Les boues de stations posent des problèmes qu'il devient de plus en plus urgent de résoudre. En effet, le développement des stations d’épuration des eaux urbaines et industrielles, lié à la plus grande rigueur dans le respect de l’environnement, se traduit par une augmentation proportionnelle des quantités de boues engendrées par ces stations.
Or, nous assistons dans le même temps à la diminution des capacités des décharges dans lesquelles les boues sont en général déposées, ainsi qu’à l’accroissement des contraintes touchant les rejets dans l'environnement, qui concourent à rendre chaque jour plus difficile l’élimination de ces sous-produits encombrants.
Rappelons quelles sont les voies usuelles suivant lesquelles cette production est résorbée, que ce soit par élimination, ou par recyclage :
- — la solution la plus simple consiste à déposer les boues en décharge, dans des conditions équivalentes à celles des ordures ménagères dans le cas des boues de station urbaine ; or, on sait à quel point les capacités d'accueil de ces décharges s’amenuisent, ce qui conduit à rechercher tous les moyens pour réduire les volumes à décharger, et notamment la solution qui suit ;
- — l’incinération : elle peut être réalisée seule, ou en combinaison avec l’incinération des ordures ménagères. Cette méthode apporte une réduction considérable des masses à mettre en décharge et permet également de récupérer des calories, par exemple sous forme de vapeur.
Il convient de rappeler les contraintes liées à cette forme de traitement : tout d’abord, la boue doit être incinérable, c’est-à-dire se présenter sous un état physique permettant la combustion. En particulier, il ne faut pas que les boues soient trop humides, afin de limiter au maximum, voire supprimer les combustibles d’appoint. Il faut enfin que la manipulation des produits à incinérer, ainsi que celle des cendres recueillies, soit aussi aisée que possible.
Il faut également prendre en compte les risques de transfert de pollution à l’atmosphère quand il s’agit de boues contenant des métaux lourds, lesquels pourraient être entraînés dans les fumées d’incinération ;
- — un troisième moyen de se débarrasser des boues est l’épandage agricole. Cette solution ne peut concerner qu’une fraction marginale de la masse totale à éliminer car les boues épandues doivent présenter une valeur en tant que fertilisant ou en tant qu’amendement, mais en étant exemptes de tous composés toxiques (métaux lourds...) et être simples à manipuler.
Il est donc clair que, quelle que soit la solution retenue pour se débarrasser des boues, nous serons confrontés à un ensemble de problèmes spécifiques :
- — réduction des masses et des volumes,
- — facilité de manipulation,
- — stockage sans risques et sans nuisances,
- — absence d’émission de composés polluants.
L’objet de cet article est d’exposer un procédé de traitement qui apporte une solution globale à ces questions, et de présenter succinctement quelques installations à titre de référence.
Le procédé* de séchage et de granulation des boues (figure 1) constitue une étape de traitement qui s’intercale entre la phase d’élimination mécanique de l’eau contenue dans les boues à leur sortie de l’installation d’épuration (élimination réalisée par décanteuse, filtre-presse ou tout autre appareil), et l’élimination des boues par l’une des trois solutions examinées plus haut.
Après avoir subi la première phase (élimination mécanique de l’eau), les boues doivent traverser une étape de séchage thermique, afin d’éliminer l’eau qui constitue encore 60 à 80 % de leur poids. Il s’agit d’une opération généralement coûteuse en énergie, qu’il convient donc d’optimiser. La solution retenue consiste en un sécheur à couche fluidisée (appareil présentant pour le séchage un excellent rendement) muni de batteries d’échange thermique immergées dans la couche, afin de rendre l’appareil particulièrement compact. La fluidisation est réalisée par un vecteur qui n’est autre que la vapeur de l’eau évaporée des boues à sécher. Celle-ci est en effet captée à la sortie du sécheur, dépoussiérée, réchauffée et réinjectée sous la couche fluide. Cette opération permet de limiter les pertes convectives du sécheur à un strict minimum correspondant à la quantité d’eau évaporée dans le sécheur qu’il convient de purger en permanence sur cette boucle de recirculation. L’humidité résiduelle des boues après séchage est d’environ 5 % en poids.
Avant d’être introduites dans le sécheur, les boues doivent être mises sous la forme de granulés, faute de quoi il ne serait pas possible de réaliser la fluidisation. Cette granulation n’est pas envisageable sur des boues contenant 70 % d’humidité. Il faut donc opérer le mélange d’une fraction des produits secs sortant du sécheur, avec les boues humides, qui peut ensuite être mis sous forme de granulés compacts et résistants.
Notons au passage que nous utilisons cette technique de granulation avant séchage par retour d’une fraction des produits secs, non seulement pour les boues de stations d’épuration, mais chaque fois qu’il s’agit de sécher des produits pâteux, voire liquides (par exemple : pétro-protéines).
Examinons quelles sont les conséquences du traitement spécifique subi par les boues :
- — les boues sont sèches : les masses de produits à traiter ont été réduites de 70 % ;
- — elles se présentent sous forme de granulés solides qui se prêtent particulièrement bien à la manipulation, à l’épandage agricole avec les engrais, à l’incinération ;
- — du fait d’un séchage réalisé à température supérieure à 100 °C, elles sont stérilisées et leur stockage ne présente pas de risque ;
* Sulzer Escher Wyss.
- le séchage en couche fluide a débarrassé les granulés de toute poussière fine (les poussières sont captées sur le circuit des buées et sont recyclées dans le produit humide) ;
- le confinement des buées sortant du sécheur et servant à maintenir la fluidisation, avec une purge par condenseur à mélange ou par injection dans un incinérateur, assure un fonctionnement inodore et garantit en même temps l'inertie intrinsèque du sécheur devant les risques d'explosion de poussières, l'oxygène de l'air ayant pratiquement disparu au profit de la vapeur d'eau.
Une attention particulière doit être portée aux possibilités d'incinération des produits secs ; en effet, l'optimisation de la consommation d'énergie lors du séchage conduit à un bilan positif dès l'instant que l'on utilise la vapeur produite par l'incinération des boues sèches comme source d'énergie pour le séchage. Il est dès lors possible d'envisager le couplage de l'installation de séchage avec, soit une incinération existante, soit un incinérateur conçu spécialement pour compléter le sécheur.
Dans le premier cas, on peut citer la possibilité de combiner l'incinération des boues avec l'incinération des ordures ménagères.
Dans le second cas, nous avons développé un incinérateur spécifique dans lequel la combustion est réalisée dans une couche mise en fluidisation par l'air primaire, la structure granulée permettant une fluidisation aisée, sans support tel que sable ou autre produit.
Afin de limiter les émissions de métaux lourds, la température de la couche est maintenue à une valeur basse par un échangeur. L'apport d'air secondaire au-dessus de la couche permet ensuite de brûler les produits volatils à des températures élevées, afin de réduire les émissions de métaux lourds et de composés organiques volatils.
La mise en œuvre du procédé de séchage-granulation avant l'incinération apporte les avantages suivants :
- combustion aisée, sans combustible d'appoint,
- absence de poussières, donc peu de cendres volantes,
- les métaux lourds restent dans les cendres,
- la structure granulée des boues est conservée par les cendres qui sont donc faciles à manipuler, sans émissions de poussières.
La séparation des étapes de séchage et d'incinération apporte une grande souplesse et une totale fiabilité.
À titre d'exemples, décrivons quelques installations illustrant les possibilités d'adaptation du procédé de séchage-granulation.
Nice
Cette installation (figures 2 et 3) est destinée à traiter 5,2 t/h de boues, à une humidité d'entrée voisine de 65 %. Les boues séchées sont ensuite incinérées avec les ordures ménagères dans l'usine de l'Ariane.
Le bilan thermique global de l'installation, tenant compte des conditions de fonctionnement de l'incinérateur et de l'utilisation de la vapeur produite comme source d’énergie pour le séchage, conduit à ne pas incinérer les boues sèches sortant du lit fluidisé, mais plutôt les boues sortant du granulateur, à une humidité de 30 % minimum. On voit donc là la possibilité d’optimiser la consommation énergétique du sécheur, en ne réalisant que la déshydratation thermique nécessaire pour rendre les boues propres à l'incinération.
Cette installation, dont la construction vient d’être achevée, doit entrer en service dans les prochaines semaines.
Ingolstadt (Allemagne)
Traitant 3 t/h de boues à 78 % d’humidité, cette unité (figures 4 et 5) illustre l’adaptabilité du procédé, puisqu’il a fallu réaliser l'ensemble à l'intérieur d'un bâtiment existant dans l’usine d’incinération des ordures d'Ingolstadt.
Dans ce cas, les boues sont incinérées à la sortie du sécheur. Comme à Nice, la vapeur produite est en partie utilisée comme source d’énergie pour le séchage. Le reste de la vapeur est valorisé par production d’électricité dans une turbine.
Cette installation est en fonctionnement depuis le début de l’automne 1987.
Kioto (Japon)
Cette usine traitant 1,5 t/h de boues à 78 % d’humidité fonctionne depuis le début de l'année 1986. Elle a remplacé une installation de pilotage semi-industriel qui avait fonctionné durant plusieurs années. Il s'agit d'une installation équipée d'une incinération indépendante, où les boues sèches sont brûlées en lit fluidisé sans combustible d’appoint.
La production de vapeur de l’incinérateur rend l'installation thermiquement autonome.
En conclusion, rappelons très brièvement les principales caractéristiques du procédé de séchage-granulation :
- — il s'agit d’un procédé d’application générale s’adressant aussi bien aux boues urbaines qu’industrielles ;
- — le séchage est optimisé en consommation énergétique. Il s’effectue sans odeurs et est intrinsèquement protégé contre les risques d’explosion de poussières ;
- — les granulés secs produits sont stables bactériologiquement, sans poussière et aisés à manipuler ;
- — l'incinération peut ensuite être effectuée sans combustible d’appoint, et assurer l'autonomie énergétique de l’unité ;
- — l'incinération produit des cendres granulées, avec peu de cendres volantes, permettant la mise en décharge sous une masse et un volume très faibles.
Enfin, la séparation des étapes de séchage et d’incinération permet une conduite simple et sûre de l'installation.