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L'eau potable et la normalisation

30 mars 1998 Paru dans le N°210 à la page 39 ( mots)
Rédigé par : Alain JOUNOT

L'eau joue, dans le développement de la vie humaine, animale ou végétale et dans l'évolution des sociétés, un rôle irremplaçable. Les pays de l'Union Européenne ont décidé d'oeuvrer de manière coordonnée pour atteindre des objectifs ambitieux de gestion rationnelle et durable des ressources en eau, de protection des écosystèmes aquatiques et de qualité de l'eau fournie à la consommation humaine et aux activités économiques. C'est ainsi que plusieurs directives européennes ont été élaborées dans le domaine de l'eau et en particulier la Directive 80/178/CEE qui se révèle être d'une importance essentielle car elle définit les paramètres et leurs valeurs concernant la qualité de l'eau potable.

[Photo : sans légende]

Le développement de la concurrence dans l’attribution de marchés publics a été considéré comme d'une grande importance dans la perspective de la réalisation d'un espace économique unifié. L’enjeu financier est considérable, les achats du secteur public et de ses organismes représentant entre 10 et 20 %, selon le champ considéré, du produit intérieur brut de la Communauté. L’enjeu industriel n'est pas moins essentiel, l’ouverture des marchés publics jouant un rôle de levier pour la suppression des entraves techniques aux échanges économiques, d'importants effets en sont attendus en matière de technologies dans les secteurs de pointe. Le fondement de tout le dis-

Positif est la suppression des préférences nationales. Dès lors, de nouvelles règles communes deviennent indispensables, d'où la référence aux normes, avec une préférence pour les normes européennes, patrimoine commun, mais sans exclure, à défaut de normes européennes, la référence à d’autres normes nationales des États membres de l'Union européenne. Cet objectif a conduit à l’adoption de plusieurs directives visant à couvrir progressivement l'ensemble du champ de la commande publique.

Pour ce qui concerne le secteur de l'eau, il s'agit de la directive 93/38/CEE du 14 juin 1993 portant coordination des procédures de passation des marchés dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des télécommunications. On soulignera que le Code des marchés publics français a beaucoup inspiré les directives européennes dites marchés publics.

L’adoption d’objectifs communs, l'harmonisation des règles et des pratiques, l'ouverture des marchés publics appellent non seulement des décisions politiques et des directives mais aussi des normes qui contribuent à leur mise en œuvre. C’est dans ce contexte que des travaux de normalisation se sont développés au plan européen au cours de ces dernières années. Plusieurs comités techniques ont été créés pour rédiger des normes européennes.

Avant de présenter ces travaux, il convient de clarifier l'utilisation qui est faite du terme norme qui a en effet deux significations fort différentes et est utilisé indifféremment dans les deux cas, d'où une certaine confusion.

La notion de norme résultant de l’activité de normalisation n’a pas le caractère d’obligation juridique ou morale qui s’attache au mot « norme » dans le langage du droit ou de la philosophie. Le langage courant parle aussi de norme pour désigner une exigence technique réglementairement obligatoire (par exemple la valeur limite de 50 mg/l pour la teneur en nitrates de l'eau destinée à la consommation humaine). Mais il n’y a obligation que parce qu'il y a une réglementation spécifique. Le fait que des dispositions aient été codifiées par un processus de normalisation ne crée pas par lui-même de caractère obligatoire.

Document de référence exprimant « l'état de l'art » dans un certain domaine, la norme au sens employé ici constitue un outil de prescription, utilisable de plusieurs façons. Dans un certain nombre de cas, le pouvoir réglementaire reprend à son compte le contenu technique de la norme en rendant celle-ci d’application obligatoire, comme le prévoit l’article 12 du décret 84-74 modifié fixant le statut de la normalisation. Le Ministre chargé de l’Industrie peut rendre obligatoires certaines normes homologuées. L’obligation porte sur les phases de conception, de fabrication, d'importation et de mise sur le marché. Aujourd’hui, une centaine de normes homologuées ont été rendues obligatoires, essentiellement pour des raisons de sécurité (dans le cas de jouets, d’extincteurs, de grues...), de santé ou d'hygiène, de lutte contre la fraude, de rationalisation des échanges ou de protection de l’environnement.

Les autres normes sont à la disposition des utilisateurs, qui sont en principe libres de les appliquer ou non, en particulier dans les relations contractuelles. Cependant, pour les marchés publics, l’article 13 du décret 84-74 crée une obligation de se référer aux normes françaises homologuées pour exprimer les spécifications techniques. En effet, le recours aux normes évite de réinventer la technique, ce qui comporterait des risques d’erreurs et nuirait à l’efficacité de la production. Il fournit un langage de spécification connu et compris de l'ensemble des professionnels, ce qui contribue à la transparence. Mais il s’agit là de moyens techniques pour atteindre les objectifs que définit l'acheteur public (le maître d’ouvrage des travaux), ce qui est sa responsabilité propre.

Le choix des normes à rendre applicables dans le marché est à faire en fonction des objectifs fixés. Il convient de préciser que cette obligation ne vaut que pour les marchés dont le montant dépasse un seuil fixé par le Code des marchés publics, actuellement 300 000 F.

En ce qui concerne les travaux de normalisation relatifs à l’adduction d’eau, le comité technique (CEN/TC 164 « alimentation en eau »), présidé par la France, a été créé en 1990 pour rédiger des normes européennes portant aussi bien sur les règles générales de conception, de réalisation et de performances des composants des systèmes d’alimentation en eau, que sur les caractéristiques des composants de ces systèmes ou sur les produits de traitement de potabilisation de l'eau. Cette structure européenne a créé plusieurs groupes de travail qui ont pour tâche de rédiger les documents qui sont inscrits au programme du comité technique. Le programme de travail comporte actuellement 184 sujets qui se répartissent comme l’indique le tableau ci-dessous.

[Encart : Répartition du programme de travail du comité technique – Produits chimiques utilisés pour le traitement de l'eau : 98 normes – Robinetterie d'alimentation : 7 normes – Robinetterie sanitaire : 13 normes – Produits en béton : 4 normes – Dispositifs de protection contre la pollution de l'eau : 26 normes – Prescriptions générales pour les réseaux extérieurs : 2 normes – Prescriptions générales pour les réseaux intérieurs : 5 normes – Tuyaux et pièces spéciales en béton : 4 normes – Réservoirs pour stockage : 2 normes – Effets des matériaux en contact avec l'eau potable : 2 normes – Appareils de conditionnement de l'eau dans les bâtiments : 5 normes]

Cette première approche quantitative donne un aperçu de l'importance des enjeux, mais les aspects qualitatifs méritent une attention particulière. En effet, si une part significative des travaux de normalisation continue d'être consacrée aux produits et aux méthodes d’essai ou d’analyse, de nouveaux types de normes voient le jour ; il s’agit en l’occurrence des normes dans les domaines de la conception et des services. L’initiative de normaliser les règles de conception des réseaux, des installations ou des ouvrages est venue de partenaires européens qui ont pour tradition une conception plus large de la norme.

Les normes de conception des réseaux, tant à l’extérieur des bâtiments (Pr EN 805), qu’à l'intérieur des bâtiments (Pr EN 806 partie 1 à 5) et celles de conception des systèmes de protection des réseaux contre les

retours d'eau (Pr EN 1717) sont parmi les plus laborieuses, voire conflictuelles. C’est ainsi, par exemple, que la PrEN 805 relative aux réseaux à l’extérieur des bâtiments, après six ans de travaux et un premier vote formel négatif, a dû être scindée en deux. La seconde norme, à rédiger sur des bases rénovées, portera sur la façon de caractériser les composants (tuyaux pour l'essentiel) vis-à-vis des pressions internes exercées par l'eau transportée, et des pressions externes exercées par les sols dans lesquels ils sont enterrés ; la première norme, la seule désignée par Pr EN 805, devrait aboutir avant la fin de cette année.

Pour ce problème de pressions, tout comme celui de l'acceptabilité des matériaux destinés à être en contact avec l’eau potable (méthode d’essai de migration et interprétation), des travaux de recherche co-normative seraient nécessaires, de même qu'une harmonisation des réglementations ou des pratiques nationales. Il en résulte un certain retard, soit dans l’élaboration des normes correspondantes, soit pour certaines, dans leur publication et leur transposition, certains pays souhaitant conserver leurs normes nationales tant qu'un corpus exhaustif et cohérent de normes européennes ne sera pas établi. Il est possible que les futures normes européennes en question soient publiées au fur et à mesure de leur adoption avec clause dérogatoire quant à leur application par tel ou tel pays.

La normalisation des produits chimiques utilisés pour le traitement de l'eau connaît une activité intense qui s’est traduite en 1997 par l’adoption de 22 normes européennes. Une difficulté rencontrée par le groupe de travail chargé d’élaborer ces normes est que tous les pays n’utilisent pas les mêmes produits.

Il existe une grande disparité des réactifs utilisés et de leur condition d’emploi. Il a été demandé d’établier des normes européennes pour tous les produits utilisés, même si le produit n'est utilisé que dans un seul pays. Il importe de souligner que l'adoption d'une norme européenne ne vaut pas autorisation d'emploi pour le pays où l'emploi de ce produit est interdit.

Toutefois lors du vote final il est fréquent de voir certains pays voter négativement sur le document alors que l'utilisation du produit est interdite et qu’il existe des producteurs au sein même de ce pays. Toutefois les travaux se poursuivent avec une forte volonté d’aboutir par étapes successives à un consensus entre les différents partenaires européens.

AFNOR a œuvré à la mobilisation des partenaires privés et publics au cours de ces dernières années et un dialogue constructif a pu être créé entre eux. Aujourd’hui, la France tient une place importante dans la conduite des travaux européens qu'il convient de préserver pour contribuer le plus efficacement possible à une harmonisation européenne de qualité. ■

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