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Gestion de l'eau et perspectives du dessalement au Maroc

31 decembre 2006 Paru dans le N°297 à la page 31 ( mots)
Rédigé par : Khalid TAHRI

Le potentiel hydraulique mobilisable annuellement au Maroc, estimé à 21 milliards m3 est réparti, en quantité et en qualité, de manière inéquitable. La politique de gestion des ressources en eau, basée essentiellement sur la mobilisation des ressources en eau conventionnelles (souterraines et superficielles), a été jusqu'à présent efficace et a permis d'épargner au pays des pénuries d'eau lors des périodes de sécheresse les plus sévères. Cependant, l'approvisionnement futur de certaines zones du Royaume (principalement les zones sud) ne peut être assuré convenablement sans mobilisation de ressources non conventionnelles, et particulièrement le recours au dessalement d'eau de mer.

En effet, à la lumière des études actuelles des plans directeurs d'aménagement intégrés des bassins hydrographiques à l'échelle nationale et compte tenu des différents schémas de développement des ressources en eau conventionnelles, y compris les possibilités de transfert, certaines régions, notamment le Sud du Maroc, connaîtront un déficit en eau conventionnelle avant l'horizon 2025.

À noter, tout de même, que certaines villes du sud, notamment les villes de Laayoune et Boujdour, s'approvisionnent déjà en recourant au dessalement d'eau de mer pour des capacités respectives de 7 000 m³/j et 800 m³/j.

Le dessalement d'eau de mer, avec ses différentes techniques, est un procédé, certes éprouvé à l'échelle mondiale depuis les années 60. Toutefois, son handicap majeur demeure celui de ses coûts d'inves-

d'investissement et d'exploitation élevés, notamment le coût de l'énergie qui représente selon le procédé de 20 à 40 % du coût de production du mètre cube d'eau dessalée.

D'un autre côté, l'alimentation en énergie des usines de dessalement est assurée essentiellement par la combustion des hydrocarbures, quantitativement limités à l'échelle du globe et responsable de l'augmentation excessive du taux de gaz carbonique (CO₂) dans l'atmosphère et, par conséquent, de la dégradation de l'environnement. Conscient du fait que le recours au dessalement constituera une ressource inévitable pour pallier le déficit, et permettrait même de secourir l'alimentation en eau dans certaines régions côtières du sud du pays, et dans un souci de réduire les investissements et les frais d'exploitation à consentir pour la production d'eau potable via cette technologie ainsi que l'impact sur l'environnement, l'ONEP a été amené, depuis plusieurs années, à mener des études de faisabilité, en faisant appel à l'expertise internationale, en vue d'enrichir son expérience en la matière et de dégager les solutions les moins coûteuses, les mieux adaptées au contexte local et les moins contraignantes vis-à-vis de l'environnement.

L'objet du présent article est de donner un aperçu sur la politique de gestion d'eau au Maroc, le problème de mobilisation de cette denrée rare, l'expérience de l'ONEP en tant que principal acteur dans le domaine de l'eau au pays et les perspectives de recours au dessalement d'eau comme une solution inévitable dans certaines régions du Maroc.

Position du problème

L'évolution des besoins en eau et leur confrontation, à la lumière des plans directeurs d'aménagement des différents bassins hydrographiques du Maroc, aux ressources conventionnelles, montre qu'un déficit global sera perçu d'ici vingt ans. En effet, la dotation moyenne en eau décroîtrait de 800 m³/hab/an actuellement à moins de 500 m³/hab/an en 2020. Cette situation critique entraînerait forcément une perturbation dans l'approvisionnement en eau, tant pour les besoins domestiques qu'agricoles, industriels et touristiques, principales activités motrices de l'économie du pays. Certaines régions, par contre, et particulièrement les zones sud du Royaume, sont déjà, ou seront dans un proche horizon, dans une situation de stress hydrique.

Plusieurs facteurs climatologiques et socio-économiques exercent une pression incessante sur les ressources en eau et les rendent névralgiques :

  • Une sécheresse prolongée et une pluviométrie irrégulière.
  • Une évolution démographique galopante ; la population a, en effet, évolué de 26 millions en 1994 à 29 millions en 2000 et devrait atteindre 35 millions en 2010.
  • Un développement économique accéléré lié à une relance des secteurs industriels (télécommunication, micro-électronique, agroalimentaire...) et touristiques (terrains de golf...).
  • Une urbanisation notable due à l'exode rural.
  • Un gaspillage indéniable inhérent aux techniques actuelles d'irrigation.
  • Une pollution incontrôlée des nappes, des retenues et des cours d'eau causée par les eaux usées des villes, l'usage des fertilisants et pesticides pour les besoins agricoles, l'activité industrielle..., etc.

Cette situation alarmante impose une planification attentionnée des ressources en eau mobilisables et une gestion vigilante et intégrée des ressources en eau déjà mobilisées. Ladite gestion devrait inclure, entre autres, le traitement des eaux usées en vue de leur réutilisation pour l'agriculture et/ou la recharge des nappes d'eau, l'application des concepts « préleveur-payeur » et « pollueur-payeur » dans le cadre de la loi d'octobre 1995 sur l'eau, la lutte contre le gaspillage d'eau à travers la sensibilisation des différents utilisateurs, l'inspection permanente des différents réseaux de transport et de distribution d'eau et la promotion, par chaque utilisateur en ce qui le concerne, des technologies et des équipements à faible consommation d'eau.

Néanmoins, cette stratégie à elle seule, dont la mise en œuvre est prioritairement souhaitée, risque de ne pas être suffisante pour toutes les régions du pays, comme c'est le cas des provinces sahariennes caractérisées par l'aridité du climat et la rareté, voire l'inexistence, des ressources en eau conventionnelles. En effet, l'approvisionnement en eau de ces provinces n'aurait pu être possible s'il n'y avait pas eu le recours inévitable à d'autres techniques éprouvées à l'échelle internationale et compétitives, sur le plan technico-économique, avec les solutions conventionnelles telles que le transfert ou le transport d'eau. Il s'agit des techniques de dessalement d'eau.

Réalisations de l'ONEP en matière de dessalement

Dès 1973, le Plan Directeur National de l'approvisionnement en eau...

[Photo : le dessalement d’eau de mer, avec ses différentes techniques, est un procédé, certes éprouvé à l'échelle mondiale depuis les années 60. Toutefois, son handicap majeur demeure celui de ses coûts d’investissement et d’exploitation élevés, notamment le coût d’énergie qui représente selon le procédé de 20 à 40 % du coût de production du mètre cube d’eau dessalée.]
[Photo : L'évolution des besoins en eau et leur confrontation, à la lumière des plans directeurs d'aménagements des différents bassins hydrographiques du Maroc, aux ressources conventionnelles, montre qu'un déficit global sera perçu d'ici 20 ans.]

potable a fait ressortir la nécessité de faire appel au dessalement des eaux saumâtres et de l'eau de mer comme source d'approvisionnement en eau potable.

Des essais de déminéralisation (dessalement d'eau saumâtre) ont été effectués au Laboratoire Central de l'ONEP dès cette année. Le rapport de ces essais conclut à l'utilité d'entreprendre une expérience-pilote au centre de Tarfaya. C'est ainsi qu'en 1975, une première unité de déminéralisation des eaux a été installée dans ce centre. Cette unité a été conçue pour déminéraliser, par électrodialyse, une eau saumâtre contenant environ 5 g/l de sels dissous. Sa capacité de production, prévue pour subvenir aux besoins en eau de boisson, était de 75 m³/j.

En 1977, une unité de distillation par compression mécanique de vapeur, produisant 250 m³/j d'eau potable à partir de l'eau de mer, a été réalisée au niveau de la ville de Boujdour.

En 1983, l'ONEP a acquis une nouvelle installation de déminéralisation opérant avec le procédé d'osmose inverse pour renforcer l'unité d'électrodialyse à Tarfaya. La même année, l'Office a entamé la réalisation d'un projet relatif à l'amélioration de la qualité des eaux de boisson avec l’assistance du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) et la collaboration de l'Institut KIWA (Pays-Bas) dans le domaine de la déminéralisation des eaux saumâtres. Dans le cadre de ce projet, l'unité d'osmose inverse de Tarfaya a été suivie comme unité pilote pour familiariser le personnel technique de l'ONEP avec ce procédé, mais aussi pour le comparer (du point de vue exploitation) avec les procédés d'électrodialyse et de compression mécanique de vapeur.

Au cours de cette période, l'AEP des villes les plus importantes des provinces sahariennes Laayoune et Boujdour était assurée par un système de double desserte (eau saumâtre distribuée par réseau et eau douce distribuée par camions-citernes) et ce, en raison de la rareté des ressources en eau douce dans ces régions. Cette desserte contraignante ne répondait pas totalement aux exigences de santé et d'hygiène et ne satisfaisait pas l'aspiration des populations quant à une desserte totale en eau douce. Le recours au dessalement, pour satisfaire les besoins en eau, s'était alors imposé comme une solution incontournable.

C'est ainsi que l'Office a constitué un comité technique de réflexion qui a visité plusieurs pays expérimentés au niveau exploitation et recherche dans le domaine du dessalement d'eau de mer pour l'alimentation en eau potable (Moyen-Orient, îles Canaries, etc.) dans l'objectif de se rendre compte du développement de cette technologie d'une part, et d'adopter d'autre part le procédé de dessalement le plus adéquat pour améliorer la situation d'AEP à moyen et long terme dans les villes précitées en particulier et les régions du sud en général.

Sur la base des résultats de ces visites et d'études détaillées relatives aux contraintes des sites, deux usines de dessalement d'eau de mer par osmose inverse ont été réalisées, depuis novembre 1995, au niveau de Laayoune (7 000 m³/j) et Boujdour (800 m³/j).

Actuellement, le centre de Tarfaya a été doté d'une nouvelle station de déminéralisation (860 m³/j) et deux autres projets seront réalisés, à savoir l'extension de la station de dessalement de Laayoune pour un débit supplémentaire de 6 000 m³/j, et une nouvelle station de déminéralisation par osmose inverse, au profit du centre de Tan Tan, d'un débit de 1 750 m³/j.

L'exploitation des diverses unités de dessalement précitées, et en particulier celles utilisant le procédé d'osmose inverse, ont permis à l'ONEP d'acquérir une expérience notable en la matière. En effet, l'apport de solutions aux divers problèmes qui sont survenus dans ces unités, en faisant appel dans la majorité des cas à l'expertise

[Encart : La situation alarmante impose une planification des ressources en eau mobilisables et une gestion vigilante et intégrée des ressources en eau déjà mobilisées incluant, entre autres, le traitement des eaux usées en vue de leur réutilisation, l'application des concepts “préleveur-payeur” et “pollueur-payeur” dans le cadre de la loi d’octobre 1995, la lutte contre le gaspillage d'eau et l'inspection permanente des différents réseaux de transport et de distribution.]

internationale du domaine, a permis de tirer plusieurs enseignements dont on peut citer, ci-après, les principaux :

  • ¢ Les prises d'eau moyennant des forages côtiers, comparées aux prises directes, conviennent mieux aux unités de dessalement de petite et moyenne capacité (inférieure à 20 000 m³/j) opérant avec le procédé d'osmose inverse. Cependant, la réalisation des dits forages devrait être appuyée par une étude hydrogéologique approfondie permettant de mieux comprendre l'impact des phénomènes hydrologiques et de la nature géologique du sol sur la qualité d'eau brute.
  • ¢ L'analyse complète de la qualité d'eau brute est une donnée maîtresse pour les études détaillées et ce, pour retenir les différents postes (préchloration, coagulation-floculation, filtration, acidification, déchloration, microfiltration, …) requis par la chaîne de prétraitement, facteur déterminant dans un procédé d'osmose inverse. Lors de l'exploitation de l'unité, d'autres ajustages pourront se faire en ce qui concerne le mode de préchloration (permanent ou choc) par exemple.

La corrosion des équipements (groupes motopompes, pièces spéciales, etc.) impose, en sus de l'utilisation de matériaux résistants tels l'acier inox, le PVC ou la fibre de verre renforcée, de prendre certaines dispositions :

  • ¢ lors de la conception, en l'occurrence, l'adoption de pompes à axe vertical au lieu de pompes immergées, l'élimination des zones de stagnation d'eau, la réduction du nombre de raccordements, la suppression du contact direct entre des matériaux galvaniquement différents,
  • ¢ lors de la réalisation des travaux où un plus grand soin devrait être porté, entre autres, à la préparation des surfaces avant d’effectuer le raccordement ou d’appliquer les joints.
  • ¢ Le post-traitement assuré par simple correction du pH (injection de la soude caustique) est inefficace vis-à-vis de la correction de l'agressivité de l'eau produite puisque l'équilibre calco-carbonique n'est pas atteint. À ce propos, plusieurs alternatives peuvent être envisagées pour reminéraliser l'eau par l'apport du calcium nécessaire, dont la filtration à travers du calcaire magnésien ou l'injection de l'eau de chaux.

Réflexions menées par l'ONEP

Au Maroc, à l'instar des pays Nord-Africains, le dessalement d'eau est certes une technologie relativement chère, mais se présente comme une solution compétitive, sûre et inévitable pour l'approvisionnement en eau douce des régions à ressources conventionnelles limitées ou incertaines en terme de quantité et de qualité.

Conscient de ces faits, l'ONEP ne cesse de concentrer ses efforts en faisant appel à l'expertise internationale, en coopérant avec les organisations internationales du domaine et en engageant des réflexions et des études de faisabilité pour des cas concrets. Le but est de promouvoir cette technique, de la vulgariser davantage et d'en réduire les coûts d'investissement et de production pour des applications calées au contexte local.

[Photo : L'exploitation des diverses unités de dessalement et en particulier celles utilisant le procédé d'osmose inverse ont permis à l'ONEP d'acquérir une expérience notable en la matière.]

Les études de faisabilité menées jusqu'à présent par l'ONEP et présentées succinctement ci-après ont traité, tout azimut, les différents types de procédés (distillation ou membranaire) associés à diverses formes d'énergie (fossile, renouvelable, gravitaire voire nucléaire).

Unité de distillation MSF couplée à un étang solaire

L'énergie solaire se trouve en abondance (notamment en Afrique du Nord) et se distingue d'être une ressource propre et renouvelable pouvant être utilisée comme source de chaleur alternative à l'énergie fossile pour le dessalement d'eau de mer.

À cet effet, et dans le cadre de la coopération maroco-suisse, l'ONEP et la société suisse « Atlantis Water Desalination » ont mené, en 1995, une étude relative à la conception d'une unité pilote de dessalement par distillation MSF de capacité 300 m³/j couplée à un étang solaire. L'étang solaire est un bassin qui sert pour l'emmagasinage de l'énergie solaire qui, sous des températures pouvant atteindre environ 100 °C, peut servir à l'alimentation sous forme de chaleur de l'unité de distillation.

L'étude précitée a montré que les coûts d'investissement et de production sont respectivement de 43 MDh et 50 DH/m³ pour un taux de fonctionnement de l'usine de 95 %.

Unité d'osmose inverse utilisant l'énergie gravitaire

L'ONEP a élaboré une étude de faisabilité du dessalement d'eau de mer par le procédé dit « hydroculture », et ce en collaboration avec la société américaine D'SAL qui en détient le brevet. L'étude a concerné les sites de Laayoune, Tan-Tan et Agadir pour des capacités de production respectives de 14 000 m³/j, 7 000 m³/j et 135 000 m³/j.

Ce procédé allie deux techniques éprouvées qui sont l'osmose inverse et la technologie minière. Le principe consiste en la réalisation d'un forage profond, de 500 à 700 m de profondeur et d'environ 6 m de diamètre. L'eau prétraitée est amenée depuis la surface jusqu'au fond dudit forage et ce, pour alimenter directement les

Les modules d'osmose inverse qui y sont installés, en énergie hydrostatique. Cette énergie hydrostatique remplacera ainsi l'énergie électrique requise (environ 70 bar) par les pompes hautes pressions, dans des stations d'osmose inverse implantées en surface. L'objectif d'un tel procédé est de réduire la consommation d'énergie spécifique et, par voie de conséquence, le coût de production d'eau dessalée, par rapport aux unités classiques d'osmose inverse dotées de systèmes de récupération d'énergie.

Les résultats de l'étude de faisabilité révèlent que le procédé « hydro-culture », malgré une consommation énergétique spécifique intéressante de l'ordre de 2,5 kWh/m³, ne serait compétitif que pour des larges capacités de production supérieures à environ 150 000 m³/j (production mixte d'eau de boisson et d'eau d'irrigation, par exemple). Ceci est lié principalement aux coûts d'investissement onéreux nécessaires pour l'exécution des travaux miniers à une profondeur importante de 700 m.

Unité de distillation MED couplée à un réacteur nucléaire

L'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) a entrepris, depuis les années soixante, des études de faisabilité pour l'utilisation de l'énergie nucléaire couplée au dessalement d'eau de mer. À ce propos, l'ONEP a contribué, de 1991 à 1995, aux travaux de l'agence relatifs aux pays d'Afrique du Nord.

À la lumière des résultats de ces travaux, l'ONEP a participé de 1996 à 1998, sous l'égide de l'AIEA, à l'étude de faisabilité confiée à l'INET (Institut nucléaire de l'université Tsinghua de Pékin en Chine) concernant un projet de démonstration d'une unité de distillation MED couplée à un réacteur nucléaire de 10 MW et ce, pour produire 8 000 m³/j d'eau dessalée au niveau du site de Tantan.

Le principe d'un tel couplage est d'utiliser l'énergie calorifique générée par le réacteur nucléaire comme source de chaleur pour l'unité de distillation. À signaler que l'aspect sécurité des installations et impact environnemental ont constitué des volets importants de l'étude.

Les principaux résultats de cette étude montrent que le projet de démonstration est faisable et que le coût de production de m³ d'eau dessalée à la sortie de l'usine est estimé à 27 DH/m³ et ce, pour un taux de fonctionnement de l'usine de 95 %.

[Photo : Le Maroc, grâce à sa situation géographique (3.500 km de côte), dispose d’un gisement éolien très favorable où les vitesses moyennes annuelles du vent varient de 5 à plus de 11 m/s notamment au niveau des zones côtières sises entre Tatan et Lagouira.]

Le coût d'investissement est estimé à 380 MDH (dont 155 MDH pour l'unité de dessalement, 215 MDH pour le réacteur et 10 MDH pour la chaudière qui sera utilisée lors des arrêts du réacteur).

Unité de dessalement couplée à l'énergie éolienne

Le Maroc, grâce à sa situation géographique (3 500 km de côtes), dispose d'un gisement éolien très favorable où les vitesses moyennes annuelles du vent varient de 5 à plus de 11 m/s notamment au niveau des zones côtières sises entre Tatan et Lagouira. Ainsi, à défaut d'énergie fossile, l'énergie éolienne, qualifiée d'être propre, renouvelable et gratuite, pourrait offrir une alternative intéressante pour l'alimentation en énergie électrique des zones précitées.

Partant de ces faits, et étant donné que ces mêmes zones souffrent d'un manque de ressources en eau conventionnelles, l'ONEP a engagé en 1999, en collaboration avec l'Institut des technologies des îles Canaries (ITC), une étude de faisabilité du dessalement d'eau de mer couplé à l'énergie éolienne.

L'étude a concerné le couplage d'une unité d'osmose inverse classique de capacité 5 000 m³/j avec un parc éolien de puissance installée 3 600 kW et ce, pour alimenter en eau potable la ville de Tantan.

Il est proposé de connecter les aérogénérateurs au réseau électrique national afin de garantir la continuité du service lorsque les vitesses du vent ne sont pas suffisantes (V < 3 m/s), et de vendre l'excès d'énergie quand les conditions éoliennes sont favorables (V > 9 m/s). Cette disposition suppose l'approbation du distributeur national d'électricité sur les modalités techniques de raccordement au réseau électrique et les conditions financières d'achat et de vente d'énergie.

L'étude précitée a montré que les coûts d'investissement et de production sont respectivement de 220 MDH et 10 DH/m³ pour un taux de fonctionnement de l'usine de 95 %.

Par ailleurs, et dans un souci d'approvisionnement en eau les localités isolées ne disposant ni de ressources en eau conventionnelles ni de réseau électrique à proximité, l'ONEP a entrepris des contacts avec diverses sociétés dont la société allemande Thyssen qui exploite et commercialise des petites unités de distillation MCV, couplées à des éoliennes. Ce genre d'unité pourrait convenir à des villages dont les conditions éoliennes sont intéressantes et ayant une population de l'ordre de 3 000 habitants.

Le principe de fonctionnement réside en la transformation de l'énergie éolienne en énergie électrique requise pour l'alimentation de l'unité motrice qu'est le compresseur. Les caractéristiques technico-

économiques sont les suivantes :

  • - Capacité de production : 360 m³/j
  • - Puissance de l'aérogénérateur : 300 kW
  • - Consommation énergétique spécifique : 20 kWh/m³
  • - Coût d'investissement : 27 MDh
  • - Coût de production : 37 Dh/m³

Perspectives

Les futurs sites pour l'implantation de nouvelles unités de dessalement d’eau de mer pour l'AEP sont à rechercher au droit des zones situées dans des bassins hydrologiques déclarés déficitaires et particulièrement celles longeant la côte Atlantique. Il s'agit des villes de Tantan et Agadir.

Ville de Tantan

Le bilan besoins-ressources relatif à l'AEP de la ville de Tantan et de ses localités avoisinantes montre que les ressources actuelles en provenance de la seule nappe d’eau douce, située au niveau de la ville de Guelmin, à 130 km environ au nord de Tantan, sont d’ores et déjà saturées. Vu l’aridité du climat de la région et la sensibilité de la nappe de Guelmim aux conditions pluviométriques, le recours aux ressources non conventionnelles est indispensable pour subvenir aux besoins de la région à court, moyen et long terme.

Les réflexions et études menées dans ce sens ont montré que l’alimentation en eau potable de la ville de Tantan et de ses localités avoisinantes passera par deux phases. La première, en cours de réalisation, consiste en la mise en service en 2001 d'une unité de déminéralisation (3 500 m³/j) à partir d’une nappe d’eau saumâtre située à 70 km au nord de la ville. La deuxième phase concerne, à partir de 2007, la réalisation d’une unité de dessalement d'eau de mer d’une capacité de 3 000 m³/j. Ceci permettrait de satisfaire les besoins de la ville au-delà de l'horizon 2030.

La deuxième phase a fait l'objet des études de faisabilité décrites ci-dessus (paragraphe 2).

Ville d’Agadir

Les ressources en eau équipées ou mobilisables à long terme pour l’AEP de la ville d’Agadir seront saturées vers l’horizon 2025. Au-delà de cette date, d'autres ressources doivent être dégagées pour faire face à la demande en eau. Les possibilités de transfert ne sont pas envisagées du fait que les bassins avoisinants ne sont pas excédentaires. Par conséquent, la seule alternative en matière de mobilisation des ressources en eau consiste à dessaler l'eau de mer.

Les unités de dessalement seront dimensionnées pour la capacité requise et seront modulaires pour les extensions futures. Vu les capacités qui seront mises en jeu (80 000 à 160 000 m³/j), la production mixte d’eau et d’électricité ou le couplage à un réacteur nucléaire ne sont pas à écarter.

L'étude de faisabilité du dessalement d’eau de mer, en cours par l'ONEP, permettrait de s’orienter vers la solution la plus intéressante.

L'horizon en question pourrait être avancé du fait de la névralgie à la sécheresse et à la pollution des ressources souterraines, alimentant la ville à 50 %. De ce fait, une étude a été réalisée par l’ONEP, pour la sécurisation de l'AEP de la ville, intégrant le dessalement d’eau de mer comme solution possible pour cette fin.

Conclusions

Étant donné que l'eau est d'une valeur inestimable et que l’ONEP est contraint de répondre aux besoins en eau douce des populations malgré l’handicap lié aux frais d’investissement et d’exploitation, une autre approche à considérer serait de faire appel au secteur privé dans le cadre de contrats de concession (BOT en l’occurrence).

Ces contrats obligent le concessionnaire à réaliser, à ses frais, la station de dessalement concernée et à l’exploiter, pour une période donnée (20 ans par exemple), tout en garantissant une quantité d’eau produite pour une qualité répondant aux normes. D’un autre côté, le concédant (l’ONEP dans notre cas) est obligé d’acheter la quantité d'eau convenue au prix fixé par le contrat. Ceci suppose l’instauration des outils institutionnels et juridiques nécessaires pour engager de tels contrats.

Il est à signaler que la réalisation des projets de dessalement selon des contrats BOT est un mode de plus en plus envisagé à l’échelle internationale (10 à 20 % des usines de dessalement réalisées récemment avaient fait l'objet de tels contrats).

En guise de conclusion, l’évolution de la technologie dans le domaine du dessalement étant rapide, il est nécessaire et bénéfique pour l'ONEP de maintenir une veille technologique en se rapprochant des associations spécialisées (AID, AIEA, EDS, MEDRC, …) ainsi que de l’expérience des différents utilisateurs ; le but étant de promouvoir la technologie à moindre coût, calée au contexte local du pays et sans impact majeur sur l’environnement.

[Photo : Les ressources en eau équipées ou mobilisables à long terme pour l’AEP de la ville d’Agadir seront saturées vers l’horizon 2025.]
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