La mise en place d'un traitement spécifique composé d'un réacteur biologique aérobie à très forte charge volumique permet de réduire de façon significative la quantité de matières organiques présentes dans les boues et, de ce fait, de diminuer le volume de boues produites. Explications.
La mise en place d'un traitement des effluents d’un site consiste à épurer les eaux usées afin de limiter les impacts du rejet vers le milieu naturel ou vers la station communale. Quel que soit le traitement mis en place (biologique ou physico-chimique), ce traitement des effluents consiste à enlever de l’eau ces éléments gênants constituant la pollution. Ces éléments sont constitués de carbone (DCO et DBO5), d'azote (NK) et de phosphore (PT). Dans le cadre d'un traitement par voie biologique, la pollution à éliminer est transformée par des bactéries en présence d’oxygène. Cette pollution, au départ dissoute ou colloïdale, est utilisée par des bactéries afin de générer de nouvelles bactéries : ce phénomène s'appelle l'assimilation. La production de nouvelles bactéries selon ce principe aboutit à une augmentation de la concentration en boues dans le système biologique. Cette augmentation de la quantité de boues dans le système s’appelle la production de boues. Cette production peut être calculée de différentes façons en utilisant des modèles mathématiques plus ou moins complexes nécessitant la connaissance de plusieurs paramètres analytiques de l'effluent.
Parmi ces modèles, les plus utilisés sont :
- Le modèle AGHTM mis au point par le CIRSÉE ; il définit la production de boues (P) selon la formule suivante :
P = Ssyn + Spin + (0,83 + 0,2 log Cm) × DBO5 avec Ssyn : masse journalière (kg) de MES minérales à l'entrée du biologique. Spin : masse journalière (kg) de MES organiques non biodégradables à l'entrée du biologique. log Cm : logarithme décimal de la charge massique. DBO5 : masse journalière (kg) de DBO5 à l'entrée du biologique.
- Le modèle Eckenfelder. Il exprime la production de boues (P) par la relation suivante :
P = Smin + Sour − a bSV − Sy avec Smin : masse journalière (kg) de MES minérales à l'entrée du biologique. Sour : masse journalière (kg) de MES organiques non biodégradables à l'entrée du biologique. a : coefficient de conversion de la DBO5 en...
boues biologiques. Le : masse journalière de DBO, éliminée par le traitement biologique. b : Coefficient de respiration endogène déterminant la fraction de matière vivante détruite par auto-oxydation. Sv : Masse de boues organiques présentes dans le bassin d’aération. Seff : Masse de boues ou MES évacuées avec l’eau traitée.
Une autre approche consiste à appliquer seulement un facteur de conversion à la quantité de DBO₅ éliminée. Cette approche, bien que plus simpliste, reflète assez bien la réalité et, de ce fait, on peut estimer la quantité journalière de boue selon la formule suivante :
Production de boues (en kg/j) = DBO₅ éliminée (en kg/j) × 0,6
Pour le cas de la Société Alimentaire de Guidel (SAG), avec 172,8 kg/j de DBO₅ éliminée, la production journalière de boues peut être estimée à 104 kg/j.
La gestion des boues produites
Compte tenu qu’une station de traitement de type biologique produit une quantité journalière de boues directement proportionnelle à la quantité de pollution éliminée, afin de maintenir constante la quantité de biomasse du système biologique, il convient de retirer la quantité en excès.
Cette extraction de boues peut se gérer de différentes manières. En règle générale, les boues en excès sont évacuées vers une filière spécifique appelée « filière boues ». Cette filière consiste généralement à concentrer les boues avant exportation vers différentes destinations. Suivant la qualité de la boue, cette exportation peut être une revalorisation de type agricole dans le cas d’une boue compatible avec les termes de l’arrêté relatif à l’épandage (arrêté du 8 janvier 1998). L’épandage de ces boues nécessite la disponibilité de surfaces agricoles susceptibles de les recevoir. Dans le cas où les boues ne sont pas compatibles pour un épandage et une revalorisation, les solutions restantes d’exportation sont :
- - la mise en décharge,
- - l’incinération.
Chacune de ces solutions nécessite la mise en œuvre de traitements de déshydratation spécifiques, compatibles avec la destination finale. De plus, l’exportation de ces boues génère un coût important d’évacuation.
Une autre solution peut être mise en place avec un traitement spécifique composé d’un réacteur biologique aérobie à très forte charge volumique. Ce procédé propose de réduire de façon significative la quantité de matières organiques présentes dans les boues et, de ce fait, de diminuer la quantité de matières en suspension.
Présentation de la station d’épuration de la SAG
La Société Alimentaire de Guidel (SAG) est implantée dans la zone industrielle des 5 chemins à Guidel (56). Ce site, qui fait partie du groupe Intermarché, est spécialisé dans la fabrication de plats élaborés surgelés à partir de viandes et de poissons (burger, nuggets, etc.).
Schéma de principe
La filière mise en place permet d’optimiser les ouvrages et les équipements existants afin de minimiser les investissements. Cette filière assure un traitement performant et une qualité du rejet conforme à la réglementation et aux contraintes de la station d’épuration de Guidel.
Le fonctionnement de la filière repose sur un traitement biologique de l’effluent préalablement prétraité (tamisé et dégraissé) dans une lagune aérée de 2 000 m³. Le schéma ci-contre présente les différentes étapes du traitement.
Prétraitements
Les prétraitements se composent :
- - d’un tamis rotatif d’une maille de 750 µm permettant de retenir les déchets les plus volumineux. Ces derniers sont évacués en filière agréée (équarrissage),
- - d’un dégraisseur permettant de dégraisser l’échantillon. Les graisses récupérées sont envoyées en hydrolyse avant leur digestion par le réacteur Carbofil©.
Lagune de traitement
Cette lagune de 2 000 m³ est aérée par un aérateur immergé de 22 kW et une turbine flottante de secours de 7,5 kW. Cette lagune, fonctionnant dans le domaine de la moyenne charge massique, la dénitrification n’est pas envisageable. De ce fait, l’aérateur fournit la totalité de l’oxygène nécessaire à l’élimination de la DBO₅ et à la transformation de l’azote (ammonification et nitrification). Il assure aussi, lors des phases de fonctionnement, le brassage de la lagune.
Clarificateur
La boue issue de la lagune d’aération transite par un ouvrage de décantation lamellaire afin de permettre le rejet d’une eau clarifiée vers le réseau communal. Les boues décantées sont recirculées vers la lagune d’aération afin d’y maintenir constante la quantité de biomasse. La boue en excès est envoyée vers un épaississeur afin de la concentrer avant son traitement sur le réacteur Carbofil©.
Épaississeur
Cet ouvrage reçoit la boue décantée en excès du clarificateur. L’étape d’épaississement permet de concentrer la boue.
Bassin d’hydrolyse
Ce bassin reçoit les graisses récupérées sur le dégraisseur de tête en station. Il permet, de par son temps de séjour, de simplifier les molécules composant les corps gras afin qu’elles soient plus facilement dégradables en milieu aérobie par des micro-organismes. Cet ouvrage est agité et clos afin d’éviter toute dispersion de mauvaises odeurs.
Réacteur biologique forte charge Carbofil®
Cet ouvrage est un réacteur biologique de type très forte charge volumique en milieu aérobie. Il se compose d'un réacteur de 65 m³ équipé d'une cheminée de 600 mm. Son principe de fonctionnement est le suivant :
- Les charges appliquées sur ce réacteur sont de 10 à 15 kg de DCO/m³ de réacteur et par jour.
- Les performances attendues sont :
- au moins 90 % d'élimination des matières grasses,
- au moins 80 % d'élimination de la DCO,
- réduction de 50 % de la matière organique des boues.
Cette réduction de la matière organique présente dans la boue permet de la stabiliser et de réduire de fait la quantité de matières en suspension. Cette réduction de 50 % de la matière organique des boues (MVS) permet un abattement au minimum de 40 % des matières sèches puisque le taux de MVS est supérieur à 80 %.
Flux à traiter
Avec la production future déterminée, les caractéristiques des effluents à traiter seront les suivantes :
Flux (m³ ou kg/j)
Paramètre | Valeur |
---|---|
Volume | 121,6 |
MES | 219,2 |
DCO | 418,4 |
DBO₅ | 232,8 |
NK | 19,2 |
Pt | 1,84 |
MeH | 35,2 |
Qualité du rejet
Pour le rejet dans le réseau communal, les valeurs limites à prendre en compte sont celles définies par la convention, dont les bases sont les suivantes avec un volume quotidien de 125 m³ :
Concentration (mg/l) / Flux (kg/j)
Paramètre | Concentration (mg/l) | Flux (kg/j) |
---|---|---|
MES | 600 | 75 |
DCO | 920 | 115 |
DBO₅ | 480 | 60 |
NGL | 96 | 12 |
MeH | 160 | 20 |
Pt | 12 | 15 |
Ces valeurs ont été proposées par la collectivité et le SIGESE de manière à ce que la station communale puisse faire face à ses obligations en période de pointe estivale.
[Figure : 1. Injection d'air à 0,2 bar via un tuyau souple sous 2 mètres de hauteur d'eau à l'intérieur d'une cheminée inox. Une hélice située en haut de la cheminée permet de générer un flux descendant. 2. La chute d'eau à l'intérieur de l'entonnoir permet une entrée d'air égale à 70 % de la demande en oxygène de la biodégradation. 3. La mise en place d'obstacles statiques à l'intérieur de la cheminée provoque des turbulences contrôlées et divise l'air injecté en fines bulles. Ce dispositif est insensible aux filasses. 4. Les éventuelles mousses sont éliminées par pompage de surface et dispersées dans la cheminée centrale.]Gestion des boues retenue
En prenant en compte les avantages et les inconvénients de chaque filière de traitement des boues, le dispositif de traitement des boues retenu a été la réduction de la quantité de boue produite par réduction de la matière organique contenue dans celles-ci. Ce procédé, une fois correctement dimensionné en prenant en compte la production journalière de boues et la quantité de graisses récupérées sur le dégraisseur, permet le rejet d'un effluent traité incluant les boues stabilisées conformes avec la convention de déversement et un traitement in situ des graisses récupérées. Toutefois, il faut signaler les aspects suivants :
- la priorité est donnée à la réduction des boues,
- les graisses sont injectées pour optimiser la réaction, si la quantité est trop importante, elles sont évacuées en filière agréée,
- un stockage avec pompage sur site des boues est prévu. Dans ce cas, la gestion des boues est sous-traitée à un prestataire spécialisé dans la valorisation agronomique.
Cette solution permettant simultanément de traiter les boues et les graisses permet de réduire les coûts de fonctionnement. En effet, si une filière classique avait dû être mise en place, elle aurait été composée :
- d'une évacuation des graisses en filière agréée,
- d'une exportation des boues produites vers une usine d'incinération.
Le choix de l'incinération s'imposait de par le manque de surfaces disponibles au voisinage du site.
En ce qui concerne l'évacuation des graisses, le coût du traitement en centre agréé est de l'ordre de 120 €/tonne et nécessite la mise en place d'un stockage intermédiaire en benne pouvant induire des nuisances olfactives. Avec une production annuelle de 166 tonnes de graisses à partir du dégraisseur, le budget de fonctionnement nécessaire à leur élimination se serait élevé à 20 000 €.
L'incinération des boues produites aurait quant à elle généré un investissement supplémentaire afin d'équiper le site d'un système de déshydratation permettant l'obtention d'une siccité compatible avec un four. L'obtention de cette siccité (au moins 20 %) nécessite la mise en œuvre d'une centrifugeuse et l'utilisation d'un polymère. Ce dispositif aurait déjà généré un budget pour la fourniture en énergie et du polymère. Ce budget s'ajouterait à celui de l'incinération proprement dite. Avec un coût de l'ordre de 70 € la tonne incinérée, avec une production annuelle de 27 tonnes de matière sèche, soit 135 m³ à une siccité de 20 %, le budget d'incinération (hors transport) se serait élevé à 9 500 € sans compter la main-d'œuvre nécessaire au bon fonctionnement du process.
Le traitement combiné des boues et des graisses sur le réacteur Carbofil® permet d'économiser environ 30 000 €/an.
Bilan d’exploitation
Filière eau
De par sa capacité de traitement, la station d'épuration de la SAG est soumise à un autocontrôle hebdomadaire. Ce bilan 24 H est réalisé par la SAUR sur des échantillons
Effluent brut (après tamisage et dégraissage)
Date | V (m³/j) | DCO (mg/l) | DCO (kg/j) | MeS (mg/l) | MeS (kg/j) |
---|---|---|---|---|---|
26/01/2006 | 136 | 1 425 | 194 | 610 | 83 |
14/02/2006 | 175 | 931 | 68 | 220 | 39 |
30/03/2006 | 140 | 2 985 | 418 | 1 300 | 182 |
Moyenne | 150 | 1 500 | 227 | 674 | 101 |
Confectionnés proportionnellement au débit à l'aide d'un préleveur automatique réfrigéré. Cet autocontrôle hebdomadaire sur l'eau traitée est accompagné mensuellement d'un bilan 24 h sur l'eau brute (échantillonnée après le tamisage et le dégraissage). Les paramètres analysés sur l'eau brute ne concernent que la DCO et les MeS.
Depuis 2006, les résultats obtenus figurent dans les tableaux sur l’effluent brut et traité. D'après les caractéristiques moyennes de l’effluent brut (tamisé et dégraissé) et les résultats obtenus sur l'eau traitée (rejet au réseau communal), les rendements moyens d'élimination sont respectivement de 62,1 % sur la DCO et de 56,6 % sur les MeS. Hormis le prélèvement du 26/01/2006, les caractéristiques de l'eau traitée sont toujours conformes avec les termes de la convention de rejet. Le dépassement du 26/01/2006 est dû à un dysfonctionnement du clarificateur lié à un développement filamenteux.
Effluent traité (rejet au réseau communal)
Date | m³ | DCO (mg/l) | DCO (kg/j) | DBO₅ (mg/l) | DBO₅ (kg/j) | MeS (mg/l) | MeS (kg/j) | NK (mg/l) | NK (kg/j) | PT (mg/l) | PT (kg/j) | MeH (mg/l) | MeH (kg/j) |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
03/01/06 | 33 | 515 | 17 | 274 | 9 | 513 | 17 | — | — | — | — | — | — |
10/01/06 | 49 | 159 | 21 | 274 | 13 | 133 | 6 | — | — | — | — | — | — |
17/01/06 | 141 | 356 | 50 | 272 | 38 | — | — | — | — | — | — | — | — |
24/01/06 | 123 | 310 | 27 | 274 | 33 | 95 | 5 | — | — | — | — | — | — |
08/02/06 | 114 | 851 | 97 | 210 | 24 | 840 | 96 | 23,1 | 2,6 | 3,8 | 0,43 | 80 | 9 |
14/02/06 | 123 | 282 | 35 | 274 | 30 | 160 | 20 | — | — | — | — | — | — |
07/03/06 | 96 | 211 | 20 | 122 | 12 | 128 | 12 | — | — | — | — | — | — |
30/03/06 | 133 | 564 | 74,5 | 210 | 24 | 313 | 30 | 23,1 | 2,6 | 3,8 | 0,43 | 80 | 9 |
Moyenne | — | 568 | 54,5 | 210 | 24 | 313 | 30 | 23,1 | 2,6 | 3,8 | 0,43 | 80 | 9 |
Dans le tableau ci-dessous, les rendements d'élimination sont calculés sur les flux en prenant en compte l'évaporation estimée à 8 % pour un réacteur à 35 °C. De ce fait, avec un volume journalier moyen entrant sur le réacteur Carbofil® de 4 m³/j, le volume sortant moyen n'est que de 3,7 m³/j.
Filière boue
Le fonctionnement du réacteur Carbofil® a fait l'objet d'une campagne d'analyse réalisée par la SAUR. Cette campagne s'est déroulée du 17 au 28 octobre 2005 afin de calculer les rendements réels du réacteur. Pour ce faire, la boue épaissie a été échantillonnée afin de caractériser la boue en entrée de réacteur. En parallèle, un échantillonnage similaire a été réalisé en sortie du réacteur. Les résultats obtenus sont indiqués dans le tableau ci-dessous.
Semaine | Dates | Épaississeur pH | DCO (g/l) | DCO (kg/j) | MS (g/l) | MS (kg/j) | pH | Carbofil DCO (g/l) | DCO (kg/j) | MS (g/l) | MS (kg/j) | Rendements DCO % | MS % |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
42 | 17 octobre | 6,3 | 45 | 180 | 28 | 112 | 7,2 | 7,48 | 27,5 | 8,8 | 34,4 | ||
18 octobre | 6,4 | 61 | 244 | 21 | 84 | — | — | — | — | ||||
19 octobre | 6,2 | 49 | 199 | 27 | 76 | — | — | — | — | ||||
20 octobre | 6,2 | 55,5 | 222 | 21 | 84 | — | — | — | — | ||||
21 octobre | 5,9 | 60 | 240 | 13 | 52 | 7,6 | 16,41 | 27,53 | 10 | 36,8 | |||
Moyenne | 6,2 | 54,3 | 217 | 20,2 | 80,7 | 7,4 | 11,9 | 4,39 | 9,4 | 35,6 | 79,7 | 55,9 | |
43 | 24 octobre | 6,3 | 42 | 165 | 28 | 104 | — | — | — | — | |||
25 octobre | 6,3 | 56 | 224 | 21 | 84 | — | — | — | — | ||||
26 octobre | 6,4 | 42 | 168 | 19 | 76 | — | — | — | — | ||||
27 octobre | 6,3 | 48 | 192 | 23 | 92 | — | — | — | — | ||||
28 octobre | 6,2 | 46 | 184 | 16 | 64 | 7,8 | 9,06 | 33,34 | 8,2 | 30,2 | |||
Moyenne | 6,3 | 46,8 | 187 | 21 | 84 | 7,8 | 9,06 | 33,3 | 8,2 | 30,2 | 80,2 | 64,0 |
Le rendement moyen de réduction des MS est de 60 % et le rendement moyen d'élimination de la DCO est de 81 %. Ces chiffres sont cohérents avec les engagements du constructeur. Ils permettent effectivement la gestion des boues et des graisses in situ, évitant alors la mise en place systématique de filières d'évacuation spécialisées.
De ce fait, cette gestion globale des « sous-produits » de l'épuration permet de diminuer les budgets de fonctionnement liés à leur élimination tout en respectant la priorité principale de la station d'épuration : la qualité et la conformité de l'eau traitée.