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Impact de la nanofiltration de Méry-sur-Oise sur la qualité des eaux distribuées

30 avril 2001 Paru dans le N°241 à la page 39 ( mots)
Rédigé par : Laurent DELOINCE

Dès 1990, afin de garantir en qualité et en quantité l'alimentation en eau potable, le SEDIF, maître d'ouvrage, a entrepris des études en vue d'implanter une filière de nanofiltration à Méry-sur-Oise. Opérationnelle depuis septembre 1999, le SEDIF et son Régisseur, la Générale des Eaux tirent les premiers enseignements des 18 mois d'exploitation de la filière membranaire.

9 % des ressources en eau du SEDIF sont constituées d’eau de rivières : Marne, Seine et Oise. Face à la médiocre qualité des eaux de surface et à l’accroissement des exigences sanitaires en matière d’eau potable, l’usine conventionnelle de Méry-sur-Oise n’était plus en mesure d’assurer en continu la production d’une eau de qualité. Malgré le respect de la réglementation en vigueur, afin d’éviter l’ensemencement du réseau en substrat carboné, la production d’eau potable par la filière conventionnelle était parfois ralentie, voire by-passée comme en novembre 1998, pour des COD supérieurs à 2,4 mg/l (figure n° 3).

Un choix d’avenir

[Encart : Le Syndicat des Eaux d’Île-de-France en chiffres + 4 millions de consommateurs franciliens + 300 millions de mètres cubes d'eau distribuée par an + 3 usines de potabilisation : Choisy-le-Roi, Méry-sur-Oise et Neuilly-sur-Marne + 8 600 km de réseau]
[Encart : Objectifs assignés à la nouvelle filière + élimination poussée de la matière organique + respect à long terme de la réglementation eau potable sur les phytosanitaires et les sous-produits d’oxydation + satisfaction des exigences des consommateurs.]

eau, l'Oise, seul un process de nanofiltration était en mesure d’atteindre de tels objectifs. La nanofiltration n’est pas qu'une simple extension des process de micro et d’ultrafiltration, où la sélectivité est d’origine physique, c’est-à-dire que la réjection est fonction de la taille des particules. En nanofiltration, la sélectivité est conditionnée par le coefficient de partage et par le coefficient de transfert. L'unité prototype implantée dès 1993 a permis de valider ce process pour l’affinage d'une eau de surface. Parallèlement à ces essais de validation, les différents partenaires ont œuvré au développement d’une membrane spécifique aux besoins. Les modules FILMTEC NF 200 B permettent une réjection maximale de la matière organique et des micropolluants tout en optimisant la perméation des sels de calcium. Le point de coupure de la membrane se situe autour de 1 nanomètre et assure la réjection des composés dont le poids moléculaire est supérieur à 200 / 400 Dalton.

Les modules spiralés FILMTEC NF 200 B sont composés d'une succession de trois couches : la membrane semi-perméable en polypipérazine amide repose sur un support microporeux en polysulfone. Le support en polyester garantit la résistance mécanique. L’usine de Méry-sur-Oise est dorénavant composée de deux filières (figure n°1) : l'ancienne filière dite biologique ou conventionnelle (tranche 1) et, en parallèle, la filière membranaire (tranche 2).

[Figure : Schéma simplifié des filières de Méry-sur-Oise]

La filière conventionnelle est composée, pour l’étape de clarification, d’une coagulation/décantation et d’une filtration rapide sur sable ; puis, pour l’étape d’affinage, d'une interozonation et d'une filtration sur charbon actif en grain, et finalement d’une post-désinfection au chlore avant refoulement dans le réseau de transport.

Présentation de la filière membranaire

Clarification optimisée pour diminuer le pouvoir colmatant des eaux

Après pompage dans une réserve d’eau brute, l’eau est acidifiée. Elle s’écoule ensuite vers deux décanteurs lamellaires Actiflo® (brevet conjoint SEDIF/OTV), dans lesquels sont successivement injectés un coagulant, un polyélectrolyte pour assurer la cohésion des flocs puis du microsable qui leste les flocs. Les boues de décantation soutirées au fond des Actiflo® sont dirigées dans des hydrocyclones. Par centrifugation, le sable est séparé des boues et recyclé dans le process de potabilisation.

L'ozone est injecté dans l'eau décantée au moyen de mélangeurs statiques. La fonctionnalité de cette ozonation vise à accroître l'efficacité des traitements situés en aval. Afin de diminuer le pouvoir colmatant des eaux et biodégrader l'ammoniaque, l'eau ozonée s'écoule sur 10 filtres bicouches sur lesquels est réalisé un collage. Ces filtres, d'une surface unitaire de 117 m², sont composés d'un média double : 75 centimètres de sable et 75 centimètres d’anthracite. Grâce à ces supports, les prises de perte de charge des filtres bicouches sont limitées, ce qui permet d'accroître les durées de cycle de filtration.

[Figure : Schéma de principe d’une des huit files membranaires]
[Photo : Figure n°3 : Suivi du carbone organique en continu]

Ces traitements de clarification poussés visent à respecter un cahier des charges strict sur la qualité des eaux avant nanofiltration afin de limiter le colmatage des membranes.

340 000 m² de membranes en affinage

Afin de limiter la précipitation des carbonates, pour accroître les durées de cycle de nanofiltration, le pH peut être corrigé et un anti-séquestrant est injecté dans les eaux filtrées bicouche. Cet inhibiteur de formation de cristaux a une action multiple : limitation de la croissance des cristaux, pouvoir de séquestration des ions métalliques et pouvoir de dispersion des particules.

Ensuite, l'eau transite vers des préfiltres Pall dont le point de coupure absolu est de 6 µm. Plus qu'un traitement continu, ces préfiltres servent de « fusibles » afin de protéger les membranes de nanofiltration en cas de dysfonctionnement de la clarification amont. L’eau est reprise pour un pompage haute pression compris entre 5 et 15 bars, à taux de conversion fixe de 85 %. Ces variations de pression appliquées sont fonction de l'état de colmatage des membranes et de la température de l'eau.

L'unité d’affinage membranaire est composée de 8 files indépendantes. Chaque file (figure n°2) fonctionne en série-rejet avec 3 étages de filtration, c’est-à-dire que le concentrat de l’étage (n) alimente l’étage (n+1). Les 3 étages de chaque file comprennent respectivement 108, 54 et 28 tubes, soit 190 tubes par file donc 1 520 tubes au total. Chaque tube renferme 6 modules spiralés, la filière membranaire de Méry-sur-Oise est donc équipée de 9 120 modules. Les modules spiralés développant une surface filtrante de 37 m², c'est près de 340 000 m² de surface membranaire qui sont intégrés dans un bâtiment de 3 600 m².

L’eau nanofiltrée passe ensuite par des tours de stripping pour dégazer l'excès de dioxyde de carbone libre, puis subit une irradiation de sécurité aux ultraviolets.

Après désinfection au chlore de l'eau issue de la filière biologique, les eaux des deux filières sont mélangées dans une tour et rééquilibrées à la soude. La contribution des deux filières sera à terme de 80 % filière membranaire et 20 % filière biologique, soit 140 000 m³/j d'eau nanofiltrée et 35 000 m³/j d'eau conventionnelle. Cette dernière filière pourra être portée à 200 000 m³/j pour satisfaire des besoins exceptionnels en eau potable, notamment secourir une autre usine de production.

Un bilan sanitaire satisfaisant

Afin de quantifier l'impact de l’étape membranaire sur la qualité des eaux produites et distribuées un suivi renforcé a été mis en place dès 1998. Les échantillons, prélevés pour certains au robinet des consommateurs, couvrent l'ensemble du territoire alimenté par l'usine de Méry-sur-Oise, soit 40 communes. L’essentiel de l'étude est basé sur une interprétation statistique descriptive des données issues des 16 campagnes de prélèvements, exception faite des valeurs de COT et COD mesurées en continu sur l’usine.

Le carbone organique total (COT) de l’Oise suit une variation saisonnière qui se répercute sur le carbone organique dissous (COD) refoulé (figure n°3). Dès la mise en service de la filière membranaire, et sa montée en charge progressive fin 1999, le COD mesuré dans les eaux refoulées est significativement moins dépendant du COT.

En 1998, de janvier à avril-mai, l'eau refoulée présente un niveau de COD compris entre 2 et 2,5 mg/l, puis la concentration diminue progressivement à 1,5 mg/l pour augmenter à nouveau. Après la mise en service de la nouvelle filière, les concentrations en matière organique déclinent, pour atteindre des valeurs de COD inférieures à 0,5 mg/l en juillet 2000.

La diminution du COD de l’eau produite a permis de revoir à la baisse la consigne de chlore à refouler dans le réseau : la consigne a été réduite de 0,4 mg/l à 0,2 mg/l.

La gestion de la chloration est une partie délicate du process de potabilisation. Un compromis doit être trouvé en permanence afin de garantir l'effet bactériostatique (chlore libre > 0,1 mg/l) et minimiser la saveur de l'eau (chlore libre < 0,4 mg/l). Avant la mise en service de l'affinage membranaire, pour garantir un effet bactériostatique dans les points les plus éloignés du réseau il était indispensable de surdoser en chlore en sortie d’usine et ce malgré la présence de postes de rechloration réseau. La matière

[Photo : Figure n°4 : Histogramme de répartition des échantillons de chlore libre mesuré en réseau]
[Encart : Bilan de la mise en service de la nanofiltration sur l’eau distribuée • baisse de 75 % du COD • homogénéisation des résiduels de chlore dans le réseau • baisse de 91 % des dénombrements de bactéries viables au CTC • baisse de 40 % de la dureté]

Organique, consommatrice de chlore, ne permettait pas toujours de distribuer une eau dont le résiduel de chlore soit supérieur à l’objectif de 0,1 mg/l (figure n°4). Après la mise en service de la nanofiltration, à taux de traitement moindre, l’eau distribuée contient bien évidemment moins de chlore mais le nombre d’échantillons sans chlore diminue aussi. Grâce à l’élimination poussée des substrats carbonés par la nanofiltration, le chlore est plus stable dans l’eau, les concentrations de chlore libre sont plus homogènes (resserrement de la distribution), les points extrêmes sont éliminés.

L’impact de la nouvelle filière sur la qualité des eaux distribuées s’est aussi traduit par une baisse des dénombrements de bactéries viables (dénombrement par marquage CTC) (figure n°5). En 2000, 80 % des prélèvements sont compris entre 0 et 500 cellules/ml, alors que cette même classe n’était représentée qu’à 11 % en 1998 et à 36 % en 1999. À l’intérieur de cette classe, pour la campagne 2000, la répartition est la suivante : 27 % des valeurs sont inférieures à 10 cellules/ml, 60 % sont inférieures à 100 cellules/ml et 75 % sont inférieures à 200 cellules/ml. La moyenne a considérablement diminué, elle est passée de 4 000 cellules/ml sur les années 1998 et 1999 à 350 cellules/ml en 2000. Malgré des résiduels de chlore libre plus faibles, l’élimination de la matière organique limite le potentiel de reviviscences bactériennes dans le réseau.

[Photo : Figure n°5 : Histogramme de répartition des bactéries viables mesurées en réseau (marquage CTC)]

Plus de confort pour le consommateur

En plus de l’amélioration de l’ensemble des paramètres de qualité, les paramètres de confort comme la dureté de l’eau sont appréciés. La conductivité de l’eau distribuée a diminué d’environ 150 µS/cm (figure n°6). Elle passe d’une moyenne de 585 µS/cm en 1998 à 435 µS/cm en 2000. La dureté moyenne avant la mise en service de la nanofiltration est de 28,7 °F, en 2000 la dureté moyenne est de 17,1 °F. L’eau produite par l’usine de Méry-sur-Oise passe donc de la classification « eau calcaire » à celle d’« eau peu calcaire ».

[Photo : Figure n°6 : Histogramme de répartition de la conductivité]

L’avenir des traitements de potabilisation

Les deux premières années de suivi (1998 et 1999) de la qualité des eaux distribuées dans le secteur de Méry-sur-Oise ont montré que les eaux satisfaisaient pleinement aux exigences réglementaires. La troisième année de suivi (2000) démontre que la nouvelle filière membranaire améliore la qualité de l’eau résolue et assure une plus grande stabilité physico-chimique et microbiologique de l’eau en réseau.

Au-delà de ce bilan positif, c’est l’avenir des traitements de potabilisation qui se dessine. La réelle progression des traitements de transformation au profit des procédés de rétention accélère le développement de nouvelles membranes. Demain les membranes offriront une « sélectivité à la carte » : choix d’un objectif d’adoucissement ou encore dénitration.

Références bibliographiques

  • • G. Chagneau – Première année de fonctionnement de la filière membranaire de Méry-sur-Oise, bilan au 27 février 2001, 2 p
  • • S. Pfeiffer, M. Benneï, C. Detail, J. Gard – What are the expected improvements of a distribution system by nanofiltration water? WTFC – AWWA, 24 November 2000, Salt Lake City, 10 p
  • • C. Vernespach et al. – Membranes Drinking Water Treatment, Plant. Membranes in drinking and industrial water production (Paris 13 October 2000), Proceedings volume 1, p. 316
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