Actuellement 53 % de la matière organique contenue dans les déchets va en décharge, un potentiel élevé qui, à l’heure du recyclage et de la nouvelle réglementation sur les décharges, devra trouver un débouché valorisant.
Une partie sera sans doute valorisée énergétiquement par incinération, mais des traitements écologiques permettant le recyclage du carbone dans le milieu naturel et la production d’un potentiel énergétique de substitution auront également leur place. C’est le cas de la méthanisation.
Le procédé BTA
La méthanisation selon BTA (1) est une alternative intéressante au compostage, puisqu’elle permet de traiter sans problèmes les déchets organiques qui possèdent une teneur en eau importante et qui sont pauvres en matières structurantes mais riches en produits plastiques et indésirables divers.
Les déchets concernés se définissent comme suit :
- déchets organiques ménagers issus de collecte sélective,
- déchets organiques de restauration collective,
- déchets de marchés et retraits de fruits et légumes,
- déchets organiques liquides ou huiles de l’industrie agro-alimentaire et de l’agriculture,
- boues de station d’épuration.
Mise en œuvre de la méthanisation BTA
Le cœur du procédé : la mise en suspension
Après un léger prétraitement de broyage et de déferraillage, les déchets organiques collectés sélectivement sont mis en suspension dans un hydropulpeur spécialement développé.
Les déchets sont admis à la partie supérieure du pulpeur dans une charge d’eau de procédé. L’hélice du pulpeur entre alors en action à différents régimes de rotation et favorise ainsi la mise en suspension de la matière organique. La teneur en matière sèche est alors de 10 %.
La suspension est évacuée au travers d’un tamis et une nouvelle charge d’eau est alors admise, permettant la flottation de tous les éléments légers (plastiques, textiles, …) et la décantation de tous les lourds (verre, pierres, …). Cette phase génère en fait un tri qui permet l’extraction de tous les éléments indésirables.
Le pulpeur est équipé d’un bras mécanique qui entre en action pour permettre l’extraction des corps flottants. Ces derniers sont repris dans une trémie et compactés avant de partir en incinération. Les lourds sont
(1) Du nom de la société Bio Technische Abfallverwertung, détentrice du brevet.
[Photo : Schéma de fonctionnement.]
[Photo : Bilan matière.]
évacués par une vanne sas située à la partie inférieure du pulpeur avant d’être mis en décharge. Le fonctionnement de cette étape est discontinu en fonction du temps de présence du personnel d’exploitation.
La suspension est ensuite stockée pour être reprise en continu vers la méthanisation.
Une étape d’hygiénisation peut être intercalée avant le stockage pour garantir un sous-produit solide, « hydrolysat », hygiénisé. En fait ce but est également atteint lors de la stabilisation par compostage de l’hydrolysat, en présence d’un structurant. L’élévation de température et la durée correspondante sont suffisantes pour parvenir à l’hygiénisation.
L’optimisation du traitement : la méthanisation en deux étapes
Une centrifugeuse reprend la suspension stockée et la sépare en deux phases : une phase liquide à 1 % de matière sèche qui alimente un méthaniseur de type à cultures fixées sur garnissage plastique et lit de boue, et une phase solide qui, après remise en suspension par de l’eau de procédé, est dirigée vers un réacteur d’hydrolyse.
Le but de cette séparation est d’obtenir les conditions optimales de culture des micro-organismes impliqués dans la méthanisation, de pousser au plus loin l’hydrolyse de la matière carbonée, et par là-même la méthanisation pour obtenir les plus forts rendements de transformation. Cette technique est couramment utilisée dans le domaine des eaux résiduaires industrielles, fortement chargées.
À la sortie de l’hydrolyseur, une seconde centrifugeuse sépare à nouveau la phase liquide, conduite en méthanisation, et la phase solide ou résidu d’hydrolyse ou hydrolysat. Ce dernier nécessitera d’être stabilisé de manière aérobie pendant deux à trois semaines avant de pouvoir être utilisé comme amendement.
Le flux liquide qui traverse le méthaniseur de bas en haut est ensuite traité sur une unité classique d’épuration avant rejet. Une partie de ce flux est recyclée sur l’installation en tant qu’eau de procédé.
Paramètres de fonctionnement
* concentration de la suspension (MS) : 10 % puis 1 %,
* temps de séjour dans l’hydrolyseur : deux jours,
* temps de séjour en méthanisation : deux à trois jours,
* temps de séjour total : quatre à cinq jours,
* charge volumique du méthaniseur : 8 à 12 kg MS/m³/j,
* rendement de transformation par rapport aux MS : 60 à 70 %,
* production de biogaz (pour une teneur en matière organique de 30 %) : 110 à 120 Nm³/h,
* concentration en méthane : 60 à 65 %,
* pouvoir calorifique : 6 à 6,5 kWh/Nm³.
Sous-produits du traitement
Les sous-produits du traitement se divisent en résidus solides, gazeux (biogaz) et liquides.
[Photo : L'usine de Helsingor (Danemark).]
[Photo : L'usine de Baden-Baden (Allemagne).]
Résidus solides ou hydrolysat
Après stabilisation par compostage, l'hydrolysat a les caractéristiques suivantes :
- • teneur en matière sèche (MS) : 50 %
- • teneur en matière organique : 45 à 50 % de MS
- • rapport C/N : 11 à 15
- • azote : environ 2 % MS
- • P₂O₅ : 0,8 % MS
- • K₂O : 0,5 % MS
Il peut être utilisé en agriculture, en horticulture ou en culture maraîchère et pour réaliser l’aménagement de parcs et jardins.
Biogaz
Le biogaz, riche en méthane, a un haut pouvoir calorifique ; sa composition se définit comme suit :
- • méthane (CH₄) : 60 à 65 % en volume/volume
- • gaz carbonique (CO₂) : 25 à 35 % en volume/volume
- • hydrogène sulfuré (H₂S) : 0,05 à 0,15 % en volume/volume
La teneur en H₂S est directement liée à la composition des déchets ménagers en produits soufrés.
Le biogaz peut servir à la production d’électricité (par des moteurs thermiques) ou de calories. Il peut également être valorisé directement chez des industriels. En cas de production d’électricité, cette dernière est suffisante pour assurer l’autonomie de l’unité de traitement et le surplus peut être vendu.
Rejets liquides
Les rejets liquides sont dus essentiellement à l’eau apportée par les déchets, à l’eau nécessaire au nettoyage de l’installation et à une purge de l’eau de procédé rendue nécessaire pour éviter sa concentration en sels.
Les volumes à traiter sont faibles, de l’ordre de 25 à 50 m³/j pour des unités de 20 000 à 50 000 t/an.
Les caractéristiques de ces rejets sont les suivantes :
- • demande chimique en oxygène : 3 à 20 g/l
- • matières en suspension : 3 à 10 g/l
- • N ammoniacal : 1 à 2 g/l
- • N Kjeldahl : 2 à 5 g/l
Ces rejets subissent un traitement adapté au milieu récepteur.
Références
Le procédé est actuellement mis en œuvre dans les usines suivantes :
- • Usine de Helsingor (Danemark) - capacité 20 000 t/an, en fonctionnement depuis 1991.
- • Usine de Baden-Baden (Allemagne) - capacité 5 000 t/an, en fonctionnement depuis 1993.
- • Usine de Kaufbeuren (Allemagne) - capacité 2 500 t/an, en fonctionnement depuis février 1992.
- • Unité-pilote de Garching (Allemagne) - capacité 3 t/semaine, utilisée en expérimentation depuis 1986.
Une autre unité destinée à traiter 10 000 t/an de déchets organiques est en cours de réalisation pour la société de collecte allemande Högl.
Conclusion
Telle qu’elle résulte de l’expérience acquise, la méthanisation permet de limiter les rejets de l’atmosphère (notamment de dioxyde de carbone), de produire un compost de qualité, ainsi qu’un biogaz valorisable énergétiquement.
La méthanisation optimisée permet de plus une intégration aisée dans le site grâce à une surface d’implantation réduite et à la maîtrise totale des nuisances telles que le bruit et les odeurs.
Degrémont a donc pour objectif de développer le procédé de méthanisation BTA en France et en Europe car c’est un traitement écologique qui, au regard de l’évolution des coûts de l’incinération, trouve parfaitement sa place.