Pour la première fois en France, le système Drausy a été utilisé à titre curatif pour obtenir une diminution du niveau de sédiments organiques dans un plan d'eau annexe en communication avec la rivière Yerres, dans l'Essonne. Déjà mis en ?uvre sur plus de dix sites en Allemagne, le procédé de désembouage a également été employé cet été dans un plan d'eau de Prague par les services municipaux des Forêts et de l'environnement.
Le Syndicat intercommunal pour l’assainissement de la région de Villeneuve-Saint-Georges (SIARV) a procédé, pendant quatre mois de juillet à début novembre 2006, à l'expérimentation et à l’évaluation du système biologique de désembouage Drausy. Il a associé préalablement le Conseil supérieur de la pêche ainsi que les Associations agréées pour la protection de la pêche et du milieu aquatique (AAPPMA). Les bras secondaires et le plan d’eau annexe constituent des zones de sédimentation préférentielle de l'Yerres dans la mesure où les vitesses d’écoulement deviennent faibles en pénétrant dans ces milieux larges ou sinueux.
Le système par aération linéaire douce a permis de traiter un étang de 5.000 m² com
muniquant avec l’Yerres, rivière du département de l’Essonne, près de Paris. Une première en France. Mais cette technique, destinée aux interventions dans les eaux de faible profondeur, a été déjà utilisée en Allemagne, notamment par une société de pêche de Seligenstadt, dans la région de Francfort, pour éliminer une accumulation de boues dans un étang de 8 000 m³. Le système a été également employé l’été dernier par les services des Forêts et de l’environnement de la ville de Prague, en République tchèque, dans un plan d’eau de 5 000 m². Sur chacun de ces trois sites aquatiques, une diminution significative de l’épaisseur de sédiments a pu être mesurée. Les baisses maximales obtenues sont de 20 cm à Brunoy en France, de 30 cm à Seligenstadt et de près de 28 cm à Prague.
Stimulation aérobie par injection de fines bulles d’air
La technique mise au point par Drausy consiste à injecter de l’air sous forme de bulles très fines sur le fond du plan d’eau par l’intermédiaire d’un tuyau immergé souple de petit diamètre doté d’un profil breveté caractéristique et dont la face supérieure est percée à intervalles réguliers d’orifices microscopiques sur l’ensemble de sa longueur. Ce tuyau est relié à un compresseur (2,5 bars environ) alimenté par électricité. Pour une efficacité optimale, il est préférable que le système fonctionne en continu 24 heures sur 24, ce qui empêche également l’eau de pénétrer dans le tuyau. En dessous d’une température de l’eau de 13 °C, l’activité bactérienne est moindre. C’est donc pendant la période estivale que l’installation peut être mise en œuvre avec les meilleurs résultats.
À partir d’une barque, le tuyau de polyuréthane, lesté par un câble d’acier enrobé de même matière et soudé, est déroulé directement sur le fond (voir le schéma en coupe ci-dessus) selon un plan préétabli pour couvrir le maximum de surface du plan d’eau (voir le plan de l’installation de Brunoy). Un tracé en S a été retenu à Seligenstadt pour une longueur de tuyau de 800 m et, à Prague, pour une longueur de 500 m, de manière à assurer une diffusion sur toute la largeur de l’étang. Si nécessaire, le tuyau est maintenu en place par des pieux. À Brunoy, les 630 m du tuyau Drausy ont été immergés par la société des Entreprises Morillon-Corvol et Courbot (EMCC) spécialisée en travaux subaquatiques. Une centaine de mètres de tuyau classique a été enterrée pour assurer la liaison avec le compresseur situé dans un local technique existant.
L’oxygène contenu dans l’air insufflé stimule l’action des bactéries aérobies dans le milieu aquatique. Ces dernières provoquent la décomposition des matières organiques accumulées. Le processus donne son plein effet avec une période de traitement de trois à six mois. L’efficacité du système Drausy repose sur sa capacité à diffuser en permanence la même quantité d’air sur toute la longueur de l’installation même si la pression dans les tronçons de tuyau les plus éloignés du compresseur est nettement plus faible que près de ce dernier.
Un volume d’environ 500 m³ de sédiments organiques digérés à Brunoy
« Le but de notre expérimentation était d’obtenir, dans le plan d’eau de la base de loisirs de Brunoy, connecté à la rivière Yerres, une réduction du niveau des sédiments qui s’accumulent au rythme de 5 à 10 cm par an », explique Olivier Delécluse, responsable du service Contrôles des milieux naturels aquatiques du SIARV. Les relevés bathymétriques préalables de 2002 indiquaient des épaisseurs de sédiments de 20 cm jusqu’à 1,00 m en certains emplacements. Considérant le taux d’envasement annuel rappelé ci-dessus, l’épaisseur de sédiments avant l’implantation du système Drausy pouvait osciller entre 40 cm et 1,20 m. En quatre mois de fonctionnement de l’installation, de juillet à novembre 2006, nous avons enregistré des baisses de 5 cm à 20 cm, ce qui correspond à un volume de sédiments digérés d’environ 500 m³. Avec des coûts très inférieurs à ceux d’une intervention mécanique comprenant un traitement des sédiments, et ceci sans aucun impact négatif sur la faune et la flore aquatiques. Ce résultat satisfaisant nous incite, même si l’efficacité du système est réduite en hiver, à laisser l’installation en fonctionnement pour éviter des frais de dépose, stockage et remise en place.
ou avril 2007, à procéder avec Drausy à un nettoyage sur place du tuyau et à son repositionnement pour traiter les parties où l'on aura détecté le plus de sédiments.
Les mesures effectuées par le SIARV révèlent une baisse accentuée de la couche de sédiments sur le parcours du tuyau et une diminution moins sensible au fur et à mesure qu’on s’en éloigne. D’où le repositionnement probable au printemps 2007 pour atteindre une digestion plus homogène sur l'ensemble du fond.
Baisse de 40 % des matières en suspension
Le traitement par aération linéaire douce a également entraîné une baisse importante des matières organiques en suspension et permis d’obtenir une diminution de la turbidité de l'eau. Les MES ont diminué de 41 % de juin (concentration de 31,4 mg/l) à novembre (18,5 mg/l). Le tuyau, situé à une quarantaine de centimètres de profondeur, ne pouvait être observé depuis la surface. Il est désormais visible à l’œil nu.
Fait à signaler, le SIARV dispose d’un plan d’eau témoin également connecté à la rivière Yerres et non traité en amont immédiat du plan d'eau équipé du système Drausy. Autre conséquence de l'intervention : les algues proliférant dans le bras de sortie de ce milieu eutrophique riche au départ en azote et en phosphore ont disparu. Olivier Delécluse attribue le phénomène aux bactéries aérobies attaquant la couche de sédiments et provoquant un décrochage des racines. Les algues ont ensuite été entraînées par le courant modéré du bras de la rivière.
Les analyses chimiques comparées du milieu aquatique en juin, avant l'installation du système avec une température de l'eau de 23,8 °C, puis en août, en cours de traitement, avec une température de l’eau de 18,5 °C et, enfin, en novembre à la fin de l'expérimentation, avec une température de l'eau de 9 °C (peu favorable donc à l'efficacité du procédé) ont permis de mesurer une augmentation de la concentration d’oxygène de près de 18 % puisque les valeurs sont passées de 4,5 mg/l à 5,43 mg/l en août.
Les résultats pour l'azote Kjeldahl, c’est-à-dire l'azote organique et l'ammonium montrent une baisse d’environ 62 % de ces substances, passant de 2,8 mg/l à 1,05 mg/l en août avant de remonter très légèrement à 1,25 mg/l en novembre. Le phosphore a connu une baisse supérieure à 40 % passant de 1,18 mg/l à 0,7 mg/l en août puis à 0,44 mg/l en novembre. La DCO a été en diminution de 46 % tombant de 39 mg/l à 21 mg/l en août, puis remontant légèrement à 25 mg/l. La DBO₅ a baissé de 31 % de 7,9 mg/l à 5,4 mg/l en août.
À noter que les phénomènes de variations de la qualité de l'eau du plan d’eau ne sont pas uniquement dus au procédé Drausy mais proviennent également de la qualité de l'eau de l'Yerres qui l'alimente.
Neutralisation des émanations dues à la fermentation anaérobie
À Seligenstadt, la campagne de traitement
par le système Drausy s’est déroulée en deux temps : été 2005 et printemps 2006.
La société de pêche Mainfish gère ce plan d’eau auparavant menacé d’asphyxie. Ses adhérents vivent l’été dans une centaine de caravanes et bénéficient d’un restaurant. Son président Klaus Rosskopf constate, relevés à l’appui, que « l’épaisseur des boues organiques a diminué en moyenne de 30 cm ». Ce qui a permis de rétablir la circulation d’eau entre un lac de 4 ha et l’étang de pêche et surtout celle des poissons. Dans le même temps, les émanations nauséabondes dues à la fermentation anaérobie ont été neutralisées.
À Prague, le traitement par le système d’aération linéaire a permis de faire disparaître 986 m³ de boues et d’obtenir une amélioration de la qualité chimique des eaux de l’étang dont les services municipaux des Forêts et de l’Environnement ont la charge. Dans cette opération dont la Communauté européenne a assuré une partie du financement, le donneur d’ordre rémunère au m³ de boues détruites. Les boues profondes subsistant sur une zone centrale de 2 500 m² à l’issue de cette première campagne feront l’objet d’une nouvelle intervention au printemps 2007.
Au vu des résultats obtenus, le traitement par le même procédé d’autres plans d’eau voisins représentant une surface de 12 hectares est à l’étude pour l’été 2007. Les quelque 15 % de sédiments minéraux résiduels qui ne peuvent pas être éliminés par l’installation seront enlevés par intervention mécanique. Ils ne représentent plus qu’un volume réduit par rapport au volume initial. De plus, ce matériau biologiquement quasi inerte peut être réemployé comme sable pour d’autres utilisations.
La technologie innovante de dispersion linéaire d’oxygène de l’air sur de grandes longueurs et surfaces ouvre le champ à d’autres applications.
En particulier dans les réseaux d’égouts où le système a la capacité d’éviter la formation de H₂S et de mercaptans. Les premières installations ont été mises en place en France. À Clamart (Hauts-de-Seine), la Sevesc, société qui gère un réseau d’assainissement de la région Île-de-France, après rénovation de l’égout, va réinstaller 1 km de tuyau Drausy dans un égout gravitaire. ■