Le séchage thermique des boues d'épuration est un procédé énergivore, qui reste réservé aux plus grosses stations d'épuration. A l'opposé, les serres de séchage solaire, très économiques, requièrent des surfaces au sol qui peuvent être importantes et se limitent donc aux petites stations. Pour offrir un séchage économique et continu, SAUR développe actuellement une serre hybride à Carnac, qui utilise l'apport solaire et un appoint d'énergie provenant de pompe à chaleur.
Le séchage des boues d’épuration est devenu aujourd’hui une filière de traitement incontournable. Elle répond à des contraintes de plus en plus sévères pour toutes les voies de valorisation. Outre la réduction des coûts de transport, le séchage permet d’obtenir un produit plus facile à manipuler, accepté en épandage agricole, à l’incinération ou à l’enfouissement. Pour les plus grandes stations d’épuration (> 100 000 EH), le séchage thermique est couramment utilisé. Mais pour les plus petites stations, il n’existait pas de procédé adapté, jusqu’au développement, il y a quelques années, des serres de séchage solaire.
SAUR, par l’intermédiaire de sa filiale d’ingénierie Stereau, propose une serre de séchage solaire, dénommée Heliocycle®. La production annuelle de boues y est stockée et séchée, avec une évacuation à la fin de l’été, en général. Ce séchage est particulièrement économique, car l’essentiel de l’énergie provient du soleil. Les principaux postes de coûts résident donc dans la ventilation de l’air sous la serre et le retournement des boues.
Dans une serre Heliocycle®, la
Séchage solaire conventionnel : le procédé Heliocycle®
Le principe du séchage solaire est simple : il consiste à étaler les boues déshydratées sur la surface de la serre. Un système de ventilation assure le renouvellement de l’atmosphère et l’évacuation de l’air humide. La boue est régulièrement brassée à l'aide d'un outil de retournement qui favorise le séchage tout en évitant la fermentation.
Comme le séchage dépend fortement des conditions climatiques, Heliocycle® fonctionne par cycle annuel. En hiver, la serre est plutôt un moyen de stockage car le séchage n'est vraiment efficace qu'en été. En fin de cycle, les boues atteignent 70 % à 80 % de siccité et leurs qualités microbiologiques sont accrues. Grâce au séchage et à la dégradation biologique, la masse des boues est réduite de plus d'un facteur 5.
La consommation énergétique ne représente que 10 % environ de celle d'un sécheur thermique ! Cependant, le développement des serres de séchage solaire est limité par :
- - les surfaces au sol, qui peuvent être trop importantes.
- - l'évacuation annuelle des boues sèches, qui ne correspond pas toujours aux plans d’épandage locaux ou aux besoins imposés par l'incinération.
Pour intensifier le séchage, c'est-à-dire proposer un procédé plus compact et continu, SAUR développe actuellement une serre de séchage solaire combiné sur la station d’épuration de Carnac (Morbihan). Pour suppléer au déficit solaire en hiver et obtenir des performances de séchage élevées tout au long de l'année, un apport d’énergie complémentaire est assuré par l’intermédiaire de pompes à chaleur.
Le principe de la serre de Carnac
Le principe du séchage combiné développé par SAUR en partenariat avec l’ADEME, est décrit sur la figure 1. Le lit de boues est maintenu à une température voisine de 30 °C, par la dalle chauffante et par l’air soufflé dans la serre. Ces deux réseaux de chauffage utilisent de l’eau chaude à 50 °C environ, provenant de deux pompes à chaleur distinctes. La pompe à chaleur raccordée au plancher chauffant puise ses calories dans l’eau de sortie de station dont la température est comprise entre 8 °C et 20 °C tout au long de l’année. L’autre pompe à chaleur, qui préchauffe l’air ambiant soufflé sous la serre, utilise la chaleur de l’air extrait, chaud et humide, par l’intermédiaire de la colonne de lavage de gaz. Lors du séchage, en effet, de l’ammoniac est dégagé par les boues et doit être capturé avant son émission dans l’atmosphère. Une colonne de lavage acide a donc été mise en place et joue le double rôle de traitement chimique et de récupération des calories (condensation) de l’air extrait de la serre. Cet équipement est donc un élément particulièrement important d’un point de vue économique et écologique :
- - la chaleur contenue dans l’air extrait de la serre n’est pas gaspillée, mais recyclée.
- - l'ammoniac est traité pour éviter les nuisances olfactives dans l’environnement proche de la serre.
En été, l’apport solaire suffit à chauffer le lit de boues pour obtenir voire dépasser les performances de séchage visées. Les pompes à chaleur sont alors arrêtées. Elles fonctionnent donc selon les besoins, afin d'optimiser la dépense énergétique du système.
Une serre de séchage solaire combiné ressemble d’assez près à une serre de séchage solaire conventionnel : étalement des boues sur la surface, système de ventilation et outil de retournement. Son principe de fonctionnement est néanmoins différent, car les boues sont séchées en continu, été comme hiver grâce aux pompes à chaleur. De ce fait, l’outil de retournement ne se contente pas que de brasser et texturer les boues, il assure aussi leur avancement sous la serre. Les boues déshydratées sont en effet alimentées par l'une des extrémités de la serre, alors que les boues séchées sont extraites de l’autre côté. Sur la surface de la serre, la siccité du lit de boues évolue typiquement entre 20 % et 70 %-80 %. Le temps de séjour des boues dans la serre est de l’ordre d’un mois.
Présentation de l’installation
La serre a été construite sur la station d’épuration de Carnac (Morbihan). Située en zone balnéaire, la station subit des variations importantes de régime entre l’été (45 000 EH) et l’hiver (6 000 EH). La serre pourra traiter, à terme, la production hivernale de boues.
Pour éviter de transporter les boues sur une distance trop importante, la serre a été installée à proximité du local de déshydratation. L’alimentation en boues s’effectue par une pompe gaveuse, et débouche par le dessous de la dalle.
La serre, de type horticole, est recouverte de panneaux de polycarbonate alvéolaire triple parois (16 mm). Avec ce matériau, l’isolation thermique est privilégiée, malgré une transmission lumineuse moindre que le verre. La serre mesure 26 m de long et 6,70 m de large, avec une hauteur au faîtage de 4,40 m. La surface utile au séchage est de 92 m² ; elle représente la surface du plancher chauffant. Ce dernier se constitue de 9 serpentins enroulés en double escargot, pour que la température de la dalle soit homogène sur toute la surface. La ventilation et l’extraction de l’air peuvent être réglées, indépendamment l’une de l’autre, entre 1 000 m³/h et 4 000 m³/h.
L’installation est entièrement automatisée. Des sondes et des capteurs ont été mis en place pour ajuster les paramètres de séchage de manière optimale.
Une instrumentation a été mise en place pour suivre en continu les performances de séchage et les besoins énergétiques de la serre.
Performances de séchage
Les performances de séchage sont définies par la quantité d'eau évaporée par jour et par unité de surface utile (m²). Les quantités d’eau évaporée dans l’installation ont été déterminées par un bilan en eau sur l’air humide ventilé et extrait :
- en entrée, le débit d'eau correspond à l’air extérieur ventilé sous la serre, dont le débit, la température et l’humidité relative sont connus ;
- en sortie, le débit d’eau correspondant à l’air extrait de la serre est déterminé par les mesures de débit, température et humidité relative ;
- la différence entre les deux permet d’accéder à la quantité d’eau évaporée.
Comme le pas de temps de mesure est de 10 min, les performances évaporatoires calculées par cette méthode sont extrêmement fines d'un point de vue temporel. Les performances de séchage ont été calculées heure par heure puis, pour simplifier les comparaisons avec la maquette, ont été ramenées à des kilogrammes d'eau évaporée par m² et par jour. Les résultats sont présentés sur la figure 2. En moyenne, entre le 7ᵉ et le 13ᵉ jour, l’évaporation est de 6 kg d'eau par m² et par jour, mais est supérieure les jours suivants, lorsque le débit d’air est plus élevé. Les performances évaporatoires évoluent de manière cyclique, quotidienne, en fonction du rayonnement solaire. Sur la période étudiée, en mai, le flux solaire moyen est de 150 W·m⁻², avec des pics quotidiens d’une heure ou deux, compris entre 600 W·m⁻² et 800 W·m⁻².
Comme le séchage est un processus de surface, la température à la surface des boues est un paramètre clé pour estimer les performances évaporatoires. Dans la serre de Carnac, cette température est mesurée par des capteurs infrarouge fixes. La corrélation entre ces deux paramètres est tracée sur le graphique de la figure 3.
Les performances évaporatoires évoluent exponentiellement avec la température de surface, car elles suivent l’allure de la pression de vapeur saturante de l’eau (voir le diagramme de l’air humide). Comme l'air en sortie de serre était saturé en eau avec un débit de 1000 m³·h⁻¹, le doublement du débit provoque un doublement des performances évaporatoires. L’augmentation de la température de surface des boues est donc favorable au séchage, à condition que l'air puisse évacuer les quantités d'eau évaporées. Une fois que la siccité des boues a atteint 70 %, l'eau est moins accessible et les performances évaporatoires chutent, même si la température des boues est élevée.
Conclusion et perspectives de développement
En service depuis quelques mois, la serre de séchage solaire combiné de Carnac présente des performances évaporatoires très satisfaisantes, légèrement supérieures aux résultats préliminaires obtenus en laboratoire.
La présence de pompes à chaleur permet de sécher les boues en continu, quelle que soit la saison.
La serre est plus économique qu’un sécheur thermique, d’une part grâce au coefficient de performance des pompes à chaleur et d'autre part, grâce à l'apport solaire. La serre de séchage combiné est plus compacte qu'une serre de séchage solaire conventionnel, et très facile à exploiter. Ces atouts permettent d’envisager l'application de ce type de procédé sur des stations de taille importante.