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Séchage thermique : quelle place dans les filières boues ?

30 mars 1995 Paru dans le N°180 à la page 38 ( mots)
Rédigé par : Marcel LESOILLE

Le séchage des boues de station d'épuration des eaux est un procédé qui se développe car il offre un créneau d'application multifilières : en valorisation agricole (élimination d'une quantité indésirable d'eau) ; en incinération spécifique (garantie d'un procédé autothermique) ; en co-incinération avec les déchets ménagers (obtention d'un PCI équivalent à celui des ordures). Une revue des techniques est dressée et les orientations spécifiques à Degrémont sont rappelées. A titre d'exemple, trois applications spécifiques sont détaillées, dont une est un développement récent insérant une centrifugeuse sécheuse dans le circuit de traitement de fumées d'une unité d'incinération.

Le devenir des boues de station d’épuration des eaux urbaines est assuré par plusieurs filières bien connues qui sont : la mise en décharge, la valorisation agricole, l’incinération.

La mise en décharge ne représente pas un potentiel d’avenir compte tenu des restrictions qui y sont apportées par la réglementation, et plus encore que dans le passé, la valorisation agricole et l'incinération devront être utilisées de façon complémentaire pour faire face à l'augmentation des tonnages à traiter.

En fait, le choix de ces deux filières va se focaliser sur l’utilisation d’un procédé commun qui, au cas par cas, permettra d’adopter l’une ou l’autre de ces filières de traitement ; ce procédé commun est le séchage des boues qui permet d’obtenir une siccité finale variable en fonction de la destination de la boue séchée.

Le séchage des boues permet en effet :

  • de se débarrasser d’une importante quantité d’eau, responsable de coûts de transports plus élevés dans le domaine de la valorisation agricole ou de déficits thermiques dans la voie de l'incinération ;
  • de réaliser une hygiénisation de la boue (variable en fonction du procédé retenu) en la stabilisant par le maintien à une température proche de 100 °C, pendant son temps de séjour dans l'appareil de séchage ;
  • de rendre la boue, en cas d’incinération, co-incinérable avec des ordures ménagères.

La mise en place, en application de la loi de juillet 1992 d’une politique déchets au travers des plans départementaux, dynamise l’évolution du problème du devenir des boues, considérées à tort dans le passé comme des sous-produits spécifiques séparés de la chaîne du traitement des eaux.

La valorisation agricole, au travers de plans d’épandages sérieusement étudiés et dont le suivi est garanti, présente toujours l’attrait d’un moindre coût, combiné à une utilisation rationnelle de la boue. Lorsque ce mode de valorisation n’est pas retenu (notamment en cas d’imposition de normes contraignantes), le choix se porte vers l’incinération.

Comme on l’a vu ci-dessus, le séchage joue un rôle de facteur commun entre ces deux voies (de même que dans le cas d’une mise en décharge). Le séchage devient, dès lors, une charnière importante dans le traitement des boues ; or la composition des boues des stations est très variable dans le temps et les propriétés observées dans une station ne sont pas nécessairement extrapolables à d’autres. C’est pourquoi la technologie à proposer doit être souple, robuste et apte à s’adapter à des fluctuations importantes de la nature des boues (texture, siccité, teneur en filasse).

Le système de séchage doit donc présenter quelques caractéristiques essentielles :

  • il doit éviter la formation systématique de fines, afin de ne pas rendre trop complexe le traitement des buées en milieu saturé et de ne pas nécessiter une installation de post-agglomération ;
  • son exploitation doit être sûre, ne présentant pas de risques de phénomènes d’auto-inflammation ou d’explosion : les matières sèches des boues contiennent en effet des matières organiques qui se pyrolisent à basse température et peuvent donner naissance à des gaz qui, dans certains rapports de volume bien définis avec l’oxygène de l’air, présentent des caractères explosifs ;
  • il doit comporter un dispositif de lavage des buées efficace, tant pour la captation des poussières que des matières incondensables ;
  • il doit être le mieux adapté aux exigences de son exploitation, compte tenu des moyens matériels et humains disponibles. À cet effet, le contexte urbain n’est pas identique au milieu industriel, et ces facteurs doivent être pris en compte dans certains choix techniques.
[Photo : Schéma de l'installation de Saint-Brieuc (Séchage thermique de boues digérées en sécheur à pales).]
[Photo : Schéma du système de séchage Centridry (KHD) dans le traitement de fumées d'un four d'incinération.]

Cet ensemble d'éléments n'est pas toujours correctement apprécié et explique certains échecs, bien connus dans le monde du séchage. Il faut également souligner que l'expérience industrielle du séchage, notamment dans la chimie fine, n'est pas extrapolable telle qu'elle au cas des boues, l'éventail des caractéristiques d'une boue urbaine étant beaucoup plus vaste que celui des boues chimiques.

Des études de performances de valorisation agricole des produits séchés sont actuellement en cours, de même que la mise au point de procédés associant de manière plus compacte, plus souple et donc moins onéreuse, la déshydratation des boues, le séchage, l'incinération et le traitement des fumées. Nous donnons trois exemples d'application de ces techniques telles qu'elles sont en cours d'exploitation ou d'expérimentation :

Exemple n° 1 : Séchage de boues d'une station d'épuration par séchage indirect.

Les boues digérées sont déshydratées par centrifugation et alimentées dans un sécheur à pales dont l'auge, les arbres des rotors et ces pales sont chauffés par de la vapeur en provenance d'une chaudière fonctionnant au biogaz.

La vapeur est à basse pression (5 à 7 bars) saturée sèche. Le sécheur a une capacité d'évaporation de 2 tonnes d'eau par heure, avec un coefficient d'échange voisin de 20 kg d'eau évaporée par m².

Il a un très long temps de rétention (plusieurs heures), ce qui permet de produire une boue séchée hygiénisée. De par sa conception de mélangeur, ce sécheur permet de sortir des produits granulés dont le spectre granulométrique permet d'obtenir un d₉₀ supérieur à 750 microns.

À la sortie du sécheur, les granulés, en fonction de leur destination, peuvent être tamisés afin d'introduire une coupure stricte ; les produits fins sont recyclés au travers d'un mélangeur en tête du sécheur.

Les buées sont condensées ; l'eau de condensation est retournée en tête de station ; les incondensables sont brûlées dans la chaudière.

Exemple n° 2 : Sécheur indirect de boues par radiation.

Contrairement à l'exemple précédent, la transmission de chaleur se fait exclusivement par radiation. Il s'agit d'un sécheur à bande. Par extrusion, on dépose sur une bande métallique ajourée des « spaghettis » d'environ 8 mm de diamètre et de quelques centimètres de long.

Le sécheur à bande est surmonté d'un caisson dans lequel des brûleurs génèrent des produits de combustion chauds qui chauffent une plaque de radiation transférant la chaleur de la chambre de combustion vers la chambre d'évaporation. Ce sécheur présente l'avantage de produire aisément une siccité « à la carte » et d'éviter la formation de fines.

Le traitement des buées se fait de manière équivalente au sécheur précédent avec une recirculation au travers d'un échangeur afin d'optimiser le bilan thermique de l'ensemble.

Exemple n° 3 : Séchage-centrifugation (16) intégré directement dans un circuit de traitement de fumées d'un four à lit fluidisé incinérant des boues.

Les boues liquides alimentent une centrifugeuse-sécheuse ; les boues préséchées à environ 65 % de siccité sont alimentées pneumatiquement au travers d'un silo de stockage (18) dans le four à lit fluidisé (10).

Afin de pouvoir être utilisée dans l'ensemble centrifugation-séchage, la chaleur sensible des fumées est conditionnée en abaissant sa température aux environs de 200 °C ; cela peut se faire par diverses voies qui dépendront du procédé général de l'installation et du mode de récupération d'énergie retenu.

[Photo : Fig. 3 : Schéma général du sécheur indirect de type Blue-Tec (sécheur à bande).]

Le schéma représente une dilution à l’air (22) suivie d’un filtre à manche (14) assurant la fonction de dépoussiérage.

Après séchage, l'ensemble des fumées subit un lavage humide (20) dans un laveur surmonté d'un électrofiltre humide avant rejet en cheminée.

D’autres schémas peuvent être développés notamment en scindant en deux étages l’échange thermique sur le flux des fumées provenant de l’incinération. Un échangeur sert au réchauffage de l’air de fluidisation, l’autre à la fourniture de l’air chaud nécessaire au séchage.

Ce sécheur, très compact et original dans sa conception, devrait permettre des développements futurs, particulièrement dans le domaine de la co-incinération boues/ordures lorsque la station d’épuration est à proximité de l’U.I.O.M.

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