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Maîtrise de l'évolution de la qualité de l'eau dans le réseau de distribution du SEDIF

28 octobre 1994 Paru dans le N°176 à la page 61 ( mots)

Une stratégie de chloration étagée, reposant sur le double objectif du respect d'une qualité bactériologique irréprochable et du souci de limiter les saveurs et les odeurs chlorées indésirables perçues par les consommateurs d'eau du robinet, a été mise en place sur le territoire alimenté en eau par le Syndicat des Eaux d'Ile-de-France. Les efforts mis en oeuvre se sont concentrés sur les axes suivants: multiplication des points d'injection sur le réseau, rénovation et optimisation de la régulation des points d'injection existants. amélioration du fonctionnement hydraulique en certains points du réseau (antennes, zones de faibles consommation) afin de maîtriser les temps de séjour et permettre une meilleure diffusion du chlore. Un concept d'installation mobile de rechloration a été développé, dans ce contexte: il s'agit de cabines compactes, entièrement automatiques, pilotables depuis les usines, et suffisamment fiables et robustes pour fonctionner dans un environnement urbain.

Le Syndicat des Eaux d’Ile-de-France (SEDIF), dans sa mission d’alimentation en eau potable de 4 millions de franciliens doit faire face quotidiennement à un triple défi :

  • produire à partir d’une ressource essentiellement composée d’eaux superficielles très dégradées, une eau rigoureusement conforme aux normes européennes,
  • distribuer cette eau de qualité jusqu’au robinet du consommateur à travers un réseau très étendu (8 500 km) et bien maillé,
  • garantir à chaque consommateur, en tout lieu et à tout instant, une eau répondant à son attente, sans saveurs ni odeurs désagréables et d’une qualité sanitaire irréprochable.

Une gestion globale de la qualité

Anticipant à la fois sur la dégradation chronique de la qualité de l'eau brute et sur les exigences accrues de la réglementation, le SEDIF s’est donné depuis des décennies, afin d’atteindre ces objectifs, les moyens de se doter de filières de traitement particulièrement performantes dans ses usines de production : Choisy-le-Roi sur la Seine, Méry-sur-Oise sur l’Oise, Neuilly-sur-Marne sur la Marne (figure 1).

Ces usines font appel à des procédés mettant en œuvre des technologies de pointe visant non seulement à éliminer de ces eaux de surface polluées et très chargées en matières en suspension, les toxiques, les micropolluants et les microorganismes pathogènes, mais aussi à abattre la part dissoute de la matière organique, susceptible d'engendrer des reviviscences bactériennes dans le réseau de distribution.

Le réseau du SEDIF, particulièrement complexe, est constitué d'une part de grands feeders d'interconnexions permettant d'assurer le secours mutuel des trois usines de production, d'autre part de canalisations intercommunales de desserte des trois secteurs de distribution correspondant à ces usines, et de canalisations locales alimentant par ramification l'ensemble des abonnés jusqu'aux points les plus éloignés du lieu de production.

Pour maîtriser l'évolution de la qualité de l'eau lors de son transit dans le réseau, la Compagnie Générale des Eaux, Régisseur du Syndicat, a entrepris un important programme d'études visant à identifier et quantifier les facteurs de dégradation de l'eau dans les conduites de distribution, et à mieux connaître le fonctionnement hydraulique du réseau et les temps de séjour de l'eau.

[Photo : Située sur les bords de la Marne, à une trentaine de kilomètres en amont de Paris, l'usine de Neuilly sur Marne/Noisy le Grand est l'une des plus importantes installations de production d'eau potable alimentant la région parisienne (doc. SEDIF).]

Parallèlement une démarche d'Assurance Qualité a été engagée, qui permettra d'aboutir à la certification par l'Association Française pour Assurance Qualité (AFAQ) de l'organisation et des procédures mises au point en matière de gestion de la qualité de l'eau distribuée.

La gestion du chlore

Grâce aux performances des filières actuelles des trois usines du SEDIF, la stabilité bactériologique de l'eau est assurée par un résiduel de chlore faible en fin de traitement (actuellement au voisinage de 0,4 mg/l). La consommation du chlore en réseau est compensée partiellement par un dispositif de rechloration en des points judicieusement choisis, ce qui conduit à un résiduel moyen de l'ordre de 0,1 mg/l sur l'eau distribuée. Dans ces conditions de taux de traitement minimaux, la reviviscence bactérienne est maîtrisée, et la formation des sous-produits de désinfection strictement limitée.

La localisation des points de rechloration a été guidée par les outils de modélisation puissants dont s'est doté le Syndicat. Ceux-ci ont permis d'établir des cartes de chlore résiduel à partir de données de consommation d'eau et de lois de décroissance de chlore confirmées par les données issues des analyses du contrôle réglementaire, de l'autocontrôle d'exploitation, et des campagnes de mesures spécifiques.

Différentes hypothèses ont été testées pour optimiser l'implantation des sites de rechloration : ont été retenus, en plus des ouvrages de réseau déjà équipés (stations de pompage de deuxième et troisième élévation, réservoirs propices à ces installations).

[Photo : Carte de l'implantation des postes de chloration mis en place sur les installations du SEDIF (doc. SEDIF).]
[Photo : Principe de fonctionnement d’une cabine de rechloration (doc. CITEF).]

des points-clés isolés sur des canalisations, lesquels sont susceptibles de varier au cours du temps en fonction de l’évolution de la structure du réseau : c’est ainsi que, pour disposer d’une certaine flexibilité, il a été proposé au Syndicat des Eaux d’acquérir un parc de cabines mobiles de rechloration.

A ce jour, une cinquantaine de points ont été sélectionnés (figure 2), et sont ou seront équipés progressivement avant la fin de l’hiver 1994-1995.

Principe de fonctionnement d’un point de rechloration

L’usine principale décide de fixer un taux de chlore déterminé pour chaque site. Cette consigne doit être respectée en permanence quel que soit le débit d’eau transitant dans la canalisation et quel que soit le taux de chlore résiduel amont provenant des chlorations effectuées préalablement sur le réseau. Ce point de consigne est réglable à distance depuis l’usine principale.

Pour effectuer la régulation, un microprocesseur reçoit l’information d’un débitmètre à ultrasons placé sur la canalisation d’eau à traiter et d’un analyseur ampérométrique continu mesurant le chlore résiduel après le point d’injection de chlore (figure 3).

En fonction du débit d’eau à traiter et de l’écart existant entre le point de consigne et la mesure de l’analyseur, le microprocesseur calcule le poids de chlore à injecter. Le dosage précis est réalisé par un ensemble de vannes modulantes de chlore, à ouverture proportionnelle au signal 4-20 mA délivré par le microprocesseur.

Par sa sortie RS 485 (mode J BUS), le microprocesseur dialogue en permanence avec l’usine principale au travers d’une ligne spécialisée et lui indique, entre autres, le débit d’eau à traiter, le point de consigne demandé, le résiduel de chlore mesuré, le taux de chlore résiduel en amont, le poids de chlore délivré. Ce microprocesseur transmet aussi toutes les alarmes : manque de chlore, fuite de chlore, défaut d’inversion de bouteilles, inversion de débit d’eau dans la canalisation, disjonction de pompe, défaut d’analyseur, intrusion, etc.

Les cabines mobiles de rechloration

Les cabines mobiles sont constituées d’une dalle en béton, recouverte d’un tapis caoutchouc et de parois en panneaux sandwich à âme en polyuréthane enserrée dans un cadre en aluminium anodisé. La toiture est en acier laqué avec revêtement extérieur bitumineux coulé à chaud et à finition gravillonnée. Les portes sont équipées de serrures de sécurité, d’une détection anti-intrusion et d’un report d’alarme à l’usine.

[Photo : Vue extérieure d’une cabine de rechloration (doc. CIFEC)]
[Photo : Vue intérieure d’une cabine de rechloration (doc. CIFEC)]

La cabine est séparée en deux compartiments :

• d’un côté, un local contenant quatre bouteilles de chlore, chacune équipée de son chloromètre de sécurité. Le soutirage du chlore est réalisé sur deux bouteilles, les deux autres bouteilles étant en attente. Une inversion automatique d’une rampe à l’autre permet de réaliser une chloration 24 h/24. L’ensemble des canalisations de chlore est en dépression, prévenant ainsi toute fuite de gaz dans l’atmosphère. Ce local de stockage est équipé d’un détecteur de fuites de chlore avec mise en service automatique d’un système déprimogène à eau évitant toute fuite vers l’extérieur. L’alarme de fuite est en outre reportée à distance vers l’usine principale ;

• dans l’autre partie de la cabine, plus spacieuse, sont disposés l’analyseur de chlore (couplé à une installation permettant une mesure colorimétrique de contrôle), les vannes modulantes de chlore, la pompe de surpression, les vannes motorisées de sécurité et l’armoire électrique générale avec le microprocesseur qui gère l’ensemble des automatismes de la station de chloration.

La réponse aux exigences d’exploitation et de sécurité

L’ensemble des stations de rechloration – sur les ouvrages du réseau ou en cabines mobiles – a été conçu pour répondre à de nombreuses contraintes d’exploitation et de sécurité ; ces stations doivent en effet :

• être entièrement automatiques, avec une supervision par le poste de commande des usines de potabilisation permettant d’ajuster les points de consigne et de détecter les dysfonctionnements,

• être capables de couvrir une plage de taux de chloration suffisamment large pour répondre aux variations saisonnières de la demande en chlore de l’eau,

• pouvoir s’adapter à tout moment au débit transitant dans le feeder, ce débit étant par nature extrêmement variable au fil de la journée, voire susceptible de changer de sens,

• respecter la réglementation des installations classées, à savoir limiter le stockage du chlore à moins de 500 kg et installer un dispositif fiable de détection et d’absorption de fuites,

• bénéficier cependant d’un stockage suffisant de réactifs pour limiter le nombre d’interventions sur site.

Le problème le plus délicat à traiter est la régulation de la chloration : l’expérience montre en effet qu’un asservissement mal adapté peut créer des phénomènes transitoires, avec des bouffées de chlore désagréables pour le consommateur lors de fortes variations de débit d’eau, voire des arrêts de la chloration en cas de débit insuffisant. C’est pourquoi le principe d’une régulation par l’aval a été retenu pour la plupart des sites, et des mesures de débit ont permis de définir le dimensionnement approprié des vannes modulantes dosant le chlore.

La supervision de la qualité en réseau

Pour gérer et faire évoluer tout ce dispositif, il a été décidé de compléter l’instrumentation existante du réseau

par l’installation d’analyseurs de chlore. Ceux-ci sont localisés en des points désignés par l’exploitant et méritant une attention particulière, soit parce qu’ils sont situés en aval de postes de rechloration et permettent d’alerter en cas de dérive, soit parce qu’ils permettent de renseigner sur la consommation de chlore de portions sensibles du réseau, sur lesquelles peuvent alors être engagées différentes interventions pour favoriser la circulation de l’eau, rincer des conduites ou éventuellement ajuster le taux de chlore.

L’ensemble des mesures de chlore libre est ramené à intervalle régulier sur la station de travail du laboratoire de chaque usine principale, qui reçoit ainsi la totalité des données analytiques du réseau, présentant ainsi à l’ingénieur qualité une vue complète de son secteur de distribution, tant en termes de résiduel de chlore qu’en termes de qualité bactériologique.

Bibliographie

(1) RIGAUD (G), RANDON (G), GATEL (D), GAGNON (J.L), DUTANG (M), Pourquoi un autocontrôle bactériologique décentralisé des réseaux d’eau potable ?, L’Eau, l’Industrie, les Nuisances, n° spécial Pollutec, octobre 1994, pp. 54-57.

(2) Loi n° 76-663 du 19 juillet 1976 relative aux Installations Classées pour la protection de l’environnement. Brochure 1001 du Journal Officiel. Installations classées pour la protection de l’environnement, 3 tomes.

(3) DEVOS (F.), MENIN (M.), Maîtrise de l’évolution de la qualité de l’eau dans le réseau de distribution du SEDIF : le purgeur automatique temporisé, L’Eau, l’Industrie, les Nuisances, septembre 1994, pp. 40-42.

(4) GATEL (D.), HENRIET (C.), Lutte contre les reviviscences bactériennes, Point Sciences et Techniques, vol. 4, n° 2, décembre 1993, p. 30.

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