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Les problèmes des boues et leurs nouveaux aspects

27 decembre 1979 Paru dans le N°40 à la page 15 ( mots)
Rédigé par : F. BAUVOIS et Cl. LEFROU

Le problème des boues n'est, en réalité, qu'une conséquence immédiate de la lutte contre la pollution des eaux. En effet, l'épuration des eaux aboutit à rejeter d'une part des eaux épurées et d'autre part à retenir la plus grande partie de la pollution sous forme de boues.

La boue est un mélange solide-eau qu'il faut pouvoir stocker, manipuler, transporter éventuellement. Selon son origine (effluent industriel ou urbain), le procédé d'épuration qui a abouti à sa production, c'est un produit d'une très grande variabilité : d'une part dans sa composition (teneur en eau, répartition entre fractions minérale et organique, présence de métaux lourds ou de germes pathogènes), d'autre part, dans son évolution au cours du temps (biodégradabilité de la fraction organique, possibilité de libération d'éléments toxiques ou gênants sous l'effet des agents atmosphériques par exemple).

Résoudre le problème des boues, c'est donc leur trouver dans chaque cas une destination correcte qui supprime les nuisances immédiates ou potentielles. Les risques peuvent être bénins — cas des odeurs — mais aussi plus sérieux : transfert de composants des boues dans les sols, les eaux souterraines ou superficielles, contamination des sols, des végétaux et animaux par des éléments toxiques ou pathogènes, etc. Si l'on conçoit bien que l'idéal serait de retourner tous ces différents éléments contenus dans les boues vers leur milieu d'origine et sous leur forme originelle non toxique, ceci est difficilement réalisable dans la pratique.

Une deuxième solution, qui relève également de l'utopie, au moins actuellement, est d'imaginer un recours total à des technologies propres.

LES DESTINATIONS ACTUELLES DES BOUES

— Une première possibilité est de recourir à des procédés qui empêchent toute évolution ultérieure du produit.

C'est d'abord l'incinération que l'on pourrait croire être une solution radicale et qui pourtant a des inconvénients multiples : la production de fumées qui peuvent être chargées en composés toxiques et qui, sans traitement, aboutissent à un transfert de pollution vers l'atmosphère ; la production de cendres pour lesquelles il faut également trouver une destination correcte ; enfin et surtout, une consommation énergétique importante qui paraît difficilement acceptable dans le contexte économique actuel.

L'incinération est néanmoins en usage pour des boues seules, ou en mélange avec un autre matériau possédant un haut pouvoir calorifique, ou encore lorsque la toxicité des produits n'autorise pas le recours à d'autres solutions moins onéreuses.

On peut également viser à l'inactivation des substances toxiques contenues dans les boues en les rendant inertes et en les stockant dans des sites soigneusement choisis. C'est par exemple la vitrification des boues industrielles, mais là encore il s'agit d'un procédé coûteux dont on n'est pas assuré de l'efficacité à long terme.

— Une deuxième voie possible, et qui rejoint la solution utopique à laquelle nous faisions allusion tout à l'heure, consiste à disperser les boues au maximum dans le milieu naturel. Ceci peut être réalisé à des degrés divers :

— L'accumulation sous une forme convenable dans des sites convenablement choisis où les dangers de contamination des eaux souterraines et superficielles sont faibles ; c'est le cas du dépôt des boues en décharge contrôlée, qui consomme un espace qui pourrait sans doute être mieux utilisé.

— La dispersion sur de vastes surfaces agricoles, possible pour des boues relativement peu chargées en éléments dangereux. Cette solution, si l'on veille à maintenir les concentrations en métaux lourds en deçà des seuils de toxicité pour conserver aux terres tout leur potentiel de fertilité, est la seule qui permette la valorisation d'éléments utiles et actuellement coûteux ; certaines boues en contiennent des quantités non négligeables (azote et phosphore notamment).

L'épandage agricole peut bien sûr être effectué avec des boues seules, mais aussi après compostage avec d'autres déchets (ordures ménagères, déchets végétaux divers).

LES CAUSES DU PROBLÈME DES BOUES DE STATIONS D’ÉPURATION DE COLLECTIVITÉS LOCALES

1. — Mauvaise gestion ou mauvaise conception de stations d’épuration.

Malgré les efforts menés, par l’Agence notamment, pour la formation des préposés aux stations, malgré l'amélioration de la technicité des concepteurs de dispositifs d'épuration, les problèmes rencontrés sur le terrain sont encore nombreux et se situent à différents niveaux :

Fonctionnement défectueux : on rencontre encore aujourd'hui des stations qui ne produisent pas de boues, ou plus exactement dont les boues partent plus ou moins avec l'effluent « épuré ». D'autres, en revanche, par suite d'extractions trop fréquentes, produisent des quantités très importantes de boues dont la teneur en matières sèches est infime.

Les défauts de conception se situent plutôt au stade du conditionnement et du stockage des boues. En effet, il n'est pas rare de trouver des stations dont les installations de déshydratation sortent des boues que leur degré de siccité rend absolument impropres au stockage, à la manipulation et même à l'épandage. En outre, l'absence à la station de dispositifs de stockage dans le cas des boues liquides pose des problèmes énormes d'évacuation régulière des boues aux gestionnaires.

En résumé, on peut dire que ni les concepteurs, ni les communes ne tiennent suffisamment compte du problème de l'élimination des boues au moment du choix du procédé d’épuration.

2. — Mauvaise connaissance de la composition des boues.

Nous savons que les boues peuvent contenir des éléments valorisables mais aussi parfois des éléments pouvant être dangereux s'ils sont présents en trop fortes quantités.

Or il est absolument déroutant de constater que la grande majorité des gestionnaires des stations d’épuration n’ont aucune idée de la composition des boues qu’elles produisent.

Cette connaissance est pourtant indispensable pour savoir si une valorisation en agriculture est envisageable.

Elle peut également permettre de déceler des concentrations anormales en métaux, et donc la présence de rejets inacceptables dans les réseaux communaux. Or il est bien admis maintenant que l’épuration des toxiques sur le lieu de leur production est le seul moyen efficace de lutte contre leur pollution.

3. — Mauvaise prise en compte de l’aspect financier du problème.

Matériels de déshydratation qui ne fonctionnent, par économie, que quelques mois par an ; d'autres qui produisent des boues non manipulables parce qu'un degré de siccité correct exigerait une consommation énorme de floculant, etc.

Tout cela démontre qu’au moment du choix la préférence a souvent été donnée à des matériels sophistiqués dont on pouvait attendre une certaine tranquillité d’exploitation mais qui sont aussi coûteux à l'investissement et au fonctionnement. Certes, ces matériels peuvent s'avérer indispensables dans certains cas, mais les communes et leurs administrés devraient être amenés, par le soin des Administrations et des Agences, à examiner dès le départ l'impact financier (investissement et fonctionnement) des différentes solutions possibles.

Ainsi on parviendrait sans doute à développer des procédés, tels que l'épandage agricole des boues, qui est trop souvent écarté d’office.

CAS PARTICULIER DE L’ÉPANDAGE AGRICOLE DES BOUES DE COLLECTIVITÉS

L’épandage est la solution la plus satisfaisante pour l’esprit puisqu’elle est la seule à réduire le gaspillage des matières premières en recyclant les éléments nécessaires à la croissance des plantes et en réduisant de ce fait la consommation d’engrais chimiques.

Mais là encore des problèmes se posent :

  • — d'ordre scientifique : malgré les recherches et expérimentations effectuées dans de nombreux pays, la connaissance des effets agronomiques des boues n'est pas encore parfaite, puisqu’on arrive à prévoir des effets mais qu'on en mesure mal les mécanismes. Les prévisions sont difficilement quantifiables de façon précise notamment dans deux domaines : évolution de l'azote contenu dans les boues, et conséquences à long terme des apports inévitables (même s'ils sont faibles) de métaux lourds. Cet aspect scientifique du problème a d'ailleurs des répercussions très concrètes car il rend les modalités de calcul économique du bilan attendu par l'agriculteur très difficiles à établir.
  • — d'ordre psychologique : les agriculteurs, sans doute mal informés sur les effets agronomiques connus des boues, sans doute également déroutés par la confusion des transactions commerciales dont elles sont l’objet, font preuve de réticence pour les utiliser et ne veulent pas, on les comprend, que leurs terres deviennent les dépotoirs de la société.

Charge est donc à chacun d'entre nous de s’efforcer de produire des boues valorisables en agriculture. C’est une entreprise réalisable malgré les approximations et la prudence que l'état des connaissances actuelles nous impose. On peut schématiquement envisager la démarche suivante :

  1. a) Suppression des rejets de produits toxiques dans les réseaux d’assainissement et traitement de cette pollution à la source.
  2. b) Concertation entre les élus locaux, le monde agricole, les administrations concernées et les professionnels de l’épuration pour décider de façon raisonnée de la meilleure destination des boues.Ceci suppose :
    • — une étude du contexte agricole local (cultures, connaissance des sols, pratiques agronomiques particulières à la région, climat, production de déchets compostables à proximité, etc.) ;
    • — une action d'information et de prospection pour trouver des agriculteurs prêts à entreprendre l’épandage ;
    • — une étude économique des différentes solutions techniques possibles (boues liquides ou sèches ; dimensionnement et emplacement des dispositifs de stockage ; matériels de reprise en charge et de transport des boues ; épandage agricole, systèmes de commercialisation, etc.).
  3. c) Mise en place d'un suivi étroit comprenant notamment :
    • — des analyses complètes et régulières des boues ;
    • — la communication par la station des résultats aux agriculteurs ;
    • — une surveillance des doses épandues, des sols et des cultures dont les modalités sont à définir avec l’aide de Services Agronomiques.

L’énumération qui vient d’être faite des principaux problèmes des boues et des solutions possibles, dans le cas particulier de l’épandage agricole, ne vise nullement à effrayer le lecteur mais plutôt à lui permettre de savoir où il doit porter son effort. Cet article n'avait pas d'autre but.

F. Bauvois – Cl. Lefrou.

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