Le sous-produit de l'épuration des eaux résiduaires urbaines est une boue hydratée dont le traitement peut inclure à la fois des techniques d’épaississement, de stabilisation, de conditionnement, de déshydratation, d’épandage, de séchage et d'incinération.
Par les variantes possibles ceci permet d’imaginer de nombreuses filières de traitement pour lesquelles des données technico-économiques précises font trop souvent défaut, notamment en matière d’exploitation.
La Société Lyonnaise des Eaux exploite sur le territoire national environ 500 stations d'épuration représentant une capacité de traitement voisine de 4 millions d'habitants-équivalents ; 36 de ces usines parmi les plus importantes comportent au moins un traitement de déshydratation mécanique des boues (parfois suivi d'une incinération).
Une étude réalisée au cours du second semestre de 1978 avec l’aide du Ministère de l’Environnement et du Cadre de Vie nous a permis, par un procédé d’enquête et pour quelques installations de moyenne et grande importance, de préciser les conditions de fonctionnement et les coûts d'exploitation des filières de traitement des boues qui y sont mises en œuvre.
Nous indiquons ici, sous forme d'une idée, les principaux résultats obtenus dans le cadre de cette étude. Il faut davantage y voir une description commentée des huit cas de figure présentés plutôt qu'une tentative de classification technico-économique de procédés entre eux.
, Société Lyonnaise des Eaux et de l'Éclairage.
DESCRIPTION TECHNIQUE DES INSTALLATIONS
Les stations soumises à l’enquête ont été sélectionnées en tenant compte des différents critères suivants :
- — fonctionnement de l'installation à un coefficient de charge raisonnable pendant au moins un an après la réception provisoire des installations ;
- — priorité donnée aux stations importantes ;
- — choix préférentiel de filières de traitement différentes pour un même type de boues ou identiques pour des boues de nature différente (fraîches ou digérées, par exemple) ;
- — choix de techniques pour lesquelles peu de données d'exploitation existent (incinération notamment).
La figure I et le tableau I présentent les caractéristiques nominales et les principes de traitement correspondant aux huit usines visitées. Les quelques remarques suivantes peuvent être faites :
- — le taux moyen de production de boues fraîches atteint 88 g MS/hab./j (valeurs extrêmes : 74 et 105 g MS/hab./j — écart-type : 9 g MS/hab./j) ;
- — pour les trois usines les plus importantes, certains ouvrages ou équipements sont déjà réalisés pour une phase ultérieure ;
- — toutes les stations comportent un décanteur primaire avant le traitement biologique, à forte ou moyenne charge ; quatre stations déshydratent des boues fraîches (les quatre autres mettant en œuvre une digestion anaérobie) ;
- — en ce qui concerne le dimensionnement des unités de déshydratation correspondant aux stations A, B, C, D et E, il est important de noter que les capacités de traitement installées obligent à prévoir, pour la charge nominale, un travail en deux postes (temps de fonctionnement 14 à 16 h/j en moyenne) alors que, pour ces installations (< 80 000 EH), il est rentable de prévoir le doublement des capacités de déshydratation (suppression d'un poste de travail).
CONDITIONS RÉELLES DE FONCTIONNEMENT
La figure II présente, pour les huit installations concernées, les données d'exploitation moyennes déterminées au cours de l’enquête et qui correspondent à l'année 1977. Les chiffres présentés se rapportent à des moyennes par jour calendaire (débit, flux de matière sèche, siccité ou concentration) et sont estimés à partir des relevés d'exploitation et des résultats d’analyses de contrôle.
La comparaison de ces résultats entre eux et par rapport aux données nominales permet d'effectuer un certain nombre de commentaires concernant soit une opération unitaire particulière, soit une filière dans son ensemble.
1. — OPERATIONS UNITAIRES
Épaississement
Le tableau II regroupe les résultats obtenus au cours de l’enquête :
[Tableau II : Conditions de fonctionnement des épaississeurs]
Il faut noter que, sauf sur les installations les plus importantes, où il peut y avoir simultanément extraction de boues en excès et déshydratation mécanique, on observe que les recyclages de matière sèche (rapport du flux retourné au flux entrant) sont relativement élevés : 0,10 à 0,35 pour les stations A, B, D et G. Ceci est dû à la difficulté d'exploiter ces appareils en fin de semaine (pas de déshydratation) et non pas à une nécessité technique liée à l'opération d'épaississement elle-même.
Le résultat obtenu à la station H sur boues digérées montre la mauvaise aptitude de telles boues à l'épaississement.
Digestion anaérobie
Le tableau III regroupe les conditions moyennes rencontrées sur les quatre installations équipées.
[Tableau III : Conditions de fonctionnement des digesteurs anaérobies]
Les résultats montrent la particulière efficacité du traitement dans les conditions de charge rencontrées. Il faut noter qu'il ne paraît pas possible d’obtenir, dans les digesteurs secondaires, des concentrations en MS supérieures à 4-5 %. Ce phénomène général semble dû à la mauvaise séparation solides-gaz. En effet, des concentrations nettement plus importantes (8 à 10 % de MS) sont souvent obtenues lorsque la digestion n'est que partielle (appareils non chauffés et non brassés du genre fosses Imhoff, par exemple).
Enfin, il faut remarquer que lorsque la digestion n'est pas précédée d’un stade d’épaississement, le recyclage en tête de station du flux polluant représenté par le trop-plein du digesteur secondaire est toujours important et gênant pour le traitement de l'eau : par différence avec le flux recyclé d'un épaississeur, il s'agit en effet d'une pollution en grande partie colloïdale et difficilement décantable introduite par un milieu fortement réducteur. Sans épaississement préalable, cette pollution ne peut être réduite qu’au détriment de la concentration finale après digestion.
Conditionnement par réactifs chimiques
En ce qui concerne les polymères organiques, les consommations sont comprises entre 3 et 6 kg/t MS suivant la nature des boues (les plus fortes valeurs se rapportant aux boues digérées).
Tableau IV
Taux de conditionnement par réactifs chimiques minéraux.
Tableau V
Conditions de fonctionnement des conditionnements thermiques (procédés PORTEOUS).
Stations | A | B | J | D | F | G | H |
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Le tableau IV regroupe les conditions moyennes rencontrées en ce qui concerne les réactifs chimiques minéraux :
Ces résultats montrent l'importance des quantités utilisées. L'une des explications est qu'il est pratiquement difficile d’ajuster au jour le jour les quantités de réactifs réellement utilisées aux besoins théoriques et qu'il s’ensuit un inévitable surdosage.
Conditionnement thermique
Le tableau V précise les conditions rencontrées sur les stations G et H.
La consommation de fuel nécessaire pour les boues fraîches est conforme aux prévisions. Pour les boues digérées (station H) la consommation de fuel est moitié moins grâce à la récupération d'énergie représentée par le gaz de digestion. Le coefficient de charge des digesteurs étant égal à 0,6, les calculs montrent que pour une telle filière l'autonomie énergétique peut être assurée à plus de 80 % à pleine charge.
Centrifugation
Pour les deux machines rencontrées (stations B et F) les capacités de traitement sont sensiblement inférieures à celles prévues, respectivement 200 et 700 kg MS/h au lieu de 300 et 1 000. Pour la station B ceci est dû à la faible concentration des boues introduites (30 g/l seulement après digestion).
Tableau VI
Conditions de fonctionnement des filtres sous vide.
Stations | A | B | C | D | F | H |
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Filtration sous vide
Le tableau VI regroupe les conditions de fonctionnement rencontrées.
Filtration sous faible et forte pression
Le filtre à bande pressante de la station C a une productivité relativement faible (230 kg MS/h pour une siccité de 17 % à partir de boues digérées au lieu de 400 kg de MS/h prévu). Il faut préciser qu'il s’agit d'un appareil de la première génération et que la concentration des boues introduites est faible (20 à 40 g/l de MS).
La filtration sous forte pression (filtres-presses) concerne les stations D et H.
Dans le premier cas (sur boues fraîches conditionnées par des réactifs minéraux) la productivité du filtre est inférieure à celle prévue par suite de la longueur des cycles. Dans le second cas c'est le contraire grâce à la bonne concentration des boues conditionnées thermiquement (16,5 %) ce qui conduit à une productivité de 3,2 kg MS/m²/h au lieu de 2,2 kg MS/m²/h prévus.
Incinération
Le tableau VII regroupe les résultats d’exploitation obtenus sur les deux stations concernées.
Dans les deux cas de figure la teneur des boues en matières volatiles est faible (sous charge des installations) et pour la station F l’auto-combustibilité n'est pas atteinte.
Tableau VII
Conditions de fonctionnement des fours d’incinération (fours à soles).
Stations | A | B | C | D | F |
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1. — FILIÈRES
Une comparaison globale des filières entre elles fait obligatoirement intervenir les données économiques. Sur ce plan la discussion ne pourra donc se faire qu'après examen des coûts d'exploitation.
Sur le seul plan technique il est cependant nécessaire d'insister sur les quelques points suivants :
Importance de la destination finale des boues
Dans le cas d'une mise en décharge on recherchera :
- une filière conduisant à une production réduite de boues à siccité élevée. À cet égard la digestion anaérobie, un conditionnement non minéral des boues (polymère organique ou conditionnement thermique) et une déshydratation mécanique efficace composent une filière intéressante. L'intérêt supplémentaire d'une telle filière est constitué par la possibilité, sans investissement complémentaire important, d’envisager une utilisation agricole des boues.
Par contre, si aucune utilisation agricole n'apparaît possible à terme et si la mise en décharge des boues s’avère particulièrement coûteuse, une technique d'incinération des boues fraîches peut être retenue pour les stations de taille importante.
Dans le cas d'une utilisation agricole des boues, exception faite des filières incorporant une technique de compostage ou de séchage thermique en granulés des boues, tout traitement de boues fraîches condamne, de manière plus ou moins irréversible, l'utilisation agricole des boues.
Intérêt des techniques d’épaississement
Ce point a déjà été mentionné. Techniquement l'épaississement des boues est par exemple obligatoire avant digestion anaérobie (concentration préalable des boues à 6 ou 8 %) si l’on veut obtenir une concentration après digestion de l'ordre de 5 à 6 %. Économiquement l’intérêt en est très souvent évident.
Coefficients de charges — Recyclages
Toute filière de traitement des boues conduit à un recyclage partiel du flux de matières sèches traité dont l'importance dépend des opérations unitaires qui la composent. Ceci conduit à la constatation d'un fait tout à fait général : les coefficients de charge des ouvrages de traitement diminuent systématiquement de l’amont à l’aval de la filière. En conséquence les ouvrages à l’amont du traitement sont saturés plus rapidement et limitent la capacité de traitement de l’ensemble. Ceux-ci devraient donc faire l'objet d’un surdimensionnement en fonction des opérations unitaires qui se trouvent à l'aval.
Les principaux recyclages proviennent des épaississeurs, des centrifugeuses et des conditionnements thermiques.
Sur la station H par exemple l'importance relative de ce recyclage représente 25 % du flux de matières sèches entrant sur cette installation ; si les filtres-presses traitaient le flux prévu, les surdimensionnements des ouvrages précédents devraient être les suivants :
- Élutriateurs + 45 %
- Digesteurs anaérobies + 30 % env.
- Conditionnement thermique + 24 %
COUTS D’EXPLOITATION
1. — NATURE ET COMPOSITION DES COUTS
Les coûts d’exploitation qui sont présentés ici ne comprennent ni frais généraux ni charges de structure. Ils correspondent aux frais courants d’exploitation et ne prennent donc en considération ni les frais de renouvellement des équipements électromécaniques ni les charges financières d’amortissement des investissements.
Compte tenu de la date de réalisation de l’enquête ce sont les conditions de fonctionnement relatives à l'année 1977 qui ont été prises en compte. En conséquence, les coûts présentés sont exprimés hors taxes en francs « décembre 1977 ».
Une actualisation de ceux-ci est possible par utilisation de formules adéquates.
Au niveau de l’enquête les rubriques suivantes sont prises en compte :
Main-d'œuvre
Le coût correspondant est calculé pour chaque personne affectée au service, en multipliant le nombre total annuel des heures effectuées par le taux horaire correspondant (charges comprises). Dans cette rubrique le poste évacuation des boues et le temps passé par le personnel d'encadrement n'ont pas été pris en compte. Pour certains postes généraux (entretien des abords par exemple) et pour certaines catégories de personnel (agents de maîtrise en particulier) une ventilation du temps passé est effectuée à partir de la clé de répartition suivante :
investissement boues / investissement total
Pour chaque installation nous avons calculé un coût moyen horaire (x) égal au rapport de la charge annuelle des salaires (charges sociales incluses) au nombre annuel d'heures travaillées :
x = Σ ni xi / n ni = nombre d’heures effectuées par l’individu i. xi = taux horaire avec charges de l'individu i. n = nombre total d’heures effectuées par l’ensemble des individus.
La moyenne arithmétique des 8 valeurs ainsi obtenues conduit à un coût moyen de 42,2 F/h (écart-type = 7,6 F/h).
Électricité
Exception faite de la station G (compteur séparé pour le traitement des boues) les dépenses sont estimées à partir des relevés des compteurs horaires.
coût moyen : 0,161 F/kWh coût mini. : 0,1467 F/kWh coût maxi. : 0,197 F/kWh écart type : 0,013 F/kWh
Produits consommables
Il s’agit de produits divers (huile, graisse, produits de nettoyage) ainsi que de l’eau, des réactifs de conditionnement et du fuel. Les coûts sont relevés sur les factures les plus récentes de 1977.
Entretiens et divers
Il s’agit d’une rubrique incluant des pièces de rechange (exemple : petits matériels, toiles de filtre, vis d’extraction) et parfois de la main-d’œuvre (sous-traitance ou opérations de gros entretien : peintures, vidanges d’ouvrages). Dans cette rubrique sont également estimées, selon la clé de répartition déjà mentionnée, des dépenses diverses d’exploitation telles que : temps de transport, frais de véhicules.
Transport des boues
Cette rubrique a une importance très variable. Ce poste apparaît soit détaillé (lorsque l’évacuation est réalisée par le personnel et avec du matériel attachés à la station), soit de manière globale (cas fréquent des sous-traitances).
2. — COÛTS RÉELS
Par coûts réels nous entendons des coûts tels qu’ils résultent de notre enquête.
[Tableau VIII : Coûts d’exploitation (Fr. 1977)Section | Capacité (Équivalent-habitant) | Charge* (%) | Coût d’exploitation (F/t MS) | |||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|
M.O. | Énergie | Produits | Entretiens | Transport | Total | |||
A | 35 000 | 64 | 371 | 27 | 118 | 26 | 221 | 763 |
B | 120 000 | 74 | 152 | 23 | 36 | 21 | 7 | 239 |
C | 100 000 | 32 | 122 | 12 | 37 | 21 | 0 | 192 |
D | 70 000 | 83 | 166 | 15 | 127 | 22 | 7 | 337 |
E | 54 000 | 47 | 178 | 9 | 180 | 18 | 0 | 385 |
F | 150 000 | 85 | 117 | 54 | 70 | 20 | 33 | 294 |
G | 300 000 | 60 | 176 | 103 | 64 | 32 | 18 | 393 |
H | 300 000 | 83 | 205 | 80 | 185 | 32 | 21 | 523 |
Le coût de l’évacuation des boues introduit une très grande dispersion des résultats rendant les comparaisons entre filières très difficiles. Pour la station H, par exemple, le coût d’évacuation de boues à 50 % de siccité est nettement moins élevé que celui de la mise en décharge des cendres de la station G. Des comparaisons plus valables entre les filières (sauf celles comportant une incinération des boues) peuvent être faites sans considérer le coût de l’évacuation des boues.
Pour l’ensemble des résultats on peut retenir que le coût de la main-d’œuvre représente environ 50 % du coût d’exploitation total (plutôt moins pour les stations de plus faible capacité, mais davantage pour les stations G et H dont l’importance et la plus grande technicité : conditionnement thermique ou/et incinération nécessitent un personnel plus qualifié ainsi qu’un contrôle et un entretien réguliers et systématiques).
Bien qu’éminemment variable suivant les techniques de conditionnement utilisées, le coût des produits consommables est relativement important (15 à 45 % du coût total). À cet égard, le coût du conditionnement chimique minéral est toujours nettement plus élevé (stations A, D et E), surtout lorsque la boue est traitée après digestion anaérobie sans épaississement préalable (cas de la station E où les produits consommables représentent 238 F/t MS entrant en digestion anaérobie !). Il faut également noter l’importance du coût du fuel pour les filières F (incinération de boues fraîches non auto-combustibles), G (conditionnement thermique et incinération des boues fraîches) et H (conditionnement thermique après digestion anaérobie). Pour ces trois installations, il s’agit d’ailleurs de fuel domestique dont la consommation est très dépendante des coefficients de charge des unités de traitement.
3. — COÛTS EXTRAPOLÉS À PLEINE CHARGE
Compte tenu de l’influence très sensible de la charge des installations sur le coût d’exploitation (notamment pour certaines techniques comme l’incinération), nous avons effectué une extrapolation des coûts réels observés correspondant au fonctionnement des unités à leur charge nominale à partir des données de base suivantes :
— pour chaque installation, un coefficient de charge est calculé à l’entrée du traitement, c’est-à-dire soit après épaississement, soit à l’entrée du digesteur anaérobie (aucun autre cas ne se présente). Ce coefficient C est défini ainsi :
C = Poids de MS traité (kg MS/jour calendaire) / Poids de MS prévu (kg MS/jour calendaire)
— le calcul d’extrapolation est réalisé à partir des hypothèses suivantes : • postes proportionnels à C : électricité, transport des boues et produits consommables (sauf en ce qui concerne le fuel pour les stations F, G et H pour lesquelles une estimation est faite cas par cas) ; • poste partiellement proportionnel à C : main-d’œuvre ; la partie proportionnelle est estimée cas par cas ; • poste indépendant de C : entretien.
Ce calcul est donc effectué en supposant un fonctionnement des installations à pleine charge à l’entrée du traitement. Compte tenu des recyclages de matières sèches, ceci signifie que les opérations de traitement intervenant dans la filière, notamment les plus à l’aval, ne sont pas nécessairement saturées. En conséquence, les coûts ainsi obtenus sont plus ou moins inférieurs à ce qu’ils devraient être, eu égard à la capacité théorique de l’installation.
Le calcul présenté est parfois fictif dans la mesure où il peut y avoir soit une impossibilité technique de fonctionnement (capacité de déshydratation insuffisante même en fonctionnement continu par exemple), soit pratiquement une impossibilité économique (le coût correspondant justifiant à l’évidence un investissement complémentaire alors rapidement rentabilisé).
— Coûts extrapolés avec évacuation des boues.
[Tableau IX : Coût d’exploitation extrapolé (F/t MS) avec évacuation des bouesSection | Capacité (Équivalent-habitant) | C (%) | M.O. | Énergie | Produits | Entretiens | Transport | Total |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|
A | 35 000 | 100 | 401 | 28 | 118 | 26 | 221 | 794 |
B | 120 000 | 100 | 175 | 28 | 41 | 21 | 7 | 272 |
C | 100 000 | 100 | 122 | 37 | 56 | 21 | 0 | 236 |
D | 70 000 | 100 | 180 | 18 | 127 | 22 | 7 | 354 |
E | 54 000 | 100 | 189 | 10 | 180 | 18 | 0 | 397 |
F | 150 000 | 100 | 137 | 64 | 88 | 20 | 33 | 342 |
G | 300 000 | 100 | 220 | 120 | 79 | 32 | 18 | 469 |
H | 300 000 | 100 | 225 | 110 | 210 | 32 | 21 | 598 |
Comme cela a déjà été mentionné, il apparaît que le poste évacuation des boues a une importance très variable : coût nul pour les stations C et E où les boues sont utilisées en agriculture, coût spécifique de 221 F/t MS pour la station A.
Pour les stations H et G (respectivement mise en décharge de 4 800 t MS/an de boues de filtre-presse et mise en décharge de 6 887 m³ de refus de grille et cendres d’incinération représentant 6 400 t MS incinérées), le coût spécifique d’évacuation est comparable : 20,6 F/t MS pour la station H et 17,5 F/t MS incinérée pour la station G, et joue donc très peu en faveur de l’incinération.
Ceci confirme à l’évidence, du seul point de vue du coût d’exploitation, que les techniques d’incinération ne se justifient que par l’économie qu’elles peuvent représenter au niveau du transport des résidus ainsi que par la sécurité d’une telle solution par rapport à une mise en décharge.
Si cela était possible (acceptation du produit) une solution de mise en décharge des boues déshydratées des stations F et G (respectivement centrifugées à 25 % de siccité et filtrées sous vide à 40 %) serait plus économique compte tenu des conditions locales (plus-values respectives de 200 et 120-150 kF/an).
Ces résultats appellent quelques commentaires :
— la diversité des filières rencontrées ne permet pas de préciser l’importance de l’effet d’échelle lorsque le coût est rapporté à la tonne de matière sèche entrante (épaissie ou entrant en digestion) sauf par exemple entre les stations F et G (traitement des boues fraîches se terminant par une incinération). En toute hypothèse, cet effet d’échelle semble très peu marqué. Il apparaît en effet qu’une station importante (300 000 HE par exemple) nécessite une main-d’œuvre non affectée à une opération de traitement particulière ainsi que des frais annexes très importants (exemple, station H : produits consommables autres que le fuel : 185 kF/an ; entretien des abords : 60 kF/an ; laboratoire de contrôle et gestion du calculateur : 200 kF/an) ;
— en frais courants, les deux principales composantes du coût sont, de très loin, la main-d’œuvre et les produits consommables (dont pour l’essentiel les réactifs de conditionnement). À cet égard, il faut souligner le coût plus élevé du conditionnement par réactifs chimiques minéraux : Station A … 118 F/t MS sur boues fraîches Station D … 127 F/t MS sur boues fraîches Station E … 180 F/t MS sur boues fraîches peu concentrées
par rapport au conditionnement par polymère :
Station B … 111 F/t MS, … sur boues digérées peu concentrées
Station C … 148 F/t MS, … sur boues digérées peu concentrées
— la comparaison des résultats des stations G et H montre l’intérêt de la filière utilisée en H (avec digestion anaérobie) ; ceci apparaît assez nettement malgré l’importance relative des postes main-d’œuvre et entretien sur cette station, due au fait que les épaississeurs, digesteurs anaérobies et l’ensemble du GC sont réalisés pour 400 000 HE. Il faut par contre rappeler que l’intérêt d’une incinération finale des boues peut apparaître si le coût d’évacuation de celles-ci après déshydratation devient prohibitif. Dans le même esprit, l’incinération des boues fraîches sans autocombustibilité apparaît onéreuse compte tenu de l’apport supplémentaire de calories-fuel (cas de la station F) ; ce coût peut cependant être réduit par utilisation de fuel lourd n° 2 en remplacement du fuel domestique.
En conclusion, pour des installations importantes, l’utilisation des résultats en F, G et H conduit, hors évacuation des boues et cendres, au classement suivant (par ordre croissant du coût d’exploitation rapporté à la tonne de MS) :
— station H (épaississement – digestion anaérobie – conditionnement thermique – filtres-presses) ;
— station G (épaississement – conditionnement thermique – filtres sous vide – incinération) ;
— station F (épaississement – polymère – centrifugation – incinération).
— La comparaison des résultats obtenus sur les stations A, B, C, D et E est difficile. Sur toutes ces installations, en effet, le poste main-d’œuvre pourrait être sensiblement réduit par doublement ou triplement des capacités de déshydratation. Sur les stations C et E d’autre part (avec digestion anaérobie), la présence d’épaississeurs permettrait une économie très sensible en réactifs de conditionnement. Compte tenu de ces remarques, les filières correspondant aux stations B et surtout C paraissent particulièrement intéressantes :
— station C (digestion anaérobie – polymère – bande pressante) ;
— station B (épaississement – digestion anaérobie – polymère – centrifugation).
On remarquera l’importance relativement plus grande des postes M.O. et entretien sur la station B (centrifugation).
En ce qui concerne le traitement des boues fraîches (stations A et D) la comparaison est particulièrement difficile (station D : extrapolation réalisée à partir d’un coefficient de charge égal à 0,1). La filière D (avec filtres-presses) peut s’avérer la plus intéressante dans la mesure où le poste main-d’œuvre peut être réduit, où les dépenses plus incompressibles (réactifs de conditionnement et électricité) sont moins importantes qu’en A et où le produit final présente la plus forte siccité (gain relatif sur l’évacuation des boues).
CONCLUSION, EN FORME DE COMMENTAIRES
L’examen détaillé des coûts de fonctionnement d’une filière de traitement des boues montre que les charges annuelles d’exploitation sont presque toujours très largement supérieures aux charges annuelles d’amortissement des investissements, c’est-à-dire l’importance que doit avoir le coût d’exploitation dans le choix technique de la filière.
Les conclusions qui peuvent être dégagées de l’étude dont les principaux résultats sont présentés ici ne peuvent évidemment qu’être indicatives (huit installations visitées). Il nous semble important d’attirer plus particulièrement l’attention sur quelques points particuliers en considérant, d’une part le traitement in situ, et d’autre part l’élément fondamental que représente l’évacuation et la destination finale des boues.
1. — TRAITEMENT IN SITU
— Les techniques d’épaississement des boues devraient être beaucoup plus largement répandues, notamment en couplage avec la digestion anaérobie (à l’amont de celle-ci). Les avantages des épaississeurs sont en effet multiples : faible coût d’investissement, élimination des interférences entre les lignes eau et boues, économie de réactifs de conditionnement dont le coût représente le premier ou le second poste de dépense, augmentation des capacités de filtration en aval.
— En exploitation, toute filière de traitement des boues conduit à un recyclage partiel des flux de matières sèches (épaississeurs, centrifugeuses, conditionnement thermique…) diminuant ainsi les coefficients de charge des ouvrages de traitement de l’amont à l’aval et limitant donc la capacité de l’ensemble. Ces recyclages devraient conduire à un surdimensionnement correspondant des ouvrages.
— En supposant que les installations fonctionnent à pleine charge, la comparaison des coûts d’exploitation (extrapolé H.T. en F., décembre 1977 – hors charges de structure et frais généraux) appelle les remarques suivantes :
@ pour les 8 stations considérées on obtient un coût de 256 à 471 F par tonne de MS épaissie (ou entrant en digestion anaérobie). Ceci représente de 7,5 à 14,7 F/HE/an ;
@ aucun effet d’échelle ne semble apparaître, les frais de gestion d’installations importantes (stations F et surtout G et H) introduisant des postes généraux de dépenses relativement beaucoup plus importants que sur une installation de taille moyenne (frais de labo, entretien, matériel électromécanique, surveillance, abords, etc.). Ce point est particulièrement important ;
@ les principales composantes du coût sont la main-d’œuvre et les produits consommables (60 à 80 % du total). Aussi pour un certain nombre d’installations, de sérieuses diminutions du coût d’exploitation pourraient être obtenues en doublant ou triplant par exemple les capacités de filtration (économies de M.O.) et en utilisant des épaississeurs de boues (économies de réactifs de conditionnement).
— Le classement qui s’établit permet, pour des installations importantes, de montrer l’intérêt de la filière de la station H (épaississement – digestion anaérobie – conditionnement thermique – filtres-presses), par rapport à celle de la station G (épaississement – conditionnement thermique – filtres sous vide – incinération).
De la même manière les filières comportant une digestion anaérobie apparaissent les mieux placées à l’échelle 60 000 – 80 000 HE, pour peu qu’elles n’utilisent pas de conditionnement par des réactifs chimiques minéraux (coût très élevé, surdosages quasi-inévitables, augmentation du poids de boues à évacuer).
2. — INFLUENCE DE LA DESTINATION DES BOUES
S’il lui est possible de comparer comme ci-dessus certaines filières de traitement des boues entre elles par rapport aux données technico-économiques d’exploitation constatées sur le site, le décideur doit nécessairement considérer en outre le coût de l’évacuation des boues comme l’un des principaux critères de choix d’une filière de traitement. Or ce poste est extrêmement variable et fait de chaque cas un cas d’espèce : dans cette étude, l’évacuation des boues représente de 0 à 221 F/t MS.
Schématiquement, la destination des boues peut être la mise en décharge ou attribuée à l’agriculture (directement ou indirectement).
— Mise en décharge.
La fermeture progressive des décharges « non contrôlées », la non-acceptation de produits humides ou pâteux, le coût parfois très élevé du transport et des taxes de dépôt montrent que très souvent cette solution est incertaine (autorisations temporaires, coûts variables dans le temps). On s’efforcera donc dans ce cas de retenir une filière de traitement produisant le minimum de boues (production réduite en MS et forte siccité) et qui ne soit pas rigide, c’est-à-dire qui laisse la porte ouverte à une utilisation directe éventuelle des boues en agriculture. Dans cet esprit, une filière comportant une digestion anaérobie et une déshydratation mécanique poussée, sans utilisation de réactifs chimiques minéraux, sera par exemple très intéressante.
Dans certains cas où la mise en décharge est inévitable et très coûteuse, l’incinération des boues fraîches peut être retenue ; dans la pratique cette solution ne pourra être intéressante que si l’auto-combustibilité des boues est atteinte (coût élevé de la thermie-fuel).
— Utilisation agricole.
Le développement de ce débouché tient à plusieurs causes (coût de plus en plus élevé des mises en décharge, appauvrissement de nombreuses terres de culture en humus, meilleure information des milieux agricoles, etc.).
De très nombreuses filières de traitement des boues permettent cette utilisation. L’intérêt du producteur (l’exploitant) va souvent de pair avec celui de l’utilisateur. Les conditions d’applications des boues sont à définir au coup par coup (selon les terrains, la nature et la composition des boues, les types de culture, etc.).
La mise en place des filières incorporant un compostage ou un séchage thermique en granulés des boues fraîches nécessite une sérieuse étude préalable de marché. Tout autre traitement des boues fraîches condamne, de manière plus ou moins irréversible, l’utilisation agricole des boues.
Aucune des autres filières classiques n’est à proscrire, mais on peut cependant effectuer les quelques remarques suivantes :
@ le conditionnement par réactifs chimiques minéraux conduit à une certaine perte d’azote et peut conduire à un blocage du phosphore ;
@ le conditionnement thermique conduit également à une perte d’azote ;
@ les boues pâteuses présentent des difficultés d’épandage.
M. REINBOLD.