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La photométrie vers encore plus de simplicité

21 juin 2016 Paru dans le N°392 à la page 47 ( mots)
Rédigé par : Jacques-olivier BARUCH

Rapide, facile d'utilisation et relativement peu coûteuse, la photométrie n'en finit pas de s'imposer dans l'analyse de l'eau. Et parvient à se réinventer en permanence pour simplifier encore son usage, et étendre son champ d'action vers de nouvelles applications.

Faire parler la lumière, tel est l’objectif de la photométrie.

Le principe de base est relativement simple : la lumière émise ou absorbée par un corps dépend de la composition de ce dernier. Analyser la lumière qui traverse un liquide, comme l’eau, permet ainsi de connaître la teneur de tel ou tel composé qu’il contient. Soit en mesure directe d’un échantillon, pour déterminer par exemple la turbidité (la quantité de matières qui troublent le liquide). Soit en mesure indirecte : si le composé recherché est incolore, il faut alors utiliser un kit chimique. Il se compose de tubes destinés à recevoir l’échantillon, contenant un réactif sensible au composé ciblé. En cas de présence de ce composé, une réaction

[Photo : Le Nanocolor® UV/VIS II de Macherey Nagel est un spectrophotomètre multi-usages utilisé pour des analyses précises et reproductibles en eaux potables, eaux usées ou eaux industrielles.]

Le procédé chimique provoque la coloration du mélange, d’autant plus intense que la concentration est forte. Il suffit alors de placer le tube dans le photomètre (ou le spectrophotomètre) qui traduira l’intensité de couleur en une concentration. On parle alors de colorimétrie.

Il est ainsi possible de traquer la quasi-totalité des composés et polluants qui peuvent altérer l’eau dans les processus industriels, dans la gestion des eaux potables et usées, dans les piscines etc. Parmi les plus courants : la demande chimique en oxygène, qui traduit la présence d’une charge polluante, les différents métaux (plomb, fer, cadmium, chrome…), les nitrates, nitrites, phosphates, sulfates, la dureté, le pH…

Un champ d’applications très large

Le champ d’action de la photométrie s’arrête à l’analyse physico-chimique et n’est pas adapté à la microbiologie (recherche de micro-organismes). Encore que. « La mesure du résiduel de chlore peut indirectement refléter l’état bactériologique de l’eau », détaille Luc Derreumaux, président de Cifec, dont 30 % de l’activité est réalisée dans la photométrie, principalement avec les gammes Lovibond Tintometer et Palintest.

La photométrie est même parvenue à s’étendre en dehors de la partie visible du spectre. « Notre sonde UVS-1 mesure dans l’ultraviolet, et traduit sa mesure en allumant des LED, lues par un photodétecteur », explique ainsi Christophe Vaysse, chargé d’affaires chez Anael. L’absorbance dans l’UV est proportionnelle à la quantité de matières organiques présente dans l’eau.

Le capteur Viomax CAS51D d’Endress+Hauser est capable de mesurer à 214 nm la concentration en nitrates ou à 254 nm la matière organique : sans préparation d’échantillons ni réactifs, il simplifie l’utilisation et la maintenance.

L’absorption d’UV est aussi utilisée par le ColorPlus de Sigrist, pour la mesure en ligne du carbone organique dissous (COD), en complément (et en simultané) de la mesure de couleur (Hazen), par un seul et même appareil.

DTLi réalise également l’analyse de carbone organique dissous (COD) par absorption UV avec l’analyseur CT200 ou la sonde Odysseo, qui peuvent également inclure la mesure de nitrate, de couleur ou de matières en suspension.

Le photomètre est donc un vrai couteau suisse, bien plus fiable que les mesures autrefois (et parfois encore) réalisées « à l’œil nu », à l’aide de nuanciers, comme le célèbre Pantone. « La lecture visuelle dépend de l’éclairage et de l’acuité visuelle du technicien. Les appareils peuvent aujourd’hui distinguer plus de 10 000 couleurs, résume Jérôme Porquez, chef des ventes chez Macherey-Nagel. Nos spectrophotomètres permettent en outre d’atteindre des sensibilités allant jusqu’au ppb. »

[Encart : S’ils font à peu près la même chose, les deux instruments n’ont pas le même mode de fonctionnement. Les photomètres proposés par Macherey Nagel, Aqualabo Analyse, Hanna Instruments, Cifec ou Bamo fonctionnent dans une bande donnée de longueurs d’onde. Les spectrophotomètres développés par Macherey Nagel, Hach, Endress+Hauser, Shimadzu, Cifec, Thermo Scientific, Datalink Instruments ou encore Aqualabo, au contraire, peuvent mesurer sur tout le spectre visible, voire au-delà, de l’infrarouge à l’ultraviolet. De conception optique plus simple, le photomètre s’avère plus robuste et plus adapté aux mesures de terrain que le spectrophotomètre, de fabrication plus complexe, et donc plus à l’aise avec les mesures en ligne et les paillasses de labos.]
[Photo : Le moniteur AMI Codes-II CC de Swan permet le contrôle automatique des désinfectants dans l’eau : eau potable, eaux chaudes sanitaires, eaux de piscines, etc. La détermination des agents de désinfection (chlore libre & chlore total résiduel) se fait par méthode colorimétrique en continu (DIN EN ISO 7393-2 et ASTM 4500-Cl G).]
[Publicité : MACHEREY-NAGEL]
[Photo : Photomètre portatif haute précision de Hanna Instruments pour acide cyanurique (jusqu’à 80 mg/L), chlore libre (jusqu’à 2,50 mg/L), chlore total (jusqu’à 3,50 mg/L) et pH (5,9 à 8,5 pH) spécial piscine, avec fonction Cal Check, livré avec 2 cuvettes de mesure et pile.]

Autre avantage : une mesure très rapide, quasi-instantanée, pour un coût relativement modeste : en fonction de la molécule recherchée et de la quantité commandée, le prix du test varie de quelques centimes à quelques euros. « La photométrie reste un peu plus onéreuse que d’autres techniques de mesure, comme l’ampérométrie. Si bien qu’elle est bien adaptée aux mesures ponctuelles, alors que l’analyse en continu se tournera, quand c’est possible, vers l’ampérométrie. Les deux techniques sont très complémentaires », estime Luc Derreumaux chez Cifec.

D’où l’engouement de nombreux industriels de l’eau pour les photomètres et spectrophotomètres (cf. encadré). Du traitement et de la gestion des eaux usées au suivi de la qualité de l’eau potable, en passant par les eaux des piscines publiques et les eaux de procédés industriels (métallurgie, chauffage, refroidissement). Et même l’agroalimentaire. « Nos spectrophotomètres répondent aux besoins très spécifiques des fabricants de boissons. Coca-Cola veut que son soda soit toujours de la même couleur. Il en va de même pour la bière, les eaux aromatisées, le cidre… Ces applications nécessitent de mesurer l’intensité de la couleur, mais aussi sa profondeur, sa luminosité, ses niveaux de gris… Ce qui fait de l’agroalimentaire l’un des domaines les plus exigeants en photométrie », résume Jérôme Porquez chez Macherey-Nagel.

Plus d’ergonomie et de simplicité d’utilisation

Au-delà de la précision et de la fiabilité, la grande tendance des dernières gammes de photomètres et de spectrophotomètres touche principalement l’ergonomie et la simplicité d’utilisation. À l’instar du concept de « smart photometry » de Macherey-Nagel. « Nous sommes les premiers à avoir associé à nos appareils une tablette tactile dotée d’un écran HD de 10 pouces, pour que les opérateurs aient accès à une analyse très intuitive, explique Jérôme Porquez. L’interface est ainsi plus visible, et plus simple d’utilisation, y compris pour un non-spécialiste ». Cet écran n’est pour l’instant disponible que sur les spectrophotomètres de la gamme Nanocolor UV/VIS II et VIS III, dédiés à l’analyse de laboratoire.

Pour la mesure en ligne, Endress+Hauser propose un nouvel analyseur Liquiline System CA80 avec une autonomie de 3 mois sur les réactifs et des cycles de mesure courts. Disponible pour la mesure de l’ammonium et de l’orthophosphate, il pourra également mesurer le fer, les nitrites ou le phosphore total d’ici la fin de l’année. D’autres paramètres compléteront encore la gamme l’an prochain. Grâce à sa simplicité, la photométrie parvient ainsi à détrôner d’autres techniques, plus complexes à mettre en œuvre, comme le souligne Benjamin Gracia, chargé d’affaires chez Swan : « Nos nouveaux analyseurs de phosphates par colorimétrie permettent de contrôler et de réguler le taux de phosphates, pour les chaudiéristes. Aujourd’hui, de plus en plus de traiteurs d’eau se renseignent sur ces analyseurs, pour remplacer les dosages sur appoints d’eau. Ces mesures sont aussi une bonne alternative à des calculs savants et complexes utilisant des graphiques de conductivité et la conductivité acide ».

Autre façon de simplifier : la multidisciplinarité

L’automne dernier, Aqualabo Analyse a sorti le Photopod, un photomètre compact plug & play qui se branche sur le multi-paramètres portable numérique Calypso. Cet instrument de terrain peut être utilisé soit pour une mesure directe de la conductivité, du pH, de l’oxygène et de la turbidité, soit pour une analyse photométrique avec réactifs. « Le principal avantage réside dans le gain de temps, avec

[Photo : Le nouvel analyseur Liquiline System CA80 de Endress+Hauser a une autonomie de 3 mois sur les réactifs et des cycles de mesure courts. Disponible pour la mesure de l’ammonium et de l’orthophosphate, il pourra également mesurer le fer, les nitrites ou le phosphore total d’ici la fin de l’année.]
[Photo : Le Photopod d’Aqualabo est un photomètre compact plug & play qui se branche sur le multi-paramètres portable numérique Calypso. Cet instrument de terrain peut être utilisé soit pour une mesure directe de la conductivité et du pH, soit pour une analyse photométrique avec réactifs.]
[Publicité : SWAN Analytical Instruments]

Consommables : à quand la compatibilité ?

« Les kits de réactifs, c’est un peu comme pour les cartouches d’encre : c’est un marché assez rentable, et chaque fabricant a intérêt à ce que l’acheteur de ses photomètres utilise aussi ses réactifs », souffle un fabricant. Résultat : la compatibilité des kits d’une machine à l’autre est loin d’être généralisée. À l’instar des machines Hach, qui n’acceptent que des tubes de petite section (des marques Hach et Lange, comme le UV-VIS DR 5000), et dans lesquelles, par conséquent, la plupart des tubes des autres marques ne peuvent être utilisés. Et le coût global des analyses, priorité numéro un des labos aujourd’hui. Mais ils ne sont pas les seuls. « Nos appareils sont calibrés pour un type de kit donné, avance-t-on chez Macherey-Nagel. Mais ils peuvent être reprogrammés pour accepter des kits concurrents ». À condition, donc, de mettre les mains dans le cambouis. Même constat chez Aqualabo : « Le Photopod fonctionne avec certains réactifs concurrents, mais pas tous ».

À noter tout de même, un effort sur la gamme de spectrophotomètres Uviline 9300 & 9600 de la marque : en option, ils peuvent être équipés d’un porte-cuves universel pour cuves de 5/10/20/50/100 mm et les tubes de 16 mm. Ou le concept de cuvettes lavables et réutilisables grâce à des stations de lavage intégrées, comme dans le Smartchem 600 d’AMS Alliance, pour diminuer le coût des consommables. Des exemples trop peu nombreux qui mériteraient d’être généralisés pour simplifier encore davantage l’utilisation des photomètres.

[Photo : Le SmartChem 600 d’AMS Alliance est un appareil performant (600 tests/heure), flexible, piloté dans un environnement convivial via écran tactile, développé pour faire chuter le coût global des analyses, priorité numéro un des labos aujourd’hui.]

Un seul appareil pour plusieurs types de mesures, ce qui simplifie les manipulations », détaille Frédéric Arbiol, directeur marketing du groupe Aqualabo Analyse (Orchidis, Secomam). Des évolutions du Photopod seront annoncées à Pollutec « pour trouver de nouvelles applications dans le domaine de l’eau », souffle Frédéric Arbiol.

Développé sur la base du transmetteur Liquiline, le nouvel analyseur CA80 d’Endress+Hauser peut aussi raccorder jusqu’à 4 capteurs d’analyse physico-chimique en plus du paramètre mesuré par colorimétrie.

Côté spectrophotométrie, Aqualabo Analyse a dévoilé en mai dernier, au salon Analytica 2016 de Munich, les Uviline 9300 & 9600, une nouvelle gamme de spectrophotomètres à faisceau de référence, ainsi qu’une évolution de la gamme Secomam Uviline 8100, 9100 et 9400 : l’Uviline Connect.

Il reprend les mêmes fonctionnalités que ses prédécesseurs, sauf que cette fois, l’instrument est dépourvu d’écran : il se connecte en Bluetooth à une tablette ou à un PC équipé de la suite logicielle Spectralab. « L’unité est reliée pour les mesures de labo en milieu aseptisé. L’appareil peut être placé dans l’environnement protégé, tandis que l’opérateur peut le piloter à distance, gagnant ainsi en mobilité », explique Frédéric Arbiol.

Chez Équipements Scientifiques, le nouveau SpectroDirect est équipé de méthodes préréglées de tests d’analyse pour les paramètres alcalinité, aluminium, ammoniac, arsenic, brome, cadmium, chlore, etc. … basés sur la gamme de tests de cuvette et réactifs Lovibond.

Parmi ses principaux avantages : 16 méthodes spécifiques paramétrables, un changement de la lampe facile et rapide, une utilisation de cellules rectangulaires et de fioles rondes de différentes tailles qui ne nécessitent pas d’adaptateurs.

De plus, il possède les fonctions suivantes de spectrophotométrie : absorption, transmission, enregistrement des données spectrales, concentration linéaire, fonction à longueurs d’ondes multiples.

Dans le même esprit, Izi-tec propose le Primelab, un photomètre de poche doté d’un capteur multiparamètres. Son point fort : la communication multimédia. Il peut ainsi mesurer les trois paramètres de base (pH, chlore, acide cyanurique) dont il est équipé de série, mais aussi bien d’autres (dureté, alcalinité, cuivre, fer, brome …), que l’on peut télécharger ultérieurement.

[Photo : L’analyseur AM200 de Datalink Instruments repose sur la spectroscopie UV pour mesurer les ions ammonium, ou l’azote ammoniacal. L’appareil fonctionne sans autre réactif qu’une simple solution de soude (NaOH). La mesure effectuée en phase gazeuse n’est perturbée ni par la turbidité, ni par les matières en suspension.]
[Photo : Le Primelab d’Izi-tec est un photomètre de poche doté d’un capteur multiparamètres. Son point fort : la communication multimédia. Il peut ainsi mesurer les trois paramètres de base (pH, chlore, acide cyanurique) dont il est équipé de série, mais aussi bien d’autres (dureté, alcalinité, cuivre, fer, brome…), que l’on peut télécharger ultérieurement.]
[Encart : Une gamme de mini-photomètres à prix mini… Développée par Hanna Instruments, cette gamme de testeurs a été étudiée pour mettre l’analyse professionnelle de l’eau à la portée de tous, tant sur le plan fonctionnel que pécuniaire. « Cette gamme est un excellent compromis entre les simples trousses d’analyse et les instruments d’analyse coûteux… » explique-t-on chez Hanna Instruments. « Ces instruments de transition combinent tous les avantages des deux autres types de produits : la lecture directe et la précision des résultats des photomètres électroniques, la simplicité d’utilisation et le coût accessible des trousses chimiques. » La gamme se compose de 28 modèles pour la mesure, entre autres, du chlore libre et total, du fer, du brome, du phosphore, des nitrites, des phosphates (eau douce, eau de mer), de l’alcalinité… Comme pour toute analyse de paramètres chimiques, il faut des réactifs. Les testeurs sont livrés avec des réactifs permettant de réaliser 6 premiers tests. Des réactifs supplémentaires peuvent être commandés en réassort. Des étalons pour le contrôle de l’exactitude de mesure des instruments sont également disponibles en option.]
[Publicité : Fourni Labo]
[Publicité : Editions Johanet]
[Publicité : Waltron]
[Photo : Le TriChlorAir de Cifec utilise un matériau nanoporeux dont la surface de contact avec l'air est dopée à l'aide d'un indicateur colorimétrique qui le fait changer de couleur en présence de trichloramine dans l'air. On parvient ainsi à en mesurer la concentration avec une précision de l'ordre du ppb.]

Les données peuvent se télécharger facilement via Bluetooth sur PC, smartphone, cloud…

Des possibilités qui s'élargissent sans cesse

Autre nouveauté qui montre l'étendue de ses possibilités : la photométrie permet même d'analyser l'eau via une mesure… sur l'air ambiant, sans même avoir besoin de prélever un échantillon ! Le TriChlorAir de Cifec utilise un matériau nanoporeux dont la surface de contact avec l'air est dopée à l'aide d'un indicateur colorimétrique qui le fait changer de couleur en présence de trichloramine dans l'air. On parvient ainsi à en mesurer la concentration avec une précision de l'ordre du ppb (partie par billion).

[Photo : Les nouveaux analyseurs colorimétriques de la série 3040 de Waltron permettent une mesure en ligne précise de la silice, du phosphate, du chlore, de la dureté, de l'hydrazine, du cuivre, du fer, de l'éthylène glycol et de bien d'autres paramètres.]

C'est également le cas du kit de mesure Triklorame proposé par Syclope Electronique. Une pompe prélève de l'air qui traverse deux filtres en fibres de quartz sur lesquels la trichloramine est retenue.

La trichloramine est ensuite relâchée dans de l'eau désionisée. L'analyse de cette eau par colorimétrie permet de calculer la concentration en trichloramine de l'échantillon d'air prélevé.

Une présence trop élevée dans l'air, pouvant à long terme provoquer des maladies chroniques pour le personnel exposé (piscines municipales, spas…), l'Anses recommande d'intégrer au contrôle sanitaire le suivi de la trichloramine dans l'air avec une valeur limite de 0,3 mg/m³. La photométrie n'a décidément pas fini de se réinventer.

[Photo : Le kit de mesure Triklorame de Syclope Electronique permet, par colorimétrie, de calculer la concentration en trichloramine de l'échantillon d'air prélevé.]
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