Le 9 juillet 1984, le Conseil Général du Val d'Oise a décidé d'assurer la maîtrise d'ouvrage de la construction de la section du Boulevard Intercommunal Parisis (BIP) comprise entre l'autoroute A1 et la RN 370 (opération déclarée d'utilité publique le 11 mars 1988). Les travaux de terrassement ont débuté en septembre 1991 mais ont été stoppés en octobre, au contact, d'une ancienne décharge sauvage. Cet article décrit les différentes phases de réhabilitation et les techniques employées pour rénover le site.
La décharge à réhabiliter située à Gonesse (93), d’une surface d’environ 3 ha (figure 1) était un ancien dépôt, exploité dans les années 1960 à 1980, notamment pour le dépotage de vidange de WC chimiques des aéroports parisiens, et de divers déchets industriels (solvants). Elle fut ensuite remblayée au moyen de déchets hétérogènes (déchets ménagers, déblais de chantier, déchets industriels banals) sur une épaisseur de 0 à 5 mètres.
La décharge repose sur les limons des plateaux recouvrant les Marnes infragypseuses épaisses de 5 à 6 mètres, sur lesquelles est présente épisodiquement une nappe perchée de lixiviats. Sous cette formation se trouvent les Marnes-Calcaires de Saint-Ouen (figure 2). La nappe phréatique est située à 17 mètres de profondeur.
Le volume total des déchets a été estimé à 42 500 m³, et le volume des terres polluées par les infiltrations liquides à 21 000 m³. Les polluants rencontrés sont essentiellement des hydrocarbures, notamment aromatiques, des composés organo-halogénés, et des composés phénoliques.
Dans ce secteur, la nappe phréatique est dégradée d’une manière générale du fait de la présence de plusieurs décharges de ce genre. Pour sa part, le site à réhabiliter contribuait à la dégradation de sa qualité, en particulier en ce qui concerne les organo-halogénés et l’indice phénol.
Après un diagnostic réalisé par le BRGM la conduite des études de faisabilité préliminaires pour l’élaboration d’une solution de réhabilitation, des dossiers administratifs correspondants, ainsi qu’une assistance technique pour l’élaboration des marchés de travaux et la consultation des entreprises ont été confiées à Burgéap.
L’objectif était de parvenir à construire le BIP dans les meilleurs délais, en assurant des conditions normales de travail, et de réhabiliter l’ensemble du site afin d’en supprimer l’impact sur le milieu environnant.
Solution retenue pour la réhabilitation
Le principe de la solution retenue est illustré par la figure 3.
On a tout d’abord effectué un drainage des lixiviats présents en fond de décharge, à l’aide de puits-citernes.
Les lixiviats pompés ont été évacués en centre de traitement spécialisé. Une paroi moulée de soutènement a été réalisée le long du tracé du BIP afin de permettre la reprise des terrassements à l’abri de celle-ci.
Les déblais ont été triés en fonction de leur degré de pollution, déterminé par un laboratoire de terrain.
Les déblais du terrassement à forte charge polluante de la section courante du BIP ont été évacués au centre d’enfouissement technique de classe 1 de Villeparisis. Les terres et déchets terreux pollués par des produits organiques volatils ou biodégradables ont été mis en dépôt en partie nord du site, en vue d’un traitement de dépollution. Enfin, les déblais assimilables à des ordures ménagères, ainsi que les déblais inertes ont été stockés définitivement sur la plate-forme Sud de la décharge, en vue d’un confinement.
Un confinement définitif des aires de dépôt, par parois souples périphériques et couverture étanche, a ensuite été réalisé (figure 4).
La solution retenue présente plusieurs avantages. Elle a reçu en effet l’agrément des autorités administratives, le site étant compatible, d’un point de vue hydrogéologique, avec le stockage de matériaux assimilables à des ordures ménagères ; il remplit donc les conditions réglementaires. Il n’y a pas de création de site nouveau puisque le stockage est réalisé en recouvrement d’un ancien dépôt. Le stockage sur place des matériaux assimilables à des ordures ménagères, ainsi que le traitement de dépollution des terres
contaminées offrent en outre l’avantage de ne pas saturer inutilement les décharges d’accueil de la région. Cette solution s’inscrit donc bien dans le cadre de la politique actuelle d’élimination des déchets ultimes. Enfin cette solution est la moins onéreuse.
Situation administrative du site réhabilité
La mise en confinement du site s’apparente à une ouverture de décharge, soumise à autorisation préfectorale après enquête publique. Un dossier de demande d’autorisation a donc été constitué et déposé par le Conseil Général du Val d’Oise. L’enquête publique s’est déroulée du 24 janvier au 24 février 1994. Afin de permettre une reprise rapide des travaux, le Conseil Général a sollicité une autorisation provisoire d’exploiter, pour une période de six mois une fois renouvelable, une installation de stockage provisoire de déblais pollués. Cette autorisation a été délivrée en octobre 1993, puis renouvelée en avril 1994.
Réalisation des travaux
Les travaux de pompage et l’élimination des lixiviats, ainsi que de confinement ont été confiés au groupement SADE / SARP Industries / ViaFrance.
Les terrassements et les divers traitements de dépollution des terres ont été confiés au groupement Flan/Géoclean.
L’assistance technique à la maîtrise d’œuvre pour le contrôle des travaux a été confiée au groupement Burgéap/Antea.
Le montant des travaux a été estimé à 60 MF.
Installation de chantier
Le chantier a été divisé en deux zones : une “zone verte” regroupant les locaux des entreprises, les installations de la maîtrise d’œuvre et la salle de réunion ; et une “zone rouge”, d’accès réglementé comprenant, à l’ouest de la décharge, un poste de garde à l’entrée du site équipé d’une barrière électrique, d’un décrotteur de camions, d’une aire de lavage et d’une bascule. Le stockage des engins s’effectue dans la zone rouge.
Réalisation des puits et pompage des lixiviats
Le drainage des lixiviats a été effectué à partir de puits busés atteignant la base des déchets jusqu’aux limons.
Ces puits ont joué le rôle de réservoirs à lixiviats ; leur profondeur varie entre 2 et 4,5 mètres, pour une profondeur moyenne de 3 mètres jusqu’aux limons. Au total, 41 puits de 150 cm de diamètre ont été creusés dans les terres et dans les déchets à la benne preneuse. Trente puits ont été équipés de buses en béton perforées de 90 cm de diamètre intérieur.
Les lixiviats drainés dans les puits ont été pompés jusqu’à épuisement. Leur pompage n’a commencé que lorsque les zones de dépôt Nord et Sud ont été recouvertes par une géomembrane VLDPE et, en partie centrale, après la réalisation de la paroi moulée.
Réalisation de la paroi souple périphérique
La paroi souple réalisée en coulis de bentonite-ciment a été implantée en périphérie de la décharge, soit sur une surface de 3 330 m² pour un linéaire de 750 ml, avec une profondeur variant de 2,15 à 6,15 m. L’épaisseur de cette paroi est de 50 cm et sa profondeur a été déterminée pour un ancrage dans les marnes infra-gypseuses de 1,5 mètre afin d’assurer l’étanchéité latérale du confinement.
Le terrassement de la paroi périphérique a été effectué à la pelle mécanique, la stabilité des parois étant assurée par les propriétés thixotropiques du coulis.
Échantillonnage des déblais de l’emprise du BIP
La surface de la décharge a été découpée en carrés de 10 m de côté repérés en abscisse et ordonnée par des lettres. Ce repérage a été matérialisé par un piquetage sur le terrain. On a défini des lots de terrassement de 100 m³, correspondant chacun à un carré en surface et à des couches successives de 1 mètre de profondeur.
Au milieu de chaque carré, un sondage d’une surface approximative de 1 m² a été réalisé à la pelle mécanique jusqu’aux lots correspondants à la cote projet et à une profondeur limitée à 5 mètres. Le creusement a été réalisé mètre par mètre, les déblais correspondants étant mis en tas à côté de la fouille de sondage. La coupe descriptive de chaque sondage a été relevée.
À partir des tas des déblais, un échantillon jugé représentatif et constitué par un mélange de plusieurs prises a été prélevé en double exemplaire. Trois cent trente échantillons ont ainsi été analysés par un laboratoire mobile mis en œuvre par Antea. Les paramètres analysés sont ceux qui ont été fixés par l’arrêté préfectoral d’autorisation provisoire du 25 octobre 1993, lequel fixe les seuils de classement des matériaux (inertes, assimilables à des O.M., ou bien relevant d’une élimination en décharge de classe 1, figure 7). Dans le but de comparer les réponses du laboratoire de terrain avec celles d’un laboratoire de référence, 10 % des échantillons ont été analysés au laboratoire du BRGM à Orléans.
Les sondages ont confirmé la grande diversité des déchets présents dans la décharge comportant principalement des déblais de construction, des terres
polluées, des déchets végétaux, des résidus de matières plastiques, des gâteaux de filtres-presses résidus de station d’épuration ainsi que de sable de fonderie. Ces déchets sont localement imprégnés d’hydrocarbures ou d’eau contaminée.
Les résultats ont montré que les polluants les plus souvent rencontrés, tant dans les déchets que dans les terres polluées sous-jacentes, étaient les phénols, les composés aromatiques volatils, les hydrocarbures de type essence ou huile minérale, les composés organohalogénés ; certains échantillons révèlent un pH très basique.
Réalisation d’un bassin étanche de 3 000 m²
Un bassin d’orage avait été réalisé préalablement aux travaux de réhabilitation de la décharge à l’ouest du site. Ce bassin est destiné à recueillir les eaux de ruissellement de la section courante du BIP après leur passage dans un séparateur d’hydrocarbures. Les eaux s’infiltrent ensuite directement dans la nappe par l’intermédiaire de deux puits filtrants.
Le bassin d’orage a été séparé en deux pour la durée des travaux de réhabilitation : un bassin étanche destiné à recueillir toutes les eaux de ruissellement contaminées des plates-formes de la décharge, et un bassin d’infiltration dont le rôle est de récupérer les eaux de ruissellement du BIP dans la partie où sont situés les deux puits.
Un géotextile anti-poinçonnement a été posé en fond de bassin sur lequel une géomembrane PEHD, d’épaisseur 2 mm, a été posée. Les soudures des lés ont été réalisées à la machine automatique à fer chaud, avec un recouvrement minimum des lés de 15 cm. 950 m² de PEHD ont ainsi été mis en place. La géomembrane a été fixée par des ancrages en tête du bassin.
Couverture des plates-formes existantes de la décharge
Afin d’assurer le drainage de la majeure partie des eaux pluviales vers les fossés périphériques, 14 500 m² de géomembrane VLDPE ont été mis en place sur la plate-forme Sud de la décharge. L’étanchéité de la plate-forme Nord, destinée à recevoir les terres et déchets terreux pollués à traiter, a été réalisée par 4 500 m² de géomembrane VLDPE, d’épaisseur 1 mm, soudée avec une machine automatique à fer chaud, par canal central, avec un recouvrement des lés de 15 cm. Les points singuliers et les réparations ont été soudés avec un
chalumeau à air chaud. Cette géomembrane a été posée sur une couche de sablon de 10 cm.
Réalisation de la paroi moulée de soutènement
La tranchée de la paroi a été creusée par panneaux par une benne preneuse à câble jusqu’à une profondeur de 8 à 10 mètres. Un ferraillage a été mis en place pour chaque panneau avant coulage du béton.
Chaque panneau a une longueur moyenne de 5,60 m et une épaisseur de 0,5 m. Le contrefort a une longueur de 2,70 m. 465 ml de paroi ont été réalisés pour une surface totale de 4 000 m² hors contrefort, soit 82 panneaux.
Les déblais de paroi moulée ont été triés selon leur degré de pollution déterminé par l’échantillonnage. Un rail PEHD a été posé en tête de la paroi moulée pour permettre la fixation par soudure de la couverture étanche définitive. La consommation de béton pour chaque panneau a été comparée au volume théorique. Une surconsommation moyenne de béton de 30 % a été constatée.
Terrassements
Un tri des lots a été effectué sur la base des résultats des analyses du laboratoire de terrain, en tenant compte des remarques motivées par la comparaison avec le laboratoire de référence.
Trois destinations possibles des déblais à terrasser ont été définies :
- - une mise en dépôt sur la partie Sud de la décharge des matériaux dits « de classe 2 », ainsi que d’une partie des matériaux dits inertes,
- - évacuation, vers le Centre d’Enfouissement Technique (CET) de classe 1, de Villeparisis, des déchets pollués très hétérogènes et des déblais pollués par des composés ne pouvant être éliminés par l’installation de traitement mise en place sur le site,
- - mise en tertre sur l’aire Nord des terres et déchets terreux homogènes pollués par des composés organiques volatils ou biodégradables pouvant être traités.
Les lots de 10 × 10 m ont été matérialisés sur le terrain par un piquetage. La destination de principe de chaque lot a été repérée par un piquet de couleur situé au centre du carré.
Les déblais ont été extraits à la pelle mécanique lot par lot, par couches suc-
Tableau 1.
Destination des déblais terrassés – Volumes terrassés
classe 1 : 4 380 m³ – 7 122,15 tonnes |
+ déblais des parois moulées : 2 047,6 tonnes |
traitement : 5 654 m³ |
classes 2 et inertes : 19 082 m³ |
cessives d'une épaisseur de 1 mètre.
• Lots de classe 1 évacués en CET :
Après chargement, les camions passaient, du décrotteur à roues pour l'élimination des dépôts de terre sur les pneus, à l'aire de lavage haute pression pour un nettoyage plus complet, bâchés avant passage à la bascule. Un bon de pesée et le bordereau de suivi de déchets industriels (BSDI) étaient établis par un représentant du maître d'œuvre et remis aux chauffeurs. Le numéro du lot était transmis à l'émetteur du BSDI par le responsable du suivi des terrassements sur le terrain.
À leur arrivée au C.E.T. de classe 1 de Villeparisis, les camions étaient pesés à nouveau. Un camion par lot a fait l'objet d'un prélèvement pour analyse et acceptation.
• Lots de déblais à traiter et de matériaux assimilables aux ordures ménagères
Ces matériaux ont été terrassés puis mis en dépôt sur les zones Sud et Nord par transport interne (dumpers, tracto-benne).
Traitement des terres et déchets terreux pollués
Le système de traitement des déblais terreux du tracé du BIP a été mis en place sur la zone Nord.
Les terres polluées ont été stockées, sous la forme d'un merlon, sur une surface d'environ 4 000 m² et sur une hauteur de 2 mètres, le merlon étant équipé de façon à effectuer une extraction sous vide associée à un traitement biologique, suivant le procédé mis en œuvre par la société Geoclean.
L'objectif du traitement est de revenir à des teneurs telles que les déblais soient inertes ou assimilables à des ordures ménagères. Les déblais ainsi traités resteront ensuite confinés sur place.
Assainissement définitif du site
Des fossés bétonnés ont été aménagés en tête de la paroi moulée ainsi que des fossés périphériques le long de la paroi souple. Ces fossés, destinés à recueillir les eaux de ruissellement, seront raccordés au système d'évacuation des eaux pluviales de la route.
Couverture définitive de la décharge
Après finition du modelé de l'aire de dépôt sud et du tertre de traitement nord, un feutre anti-poinçonnement a été mis en place avant la pose de la géomembrane PEHD. Cette géomembrane, d'une épaisseur de 2 mm, est soudée à la machine automatique à fer chaud par canal central. Un complexe drainant a ensuite été mis en place sur la membrane puis recouvert d'une couche de terre végétale de 30 cm pour réengazonnement.