les rendements épuratoires sont évidemment dues aux fluctuations importantes du débit d’alimentation du réacteur.

L’adjonction d’un traitement biologique à faible charge (figure 2) en deuxième étage du traitement permet d’obtenir une élimination quasi totale de la pollution carbonée. En effet, après cette étape en bassin d’aération, la DCO de l’effluent traité est en général inférieure à 200 mg/l, les rendements épuratoires étant compris entre 90 et 100 %.

Ce traitement biologique, constitué d'une zone d’anoxie et d'une zone aérobie, permet également une élimination de la pollution azotée.

Les autres avantages des réacteurs IBR

Les réacteurs IBR présentent également l’avantage d’un coût d’investissement modéré, qui se situe en général autour de 1 MF (3 MF avec l’équipement).

L’encombrement réduit, le peu de travaux de génie civil nécessaires et le faible poids des équipements en font un matériel facile à transporter et à installer, de maintenance et de mise en service aisées.

Leurs besoins en énergie sont beaucoup plus faibles que dans le cas d’un traitement biologique classique (tableau V) : en général, un bassin d’aération emploie cinq fois plus d’énergie qu’un réacteur IBR.

Il faut signaler en outre que les réacteurs sont adaptables et modulables selon les nécessités ou la nature des produits à traiter.

Conclusion

Le réacteur IBR permet l’abattement de la pollution carbonée dans le cas d’effluents industriels ou agricoles fortement chargés (industries agro-alimentaires, distillerie, abattoirs, ...), autorisant ainsi le rejet dans le milieu naturel ou en station de traitement des eaux résiduaires urbaines. De plus son faible encombrement et l’investissement modéré qu’il nécessite en font un moyen performant pour réaliser l'épuration de ces eaux usées.

Son couplage avec un traitement biologique classique par boues activées entraîne l’élimination quasi totale de la DCO et de la pollution azotée.

Au niveau du traitement biologique, en deuxième étage, l’adjonction de floculant permet l’élimination du phosphore par précipitation simultanée. Le principe de la dispersion gaz-liquide pour traiter des effluents peut également être appliqué aux rejets de métaux lourds provenant des industries de traitement de surface, des industries automobiles, ..., par l'utilisation de bactéries spécifiques de ces métaux (cuivre, chrome, cadmium, ...).

Références bibliographiques : dépôts de brevets

(1) DE 35 36 057. Verfahren und Vorrichtung zur Aufrechterhaltung einer Flüssigkeits-Gas-Dispersion. Date d’effet : 11 mai 1989.

(2) UK 82 322. Maintaining a fluid-gas dispersion in a vertical reactor. Date d’effet : 16 mai 1990.

(3) DE 36 26 231. Vorrichtung zur Aufrechterhaltung einer Flüssigkeits-Gas-Dispersion. Date d’effet : 01 juin 1989.

(4) US 4 832 846. Method of an apparatus for establishing and maintaining dispersions of liquid and gaseous fractions. Date de dépôt : 23 mai 1989.

(5) CA 1 303 260. Method of an apparatus for establishing and maintaining dispersions of liquid and gaseous fractions. Date de dépôt : 09 juin 1992.

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