L?utilisation conjointe de la cartographie et des outils informatiques permettent de mettre en place un outil complet et efficace de gestion des réseaux d'eau potable et d'assainissement. L?enjeu des SIG n?est pas mince. Il ne s'agit rien moins que de construire les smart water networks de demain.
La carte est au menu. Ce n’est pas la proposition d’un restaurateur, mais la mise en place, pour la majorité des opérateurs et collectivités gérant des réseaux d’eau potable ou d’assainissement, d'une base cartographique afin de gérer au plus près leurs installations. Ces systèmes d'information géographique ou
SIG sont, selon la définition donnée par la société de photogrammétrie et de télédétection en 1989, « des systèmes informatiques permettant, à partir de diverses sources, de rassembler et d’organiser, de gérer, d’analyser et de combiner, d’élaborer et de présenter des informations localisées géographiquement, contribuant notamment à la gestion de l'espace ». Ils sont utilisés couramment dans de nombreux domaines : réseaux routiers, aménagement du territoire, télécommunications, électricité. Dans le secteur de l'eau aussi, de nombreux logiciels de SIG sont disponibles. « Ce sont bien plus que des Google Earth des canalisations », assure Christophe Galvez, manager chez Somei, une filiale du groupe des Eaux de Marseille.
Les éditeurs de ce type de logiciels spécialisés dans le secteur de l’eau viennent soit de ce domaine comme Somei, Geomap-Imagis, G2C Informatique, DHI ou GiSmartware, soit du secteur des SIG généralistes comme Ispatial, Bentley Systems, WinCan, XP Solutions, JVS, GFI Informatique ou Sig Image. Après avoir traité des cartographies d’aménagement du territoire, puis des infrastructures routières, ils ont ouvert une activité correspondant aux marchés de l'eau.
L’offre est abondante. Bentley avec SewerGEMS®, G2C informatique avec la nouvelle gamme Cartajour KIS®, Geosigweb avec Assainissement@ la carte®, Géotech avec ViSit Anywhere®, GiSmartware avec Netgeo® et SmartGeo®, Somei avec GeoAEP® et GeoAssainissement®, Sirap avec Editop®, Ispatial avec Elyx Aqua®, Ingéo Géomatique avec Résothys®, XP Solutions avec Microdrainage® et XPdrainage® ou encore Esri avec sa solution ArcGIS for Water Utilities, Hexagon SI avec la solution GeoMedia Smart Client et Geomap-Imagis avec sa gamme complète autour du logiciel Imares.
Simuler les projets et leurs conséquences
Les logiciels de SIG sont des outils d'aide à la décision. Quand un opérateur veut modifier une portion de réseau pour emplacement ou travaux temporaires, ou bien pour optimiser son réseau d'eau potable ou d'assainissement, les logiciels réagissent en analysant les conséquences. La plupart intègrent le sens des courants. Wat.gis possède par exemple un outil de validation de la topologie qui permet de garantir la cohérence topologique du réseau après saisie cartographique en listant les anomalies (équipement non connecté, arc sans connexion amont ou aval, connexion invalide, etc.). Un module complémentaire aide à la constitution des programmes de renouvellement des réseaux. Ses fonctions de calculs statistiques permettent d'estimer en fonction des éléments intégrés dans le SIG et de lois statistiques (lois de Poisson et estimation du temps de survie) la probabilité de défaillance de tronçons du réseau. Cette donnée est combinée à la criticité des tronçons (desserte d'hôpital, personnes sensibles, charge de circulation, nombre d'usagers desservis). Afin d’évaluer les conséquences de modifications, ce logiciel de SIG peut être couplé à Piccolo.
Certaines collectivités développent leur propre outil, seules ou en collaboration avec leur délégataire comme par exemple Bordeaux Métropole avec Suez.
Le SIG : un outil partageable et partagé
La base d'un SIG est donc la cartographie. Elle demande une numérisation de la topographie des lieux. Cela se fait à partir de plans numériques existants, ainsi que par l’acquisition sur le terrain de mesures complémentaires de type GNSS ou stations totales, auxquels sont adjoints des relevés de cadastres, les anciens plans papiers qu'il a fallu numériser, des photos, des vidéos, etc.
Un programme de simulation de problème d'écoulement en charge dans les réseaux maillés, à partir du réseau décrit dans le SIG, puis modélisé et simplifié, calcule les vitesses, les pressions, les débits, l'évolution des niveaux de réservoirs.
Chez DH, le logiciel de modélisation des réseaux d'assainissement et d'eau potable MIKE URBAN, interfacé sous ArcGIS, assure des fonctions de calcul numérique des écoulements (résolution des équations de mécanique des fluides dans les réseaux). Il permet de quantifier, lors d’événements pluvieux, les débits et pressions correspondants dans les réseaux et les hauteurs d'eau et éventuels débordements. Il est utilisé pour connaître le fonctionnement précis du réseau, identifier ses faiblesses et planifier les aménagements et entretiens, et aussi pour calculer les besoins complémentaires liés à l'évolution de l'urbanisation. MIKE FLOOD, couplé à MIKE URBAN, permet de cartographier les débordements des réseaux et de quantifier en tout point de la ville la hauteur d'inondation et la vitesse, donc l'aléa (et par conséquent le risque) auquel sont soumis les habitants. Mike Operations permet de faire tous ces calculs en temps réel et de manière automatique. Cet outil s'interface avec les bases de données et supervisions d'un côté, et avec le logiciel de simulation (MIKE URBAN/MIKE FLOOD) de l'autre, pour connaître le fonctionnement du réseau en temps réel mais aussi faire de la prévision de débits, d'inondations afin d’anticiper les interventions à réaliser et la protection de la population (information, modification de la circulation, gestion de crise, etc.).
Les spécificités d'un SIG eau dépendent des besoins exprimés par les clients. Les éditeurs de logiciels SIG répondent différemment aux demandes des cahiers des charges des opérateurs, en enlevant ou ajoutant des fonctionnalités. La cible est large : opérateurs nationaux, collectivités territoriales, syndicats intercommunaux, grandes entreprises, exploitants et bureaux d’études. Mais chacune de ces structures se doit de posséder un SIG adapté à ses besoins et à ses capacités.
La solution de gestion de réseau développée par Geomap-Imagis permet d’exploiter un modèle de données unique entre les postes techniques/clients lourds, les postes intranet/clients légers et les postes mobiles ce qui évite toute réplication de données lors des mises à jour qui s’effectuent en temps réel.
2012, lors de la première journée SIG Eau organisées par Esri France, Jacques Boudon, de Suez Environnement, mettait en garde par rapport trois syndromes à éviter. Celui de la “confiture” consiste à vouloir plus de données que celles qu’on est capable de gérer (en termes de budget, de ressources humaines ou de processus), de mettre à jour et d'utiliser, comme vouloir une échelle trop détaillée. Deuxième syndrome, celui de la “cocotte en papier”, où l'opérateur demande beaucoup de fonctionnalités évoluées, mais possède très peu de données à intégrer. Enfin le syndrome de la “tour d'ivoire” guette l'opérateur dont le SIG n'est réservé qu’à des privilégiés ou des initiés. Car un SIG est d’abord un système partageable et partagé.
Les éditeurs s’adaptent donc à la demande. « Dans un premier temps, nous analysons les données du client et de son système d’information. Nous examinons aussi son organisation au sein de ses équipes et ses process de travail. Cela nous permet de paramétrer la solution pour répondre aux besoins de fonctionnalités, de process, et de proposer la formation adéquate. Le ressenti de l'utilisateur est très important », explique Pierreloup Ducroix, ingénieur d'affaires chez GiSmartware. Il faut donc savoir quelles fonctions le logiciel doit savoir gérer. La première étape consiste à évaluer et gérer le patrimoine. Il s’agit dans ce cas, de recenser et représenter les ouvrages, les canalisations, les vannes et capteurs ou tout autre élément de l'ensemble. Chaque élément est suivi pas à pas. Il est répertorié, en général par une fiche numérotée qui contient ses caractéristiques (forme, matériau, dimensions, historique d’interventions). Cette fiche suit l'élément tout au long de son cycle de vie. « Même déposés, les constituants du réseau restent référencés, ce qui permet de reconstituer le réseau à toute date », assure Christophe Galvez.
Optimiser l’exploitation
La deuxième étape, c’est la gestion de la maintenance. Si les logiciels de SIG ne savent pas prédire le remplacement, certains comme Cartajour KIS de G2C informatique, associé au système expert Siroco® sont capables d’établir des programmes de renouvellement des réseaux. Le gestionnaire construit sa stratégie à partir de paramètres qu'il choisit (âge, matériaux, trafic routier, niveau de performance visé, budget alloué, statistiques de défaillances, ...) et le logiciel détermine les tronçons à remplacer en priorité avec la meilleure efficience. Cela nécessite l’acquisition de données au quotidien, d’où l'importance de proposer des outils mobiles connectés. Les SIG gèrent aussi les interventions, aidant à la planification des tournées tout en intégrant les carnets de maintenance. L'exploitation n'est pas laissée de côté avec la gestion des arrêts d'eau avant travaux permettant de sécuriser les interventions sur le terrain en fournissant les informations de coupure nécessaires au bon déroulement d'un chantier. Pour s’adapter à chaque cas, les éditeurs de logiciels de SIG ont choisi de ne pas offrir un système complet et figé, mais modulable. Ainsi, NETGEO water de GiSmartware propose des modules à la carte (maintenance, assainissement, mobilité, comptes rendus d’interventions). Avec Wat.gis, Somei a choisi de focaliser les fonctions métiers SIG, tout en interfaçant leur logiciel à d'autres de leurs logiciels interopérables entre eux, comme Wat.ems pour la maintenance des équipements, Wat.pro pour les projets, Wat.view comme portail d’accès aux données et Wat.erp pour la planification des ressources de l’entreprise. Imares, le logiciel SIG de Geomap-Imagis, propose deux versions selon que l’objectif est de gérer un réseau d’eau potable ou un réseau d’assainissement. À ces versions fixes sont adjointes des fonctions optionnelles comme la réponse automatique aux DT-DICT (Déclaration de projet de travaux (DT) et déclaration d’intention de commencement de travaux (DICT) ou l’extension du logiciel aux fonctions nomades, une des nouveautés.
…tés remarquées ces dernières années. De même, chez DHI, MIKE URBAN a été développé pour modéliser tous les réseaux d'eau dans la ville : systèmes de distribution, systèmes de collecte des eaux pluviales et des eaux usées pour des réseaux unitaires ou séparatifs. Couplé à MIKE URBAN, MIKE FLOOD permet de modéliser n'importe quel problème d’inondation, qu'il s'agisse de rivières, de réseaux d’eaux pluviales, de rupture de barrage, de zones côtières ou de toute combinaison des précédentes problématiques, en zones naturelles et urbanisées.
Les outils nomades se développent
« Les contraintes liées à la réglementation anti-endommagement font évoluer les méthodes de travail et les contrôles effectués par les exploitants, souligne Julien Brouard chez Geotech-Vigis. Le besoin d'un outil SIG permettant également d’effectuer des relevés sur le terrain (de précisions ou non) pour maintenir à jour son patrimoine devient indispensable. » L'outil ViSit Anywhere, destiné aux syndicats intercommunaux, aux collectivités locales et aux sociétés de distribution recherchant une solution métier pour la gestion de leur patrimoine eau, permet de gérer l'ensemble des activités et des événements impactant le réseau.
« Les fonctions nomades servent aussi bien à avertir voire réparer sur place les erreurs de certaines données comme le diamètre d’une canalisation, qu'à se préparer d'une intervention en cas d’astreinte à domicile », explique Pierre Laporte, Chargé d’Affaires chez Geomap-Imagis. Si la possibilité d’une visualisation spécifique sur tablette ou smartphone prend de l'ampleur, la consultation sur poste fixe reste fondamentale, pour des raisons de visualisation mais aussi parce que c'est souvent depuis l'entreprise que sont prises les décisions. Et les logiciels de SIG aident grandement : en matière de maintenance, ils indiquent quel secteur ou quel client sensible (hôpital, handicapés) est impacté ou comment minimiser cet impact. En cas de remplacement d'une vanne ou d'une canalisation, ils vérifient la cohérence du nouvel ensemble et indiquent les éventuelles surpressions ou les impossibilités de raccordement. Ce sont eux qui permettent de visualiser les travaux à effectuer, de les…
prévoir si les équipements ont dépassé leur durée de vie, de gérer les carnets de maintenance et donc les emplois du temps des agents. Ceux-ci ont donc accès au logiciel, mais pas à son intégralité.
Ne pas négliger
la sécurité
Car même si un SIG est fait pour être partagé, les logiciels sont munis de droits d’accès pour des raisons de sécurité et afin de ne pas surcharger les postes de travail. Seuls les administrateurs ont accès à toutes les parties. « Nous n’avons donné l’accès aux modifications qu’à certains fontainiers, explique Mathias Plavien, de la régie des eaux de Grenoble, qui est équipée en SIG depuis 2007. Mais tous peuvent visualiser les plans et les données rattachées aux équipements ». Les photos font évidemment partie de ces données rattachées, car souvent le simple plan ne suffit pas. Un regard est, par exemple, d’autant plus localisable qu'il est montré en image. De même les ITV, ces images animées d'inspection visuelle dont l'encodage a été normalisé en 2003 (NF EN 13508-2), sont directement reliées à l'objet qu’elles traitent.
L’enjeu des SIG n'est pas mince. Il s'agit de construire les smart water networks de demain. Il y a encore du travail pour construire un ensemble interopérable complet. Un SIG complet devrait pouvoir gérer les données des capteurs de débit, mais dans les réseaux d’eau potable, c’est à la supervision et aux automates que revient ce travail avec, pour chaque fabricant, des systèmes de gestion différents. Il s’agit d’un axe de développement de GiSmartware qui offre, d’ores et déjà, cette fonctionnalité avec son outil SmartGeo, véritable SIG web dédié aux patrimoines connectés.
Même si les opérateurs disent qu’ils n'ont pas besoin de tout connecter dans leur SIG, il va falloir rapprocher les langages. Des normes en plus ?