Lorsqu’ils déchaînaient des tempêtes, les dieux de la mythologie grecque et romaine ne pouvaient pas prévoir que leurs petites sautes d’humeur pourraient avoir autant de conséquences sur la planète Terre et que, malgré toute la force d’Éole, il faudrait le savoir-faire et le bon sens des hommes pour limiter les chocs de pollution provoqués par les précipitations plus ou moins fortes sur nos cités modernes.
Dans le milieu naturel, les rejets urbains par temps de pluie entraînent une multiplicité d’accidents écologiques : contamination de points de prélèvement pour l’eau potable, contamination de zones de conchyliculture, détérioration de la qualité des rivières, mortalité piscicole...
Dans le cadre de la protection de la Scarpe, affluent de l’Escaut, et pour respecter les critères de qualité pour le milieu récepteur, le Syndicat Intercommunal d’Assainissement de la Région de Douai (S.I.A.D.O.) a entrepris des essais en vue du traitement par décantation lamellaire des rejets urbains par temps de pluie ; la finalité...
Tableau I
mg/l |
DCOq |
DCOs |
DBO5 |
MeS |
N/NH4+ |
P ortho |
Conductivité (MS/cm) |
Moyen |
498 |
301 |
250 |
138 |
37,8 |
5,6 |
1375 |
Mini |
357 |
147 |
105 |
29 |
3 |
|
1002 |
Maxi |
630 |
407 |
160 |
48,6 |
|
|
1627 |
Tableau II
Caractéristiques moyennes des surverses unitaires du poste Vauban.
| DCO totale (mg/l) | DCO soluble (mg/l) | DBO₅ (mg/l) | MeS (mg/l) |
Surverses chargées A | 300 à 1100 | 100 à 216 | 60 à 360 | 250 à 700 |
Surverses faiblement chargées B | 180 à 450 | 60 à 150 | 60 à 150 | 100 à 350 |
Surverses diluées C | 80 à 180 | 30 à 100 | 40 à 100 | 50 à 100 |
Tableau III
Caractéristiques moyennes de l’eau brute et de l’eau traitée durant l’épisode pluvieux.Cas des surverses chargées.
| DCOₜₒₜₐₗₑ (mg/l) | DBO₅ (mg/l) | MeS (mg/l) | P total (mg/l) | Conductivité (mS/cm) |
Eau brute | 1024 | 360 | 636 | 14 | 665 |
Eau traitée | 188 | 90 | 59 | 2,85 | 715 |
Rendement % | 82 | 75 | 91 | 80 | |
Tableau IV
Conditions de fonctionnement. Cas des surverses chargées.
FeCl₃ (g/m³) | Polymère (g/m³) | Vitesse sur le lamellaire (m/h) |
30 / 80 | 1,3 / 2,1 | 72 |
[Photo : Schéma type d’un Densadeg]
étant le traitement total des volumes générés par les pluies de fréquence mensuelle sur l'ensemble des bassins versants à la station d’épuration et au niveau des déversoirs d’orage pour la partie qui ne peut pas y être envoyée.
L’étude financée par le S.I.A.D.O. et l’Agence de l’Eau Artois-Picardie, et réalisée par la Société Degremont avec la participation de la Société des Eaux de Douai (S.E.D.), avait pour objectif de déterminer les charges de pollution à traiter par temps de pluie et générées sur le bassin versant Vauban, de définir les paramètres optimaux de dimensionnement pour limiter les coûts d’investissement et de définir la qualité de l'eau traitée rejetée à la Scarpe.
Présentation du bassin versant du poste de relèvement Vauban
Le réseau d’assainissement en amont de Vauban intéresse environ 35 000 résidents, soit environ 40 % de la population reliée au réseau d’assainissement du S.I.A.D.O. À ces 35 000 habitants s’ajoute la pollution produite par des industriels équivalant à 17 000 habitants, soit 67 % de la pollution d’origine urbaine et 33 % d’origine industrielle. Le réseau est essentiellement du type unitaire avec quelques secteurs en séparatif.
Le bassin versant couvre une superficie d’environ 500 ha et comporte 110 km de réseau, neuf postes de relevage et 13 déversoirs d’orage. Parmi ces déversoirs d’orage, le poste Vauban fonctionne actuellement en surverse pour des événements pluvieux de l’ordre de 1 mm/h.
Matériel et méthode
Les essais pilote se sont déroulés sur une période de six mois (début octobre 1994 jusque fin mars 1995), donnant ainsi la possibilité d’examiner un éventail important de surverses unitaires :
- surverses chargées obtenues après une période de temps sec ;
- surverses faiblement chargées succédant à des pluies importantes ou répétées ;
- surverses diluées correspondant à la fin d’épisodes pluvieux.
Le pilote, implanté directement sur le chenal d’amenée des eaux, démarre automatiquement lorsque la pluviométrie permet d’atteindre un niveau suffisamment haut dans le chenal. Les prélèvements automatiques placés sur l’eau brute et l’eau traitée sont activés à la mise en service du pilote Densadeg.
[Photo : Fig. 2 - Exemples de pollutogrammes.]
Le dosage des réactifs est asservi au débit et à la mesure en continu de la turbidité des eaux brutes (tableaux VII et VIII).
Présentation du pilote
Descriptif et principe :
Le pilote utilisé est un Densadeg développé par Degrémont ; il se caractérise par :
- * sa grande compacité,
- * l’épaississement intégré des boues,
- * sa forte inertie aux variations de charge et de débit.
Trois principes de base assurent au Densadeg ses performances :
- * un réacteur de floculation intégré très efficace,
- * une recirculation maîtrisée des boues, qui améliore la coagulation-floculation,
- * une répartition hydraulique aval optimisée dans les modules lamellaires.
Les caractéristiques du pilote sont les suivantes :
- Hauteur : 4,5 m
- Longueur : 2,5 m
- Largeur : 1,3 m
- Surface lamellaire : 0,3 à 1 m²
- Volume utile : 9 à 14 m³
Le pilote est équipé de modules lamellaires dont la surface peut être modifiée, ce qui permet d’étudier une gamme importante de vitesse.
La géométrie du pilote permet également des variations de la surface d’épaississement.
Suivi du fonctionnement
L’acquisition de données enregistre en continu les paramètres clés du fonctionnement (débit ‑ turbidité ‑ température...).
Les échantillons moyens de 30 min à une heure ont été réalisés sur une base d’un prélèvement toutes les dix minutes.
Les principales analyses effectuées selon les normes Afnor sont :
- - DCO
- - DBO
- - Matières en suspension
- - Azote
- - Phosphore
- - pH
- - Conductivité.
Tableau V
Caractéristiques moyennes de l'eau brute et de l'eau traitée durant l'épisode pluvieux.
Cas des surverses faiblement chargées.
mg/l | DCO totale | DBO₅ | MeS | P total | Conductivité mS/cm |
Eau brute | 192 | 100 | 116 | 3,1 | 700 |
Eau traitée | 86 | 30 | 28 | 0,58 | 750 |
Rendement % | 55 | 70 | 76 | 81 |
Tableau VI
Caractéristiques moyennes de l'eau brute et de l'eau traitée durant l'épisode pluvieux.
Conditions de fonctionnement.
FeCl₃ (g/m³) | Polymère (g/m³) | Vitesse sur le lamellaire m/h |
60 / 100 | 1,3 / 2,1 | 100 |
Tableau VII
Surverses diluées ou fin d'épisode pluvieux.
mg/l | DCO totale | DBO₅ | MeS | P total | Conductivité mS/cm |
Eau diluée | 99 | 35 | 77 | 1,5 | 430 |
Eau traitée | 56 | 15 | 19 | 0,15 | 470 |
Rendement % | 43 | 55 | 75 | 90 |
Tableau VIII
Surverses diluées ou fin d'épisode pluvieux. Conditions de fonctionnement.
FeCl₃ (g/m³) | Polymère (g/m³) | Vitesse sur le lamellaire m/h |
30 / 60 | 1,5 / 2,1 | 100 |
[Photo : Le pilote de traitement.]
Évolution des caractéristiques des surverses unitaires en fonction de la pluviométrie
Les analyses des effluents de temps sec (tableau I) réalisées à l’aval du pré-traitement de Vauban montrent que les concentrations moyennes en matières en suspension sont relativement faibles et laissent supposer une décantation importante dans les réseaux.
Lors des épisodes pluvieux, la mise en suspension de ces MeS entraînera une forte pollution particulaire des surverses.
Le tableau II montre que sur le bassin versant Vauban, après cinq à six jours de temps sec, les surverses unitaires tendent vers les caractéristiques (A) pour une pluviométrie totale d’environ 2 à 4 mm et une intensité d’au moins 1 mm sur une heure. Pour ce même événement pluvieux, une pointe de 2 à 3 mm sur une heure peut provoquer un nouveau pic de pollution.
Pour des événements pluvieux rapprochés ou qui succèdent à des pluies importantes, les surverses sont plus faiblement chargées et se rapprochent des caractéristiques (B).
Les fins d’épisodes pluvieux se rapprochent des caractéristiques (C).
Évolution de la pollution
Conformément aux attentes, la pollution est plus importante lorsque l’événement pluvieux survient après une période de temps sec plus ou moins longue ; le pic de pollution pouvant se situer au début de l’épisode pluvieux mais également lorsque l’intensité augmente pendant le même événement.
Les pollutogrammes de la figure 2 montrent l’importante variabilité des rejets par temps de pluie.
Flux polluants
Les flux polluants en DCO et MeS représentés sur la figure 3 traduisent l’effet de la pluviométrie et font apparaître qu’entre 6 et 8 mm/jour, les quantités de pollution arrachées aux réseaux sont maximales dans les conditions de l’étude.
Les essais pilote
En fonction des caractéristiques des surverses à traiter, les rendements d’élimination de la pollution particulaire pourront être relativement variables.
[Photo : Fig. 3 : Variation de la charge polluante en fonction de la pluviométrie.]
Cas des surverses chargées
L'événement pluvieux (exemple 2 de la figure 3) survient après une période de temps sec de dix jours. Il correspond à une pluviométrie faible de 2,4 mm mais consécutive de cinq heures et avec une intensité d’au moins 1 mm sur une heure.
Cas des surverses faiblement chargées
L’événement pluvieux suivant arrive juste après une période pluvieuse relativement importante ; il correspond à une pluviométrie de 5 mm.
Pour l’épisode pluvieux la qualité de l’eau traitée correspond au niveau de rejet (e) habituellement imposé à la sortie des stations d’épuration (tableaux V et VI).
Cas des surverses diluées ou fin d’épisode pluvieux
En général, la fin d’un épisode pluvieux important, caractérisée par des surverses moyennement chargées, peut être assimilée à des eaux diluées.
Pour cet exemple, l’épisode pluvieux d’environ 10 mm sur 12 heures présente des eaux diluées après cinq heures de fonctionnement.
Traitement des boues
Les boues en excès générées annuellement sur les ouvrages de stockage et de traitement des rejets urbains de temps de pluie représenteront dans le futur des flux importants ; il importe de pouvoir les déshydrater efficacement pour réduire les volumes, en vue de leur destination finale ; soit en décharge, en valorisation agricole mélangées aux boues d’eaux usées ou vers d’autres types de traitement.
Caractéristiques des boues extraites du pilote Densadeg
Concentration : 35 à 60 g/l.Pourcentage de matières volatiles : 40 à 60 %.
Du fait de la concentration élevée des boues, il n’est pas nécessaire de les épaissir avant la déshydratation.
Déshydratation sur filtre presse après conditionnement chimique
Selon le taux d’hydroxydes, un conditionnement à la chaux seule ou un conditionnement binaire sera réalisé.
Les siccités atteintes seront supérieures à 40 %.
Déshydratation sur filtre à bandes et centrifugeuses
Après conditionnement la déshydratation des boues permet d’obtenir de très bonnes siccités finales entre 30 et 40 %.
Valorisation des boues
Les analyses des éléments traces selon la norme NF 44041 montrent que les concentrations, bien que supérieures à celles des boues de la station d’épuration, ne dépassent pas les seuils fixés pour la valorisation des boues en agriculture.
Conclusion
Les résultats confirment la grande variabilité des caractéristiques des surverses unitaires par temps de pluie, en fonction de l’intensité, de la fréquence des épisodes pluvieux et de la durée de temps sec précédant l’épisode pluvieux.
En fonction de la concentration de la pollution dissoute et particulaire des surverses, les rendements d’élimination des matières en suspension sont compris entre 70 et 90 %.
Par rapport aux simulations effectuées durant les essais, la pollution éliminée par événement pluvieux du plus petit au plus important correspond respectivement à celle de 2700 et 37000 équivalents habitants.
Selon la norme 44041, les boues produites sont compatibles pour être mélangées avec des boues destinées à la valorisation agricole.
Références bibliographiques
VALIRON F., TABUCHI J.P., Maîtrise de la pollution urbaine par temps de pluie. Ed. Techniques et Documentation, Lavoisier, 1992.
RICHARD Y., DAUTHUILLE P., Le Densadeg : un décanteur à hautes performances. Informations Chimie, 1989, mars, 213-223.
DAUTHUILLE P., GELAS G., RENAULT C., Le Densadeg de Morsang III - Bilan de deux années d’exploitation. 70e Congrès A.G.H.T.M., Biarritz, 1990, 245-276.
CHEBBO G., BONNEFOIS J., BACHOC A., Caractérisation des solides transférés dans le bassin de retenue.