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Production d'eau ultrapure pour la micro-électronique : système de traitement et résultats d'exploitation

28 février 1985 Paru dans le N°89 à la page 46 ( mots)
Rédigé par : Serge SCHMITT

L'installation de production d’eau ultrapure que nous présentons a été conçue en 1976 pour le rinçage de circuits intégrés dans une industrie horlogère suisse. Nous examinerons ses différentes composantes et les conditions dans lesquelles elle a été réalisée.

L’eau brute

La production d’eau brute est assurée à partir de sources locales et distribuée sans traitement préalable. Les analyses chimiques et bactériologiques qui la concernent sont résumées dans le tableau 1. Elle est dure et contient peu de matières organiques, un petit nombre de germes ainsi qu’un taux de matières en suspension très faible. De l'eau de surface peut y être mélangée en cas de sécheresse. Durant la fonte des neiges le taux de matières en suspension peut atteindre des valeurs maximales (indice de colmatage de 20), période critique qui peut durer jusqu’à six semaines.

L’implantation de l'installation était prévue dans une zone industrielle à grand développement (autres industries, autoroute) de sorte que des modifications du système de distribution et de ce fait une redistribution des sédiments et des dépôts existant dans les conduites étaient à attendre.

Tableau 1Analyse de l’eau brute

Température ............14 °C
Calcium ..............84,97 mg/l
Magnésium ............17,75 mg/l
Sodium ...............1,26 mg/l
Bicarbonate ..........315,4 mg/l
Chlorure .............3,0 mg/l
Fer (total) ..........0,03 mg/l
Silice (SiO₂) ........4,19 mg/l
Phosphate (P₂O₅) .....2,0 mg/l
Matières organiques (KMnO₄) ...0,8 mg/l
Chlore libre .........0,02 mg/l
Conductivité à 25 °C .435 µS/cm
Valeur pH ............7,4
Indice de colmatage (filtre 0,45 µ) ...1,2
Nombre de germes (valeur moyenne) ...14/ml

Les procédés de fabrication

L’eau ultrapure produite est essentiellement utilisée pour le rinçage de plaques de silicium (dans des bacs spéciaux de cinq litres). Les opérations se résument en général en un traitement à l'acide des plaques, à l'élimination de cet acide par un premier rinçage grossier permettant d’en évacuer la plus grande partie, et par un lavage final qui modifie peu la qualité de l'eau ultrapure. Les critères de qualité de celle-ci sont présentés dans le tableau 2.

Tableau 2Critères de pureté de l’eau ultrapure

Conductivité à 25 °C ........0,055 µS/cm
Nombre de particules ........100/ml
Grandeur de particules ......0,5 µ
Matières organiques .........1 mg/l
Nombre de germes ............1/ml
Silice ......................20 mg/m³
Indice de colmatage .........0

Dimensionnement

Celui-ci dépend :

  • — du nombre de bacs de rinçage ; dans le cas présent, 30 stations de rinçage grossier, 60 bacs de rinçage final étaient prévus ;
  • — du débit spécifique (l/min) qui a été déterminé expérimentalement, ce qui a permis de constater qu'un débit instantané important permettait de réduire la consommation d'eau ultrapure (figure 1) ; deux facteurs importants doivent néanmoins être pris en considération :
  1. 1) les bacs de rinçage ne sont utilisés qu’irrégulièrement et les rinçages grossiers et finals ne s’effectuent jamais en même temps,
  2. 2) l'eau issue du rinçage final n’est que très faiblement polluée de sorte que sa réintroduction dans le système est possible.

Ces deux observations permettent d'une part de réduire de 50 % la production d'eau ultrapure et, d’autre part, de dimensionner les installations de traitement d'eau brute (eau d'appoint) uniquement en fonction des pertes dues au rinçage grossier.

[Figure : Eau de rinçage nécessaire en fonction du débit (Figure 1)]

DESCRIPTION DE L'INSTALLATION

La fonction de l'installation peut grossièrement être résumée par l'élimination de matières en suspension (mortes et vivantes) et par l'élimination d'impuretés dissoutes (ioniques et non ioniques).

L'installation présentée sur la figure 2 se compose d'une station de traitement d'eau d'appoint, dans le but de produire une eau qui peut facilement être transformée en eau ultrapure par l'installation de recirculation. De ce fait, des substances difficilement éliminables par celle-ci (matières organiques, colloïdes, micro-organismes) doivent absolument être évacuées à cet effet.

La station comporte dans le cas présent un filtre à précouche de type Filtac dont la fonction est de retenir les matières en suspension jusqu’au niveau submicronien. Ces matières peuvent provenir de l'eau de surface, des dépôts remis en circulation dans les tuyauteries, et des matières entraînées lors de la fonte des neiges.

L'installation d'adoucissement qui lui fait suite est rendue nécessaire par la dureté importante de l’eau brute ; elle évite la précipitation de sels peu solubles dans les membranes d'osmose inverse.

L’osmose inverse est la clé de cette installation de traitement d'eau d’appoint ; celle-ci permet en effet d’éliminer un minimum de l’ordre de 90 % des sels dissous, de constituer également une barrière pour les matières en suspension, les matières organiques ainsi que les micro-organismes.

L’eau ainsi produite est stockée dans un réservoir intermédiaire faisant partie de l'installation de traitement de l'eau de recirculation, réservoir d’où l'eau, à l'aide de pompes de reprise, est conduite sur un stérilisateur UV permettant la réduction du nombre de bactéries dans le cas de leur prolifération dans le réservoir.

Après cette désinfection, l'eau est conduite sur la pièce maîtresse de cette installation, à savoir la déminéralisation sur lits mélangés. Ces lits mélangés, au nombre de trois, sont couplés d’après le système « merry go round ». Ils sont munis d'un système breveté de reprise de l'eau traitée, régénérés avec de l'eau issue du réservoir intermédiaire, équipés de résines macroporeuses (choisies d’après un test spécifique sur les résines commercialisées) et finalement rincés selon un procédé spécialement développé pour cet usage.

Cet ensemble permettait initialement d’obtenir la qualité requise (0,055 μS/cm à 25 °C) au bout d'une heure de rinçage ; ce système a encore été amélioré par la suite et la durée de rinçage abaissée à une trentaine de minutes, comme le montre la courbe de la figure 3. L'eau déminéralisée est conduite sur des filtres fins, de porosité 0,45 μ, avant d’être distribuée aux différents bacs de rinçage, et ramenée en partie dans le réservoir intermédiaire. L’eau issue du rinçage final est conduite sur des filtres de désacidification contenant de la résine faiblement basique, avant d’être réintroduite dans le réservoir intermédiaire.

Le dimensionnement adéquat des conduites de distribution et de recircula-

[Photo : Schéma de principe de l’installation]
[Photo : Fig. 3 : Courbes de rinçage d'un lit mélangé de type Maxistil.]

tion (vitesse importante) permet d’éviter une détérioration de la qualité de l'eau dans ces conduites et, de ce fait, l'installation de filtres du type « point of use filtration », trop onéreux et qui demandent trop de surveillance.

UN MILLION DE MÈTRES CUBES D'EAU ULTRAPURE

Après sept années d’exploitation, l'installation n'a pas subi le moindre arrêt dû à un défaut de l’un de ses composants. Sa production annuelle d’eau ultrapure est passée après la deuxième année de 100 000 à 150 000 m³. L’élimination des diverses impuretés contenues dans l’eau brute ainsi que les critères de pureté de l’eau ultrapure, et de ce fait l’efficacité des différents éléments de l'installation, sont résumés dans les paragraphes qui suivent.

Conductivité

La conductivité de l'eau ultrapure a été tout au long de ces sept années toujours inférieure ou égale à 0,055 µS/cm (25 °C). Le maintien de cette conductivité (proche de la conductivité théorique) est à mettre au crédit des lits mélangés de type Maxistil, et notamment à l’incorporation d'un système de sortie d’eau déminéralisée évitant toute contamination de l'eau traitée par des restes de produits chimiques et permettant un temps de rinçage extrêmement court.

Matières en suspension

L’évolution de l'indice de colmatage dans l’eau brute et l’eau filtrée, et de ce fait l’efficacité du filtre à précouche, est visible sur le graphique de la figure 4, qui montre l’efficacité de ce filtre (jusqu'à 80 % d’élimination) lors d’un indice de colmatage élevé de l’eau brute (fonte des neiges). L'incorporation d’un filtre à précouche de type Filtac dans l'installation de traitement d'eau d’appoint permet d’alimenter l’osmose inverse avec une eau de qualité constante. Ce filtre à précouche s’avère donc être un élément important du prétraitement, notamment en présence de variations de la qualité de l'eau brute.

La précouche structurée de type Filtac a l’avantage d’augmenter l’efficacité de la filtration (groupement actif) ainsi que la longueur de cycle (couche volumineuse) par rapport à une précouche classique. Ce procédé permet également la mise en place d'une précouche du type charbon actif, pouvant présenter des avantages certains pour l’élimination de certaines matières organiques.

Teneur en silice

L’évolution de la teneur en silice est visible sur la figure 5. Ce graphique montre, outre la constance du taux de silice dans l'eau brute, sa concentration minime dans l’eau ultrapure (inférieure au seuil de détermination de 5 ppb). Cette concentration extrêmement faible est due à l’efficacité conjuguée de l’osmose inverse et des lits mélangés. Pour la maintenir, il est important de faire un bon choix de résine (une durée de cycle relativement courte évitant un vieillissement de cette silice) et une régénération à la soude caustique réchauffée à 35-40 °C.

Taux de bactéries

Le taux de bactéries a dans l’ensemble pu être maintenu sous la valeur demandée d’un foyer par millilitre. Du fait de l'incorporation de l'osmose inverse dans l’installation de traitement d'eau d’appoint, et de la barrière indéniable qu’elle présente, aucune contamination ne peut être attendue de ce côté ; par contre, des proliférations peuvent se produire dans le bac intermédiaire, dues à la réintroduction de l’eau de rinçage par l’intermédiaire des filtres de désacidification et qui peuvent, si elles ne sont pas surveillées, être très importantes. Elles peuvent être en partie abaissées par la désinfection UV installée avant les lits mélangés, sans quoi…

[Photo : Figure 4 : Efficacité de la filtration sur précouche Filtac au cours de l'année 1983.]
[Photo : Figure 5.]

Si aucune intervention n'était faite, elles pourraient contaminer tout le circuit : un tel exemple est visible sur la figure 6, où un nombre de foyers de 62/ml dans le bac intermédiaire a été réduit à 6 dans l'eau ultrapure après passage dans les filtres fins.

La bactériologie de l'eau ultrapure s'avère être le point critique, et elle doit faire l'objet d'une surveillance constante. En fait, pour maintenir le système sous contrôle, l'introduction à intervalles réguliers d'un désinfectant ionique dans la conduite de retour au bac intermédiaire est indispensable.

Matières organiques

Le taux de matières organiques dans le système a été étudié à l'aide d'un analyseur TOC. Les moyennes suivantes ont été obtenues (en ppm) :

– eau brute ................................ 0,65  
– après adoucisseur ..................... 0,75  
– après filtre Filtac ...................... 0,70  
– après osmose inverse ............... 0,04  
– avant désinfection UV .............. 0,29  
– après désinfection UV .............. 0,30  
– après lits mélangés .................. 0,32  
– après filtres fins ....................... 0,32  
– avant filtre de désacidification .... 0,45  
– après filtre de désacidification .... 0,40  

Leur examen montre l'extrême efficacité de l'installation d'osmose inverse ; mais elles font aussi ressortir qu'une introduction de matières organiques se produit par le circuit de retour des eaux de rinçage, matières organiques qui ne sont alors ni transformées par le rayonnement UV, ni absorbées par les résines macroporeuses des lits mélangés. Une surveillance des différents bacs de rinçage a montré que des produits organiques spéciaux étaient utilisés dans l'un d'entre eux et que c'est la recirculation de ses eaux qui avait conduit à la « contamination » du système.

Après déconnexion du bac suspect, les valeurs suivantes ont été obtenues :

– eau avant désinfection UV : 0,053 ppm  
– eau après filtres fins : 0,038 ppm  

On peut en conclure que pour maintenir un faible taux de matières organiques dans le système, il ne suffit pas de surveiller l'introduction des matières organiques amenées par l'eau brute, mais il faut également vérifier la nature des produits utilisés dans les différents bacs de rinçage et, le cas échéant, conduire directement à la station de traitement des eaux usées les eaux de ceux utilisant des matières organiques spécifiques.

ÉTAT DES DIFFÉRENTS COMPOSANTS

Après sept années de service et une production de près d'un million de mètres cubes d'eau ultrapure, seuls des composants à usure prévisible (membranes de vannes, relais temporisés, programmateurs, lampes UV, etc.) ont été remplacés.

L'état des principaux composants (résines échangeuses d'ions, membranes d'osmose inverse) n'a pas nécessité leur changement.

Les filtres fins (de porosité 0,45 µ) branchés comme dernier échelon de traitement après les lits mélangés

[Photo : Figure 6.]

devaient, au départ, constituer un point critique dans le calcul du prix de revient de l'eau traitée, puisque leur durée de vie était fixée au maximum à trois mois... Cependant après ces sept années de service, l’installation est toujours équipée des filtres initiaux.

Ainsi, non seulement ces filtres ont réalisé ce qu’on en attendait, à savoir réduire l'indice de colmatage à une valeur proche de zéro, mais la perte de charge est restée dans des limites tolérables.

Ces résultats nous montrent que, grâce à une installation de traitement d’eau d'appoint (filtre à précouche, osmose inverse) interdisant l’introduction de toute matière en suspension, grâce à des lits mélangés bien dimensionnés (durée de cycle), à des vitesses de fluides élevées et au bon dimensionnement des filtres fins, la durée de vie de ceux-ci peut être énormément prolongée. L’économie de 25 à 30 sets de filtres fins en sept années équivaut à une économie de près de 40 % de la valeur initiale de l’installation.

PRIX DE REVIENT DE L'EAU TRAITÉE

Pour le calcul du prix de revient de l'eau traitée, les valeurs suivantes ont été prises en considération : la période d'amortissement, la location des locaux, le personnel de surveillance, les pièces de rechange et les réparations, les produits chimiques et les pièces d’usure.

Sur ces bases, le prix de revient du mètre cube d'eau ultrapure peut être évalué comme indiqué dans le tableau ci-contre.

L'analyse qui résulte de ces calculs nous conduit aux observations suivantes :

  • — dans l'industrie horlogère et la micro-électronique où la durée d’amortissement se situe entre deux et cinq ans, le prix de revient augmente en conséquence ;
  • — le prix de revient n’est que faiblement influencé par celui de l'eau brute du fait du traitement de l'eau de rinçage qui permet de limiter à 15 % l’apport d'eau d’appoint ; de ce fait, une telle installation pourrait être alimentée à partir d'une eau saumâtre, sans grandes répercussions sur les prix ;
  • — le bon fonctionnement des différents composants, qui conduit à un remplacement minime de filtres fins, entraîne de ce fait une réduction du prix de revient approchant 20 %.

CONCLUSION

Une installation de production d'eau ultrapure doit être conçue de manière à tenir compte à la fois du mode de fabrication (nombre de bacs de rinçage simultanément en service, type de rinçage) et des changements éventuels dans l’eau d’alimentation.

L’installation de traitement d'eau d'appoint doit constituer une barrière pour toutes les impuretés difficilement éliminables par l'installation de traitement de l'eau de recirculation. Un procédé de traitement à membrane doit donc y être inclus, si celui-ci ne figure pas dans le traitement de l'eau de recirculation.

Le respect des critères de pureté (conductivité, silice, matières en suspension, produits organiques, bactéries) est en partie tributaire du bon choix et du bon dimensionnement des différents composants. Une surveillance sur le plan des bactéries (et des matières organiques et éventuellement un tri des eaux de rinçage réintroduites dans le circuit) est capitale pour le respect de ces critères.

Le dimensionnement optimum des tuyauteries et le bon choix des différents composants de l’installation permettent de limiter les besoins en filtres fins, lesquels peuvent représenter une part importante du prix de revient de l'eau.

Bien que conçues pour une courte période d’amortissement (deux à cinq ans), ces installations peuvent produire de l'eau ultrapure bien au-delà de cette période si les règles ci-dessus sont bien respectées.

Valeurs prévuesinitialement Valeurs après 7 annéesde service
Éléments 1er cas 2e cas (install.amortie) (amortis.en 10 ans)
m³ d'eau ultrapure par an-née .............. 100 000 100 000 150 000 150 000
m³ d’eau d’appoint par an-née (eau brute) ......... 16 000 16 000 25 000 25 000
Amortissement ........ 5 % sur5 ans 6 % sur10 ans 6 % sur10 ans
FS/an ................. 31 000 135 900 135 900
FS/m³ ................. 2,31 1,35 1,35
Location des locaux
FS/an ................. 11 600 11 600 11 600 11 600
FS/m³ ................. 0,12 0,12 0,08 0,08
Surveillance-entretien
FS/m³ ................. 0,18 0,18 0,06 0,06
Pièces de rechange-service
FS/m³ ................. 0,12 0,12 0,05 0,05
Eau brute
FS/m³ ................. 0,14 0,14 0,14 0,14
Produits chimiques et éner-gie électrique
FS/m³ ................. 0,52 0,52 0,38 0,38
Filtres fins
FS/m³ ................. 0,56 0,56 0,02 0,02
Total SFr/m³ .......... 3,95 2,99 0,73 2,08
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