L?Algérie, la Tunisie et le Maroc commencent à recueillir le fruit de leurs investissements pour assurer la production et la distribution de l'eau à un nombre croissant de leurs ressortissants. Sur ce secteur, la présence française (ingénierie, génie-civil, équipementiers et opérateurs) consolide ses positions en s'adaptant aux exigences locales. Et un nouveau marché s'ouvre pour des PME présentes déjà depuis longtemps dans la région.
De l'autre côté de la Méditerranée, le Groupe des Eaux de Marseille travaille avec l'Algérienne des Eaux depuis le début des années 80, à travers des prestations d’assistance technique et de formation. De 2001 à 2005, en groupement avec la société Brli, il a mené à bien le projet de réhabilitation du système d'alimentation en eau potable de la wilaya d’Alger (33 M€, financement Banque mondiale).
Au terme de ce contrat de quatre ans, plus de 2 800 fuites ont été détectées et réparées, 12 000 compteurs posés et 44 kilomètres de conduites remplacées. « Le rendement du réseau a été porté de 50 % à plus de 76 % en cinq ans, explique François Guerquin, directeur des affaires internationales du GEM. Ce qui revient à dire que nous avons réduit de moitié les pertes en eau distribuée ».
De même, l'agence commerciale du Centre d’Alger Ouest a été entièrement rénovée. « Et nous l'avons dotée – c'est notre première vente externe de ce logiciel en Afrique – du nouveau système de gestion technique et commerciale intégrée “Waterp”. Cet outil, conçu par la Somei, notre filiale informatique, a permis d'améliorer le suivi de la clientèle, avec une réduction de 35 % du montant des créances supérieures à trois mois et la prise en compte de 7 000 abonnés non répertoriés. Soit une augmentation de 16 % de l'ensemble du fichier de clients ».
C'est d'ailleurs sur ce savoir-faire cartographique et informatique que le GEM compte pour se développer dans cette région. « Nous avons encore peu de concurrents sur ce terrain-là, commente M. Guerquin. En apportant ce type d'outils, nous apportons en même temps une manière d’organiser le travail, de faciliter l’accueil de la clientèle, qui est rodée dans cette région depuis une quinzaine d’années. Dans notre agence pilote à Alger, quand nous sommes arrivés, les gens venaient peu : la file d’attente était d’une heure ! Or, dans ce pays, beaucoup de gens viennent payer directement. Maintenant, le temps d'attente ne dépasse pas 8 minutes, avec comme conséquence un meilleur taux de recouvrement des factures ».
D’autres logiciels font partie de la panoplie, comme GéoAEP (eau potable) et GéoAssainissement.
Piccolo, modèle mathématique du réseau mis en place, par exemple, à Constantine.
À Constantine, précisément, l’Algérienne des Eaux a confié, en mai 2005, la réhabilitation du réseau d’eau potable du groupement urbain à un groupement d’entreprises piloté par le même GEM (contrat de 60 M€). Ce groupement est composé de la société d’ingénierie et de conseil Sogreah et de China Geo-Engineering Corporation. Cette dernière est présente dans le pays depuis 2001. Avec un millier d’employés sur place, elle réalise des réseaux de distribution d’eau potable et des ouvrages de traitement, de pompage et de stockage. « Les Chinois sont désormais incontournables », remarque le chargé de mission marseillais. « Ce sont eux qui nous ont contactés pour entrer sur ce marché. »
Au terme d’un contrat de quatre ans sur le système d’alimentation en eau potable de la wilaya d’Alger, plus de 2 800 fuites ont été détectées et réparées, 12 000 compteurs posés et 44 kilomètres de conduites remplacés.
Le groupement a pour mission de porter le rendement du réseau à 75 %, de renouveler 68 km de réseau, d’informatiser la gestion commerciale et d’établir un schéma directeur pour les 20 années à venir. Les agents de différents services de l’Algérienne des Eaux ont suivi des formations, en France, afin d’être opérationnels sur les nouveaux outils mis en place à cette occasion.
Alger : objectif « l’eau 24 h sur 24 »
En Algérie, le GEM se trouve également en concurrence avec ses propres actionnaires. En effet, Suez Environnement y est présent avec un CA de 35 M€, principalement dans des activités d’ingénierie et de travaux d’installation d’équipements, via ses filiales Degrémont et Safege.
Depuis mars de cette année, Suez Environnement met en œuvre un nouveau contrat de prestation de services signé de gré à gré et pour cinq années avec l’Office national de l’assainissement (ONA) et l’Algérienne des Eaux (ADE). D’une durée de cinq ans, il porte sur un montant d’environ 120 M€. Il s’agit d’un partenariat public-privé pour la remise à niveau et la modernisation du service d’eau et d’assainissement des 3,5 millions d’habitants de la ville d’Alger.
L’un des principaux objectifs est de pouvoir assurer aux 3,5 millions d’habitants d’Alger, avant 2010, un service de distribution d’eau accessible 24 heures sur 24. Les Algérois souffrent en effet de longues et fréquentes coupures d’eau. Les pertes sont estimées à 60 %, dont 30 à 35 % de pertes commerciales. Selon M. Dadou, directeur général adjoint chargé de l’exploitation à l’Algérienne des Eaux, « quelque 240 000 abonnés sont branchés de façon clandestine. »
Une nouvelle société a été créée pour l’occasion, la Société des Eaux et d’Assainissement d’Alger (Seal).
Société par actions dont le capital social est de l'ordre de 1 milliard de dinars (10 M€). Le projet prévoit la mobilisation et le transfert du savoir-faire de Suez Environnement et la mise en place d'un grand plan de formation pour les 3 000 employés de la Seal. L'État algérien s'est, lui, engagé à investir environ 200 M€ par an pour moderniser les outils de gestion, et rénover et étendre le réseau.
Ce contrat est le premier du genre dans le secteur de l'eau et de l'assainissement dans ce pays. Au total, une douzaine de villes connaîtront progressivement la même opération de modernisation de la distribution de l'eau potable. À ce détail près que, contrairement à la capitale, ces marchés doivent faire l'objet d'appels d'offres internationaux.
À Oran, un plan d'urgence pour la réhabilitation du réseau d’alimentation en eau potable dans la ville vient d’être programmé par l'ADE. Le coût global de cette opération est évalué à 9 milliards de dinars (90 M€). Les travaux ont été attribués à la société française Saur International. Le projet comporte la réalisation de 96 stations de pompage, réparties dans plusieurs quartiers de la ville.
Un programme d’usines de dessalement
Le ministre des ressources en eau a précisé que cette gestion déléguée, récemment attribuée à Suez, n'entraînera pas de hausse des prix. En effet, selon un rapport de Tribune d’Alger, l'Algérie considère que l’accès à une eau potable est un “droit humain, contrairement à la vision de la Banque mondiale, qui invite les gouvernements à donner une valeur commerciale à l’eau”. C’est l’explication fournie par le ministre algérien des ressources en eau, Abdelmalek Sellal, qui a ajouté que “seuls 9,5 % des 32 millions d'Algériens ont accès à l’eau du robinet 24 heures sur 24 et près de 60 % ont l’eau au robinet quotidiennement, mais seulement pour une période de deux à seize heures.”
guée à Suez n'impliquera pas une augmentation des prix. En effet, l'Algérie, explique la Tribune d’Alger, considère que l'accès à l'eau potable est un « droit humain, contrairement à la vision de la Banque mondiale qui invite les gouvernements à conférer à l'eau une valeur marchande et commerciale ». C'est ce qu’a expliqué le ministre algérien des ressources en eau Abdelmalek Sellal, ajoutant que « seulement 9,5 % des 32 millions d’Algériens bénéficient d'un accès à l'eau du robinet 24h/24 et que près de 60 % d'entre eux ont de l'eau aux robinets quotidiennement mais avec une plage horaire variant entre deux et seize heures ».
Dans ce nouveau contrat, Suez devra d’ailleurs particulièrement veiller à la question sociale. Au moment même où le gouvernement argentin mettait fin à l'expérience du groupe à Buenos Aires, les syndicalistes algérois ont déclenché une grève. Ils se sentaient exclus des négociations ayant conduit Suez à prendre en main la distribution de l'eau de la capitale et manifestaient des inquiétudes quant aux répercussions de l'accord sur l'emploi.
L'Algérie a prévu de consacrer 12 milliards de dollars au secteur entre 2005 et 2009. La part la plus importante de cette enveloppe doit être attribuée à la mobilisation de la ressource par la création d'infrastructures. Quatorze grands barrages seront posés d'ici 2009, qui viendront s'ajouter aux 114 retenues existantes, dont 52 de grande taille, pour un total de 5,2 milliards de m³. Onze projets de transferts sont en cours de réalisation.
Un autre objectif est la construction d’une trentaine de stations de dessalement d'eau de mer, en plus de la dizaine en service. La première des stations du nouveau programme gouvernemental, située à Kahrama, produit depuis l’été dernier 90 000 m³ d’eau à la ville d’Oran. Celle d’Alger sort actuellement de terre. La plus grosse unité de dessalement par membrane sur le continent africain, avec une production de 200 000 m³/jour (soit 30 % de la consommation actuelle d’eau potable de l'agglomération algéroise), verra le jour en 2007 sur le site du Hamma. Ce projet de 248 M$ sera exploité par le groupe américain Ionics, filiale de General Electric, qui en finance 70 %, en partenariat avec Algerian Energy Company (filiale Sonatrach et Sonelgaz) et l'Algérienne des eaux.
Selon le ministère des ressources hydrauliques, tous ces travaux devraient permettre d’atteindre les 12 milliards de m³ d'eau collectés chaque année.
Pour une “école algérienne de l’eau”
L'intérêt de l'Algérie pour le secteur de l'hydraulique va croissant. Le ministre algérien des ressources en eau était de passage à Paris, durant le mois de mai dernier, pour relancer la coopération dans ce domaine. Il a expliqué qu’il souhaitait, « grâce à des axes de coopération bien précis et bien ciblés, pousser la coopération [avec la France] vers ce saut qualitatif dans le domaine de la formation, d’échange d'expérience et notamment l'accès à l'expertise en matière de gestion de l'eau ». L'une des étapes de sa visite en France était ailleurs l'École française des métiers de l'eau, car son objectif « est d'arriver, avec l'aide des entreprises françaises, à créer une école dans ce sens ».
Un nouveau marché pour les PME
En mars dernier, sept entreprises membres d’Ea, la plus grosse association française de PME du secteur de l'eau et de l'environnement, s’étaient rendues au salon France Expo à Casablanca. Outre ce salon professionnel, le déplacement a été l'occasion de rencontres avec les membres de l'Association marocaine de l'eau potable et de l'assainissement (Amepa). Ea avait signé une convention de partenariat avec elle en 2003. Initié par le groupe Eau-Marchés émergents du Plan export des éco-entreprises (Pexe) dont Ea est le coordinateur, ce jumelage encourage les échanges d'informations, l'organisation de missions commerciales, la réalisation de formations et le soutien à l'innovation. « L’appui récent des missions économiques et du commerce extérieur est très important pour nous, explique Christian Laplaud, président d’Ea et PDG de G2C Environnement. Aujourd’hui, plusieurs de nos membres ont des projets en cours, essentiellement en Algérie, qui manifeste de gros besoins, et au Maroc ».
« Ce sont des marchés neufs que nous explorons depuis deux ans, déclare Patrick Brondino, responsable export chez Napac qui réalise 40 % de son chiffre dans les métiers de l'eau et de l'environnement. Nous avons actuellement quelques petites affaires sur une dizaine de sites dans le Maghreb. Au Maroc, nous cherchons une entreprise locale pour nous représenter, avant d’“attaquer” l’Algérie et la Tunisie. À l'aise dans le milieu industriel, nous nous intéressons aussi aux collectivités locales. Notre volonté est très forte ».
Après l'adoption d'une nouvelle loi sur l'eau, promulguée en septembre 2005, visant notamment à faciliter la privatisation du secteur, le ministère des ressources en eau a annoncé la prochaine création d'une holding de l'eau, un organisme qui chapeautera l'ensemble des structures en charge de la gestion des ressources en eau et de l’assainissement (l'Agence nationale des barrages, l'Algérienne des eaux, l'Agence d'irrigation et de drainage et l'Office national de l'assainissement), en leur donnant plus d’autonomie.
Safege, filiale de Suez Environnement, est présente en Algérie depuis plus de 40 ans. Pour lui permettre de répondre en direct aux appels d'offre nationaux et internationaux, la société-mère a créé Safege Algérie en octobre 2005 (chiffre d'affaires : environ 7 M€/an). Cette filiale vient de terminer deux importantes études : l'une sur le dessalement de l'eau de mer sur l'ensemble du littoral (1 200 km) pour le développement de l'alimentation en eau potable de la bande côtière ; l'autre sur la faisabilité du transfert des eaux du Sahara septentrional vers le nord du pays, pour le développement de l'alimentation en eau potable des hauts plateaux. Une demi-douzaine de contrats sont en cours d'exécution, comme le diagnostic et la réhabilitation des réseaux d'alimentation en eau potable des villes de Sétif, Batna et El Oued (500 000 habitants au total) ou la supervision des travaux d’approvisionnement en eau potable des villes de Mila, Constantine et les régions avoisinantes.
Degrémont, autre filiale de Suez Environnement, compte quelque 900 références en Afrique (stations de traitement d'eau potable et eaux usées). En Algérie, il est intervenu, récemment, dans différents projets de construction et d’exploitation d'unité de production d’eau potable ou de dessalement d'eau de mer.
Financer les branchements sociaux
Au Maroc, dans le domaine de l'eau potable, Veolia
Veolia Water est présent à travers trois contrats de concession de services d'eau, d'assainissement et d’électricité gérés par Redal (rachetée en 2002) pour la ville de Rabat/Salé, et par Amendis pour les villes de Tanger et Tétouan.
« Nous achetons l’eau aux portes des villes au tarif fixé par les autorités et nous nous chargeons de sa distribution aux habitants », indique Benoit Cliche, chef de projet chargé du développement dans le Maghreb. « Notre souci est d’optimiser la ressource pour maximiser notre apport auprès des populations. Nous cherchons essentiellement à améliorer le rendement des réseaux, en faisant la chasse aux pertes techniques et commerciales. À Rabat, nous avons atteint un taux de 80 %, Tanger 77 % et Tétouan 67 %, sachant que cette dernière ville, très étendue géographiquement, possède un réseau plus long et ramifié que les autres ».
Le taux de conformité en eau potable s’élève désormais à près de 98 % pour Amendis et près de 100 % pour Redal. Un projet pour mettre à niveau les laboratoires a été lancé en 2004. Les travaux de construction d'un nouveau laboratoire d’analyse pour l'eau potable et l’assainissement ont débuté à Rabat en 2005.
Par ailleurs, un Campus Veolia Environnement Maroc a vu le jour en 2004 pour assurer la formation continue des 5 000 salariés marocains du groupe et de développer des cursus ouverts à des partenaires extérieurs. Il comprend notamment un mini réseau d’assainissement et un mini réseau d'eau potable aérien. En 2005, le Campus a accueilli 1 176 stagiaires pour 2 475 jours de formation.
« L’accès de tous aux services essentiels est un thème prioritaire pour le groupe, explique Olivier Gilbert, responsable développement durable de la zone AMI. Veolia Water AMI s'est engagée dans des démarches très concrètes pour faciliter l’accès des populations défavorisées à l'eau, à l’assainissement et à l’électricité. La plupart du temps, les autorités délégantes nous fixent des objectifs contractuels de desserte ou de branchements sociaux. Avancer sur les objectifs de Johannesburg et la lutte contre la pauvreté est pour nous clairement un impératif pour notre crédibilité dans la région ».
Ainsi, de 2002 à 2005, Redal a posé 16 308 branchements sociaux eau
(dont 5 704 en 2005) et Amendis 4 646 branchements sociaux (dont 1 335 en 2005), soit un total de 20 954 nouveaux ménages reliés à l'eau. Ils desservent 105 000 personnes (un ménage comptant en moyenne 5 personnes).
Pour atteindre ses objectifs concernant ces branchements sociaux, Redal a conçu un mode de financement original : préfinancement des extensions et des travaux par le Fonds de travaux de la gestion déléguée ; complément de financement, si nécessaire, par les communes concernées et l'autorité délégante ; étalement du paiement du branchement : au lieu de le payer en une seule fois, le bénéficiaire ne paye que 50 DH (4,5 €) par mois, sans intérêts, pendant 3 à 7 ans.
Des dispositifs équivalents existent chez Amendis. À Tanger, en 2005, dans le cadre de l'Initiative nationale pour le développement humain lancée par le Roi, le délai de paiement a été étendu à 10 ans, pour faciliter l'achat des branchements et plafonner les remboursements mensuels à 100 DH soit 9 €. Le différentiel est subventionné, notamment par les communes.
« Quand le montant des investissements excède les moyens financiers des habitants, ajoute Olivier Gilbert, nous recherchons des solutions originales pour ne pas laisser des quartiers sans eau, assainissement ou électricité. De notre propre initiative, nous avons entrepris des démarches pour obtenir des aides financières de la part d'organismes municipaux, nationaux et internationaux. »
Des bus-agences pour renouer la confiance
Ainsi, une convention-cadre a été signée en septembre 2005 entre l'autorité délégante, l'Agence pour le développement des provinces du nord, la Wilaya et Amendis pour financer et réaliser 2 000 branchements sociaux en eau et en assainissement par an sur Tétouan, avec une subvention de 9,5 millions DH (dont 9 millions DH du gouvernement français). Amendis a par ailleurs été retenue par le Gpoba, fonds fiduciaire, et la Banque Mondiale pour étudier le financement d'une dizaine d’opérations de branchements sociaux d’eau et d’assainissement sur Tanger grâce à un système d’« output based aid » (OBA). Quand les branchements individuels sont irréalisables, Veolia implante des équipements comme des points de desserte collectifs conçus pour éviter le gaspillage et la revente d’eau à des tarifs prohibitifs. C’est le cas, par exemple, pour l’opération pilote de bornes-fontaines à pré-paiement à Assakaa lancée par Redal.
Parallèlement, huit bus-agences ont été mis en place pour se rapprocher des habitants des quartiers périphériques ou ruraux, dont certains sont clandestins. Ces derniers peuvent ainsi procéder aux formalités administratives, demander des informations sur le prix et la qualité de l’eau sans avoir à se déplacer en centre-ville. « Nous renouons ainsi la confiance avec les associations, les leaders locaux (commerçants, imams...), raconte Olivier Gilbert. Notre personnel est formé pour dialoguer avec ces futurs clients qui se méfient généralement de l'administration. Aujourd’hui, l'Agence de développement social utilise nos bus pour proposer des microcrédits aux habitants ».
Mais amener l'eau n’est pas toujours une tâche aisée. Dans certains quartiers, il n’existe pas de schéma d’urbanisme, ni même de voirie sous laquelle il serait possible de faire passer les canalisations. Et les gens sont habitués aux branchements sauvages, donc gratuits...
Lydec entrée en bourse
De son côté, Suez Environnement est présent depuis 1997 au Maroc à travers son contrat de gestion déléguée des services publics d'eau, d’électricité et d’assainissement de Casablanca.
C’était alors la première expérience au monde d'une gestion simulta
née de ces trois services par une entreprise privée : Lyonnaise des eaux de Casablanca (Lydec). En 2004, Lydec est devenu le premier opérateur de services du Maroc à obtenir la certification ISO 9000 et à recevoir la notation indépendante de Vigeo.
La société dessert 4,5 millions d’habitants et emploie 3 252 personnes (CA de 404 M€ en 2005). Le contrat signé avec les autorités, conclu pour 30 ans, prévoit un plan d’investissements de 30 milliards de dirhams (2,7 MD €) couvrant la distribution d’électricité, d’eau potable et d’assainissement sur les 16 arrondissements de la Wilaya, dont 10 milliards de dirhams (1 milliard d’euros) sont financés par le délégataire Lydec. Depuis 1997, 25 millions de m³ d’eau ont été économisés, soit une ressource équivalente à la consommation annuelle d’une ville de 800 000 habitants, 30 000 foyers ont été raccordés au réseau électrique, et 10 000 foyers ont été connectés à l'eau et à l'assainissement dans les quartiers populaires à Casablanca grâce aux “branchements bleus”.
Lydec s’est engagée dans une démarche novatrice, baptisée Massira 2007. Entamée durant l’année 2002, cet exercice avait pour objectif d’établir le bilan après les cinq années d’activité de l’entreprise et de construire une nouvelle vision à horizon 2007. La société a écouté l’ensemble des acteurs de son environnement (clients, autorités, fournisseurs, actionnaires, personnels), « pour aboutir à un bilan partagé et à une vision en harmonie avec les attentes. Cette démarche de management innovante s’est prolongée par une réflexion stratégique qui guidera l’ensemble de nos actions pour les années à venir », indique le groupe.
Le 18 juillet 2005, Lydec est entrée en bourse. « Cette introduction en bourse s’inscrit dans le cadre de la stratégie d’ouverture, de proximité et de transparence vis-à-vis des partenaires et clients de l’entreprise, commente un communiqué du groupe. Elle a été réalisée par cession d’actions existantes, la structure de financement actuelle de l’entreprise ne nécessitant pas d’injection de fonds propres supplémentaires. Désormais, Suez détient 51 % du capital, 35 % sont détenus par des institutionnels marocains (Fipar et RMA Watanya) et 14 % par la bourse et les salariés ».
Safege travaille au Maroc depuis 1950. Elle est présente depuis 2000 à travers sa filiale marocaine C3E (Conseil Eau Environnement et Énergie) qui compte une vingtaine de collaborateurs. Le chiffre d’affaires de Safege au Maroc est de l’ordre de 2 M€/an.
Maroc : réforme de la politique de l’eau
Sur un plan plus général, le Maroc s’est engagé dans un processus visant à réformer la politique de l'eau. Un débat national sur l'eau se
déroule tout au long de cette année. Ses conclusions seront portées devant le Conseil supérieur de l'eau et du Climat à la fin de 2006. Son objectif est d'approfondir les connaissances sur la problématique de l'eau et de mobiliser tous les acteurs et le grand public.
Les ressources du Maroc, superficielles comme souterraines, devraient baisser de 10 à 15 % d'ici 2020. L'ensemble des bassins, à l'exception de celui du Nord, connaîtra des déficits. D'ores et déjà, 45 % des eaux de surface et 51 % des eaux souterraines sont de mauvaise qualité.
Le Plan national de l'eau ambitionne de remédier à ces difficultés, en assurant une « gestion efficace, durable et équitable de la ressource ». Il prévoit en particulier le renforcement de la gestion décentralisée, concertée et participative des ressources en eau. Alors que sept agences de bassins ont vu le jour entre 1998 et 2002, deux autres agences sont en cours de création, permettant ainsi la couverture totale du territoire. Des contrats de programmes sont en cours d'élaboration pour certaines agences. Ils seront généralisés à partir de 2007 à toutes les agences.
Par ailleurs, le programme d'approvisionnement groupé en eau potable des populations rurales (Pager), lancé en 1995, et initialement prévu pour dix ans, sera prolongé jusqu’en 2015 pour atteindre l'objectif fixé : porter le taux d'accès à l'eau potable en milieu rural à 80 % par la desserte d’environ 31 000 localités regroupant une population globale de d’environ 11 millions d’habitants. Grâce au Pager, le taux
d'approvisionnement rural est déjà passé de 14 % en 1995 à 61 % en 2004. Depuis sa création, plus de 5 500 puits, 2 320 sources, 2 200 forages, 26 000 km de conduites ou encore 8 000 réservoirs ont été construits. Coût global de l'investissement : 900 M€.
Le plan d'action 2003-2007 de l'Office national de l’eau potable (Onep) porte sur 18,6 milliards de Dh (1,68 M€), dont 6,3 milliards (570 M€) pour l'approvisionnement en eau des populations rurales et 8,3 milliards (750 M€) en milieu urbain, le reste pour l'assainissement.
Une gestion commune des nappes du Sahara
Le système aquifère du Sahara septentrional (Sass) réunit deux grandes et profondes couches aquifères. Il couvre une superficie de plus de 1 million de km², répartis entre trois pays : Algérie (700 000 km²), Tunisie (80 000 km²) et Libye (250 000 km²). Depuis le début des années 80, le Sass est exploité grâce à la multiplication des forages profonds. Au cours des trente dernières années, l'exploitation par forages est passée de 0,6 à 2,5 milliards de m³/an. Elle a entraîné une baisse sensible du niveau de la nappe. Le plus grand bassin, constitué par le continental intercalaire, une nappe fossile appelée albienne, est évalué entre 40 et 60 000 milliards de m³. Son temps de renouvellement est estimé à 70 000 ans. Des études ont montré qu'on peut prélever environ 5 milliards de m³/an.
La nappe de l’albien intercalaire est exploitée depuis 1991 par la Libye. En 1984, ce pays avait lancé un énorme projet de grand fleuve artificiel, le plus grand projet d’adduction d’eau du monde, pour acheminer l’eau de ce gisement vers les régions du Nord. Constitué de canalisations d’une longueur totale de 4 200 km et de plusieurs centaines de puits, cet aqueduc, auquel collabore l’entreprise Vinci, transporte l’eau par des tuyaux pouvant atteindre 4 m.
En raison des risques de salinisation et de pollution pouvant affecter la nappe, en raison également des risques de réduction des puits artésiens et de tarissement des exutoires et d’interférences entre les pays, l'Algérie, la Tunisie et la Libye ont décidé, en avril 2005, de mettre en place un mécanisme de gestion concertée de leurs ressources en eaux profondes. Cette instance a vu le jour en tant que projet de l’Observatoire du Sahel et du Sahara (OSS), organisme international lancé en 1998 et œuvrant contre la désertification et la pauvreté en Afrique. Elle a, depuis, déterminé les zones les plus vulnérables et identifié de nouvelles zones potentielles de prélèvement.
De son côté, le ministère algérien des Ressources en eau planche sur la réalisation de deux grands projets directement liés à la nappe albienne. Le premier est une adduction de plus de 750 km, à partir des champs captant de Ain-Salah. Le second projet permettra d’exploiter un volume annuel de l’ordre de 120 millions de m³ à partir des champs captant situés entre le sud de Djelfa et Ghardaïa.
Mobiliser 95 % des ressources hydriques
Bien que peu nantie de ressources naturelles hydrauliques, la Tunisie a développé une infrastructure permettant à la majorité des habitants d’accéder à l'eau potable. Les populations urbaines sont desservies à 100 % par la Sonede, la Société nationale d’exploitation et distribution des eaux. Le milieu rural est couvert à 85,7 % par la Sonede et le ministère de l’Agriculture et des Ressources hydrauliques au moyen de bornes-fontaines. En Tunisie, l’eau reste un monopole d’État.
ministère de l'agriculture et des ressources hydrauliques par des bornes fontaines. Dans ce pays, l'eau reste un monopole d'État.
La Tunisie s'est lancée très tôt dans une stratégie nationale de bonne gestion de l'eau. Prolongeant une tradition culturelle « oasienne » de gestion de l'eau, elle a pu notamment stabiliser la demande en eau d'irrigation. Ces dernières années, le pays a réussi à économiser 30 % de l'eau utilisée en irrigation (qui utilise 80 % des ressources). Le Dr Chahbani Bellachheb, maître de conférences à l'Institut des régions arides de Médenine, a mis au point des diffuseurs économes pour l’irrigation souterraine. Destinée aux arbres fruitiers, aux cultures maraîchères et aux plantes ornementales, cette nouvelle technologie consomme trois fois moins d’eau que l'irrigation par goutte-à-goutte !
La stratégie décennale pour la mobilisation des ressources hydriques a permis d’augmenter la capacité de stockage du pays estimée à 4 milliards de m³, grâce à la construction de 29 barrages, 220 barrages collinaires, 800 lacs collinaires, 4 000 puits profonds et 130 000 puits de surface. À l'avenir, le programme présidentiel prévoit d’atteindre 95 % des capacités de mobilisation des ressources hydriques (contre 90 % aujourd'hui). Une série de mesures sont imaginées : réutilisation d’eaux usées traitées pour l’irrigation, liaison entre barrages, développement d'un réseau de stations de dessalement des eaux saumâtres et de l'eau de mer.
Le gouvernement élabore un projet de loi relatif au renforcement de l'approvisionnement en eau potable. Ce projet vise à répondre au développement des besoins en matière d’approvisionnement en eau potable du Grand Tunis et des centres urbains dans les régions du nord et du centre du pays, d’améliorer l'efficience et la qualité des services d’approvisionnement en eau potable, de développer et réhabiliter l'infrastructure de production, adduction, stockage et distribution, et de renforcer la capacité de gestion de la Sonede. Ces améliorations bénéficieront à près de 69 000 habitants des régions du nord et à 151 000 habitants des régions du centre du pays. Le coût de ce projet, dont la réalisation s’étendra sur une période de six ans, est estimé à 60 millions de dinars (35,7 M€).