La réhabilitation ou la dépollution des sols par les plantes est une technologie récente (dix ans), écologique, et bon marché. Elle permet d'éviter ou de limiter le transfert des métaux lourds à l'homme par la chaîne alimentaire et celui du sol vers les eaux de surface ou de la nappe phréatique sans dommage à l'environnement. Les scientifiques, les institutionnels et les industriels se mettent au chevet du sol malade.
Deux méthodes de phytoremédiation sont étudiées pour les métaux lourds dans les sols : la phytostabilisation et la phytoextraction. Dans le premier cas, les plantes sont utilisées pour leur aptitude à tolérer les polluants dans le sol et à s’y installer, limitant ainsi l’érosion et l’entraînement des polluants dans le sol. Quant à la phytoextraction, les plantes sont utilisées pour accumuler les métaux du sol dans les parties aériennes récoltables et valorisables (phytomining), rentabilisant ainsi le coût de la remédiation.
La phytoextraction : lentement mais sûrement
Sur le plan scientifique, la compréhension du système sol/plante est loin d’être achevée. Jean-Louis Morel, directeur du laboratoire associé ENSAIA-INRA Sols et Environ-
La problématique liée aux métaux lourds a déjà été mise en évidence sur les ordures ménagères ou les boues industrielles. Dans le cadre de la phytoextraction, le centre de R&D de la société Thide Environnement a étudié au préalable la thermolyse de la biomasse. La quantité massique de charbon générée représente 1/5 à 1/7 de la biomasse brute, ce qui doit multiplier 5 à 7 fois les teneurs en métaux lourds.
Le four rotatif permet de réguler tous les paramètres intervenant lors de cette opération :
- - le temps de séjour (30 à 60 minutes),
- - la température finale (maximum 750 °C, pas de limite inférieure),
- - la vitesse de montée en température des produits à thermolyser.
Des traitements complémentaires peuvent être réalisés sur les résidus carbonés afin de séparer la partie carbonée de la partie minérale, et optimiser leur valorisation respective.
La thermolyse
nement de Nancy, analyse les raisons pour lesquelles les travaux de laboratoire doivent continuer : « il y a 10 ans nous étions la seule équipe à travailler sur le domaine de la phytoremédiation et depuis, il y a de plus en plus d’adeptes. Dans le cadre des sols pollués aux métaux lourds, la phytoextraction est une technologie potentiellement intéressante : elle permet un nettoyage à terme à condition d’y mettre le temps, au moins une dizaine d’années. Et il est très coûteux de traiter une grande surface par la voie physico-chimique. Actuellement, on est au stade pilote ». Pour une application industrielle de la phytoextraction, des questions restent encore sans réponses : comment concilier une forte accumulation au niveau de la plante avec une bonne production de biomasse, car des teneurs trop élevées dans la plante pourraient l’endommager ? les plantes transgéniques sont-elles une solution ? Au niveau du sol, quel serait l’impact d’un apport en agent chimique pour augmenter la biodisponibilité (capacité du métal à passer de la solution du sol vers la cellule racinaire) des métaux ? Une communication sur les sols pollués en Conseil des ministres en 2001 a souligné la nécessité d’accroître les efforts en matière de Recherche & Développement.
Au niveau réglementaire, l’équipe sites et sols pollués du Ministère de l’Écologie et du Développement Durable résume la démarche suivie : « La France ne dispose ni de valeurs seuil ni de normes pour les métaux lourds dans les sols, contrairement à d’autres pays européens. La réhabilitation ou la dépollution se fait au cas par cas. C’est en fonction du site, du niveau de contamination, et de l’usage auquel le site est destiné. En Allemagne par exemple, la définition des critères de sol pollués est controversée, la présence naturelle des métaux lourds dans les sols n’est pas prise en compte ».
Alors, c’est la méthode d’Évaluation Détaillée des Risques (EDR) qui assure les objectifs de dépollution les mieux adaptés au site et à son utilisation.
Dans le même esprit, l’Ademe diffusera d’ici la fin de l’année un guide méthodologique sur les différents traitements de dépollution applicables aux sols dont la phytoremédiation. Différents types de sols correspondant à différentes problématiques ont été prélevés pour la rédaction du protocole et une validation par les industriels précédera la diffusion de ce guide.
Phytoextraction et phytomining
Une expérimentation de phytoremédiation à échelle pilote, inédite en France, a été lan
Créé début 2002 par Metaleurop SA sur un terrain pollué de 7 000 m² situé à environ 1 km de l’usine Metaleurop Nord (Pas-de-Calais), le projet regroupe plusieurs participants : l'association Environnement et Développement Alternatif-Lille (EDA), Metaleurop Nord, l'Institut Supérieur d’Agriculture de Lille (ISA), le bureau d’études TAUW Environnement-Douai, le Centre de Recherche de la métallurgie des non-ferreux (CRT)-Trappes, Thide Environnement-Voisins-le-Bretonneux, Traitement et valorisation des déchets par thermolyse.
La phytoextraction pour la dépollution et le phytomining pour le recyclage/valorisation de la biomasse enrichie en Pb, Cd et Zn constituent l’opération complète. Des expérimentations sur la stabilisation (mobilisation des métaux lourds par addition de cendres) et sur la phytostabilisation des sols ont été effectuées ; cette dernière n’élimine pas les métaux des sols pollués. La phytoextraction semble être une méthode plus intéressante. Christian Desnoyers, coordinateur du projet et chef du département caractérisation-analyse du centre de recherche de Metaleurop, estime que « laisser la biomasse polluée sur place conduit à une absurde restitution au sol des métaux lourds extraits. La phytoextraction est indissociable d'un traitement aval écologiquement et économiquement acceptable des végétaux récoltés. Et, mettre en décharge contrôlée cette biomasse est non seulement non autorisée pour les matières organiques mais économiquement impensable ».
L'objectif est triple :
* évaluation et validation, pour des conditions naturelles de culture, du taux d’accumulation (TA) et de la capacité d’extraction (CE) des trois espèces végétales choisies en raison de CE intéressantes (voir tableau) publiées dans la littérature scientifique (résultats de laboratoire et/ou jardin contrôlé). Très peu de données existent en conditions de culture de plein champ ;
* faisabilité du traitement de la biomasse produite par la thermolyse (voir encadré) pour obtenir un bilan matière biomasse-résidu carboné contenant du Pb, Cd et Zn ;
* faisabilité du recyclage du résidu carboné contaminé dans l'usine de Metaleurop Nord.
Ces deux dernières étapes sont différées en raison de la situation de Metaleurop SA et Metaleurop Nord.
Ce projet d'une durée initiale de trois ans faisait
… partie d'un engagement de Metaleurop SA (janvier 2002) de consacrer 610 000 euros sur quatre ans. Mais seuls des résultats complets permettraient d’évaluer le réel potentiel de ce mode de gestion des sols pollués, en conservant à l'esprit le facteur temps lié aux performances et au rythme biologique des végétaux ; une des problématiques soulevées par Henri Molleron, directeur de Colas Environnement et Recyclage : « Ces plantes extractrices s'adapteraient-elles sur tout type de sol industriel ? Par exemple, comment faire pousser des plantes sur des gravats ? Ensuite, les contraintes de cette technique sont relatives à la profondeur de la pollution inorganique (métaux lourds) et à la concentration en métaux valorisables qu’on aurait obtenue dans ces plantes. Néanmoins, c'est une technique en principe idéalement adaptée pour des grandes zones polluées en surface, par des retombées de fumées d’usine ou des épandages excessifs par exemple. »
Concernant le traitement des effluents liquides pollués par les métaux lourds, les réalisations à grande échelle sont encore rares en France. L’extraction des métaux lourds se fait au niveau des rhizomes ; c’est la rhizofiltration, selon laquelle les racines à croissance rapide absorbent, précipitent et concentrent les métaux des effluents.
La promotion de la phytoremédiation
Pour réaliser ce type de projet et pour promouvoir le développement de la phytoremédiation, la synergie entre le monde de la Recherche et les opérateurs de dépollution
Famille |
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Crucifère (annuelle) |
Graminée (vivace) |
Papilionacée (semi-vivace) |
(CE = TA x RB, RB est rendement biomasse)
est plus que nécessaire. Ce que l'État et le Conseil Régional du Nord Pas-de-Calais ont réalisé en 1995 à travers le Pôle de Compétence Sites et Sédiments Pollués de Lille. Une structure similaire est en place depuis un an dans la région Rhône-Alpes ; elle fédère au sein de l'Agence Rhône-Alpes pour le Développement des Technologies Médicales et des Biotechnologies ARTEB (association loi 1901) et l'Association Pour la Promotion des Eco-entreprises Lyonnaises APPEL les chercheurs et les entreprises locales de l'environnement autour du thème de la phytoremédiation et de son application. Une de leurs actions est la diffusion du premier numéro Phyto R-A, le Flash-info en janvier 2003, qui est une veille bibliographique. Ces deux régions sont les plus impliquées industriellement sur la phytoremédiation. La phase d'application à grande échelle de la phytoremédiation avec des enjeux commerciaux importants a démarré aux États-Unis et au Canada depuis 3 ans environ, mais le phytomining n'est pas encore à l'ordre du jour.