Les données sont bien différentes aujourd’hui, et le bilan d’exploitation est devenu un des facteurs essentiels de décision. Nous avons défini ci-après quelques éléments qui devraient permettre aux techniciens intéressés de réaliser les économies nécessaires.
Énergie : les trois facteurs du gaspillage
De nombreuses raisons expliquent le gaspillage d’énergie que l’on peut constater dans certaines stations de pompage.
Parmi les principales, nous pouvons citer :
• l’usure du matériel entrant dans la composition des stations de pompage, et principalement des groupes électropompes dont le rendement se dégrade au cours des années ;
• les installations équipées de matériels de pompage comprenant des éléments mécaniques, hydrauliques ou électriques dont la technologie est dépassée et qui font chuter leur rendement ;
(1) On estime, en France, à 100 000 les stations de pompage sur les réseaux d’assainissement, dont 5 000 sont équipés de pompes d’une puissance supérieure à 15 kW.
• le choix des groupes électropompes eux-mêmes, dont le surdimensionnement, souvent lié à la méconnaissance des débits prévisibles, conduit, sur des réseaux dissipatifs, à un gaspillage énergétique d’autant plus sensible que les stations sont importantes.
[Photo : Figure 1.]
L’analyse qui conduit à la décision d’installer un nouveau groupe de pompage doit tenir compte du liquide pompé, et pour les eaux usées, les facteurs tels que le rendement ou le colmatage : à quoi servirait quelques pourcents de rendement avec un nouveau groupe si l’hydraulique nécessite un dégrillage (dont on connaît le coût et les servitudes) ?
Ainsi, le remplacement d’un groupe électropompe ancien ne peut se limiter à une simple mise en place d’un matériel aux caractéristiques équivalentes. Il est en effet essentiel de prendre en compte tous les facteurs évoqués ci-dessus, et notamment de bien connaître les caractéristiques du réseau existant et l’évolution des débits d’apport à la station.
Le choix des groupes électropompes
Comme nous l’avons signalé plus haut, nous ne méconnaissons pas l’importance de facteurs tels que la section de passage et la résistance au colmatage ; cependant, et pour la clarté de l’exposé, nous considérerons dès à présent que les solutions examinées sont équivalentes sous ce rapport.
[Photo : Figure 2.]
Dans ce qui suit, nous analyserons le fonctionnement classique d’une station de pompage comportant deux pompes de refoulement installées en parallèle sur le même réseau. Nous mettrons en évidence, à l’aide de trois cas, l’importance des caractéristiques du réseau, ainsi que de la variation du débit d’apport.
[Photo : Figure 3.]
Notons que si les constructeurs cherchent constamment à augmenter le rendement de leur groupe électropompe, l’analyse montre qu’il n’est qu’un des éléments entrant dans le bilan énergétique global de l’opération de refoulement, et bien souvent, n’est pas un des facteurs les plus déterminants.
[Photo : Caractéristique H = F(Q) d’un groupe à différentes fréquences.]
[Photo : Figure 5.]
Influence de la caractéristique résistante d’un réseau
Prenons l’hypothèse d’un débit d’apport constant (QA) et le choix possible entre deux groupes électropompes, l’un calé sur le débit d’apport, l’autre assurant le débit double (QB = 2 QA) et, pour simplifier, nous considérerons les deux groupes d’un rendement identique.
Examinons à présent l’influence de la courbe de réseau sur les consommations d’énergie.
1° cas : simple relèvement avec une courbe de réseau horizontale (Hg = Hm) (figure 1).
L’énergie consommée est donnée par la formule :
E (kWh) = P (kW) × T (h),
avec :
P (kW) = 9,81 Q (m³/s) H (m) η (%).
Pour une hauteur de relèvement égale (HA = HB), la pompe A fonctionne à un débit QA exactement égal à la moitié de celui QB de la pompe B, d’où :
QA = QB/2.
Pour évacuer la même quantité d’effluent, la pompe A devra fonctionner un temps T, et la pompe B un temps T/2, soit, dans le premier cas de figure, un rapport de consommation d’énergie pour les deux groupes considérés de :
EA QB/2 × HB × T
—— = —————————— = 1
EB QB × HB × T/2
Sur réseau non dissipatif, la consommation d’énergie est indépendante de la caractéristique QH des groupes électropompes. Seul le rendement intervient.
2° cas : réseau normal, moyennement dissipatif (Hm = Hg + Δp).
La pompe A présente toujours un débit égal à la moitié de la pompe B, mais cette fois le débit QA est obtenu à une hauteur HA moitié de la hauteur HB (figure 2).
Dans ce cas de figure, le rapport de consommation d’énergie pour les deux groupes est :
EA QB/2 × HB/2 × T
—— = ——————————— = 1/2
EB QB × HB × T/2
On consomme deux fois plus d’énergie avec le groupe électropompe de débit double : l’intérêt évident est donc de caler un groupe électropompe sur le débit moyen d’apport à la station, un second groupe identique, voire même un troisième venant faire l’appoint pour le débit de pointe.
3° cas : réseau fortement dissipatif, exemple de cas extrême (Hm = Δp).
La hauteur géométrique est considérée comme nulle et la hauteur manométrique n’est occasionnée que par des pertes de charges.
La pompe A présente encore un débit égal à la moitié de la pompe B, mais sa hauteur HA est, dans ce dernier exemple, égale à 1/4 de la hauteur HB (figure 3), soit, dans ce dernier cas de figure, un rapport de consommation d’énergie pour les deux groupes considérés :
EA QB/2 × HB/4 × T
—— = ——————————— = 1/4
EB QB × HB × T/2
Les consommations d’énergie, cette fois-ci, sont donc dans le rapport de 1/4.
Le surdimensionnement de la capacité de pompage par rapport au débit d’apport est à proscrire. On préférera une solution avec des groupes électropompes dissemblables (figure 4) ou un système de pilotage à débit variable (variation de fréquence, par exemple) (figure 5).
En effet, le service que peut assurer une pompe est caractérisé, comme nous l’avons vu plus haut, par sa courbe débit/pression à la vitesse nominale. Une variation de la vitesse permet de déplacer cette courbe et, par conséquent, de s’adapter au mieux au débit à assurer grâce à une régulation de la vitesse de la pompe.
Ces exemples illustrent les principes suivants :
- si la courbe de réseau est plate (cas de simple relèvement, 1° exemple), la puissance des groupes à choisir n’est pas directement guidée par la consommation d’énergie ; généralement, des pompes de forte taille offrent un meilleur
[Photo : VILLAGE – Diagramme n° 1.]
[Photo : PETITE VILLE – Diagramme n° 2.]
[Photo : VILLE MOYENNE – Diagramme n° 3.]
[Photo : GRANDE VILLE – Diagramme n° 4.]
[Photo : Une hydraulique moderne à très haut rendement.]
[Photo : La pompe submersible à hélice, une solution à haut rendement pour un simple relèvement (communauté urbaine de Lille).]
Toutefois, si la station de pompage doit alimenter une station d’épuration, plusieurs pompes permettent un débit plus régulier ;
si la courbe de réseau est plus résistante (2ᵉ et 3ᵉ exemple), une des pompes équipant la station doit avoir un débit approchant le débit d’apport moyen. Si l’on utilise un seul groupe électropompe pour le débit d’apport maximal à la station, on se pénalise par une consommation d’énergie importante. Une pompe surdimensionnée n’est en aucun cas économique sur le plan de la consommation énergétique.
Nous savons que la consommation d’énergie est donnée par :
W = P × T avec P = ρ·g·H·Q / η
où ρ, g, η sont des constantes.
Le choix d’un groupe électropompe ne peut donc résulter que de la connaissance aussi parfaite que possible des éléments suivants :
• variation du débit d’apport,
• caractéristique du réseau (hauteur géométrique + pertes de charges),
• point de fonctionnement et rendement de la pompe sur ce réseau.
Nous avons donc montré comment évacuer la même quantité d’effluent, avec une pompe A de débit Q_A et une pompe B de débit Q_B fonctionnant la moitié du temps. Le rapport des consommations d’énergie évoluera selon le rapport des caractéristiques du réseau entre :
Q_A / Q_B = 1 à Q_A / Q_B = 4.
Notre expérience dans ce domaine nous a amenés à établir un certain nombre de combinaisons favorables (portées au tableau I).
Tableau I
Pompe de faible débit | Pompe de fort débit |
1 | 1 |
2 | 1 |
3 | 2 |
3 | 3 |
La capacité totale des pompes de faible débit sera égale ou légèrement supérieure au débit moyen d’apport à la station. Le débit maximal sera atteint seulement avec les pompes de forte capacité.
Dans le cas d’un simple relèvement, si le rapport Hm/Hgéo = 3/2, on utilisera des groupes identiques. De plus, on pourra optimiser la station avec, par exemple, une permutation des groupes à chaque démarrage.
Variation du débit d’apport
Pour définir les groupes électropompes devant équiper une station de refoulement d’eaux usées, il est nécessaire d’apprécier les variations d’amplitude du débit d’apport.
Les facteurs à prendre en considération sont :
• le débit journalier : q_i,
• le débit moyen journalier (défini en moyenne sur 24 h) : q_j,
• le débit moyen : q_m, défini par q_m = q_i / 24,
• le débit maximum d’apport : q_max,
• le débit minimum d’apport : q_min.
Par la suite, il faut définir un coefficient d’amplitude de débit k tel que :
k = q / q_m avec q_min / q_m < k < q_max / q_m.
Diverses études montrent que 1 < k < 3,2.
Pour un calcul d’équarrissage, lorsque les variations des débits d’apport à la station ne sont pas toujours précisées au projet, nous proposons les diagrammes suivants :
• diagramme 1 : village (800 EH), k_max = 2,2,
• diagramme 2 : petite ville (20 000 EH), k_max = 2,2,
• diagramme 3 : ville moyenne (50 000 EH), k_max = 2,0,
• diagramme 4 : grande ville (> 300 000 EH), k_max < 1,5.
[Photo : Pour une station sur un réseau unitaire, la solution « pompes dissemblables » est intéressante (ville de Rennes).]
Conclusion
En matière d'assainissement, le choix d'un groupe est lié à la nature des effluents à évacuer et aux caractéristiques débit/pression à assurer. De mauvaises habitudes ont été prises depuis longtemps, et l'on surdimensionne trop facilement le matériel. L'évolution des coûts d'exploitation conduit aujourd'hui à caler plus judicieusement la capacité des groupes en fonction des caractéristiques du réseau de refoulement et de l'évolution des débits d'apport, associés à un choix judicieux du module d'hydraulique.
[Photo : Des pompes anciennes à faible rendement sont encore en service (ville de Tours, ancienne station St-François).]
Dans beaucoup de stations, le remplacement du matériel de pompage existant par un matériel mieux adapté ou par l’adjonction d'un groupe supplémentaire, mais de taille inférieure, peut se justifier rapidement par des économies appréciables sur la consommation d’énergie.
Nous ferons part prochainement des résultats obtenus avec le système « PEAS »* qui permet d’évaluer de manière simple les débits d’apport dans une station de pompage, puis de vérifier selon différentes hypothèses le temps de retour des investissements.
* Pump Economy Analyses System.