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L'opération géothermique de Clichy Sous Bois

28 février 1985 Paru dans le N°89 à la page 19 ( mots)
Rédigé par : Jean-claude VOLAND

La ville de Clichy-sous-Bois a décidé en 1979 de réaliser une opération de géothermie en vue d’assurer le chauffage d’ensembles d’habitation, d’équipements annexes (cuisine centrale, maternelle, gymnase) et de la mairie, représentant au total 3 400 équivalent-logements.

Dans ce but, elle a délégué la maîtrise d’ouvrage à la Société d’équipement et d’aménagement du territoire du département de la Seine-Saint-Denis (Sodedat 93) laquelle s’est assuré le concours :

  • du B.R.G.M. (pour la partie sous-sol) ;
  • du BERIM (pour les installations de surface) et de la SCET pour le montage financier.

Les forages de production et de réinjection ont été réalisés de juillet à septembre 1981 et le réservoir aquifère d’eau chaude, situé dans les calcaires de la couche géologique du Dogger, a été rencontré à 1 800 m de profondeur à une température de 70,8 °C.

L’accès à la ressource géothermique

L’eau géothermale du Dogger présentant dans ce secteur une minéralisation de 30 g/l, son rejet en surface provoquerait une pollution du milieu naturel ; l’exploitation a donc été effectuée à l’aide d’un doublet constitué d’un puits de production et d’un puits de réinjection, technique habituelle qui permet, en outre, de maintenir le volume et la pression du gisement pendant toute la durée de l’exploitation, tout en conservant le débit initial (schéma ci-dessous).

Les deux puits ont été réalisés à partir d’une même plateforme. Le forage de production est vertical et celui de réinjection est dévié à 49° pour permettre d’atteindre une distance de 940 m entre les points d’aspiration et d’injection au niveau du toit de la nappe aquifère.

La réalisation de ces forages a nécessité l’aménagement d’un chantier d’une surface d’environ 10 000 m². Compte tenu de la proximité immédiate des habitations, il a été apporté...

[Schéma : Coupe géologique et coupe technique des puits de production et de réinjection]

Il a été porté une attention toute particulière à l’insonorisation de la machine de forage pour limiter le niveau sonore du chantier, notamment la nuit.

Les caractéristiques des puits sont les suivantes :

  • — puits de production : longueur forée : 1 852 m – captage du Dogger entre 1 755 et 1 808 m – hauteur protectrice : 14 m – porosité moyenne : 13 % – température à 1 730 m au débit de 108 m³/h : 70,8 °C – salinité moyenne : 30 g/l – débit artésien : 135 m³/h – pression artésienne en tête de puits : 4,8 bars ;
  • — puits de réinjection : longueur forée : 2 270 m – captage du Dogger entre 2 171 et 2 237 m – hauteur protectrice : 14,8 m – porosité moyenne : 15 % – amorce de la déviation : 604 m – gradient de montée en déviation : 1,5°/10 m – inclinaison maximale : 49° à 935 m – débit artésien : 116 m³/h – pression artésienne en tête de puits : 4,5 bars.

De son côté, l’eau géothermale se présente comme suit :

  • — limpide, d’une odeur fétide, très faiblement gazeuse ;
  • — moyennement chargée, essentiellement chlorurée-sodique (17 g/l) ; les autres espèces dominantes sont le calcium, les sulfates et les carbonates ;
  • — phase gazeuse essentiellement constituée d’azote, de gaz carbonique et de dérivés du méthane ;
  • — potentiel hydrogène de 6,4 avec une résistivité de 71 ohm/cm à 20 °C.

Son exploitation est réalisée à une pression en tête des puits supérieure à 7 bars avec un dégazage minimum qui ne doit pas dépasser 10 %.

L’agressivité de l’eau géothermale a nécessité l’utilisation de matériaux résistant à la corrosion tels que le titane pour les échangeurs de production, le bronze d’aluminium ou le nickel pour les pompes et échangeurs, la fibre de verre armée en résine époxy pour les tuyauteries enterrées entre les têtes de puits et la centrale géothermique, ainsi qu’un revêtement intérieur de résine époxy pour les tuyauteries en acier de la centrale géothermique.

Le réseau de surface a été mis en service en octobre 1982 ; il comprend notamment une centrale géothermique, onze sous-stations d’échange et un réseau de distribution d’une longueur de 2 700 m comprenant 7 000 m de canalisations enterrées.

Les ouvrages sont exploités par la Société Cofreth dans le cadre d’un contrat d’affermage d’une durée de 20 ans, qui a pour objet la production, le transport et la distribution publique de chaleur d’origine géothermale sur le territoire de la commune.

Les besoins thermiques à satisfaire pour l’alimentation des 3 400 équivalent-logements représentent une consommation annuelle d’énergie, pour le chauffage et la production d’eau chaude sanitaire, de 54 099 MWh dont 65 %, soit 35 151 MWh, sont couverts par la géothermie (voir tableau).

[Tableau : Caractéristiques thermiques des installations raccordées]

L’utilisation de l’énergie géothermique

La production est assurée par une pompe Byron-Jackson immergée à 150 m de profondeur, assurant un débit de 200 m³/h. La puissance calorifique de l’eau géothermale est transférée au travers de deux échangeurs à plaques en titane, montés en parallèle, d’une surface d’échange unitaire de 576 m² avec un écart de température inférieur à 2 °C lors du transfert thermique de l’énergie géothermale vers le circuit géothermal (schéma ci-dessous).

Une filtration de l’eau est assurée à l’entrée et à la sortie du circuit géothermal afin de protéger les matériels installés et d’éviter le colmatage du puits de réinjection. L’eau géothermale est réinjectée à l’aide d’une pompe asservie au débit de la pompe de production. Les pompes de production et de réinjection sont à débit variable.

L’énergie est ensuite distribuée dans le réseau géothermique alimentant onze sous-stations à l’aide de pompes de circulation à variation de vitesse Jeumont-Schneider d’un débit unitaire de 200 m³/h. Une chaîne de régulation commande la variation des débits de production et de distribution en fonction des besoins d’énergie appelés par les abonnés.

[Schéma : Schéma général de l’installation géothermique de Clichy-sous-Bois]

La distribution

La solution qui a été retenue fait appel aux principes suivants :

  • - distribution par « cascade » de l'énergie géothermique des systèmes émissifs dans le sens de la dégradation du niveau des températures (radiateurs, panneaux de sol et eau chaude sanitaire, pompes à chaleur) ;
  • - répartition du débit entre les systèmes émissifs du même gradient de température ;
  • - épuisement maximal de la ressource géothermique par l'utilisation de pompes à chaleur en fin de boucle de distribution.

Les pressions de service sont de 10 bars pour la production géothermale et le réseau géothermique, 35 bars pour la tuyauterie de retour géothermale située entre la pompe et le puits de réinjection.

La mise en place du réseau de distribution géothermique a nécessité le terrassement de 2 700 m de tranchées dans le centre urbain, avec construction d’ouvrages maçonnés sous les chaussées pour la mise en place des chambres de vannes de purge d’air et de vidange en fonction du profil du réseau, et des antennes alimentant les chaufferies des groupes d’immeubles desservis.

La boucle géothermale, dans sa partie comprise entre les têtes de puits et la centrale géothermique, ainsi que le réseau de distribution géothermique qui alimente les sous-stations, sont réalisés en fibres de verre et résine époxy précalorifugés.

Les sous-stations

La fourniture de chaleur aux immeubles desservis est assurée à partir de sous-stations équipées d'échangeurs à plaques en inox. L’énergie géothermique réchauffe l’eau de retour du circuit chauffage des abonnés à travers l’échangeur de température. Une chaîne de régulation entièrement automatisée permet de faire varier la puissance de l’énergie fournie en fonction des conditions climatiques, ainsi que les caractéristiques propres à chacune des installations.

La géothermie couvre la totalité des besoins jusqu’à une température extérieure supérieure à +3 à +10 °C suivant les installations. Lorsque la température est comprise entre +3 à +10 °C et –1 à –3 °C, la chaleur fournie doit être complétée par un apport produit par les chaudières des abonnés. Enfin, lorsque la température extérieure descend au-dessous de ce seuil, la fourniture en chaleur géothermique est stoppée dans les immeubles chauffés par radiateurs et ce sont leurs chaudières qui assurent la totalité des besoins. L’énergie géothermique disponible est alors réservée automatiquement aux immeubles disposant de planchers chauffants.

L’eau chaude sanitaire collective des abonnés qui en sont pourvus est fournie toute l'année par la géothermie avec des échangeurs à production instantanée dotés de plaques en inox avec réservoir-tampon permettant d’absorber les pointes lors de soutirages importants. La société Cofreth a mis au point un système de régulation électronique pour répondre aux impératifs d’un épuisement maximum de l’énergie géothermique : le régulateur Coreg Geocs à microprocesseur.

L’énergie distribuée aux différents abonnés est comptabilisée par des compteurs de calories Sappel reliés à l’équipement de télésurveillance qui prend en compte l’ensemble des paramètres de fonctionnement de chacune des sous-stations.

La télésurveillance des équipements

L’ensemble des équipements constituant la centrale géothermique et les sous-stations est en liaison permanente par un système de télésurveillance Thermatic 1000, dont l'unité centrale est disposée dans le local technique de la centrale géothermique. Cette liaison est assurée par des lignes P.T.T. spécialisées concédées, câblées en multipoints avec des modems de transmission.

Le système réalise sept fonctions : télésignalisation, téléalarme, télémesure, télécomptage horaire, télécomptage avec intégration thermique, télécommande, télégestion.

Il est constitué :

  • - d'une unité centrale comprenant : un micro-ordinateur fonctionnant avec 2 disquettes de 125 kMots équipé d'un clavier, un écran vidéo, une imprimante, un lecteur de diapositives et une alimentation secourue ;
  • - de 12 unités locales (centrale géothermique et sous-stations) regroupant les transmetteurs : des modems de transmission, de téléalarme, de télésignalisation, de télécommande, de télémesure, enfin des sondes au nickel ou au platine.

La capacité de l’équipement permet de raccorder :

  • - 256 entrées de téléalarme, télésignalisations ;
  • - 84 sorties de télécommandes ;
  • - 133 entrées de télémesures.

La quantité d’énergie fournie aux abonnés est calculée journellement par le système de télésurveillance, lequel procède au bilan entre les quantités réellement vendues par rapport aux prévisions calculées en fonction des conditions climatiques.

Coût et financement de l’opération

La réalisation des travaux a nécessité des investissements d’un montant total de 50 000 000 F, dépense qui a été financée avec l’aide du Comité géothermie, de l’Agence pour les économies d’énergie et des prêts de l’Établissement public régional d'Île-de-France, de la Caisse des dépôts, de la CAECL et de FINEMAP.

La réalisation

Outre celles déjà mentionnées, les entreprises qui ont participé à cette opération, sous la direction du B.R.G.M. et du BERIM sont les suivantes :

  • - Travaux de surface : T.N.E.E. et Cofreth conjoints ;
  • - Génie civil : C.F.G.C. ;
  • - Échangeurs : Alfa-Laval ;
  • - Tubes en résine : Wanner Isofi ;
  • - Télésurveillance-régulation : Jeager.

Dans le cadre de son contrat d’affermage, la Cofreth garantit la fourniture minimale de 35 151 MWh de chaleur géothermique pour l’ensemble des abonnés.

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