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À la découverte des châteaux d’eau en Pays d’Artois

29 septembre 2025 Paru dans le N°484 ( mots)
Rédigé par : François PHILIPPS

Cet article aborde de manière simplifiée et visuelle, sur une thématique patrimoniale et esthétique un balayage des architectures et fresques de réservoirs dans notre paysage visuel – au même titre que nos églises et beffrois régionaux. Ces édifices font partie du paysage local, y compris dans les noms de rues (Figure 1), voire même dans le nom de randonnées pédestres (circuit n° 12 des deux châteaux d’eau, entre Erre et Fenain, soit 7 km, avec comme points de repère les deux châteaux d’eau d’Erre, la centrale électrique d’Hornaing, le terril d’Haveluy et une portion du secteur pavé du Paris-Roubaix – www.rando-nord.fr).

Les illustrations d’ouvrages sont majoritairement centrées sur le périmètre d’intervention du Centre permanent d'initiatives pour l’environnement des villes d’Artois – à savoir l'Arrageois, le Sud-Artois, Osartis-Marquion et le Cambrésis. Quelques exemples d’ouvrages sur des territoires limitrophes ont été ajoutés pour compléter certaines thématiques spécifiques.

UN PEU DE TECHNIQUE...

Sur le plan technologique, le château d'eau s'est justifié jusqu’alors en France par la limite des techniques de mise sous pression dynamique des réseaux.

Figure 1. Plaque signalétique – Tilloy-les-Mofflaines en périphérie d’Arras / CUA (62). 

(une hauteur de 10 mètres équivaut à 1 bar supplémentaire) ; les gros avantages de la pression statique sont mis en exergue en cas de coupure d’énergie électrique, avec une réserve d’eau potentielle (de quelques heures à une journée ou plus), ainsi que la fonction de réserve incendie jouée par l’ouvrage (avec ou sans compartiment séparé). Ces infrastructures collectives d’approvisionnement doivent être ainsi conçues, construites, exploitées et entretenues selon les règles de l’art. Les réservoirs d’eau potable contribuent au maintien de la qualité de l’eau, de la production à la distribution/consommation (effet de décantation). Ils permettent surtout d’ajuster les volumes produits aux volumes consommés, et d’optimiser les pompages en fonction des contraintes tarifaires d’énergie – comme maillon essentiel du système d’alimentation.

Figure 2a. Réservoir de Marquion de 200 m3 / Noreade (59). 

Figure 2b. Réservoir d’Arras-Méaulens de 1000 m3 / CUA (62). 

Figure 2c. Coupe du réservoir d’ArrasBaudimont en 1929 / CUA (62).

EDCH (eau destinée à la consommation humaine).

HISTOIRE, GÉNIE CIVIL ET MISE EN VALEUR

Si la construction des réservoirs d’eau potable sur tour – les châteaux d’eau (ou tours d’eau) – est avant tout une construction d’architectes et d’ingénieurs avec une finalité d’utilité publique – le stockage d’eau, un effort esthétique a souvent été mené en parallèle pour les mettre en valeur, les intégrer ou les dissimuler dans le paysage du bâti urbain et rural.

Ces ouvrages accompagnent le progrès et les mutations sociétales depuis la révolution industrielle en fin du XIXᵉ siècle, le développement des chemins de fer (grand consommateur alors d’eau), le mouvement hygiéniste et l’essor démographique vers les villes (eau à tous les étages). L’arrivée de l’eau courante dans la globalité des communes françaises a été réalisée ainsi grâce à une importante activité/accélération d’édification de châteaux d’eau de 1950 à 1970, période correspondant à l’aménagement du territoire rural. Habituellement de faible capacité – 50 à 250 m³ (Figure 2a) en milieu dispersé, les réservoirs sur tour en milieu dense urbain (Figure 2b) sont souvent de capacité plus importante – 250 à 2000 m³, voire plus.

Durant la période 1914-1918, la Première Guerre mondiale a eu pour conséquence de détériorer la plupart des ouvrages des réseaux d’eau existants dans la zone des lignes de front. Pour la ville d’Arras partiellement détruite, les années suivantes furent ainsi consacrées à la reconstruction et à la remise en état de son système de distribution d’eau potable. De nombreux ouvrages de stockage de l’eau ont donc été construits durant la période allant de 1918 à 1934 ; certains ne sont plus en fonctionnement aujourd’hui, mais il subsiste toujours quelques réservoirs d’eau potable de l’époque qui sont toujours en service : c’est le cas à Arras des réservoirs de Méaulens, Saint-Quentin, Blancs-Monts ou Baudimont (Figure 2c).

Figure 3. Différentes formes de châteaux d’eau (source : chateauxdeau.com) 

QUE DE FORMES !

La richesse architecturale des châteaux d’eau (voir Bibliographie sommaire) se reconnaît à la multitude de formes qu’ils prennent comme édifices remarquables (Figure 3) : bouchon de champagne, champignon, chanterelle, colonne, cône, fort encorbellement,

Hennebique, hyperbole, parallélépipède, pastiche, sablier, sphère...

Les réservoirs sont construits à partir des éléments de base que sont le support/fût et la (les) cuve(s), entraînant des typologies variées et évolutives (monolithique, fusion de la forme du fût et de la cuve, ou alors avec deux parties très distinctes marquant la rupture entre les deux fonctions).

Figure 4a. Réservoir de Cambrai – rue de Vienne (59). 

Figure 4b. Réservoir de Cambrai – rue du Château d’eau (59). 

Figure 4c. Réservoir d’Oignies – site minier du 9/9bis (62).

Le plus souvent réalisés en béton armé, notamment depuis les reconstructions après guerres et la maîtrise technique de ce nouveau mode de construction.

(château d’eau de 2000 m³ sur deux niveaux du quartier « Martin-Martine » de Cambrai en 1964 ; Figure 4a), il en existe aussi en pierre ou en brique notamment dans le Nord (château d’eau de Cambrai « Villard » en 1902, constitué d'une cuve en métal rivetée de 1500 m³, à l'arrêt depuis 2023 et à la mise en service des nouveaux réservoirs de Proville ; Figure 4b), voire en acier, le plus souvent à usage industriel (réservoir sur tour du site de la fosse 9/9 bis des houillères d’Oignies ; Figure 4c). Les progrès techniques quasi permanents rendent possibles des créations d’impressionnants « monuments » d'eau de grande capacité, silhouettes reconnaissables tels des phares dans le paysage. À noter que selon la topographie (régions vallonnées, montagnes), du fait de l’altitude du terrain naturel sur les hauteurs, les réservoirs sont alors quant à eux plutôt de type enterrés ou semi-enterrés, voire au sol.

Figure 5a. Réservoir d’Erchin / Noreade (59).

Figure 5b. Réservoirs de Guillaucourt (80).

On peut admirer ces ouvrages le plus souvent seuls, mais parfois jumeaux (deux fois 750 m³, datant de 1955) comme à Erchin (Figure 5a) dans le douaisis, triplés (trois fois 600 m³, cuves de 12 m de diamètre sur six poteaux supports, datant de 1920-1921) comme à Guillaucourt dans la Somme (Figure 5b) à proximité de l'autoroute A29... voire nonuplés, par exemple Villejuif en région parisienne. Le plus souvent, hors des visées esthétiques, cette duplication d’ouvrage s'explique par une standardisation des modèles lors de leur construction (et son impact économique), la structure des sols et les contraintes locales de génie civil, et aussi l'adéquation progressive dans le temps aux besoins croissants de volumes mis en distribution. ●

Bibliographie sommaire

Outre le site https://chateauxdeau.com très documenté, il existe de nombreux ouvrages sur le thème des réservoirs d'eau, dont la sélection suivante de livres ou d'articles :

  • FOUQUET P. ET BOULHY A., « Les réservoirs d'eau », 1963, Dunod
  • FONTAINE JACQUES, « Les réservoirs d'eau potable », 1981, Revue TSM mars
  • BECHER BERND ET HILLA, « Wassertürme », 1988, Schirmer
  • FNDAE, « Manuel pratique pour le renforcement de l'étanchéité des réservoirs d'eau potable », 1990, FNDAE n°3
  • VAN CRAENBROECK W., « L'unité dans la diversité - La Belgique des châteaux d'eau », 1991, Anseau
  • DEMERLE DANIEL, « Construction et entretien des bassins et réservoirs », 1991, Revue Courants février
  • AUXENT BEATRICE, « Les réservoirs d'eau de la métropole lilloise », n°102 Itinéraires du patrimoine, 1995, DRAC
  • AENSOLAS NATHALIE, « La double vie des châteaux d'eau », Revue Libération juillet 1995
  • PHILIPPS FRANÇOIS, HAVARD BERTRAND ET ZANKER PHILIPPE, « Surélévation du réservoir d'eau du CEA de Monts (37) », octobre 1996, Revue Travaux n°724
  • MASSON CÉLINE, « Les châteaux d'eau du Nord », 1997, n°149 Itinéraires du patrimoine, DRAC
  • FIEVET MARC, « Ah, mon beau château d'eau », 2005, Revue Fémina octobre
  • BOUDIER LAURENT, « Maisons détournées ; lieux de vie insolites », 2005, Hoëbeke
  • ROLLINGER JEAN-FRANÇOIS, « La seconde jeunesse des châteaux d'eau », 2005, Revue Pèlerin n°6383
  • BOUTRON CHRISTINE, « Les châteaux d'eau, mémoires en images », 2005, A. Sutton
  • THIEBAUT PIERRE, « Old Buildings Looking For New Use – 61 examples », 2007, Editions Axel Menges
  • PETIT ELISABETH, « La deuxième vie des châteaux d'eau », juin 2007, revue Réponse à Tout
  • CGEEC/CRAMIF, « Prévention des risques lors de la réhabilitation d'un château d'eau – guide », 2008, Cramif Île-de-France
  • CAUMENT STEPHANIE, « Des maisons pas comme les autres – 30 habitats insolites en France », 2010, France Loisirs
  • BOUCHET CHRISTOPHE, « Petite histoire d'un ouvrage emblématique : le château d'eau », 2012, Revue EIN, n°359
  • ASTEE ET DGS, « Réservoirs et réseaux d'eau potable – nettoyage et désinfection », 2013, Astee
  • PHILIPON PATRICK, « Réservoirs d'eau potable – un parc à rénover », 2022, Revue EIN n°447
  • ZEEC ARCHITECTEN, « Reconversion résidentielle d'un château d'eau à Utrecht », 2023, Revue Matières
  • BERTHON HUGHES, « Châteaux d'eau – leur horizon s'éclaircit », 2024, Revue Mission patrimoine n°12
  • VELEZ VERMIEN, « La réhabilitation des réservoirs d'eau – un défi perpétuel pour les gestionnaires », 2025, Revue EIN n°476