Pour être potable, l'eau de consommation doit être exempte de tout micro-organisme pathogène. Si la présence de germes tests implique la contamination, on sait aujourd'hui que leur absence ne témoigne en rien d'une qualité correcte. Ce casse-tête ne peut être résolu sans une attention portée à chaque étape de la production. Attention d'autant plus nécessaire, que certains micro-organismes responsables de pathologies transmises par l'eau sont très résistants aux traitements de désinfection.
Voici plus d’un siècle que les scientifiques ont fait le lien entre les épidémies de choléra ou de fièvre typhoïde et la contamination de l’eau potable par les matières fécales. Mais, il aura fallu attendre la seconde moitié du XXᵉ siècle pour se rendre compte que les pathogènes présents dans les fèces n’étaient pas les seuls responsables de la contamination de l’eau. De nombreux micro-organismes n’étaient pas pris en compte, notamment les virus et les parasites.
De plus, d’autres observations ont été faites au début des années 50. Elles montrent, par exemple, que des micro-organismes non pathogènes peuvent indirectement favoriser des infections. « On sait que les nitrates peuvent être indirectement à l’origine d’une affection touchant essentiellement les nourrissons : la méthémoglobinémie », explique J. Vial, ancien président de la section des eaux du Conseil supérieur d’hygiène publique de France au cours d’une session sur la microbiologie de l’eau pendant le congrès 1994 de l’AGHTM. C’est une réduction des nitrates en nitrites, agissant eux mêmes sur l’hémoglobine, qui produit cette altération sanguine. Or de nombreux germes réducteurs de nitrates peuvent se trouver dans l’eau et se développer abondamment. La presque totalité des cas observés résultent de la consommation d’eau de puits privés, de qualité microbiologique mauvaise. Des affections de ce type ont presque disparu.
Aujourd'hui en Europe occidentale.
En ce moment, Legionella inquiète. Elle développe des nids bactériens dans les réseaux d'eau des immeubles, des piscines ou des centres de balnéothérapie. Elle peut être inhalée sous forme d’aérosol pendant la prise d'une douche par exemple. C’est encore le cas des Cyanobactéria (l’algue bleue) qui se reproduisent dans les réservoirs d'eau potable et qui peuvent sécréter des toxines.
La plupart des troubles occasionnés par une eau de mauvaise qualité biologique prennent la forme de gastro-entérites, associant diarrhées, douleurs abdominales ou vomissements. À côté de ces épidémies bénignes, de courte durée, surviennent occasionnellement des maladies d'origine hydrique pouvant être beaucoup plus graves (fièvres typhoïdes, dysenterie bacillaire, choléra, hépatites A et E, poliomyélite...).
Depuis 1980, la multiplication des cas de gastro-entérites liés à la consommation d'eau de boisson a conduit à intensifier les recherches sur la présence de pathogènes dans les ressources en eau. Cryptosporidium et Giardia se sont révélés présenter un risque élevé pour la santé publique. Ces protozoaires ont été responsables de nombreuses épidémies d'origine hydrique. La plus grave s'est produite en 1993 à Milwaukee (États-Unis) ; elle a fait plus de 400 000 malades et 112 morts.
Aujourd’hui les bactéries comme E. Coli, Campylobacter, Salmonella, Shigella, les virus de l’hépatite infectieuse, de Norwalk, les rétrovirus ou encore les parasites Giardia et Cryptosporidium (et helminthes pour les pays tropicaux) sont placés sous surveillance. Il est fort probable que la liste des pathogènes transmis par l'eau ne soit pas close. Il y a encore des épidémies d'origine inconnue.
Pour éliminer ces micro-organismes, les traiteurs d'eau ont recours aux désinfectants. Mais le comportement vis-à-vis de ces produits est différent d'un organisme à l'autre. En général, la résistance des virus, des parasites et de certaines bactéries est plus grande que celle des micro-organismes fécaux. Ce qui rend très difficile, voire impossible, la mise en place d'un traitement désinfectant universel. Il ne joue pas un rôle barrière suffisant pour être efficace à 100 %. L'absence de certitude dans l’efficacité du traitement ne plaide pas pour les procédés monobarrières. D’autant plus qu'il est impossible, même avec des analyses très sophistiquées, de prouver toute absence de pathogène sur la totalité de l'eau produite. Ce sont là autant d’arguments pour conseiller aux producteurs d’eau potable la mise en place d'un traitement multibarrière.
Un traitement multibarrière
Aucune étape de traitement assure à elle seule la bonne qualité microbiologique des eaux distribuées. Et, aujourd’hui tout le monde reconnaît le besoin de mettre en place une succession de barrières physiques et chimiques pour produire une eau de qualité. D’ailleurs, l’OMS recommande depuis 1994 cette approche. « En introduisant le concept de multibarrière, on affine la désinfection finale, à chaque fois on enlève quelques micro-organismes », explique Antoine Montiel, docteur ès sciences, responsable de la mission scientifique pour la qualité de l'eau à la Sagep (Société Anonyme des Eaux de Paris). Les traitements qui précèdent la désinfection finale au chlore doivent être capables de produire une eau très claire, de bonne qualité microbiologique. La désinfection finale ne doit constituer qu'une dernière étape de sécurité. Chaque étape de traitement ne constitue pas une barrière absolue, mais elle conduit, étape après étape, à une amélioration telle que l'eau finit par atteindre ses objectifs de qualité.
Dans un réacteur de désinfection par ozone, le transport du gaz ozoné vers les parois cellulaires des micro-organismes rencontre plusieurs barrières à franchir :
- le film gazeux dans la bulle de gaz,
- le transport par convection et diffusion de la molécule d’ozone dans la phase aqueuse vers la cellule cible,
- le film liquide des cellules ou des agrégats cellulaires,
- la matière organique autour de la cellule, qui constitue une protection contre l'attaque oxydante.
Dans l'environnement, la plupart des micro-organismes se retrouvent sous forme d'agrégats et/ou adsorbés sur les particules en suspension ou sur des interfaces, comme les biofilms. Un premier traitement par filtration-décantation permet d’en éliminer un certain nombre. Pour les pathogènes restants, des traitements oxydants complémentaires sont nécessaires. Ils peuvent être complétés par une ou plusieurs étapes de filtration.
Les oxydants, comme l’ozone, le chlore ou le dioxyde de chlore, agissent sur les micro-organismes par une réaction chimique d'oxydoréduction. Le site d'action dépend de la nature du micro-organisme ce qui explique leur plus ou moins grande résistance au traitement. Par exemple, pour les bactéries, l'inactivation est réalisée par une dégradation de la membrane cytoplasmique. Pour les virus le site d'action principal se situe au niveau de l'acide nucléique. Il entraîne une réduction du pouvoir infectant des cellules.
De plus, « la plupart des micro-organismes existent sous plusieurs formes de vie, dont certaines sont très résistantes aux attaques chimiques », explique-t-on chez Trailigaz. Les bactéries ayant survécu à des conditions limites (avec privation de nutriment, oxydation répétée, élévation de température) montrent une résistance accrue à l'action des oxydants par rapport aux mêmes souches soumises à des conditions optimales de croissance. Des mécanismes de sporulation permettent aux germes de se protéger de ces conditions limites, en adoptant des formes de vie ralenties. En règle générale, tous les micro-organismes (bactéries, virus, protozoaires, champignons, levures) sont sensibles au pouvoir oxydant de l’ozone. Mais c'est de leur structure physico-chimique que dépend leur résistance à l'ozone. Cette action peut être complétée par le chlore. Il sert en début de filière comme traitement d'appoint, mais aussi en fin de filière, quand l’eau a déjà subi un affinage très complet. Ce dernier traitement limite les sous-produits du chlore, car l'eau ne contient pratiquement plus de composés consommateurs de l'oxydant. Mais, attention, si la clarification est ratée, on ne peut pas la rattraper au chlore. D’où l'intérêt de bien mener toutes les étapes pour abattre un maximum de choses à chaque fois.
Tout ceci explique les nouvelles chaînes de potabilisation. Elles mettent en œuvre la filtration lente, que l'on considérait à tort il y a encore quelques années comme une technique obsolète, le couple ozone-charbon actif, ou plus récemment des procédés membranaires. Mais attention ! Chaque traitement doit être adapté à l'eau à traiter.
Adapter le traitement
Les procédés de traitement retenus sont choisis en fonction de la qualité physico-chimique de la ressource et de la pollution à abattre. Le choix technique de la filière de traitement prend donc en compte la qualité de l'eau brute, les attentes des consommateurs, l’évolution de la qualité de l'eau dans le circuit de distribution...
Prenons le cas de l'usine de Ivry-sur-Seine, exploitée par la Sagep. Elle est alimentée par une eau de surface. Chaque jour elle fabrique 300 000 m³ d'eau potable à partir de l’eau de Seine. Elle approvisionne une partie de l'eau potable de la capitale.
La filière s’organise autour de quatre étapes de filtration successives. En entrée, un dégrillage est suivi d’une préozonation éventuelle avec une possibilité d’ajouts de réactifs de crise comme le charbon actif en poudre ou le fer ferreux. Ensuite une coagulation de contact sur biolite puis une coagulation sur filtres à sable précédant le passage sur les filtres biologiques lents. L'étape de coagulation-décantation est la plus importante. Elle conditionne le reste du traitement. Le choix du ou des coagulants est primordial. Ces phases de filtration retiennent de nombreux micro-organismes. « Il existe une relation indirecte entre le traitement de rétention et la présence de cryptosporidium », explique Antoine Montiel.
Ce traitement est complété par une ozonation, puis une nouvelle filtration sur charbon actif en grains. La chloration finale assure la sécurité du transport en réseau. Cette succession de barrières permet d’atteindre en sortie de site une turbidité comprise entre 0,06 et 0,1 NTU, ce qui est nettement meilleur que la norme française qui est de 0,5 NTU. Autre exemple, en Suisse, tous les printemps, les eaux du lac de Zurich sont envahies par les algues. L’espèce Stephanodiscus représente à elle seule 60 à 90 % de la biomasse. En raison de sa forme et sa dimension, cette algue est très difficile à filtrer. Seule la floculation-filtration et surtout la floculation-filtration avec préozonation permet d'atteindre un taux d’élimination supérieur à 80 %.
Pour résoudre le problème des algues de manière sûre, Ozonia vient d’équiper l'usine de traitement des eaux du lac de Zurich-Lengg d’une unité d’oxydation à l’ozone.
Élimination cumulée des polluants au cours de la chaîne de traitement, valeurs en %
Particules/ Matières dissoutes
- Particules de l'eau
- Bactéries
- Virus
- Organismes parasites (protozoaires)
- Algues, plancton
- Sels minéraux (sodium, calcium, potassium...)
- Matières organiques dissoutes
- Micropolluants organiques (pesticides...)
- Métabolites d’algues (responsables des goûts et odeurs)
(*) Efficacité non significative.
Après floculation avec 2 mg de sulfate d’aluminium par litre, suivi d'une double filtration, 67 à 93 % de la biomasse est retirée. Un traitement par ozonation à 1,8 mg/l, suivi d'une filtration sur charbon actif en grains apporte une garantie d’élimination de la biomasse pouvant atteindre 99 %.
En fait, chacun de ces traitements se résume en une succession de barrières physiques et chimiques placées là pour retenir micro-organismes et nutriments.
Une succession de barrières chimiques et physiques
Inaugurée en 1997, la station de traitement d'eau potable de Vigneux, dans l’Essonne, produit chaque jour 55 000 m³ pour alimenter la région parisienne. Alimentée par l'eau de Seine, elle est située en amont de l'agglomération ce qui limite les risques de pollution. “Le fleuve reste toutefois une eau de surface dont la qualité varie : algues au printemps, forte turbidité en automne et en hiver”, explique-t-on chez Lyonnaise des Eaux.
La prise d'eau, située sous la surface du fleuve écarte les corps flottants. Un dégrillage retient tous les corps de 5 cm et plus. Un système de tamis supprime ensuite les particules en suspension dont la taille dépasse un millimètre. À ce niveau, si besoin est, une chloration de secours peut être mise en œuvre pour limiter la quantité de matières oxydables et le développement des algues. Elle consiste dans l’injection de chlore gazeux.
L’eau brute est ensuite admise dans la bâche d'aspiration de la station d’exhaure, avant d'être refoulée vers les ouvrages de traitement de la station. À ce stade, les particules en suspension sont si fines, qu’elles ont du mal à décanter. On ajoute donc un coagulant pour neutraliser les charges négatives. Un second réactif facilite la floculation en les liant entre elles. Les flocs ainsi formés sont éliminés dans les ouvrages de décantation. L’eau sort alors clarifiée. La filtration sur un lit de 80 centimètres de charbon actif en grain adsorbe les matières organiques dissoutes. En sortie du lit de charbon, l’eau est traitée par ozonation pour atteindre les bactéries et les virus encore présents, ainsi que les matières organiques responsables des goûts et des odeurs. Pour parfaire le traitement, l’eau traverse le procédé Cristal installé en phase finale. Il combine un procédé membranaire d'ultrafiltration et l'adsorption sur charbon actif. Cette phase ultime élimine toutes les impuretés jusqu’aux virus, en conservant un bon équilibre en sels minéraux dissous. À ce niveau l'eau est potable. Seule une petite dose de chlore est ajoutée pour préserver la qualité de l’eau jusqu’au robinet.
Pour être pleinement efficace, ce procédé est placé sous haute surveillance.
Un procédé placé sous haute surveillance
Pour suivre le bon déroulement du procédé, il faut contrôler les cycles de traitement en
L’acide peracétique peut-il protéger les plages françaises ?
Pendant l'été 1997, certaines plages ont dû être fermées au public pour cause de mauvaise qualité des eaux. À l'origine de ces désordres : une eau porteuse d'une quantité trop élevée de micro-organismes pathogènes.
Dans plusieurs pays d'Europe, les législations en vigueur fixent des valeurs maximales de charge bactérienne admissible pour le rejet en mer des effluents provenant des installations de traitement municipal. En Italie, les effluents rejetés directement dans les eaux naturelles (mer, cours d'eau...) ne doivent pas dépasser 20 000 coliformes totaux, 12 000 coliformes fécaux et 2 000 streptocoques pour 100 ml.
À l'heure actuelle, cette loi n'existe pas en France. Par contre des décrets dits d'objectif fixent des prescriptions techniques sur les eaux réceptrices, suivant l'utilisation qui en est faite en aval. Par exemple, les eaux de baignade doivent répondre à certaines spécifications. Pour atteindre ces objectifs, la désinfection des effluents est nécessaire. Le produit le plus employé pour la désinfection des eaux d'égout est actuellement le chlore, l'hypochlorite de soude ou le bioxyde de chlore.
Pour désinfecter les eaux avant leur rejet dans le milieu naturel, Solvay propose une alternative au chlore et autres produits chlorés : l'acide peracétique. Vendu sous la marque Oxymaster, ce produit est utilisé dans plusieurs pays d'Europe comme l'Italie ou la Grande-Bretagne. Il assure la désinfection des eaux.
« L'acide peracétique est très simple à mettre en œuvre, explique Nicolas De Roffignac, il suffit de le déverser là où l'eau est propre chimiquement, mais pas bactériologiquement. Le peracétique n'a pas de rémanence, ni de sous-produit. Il se décompose en eau, oxygène et dioxyde de carbone. »
En France, le décret du 5 juin 1994 sur la collecte et le traitement des eaux usées n'a pas détaillé les techniques utilisables, lesquelles doivent faire l'objet d'un arrêté d'application. Ce n'est pas encore le cas pour l'acide peracétique, qui attend la décision.
Les méthodes normalisées ne conviennent pas à ce stade. Il faut des indicateurs plus rapides, pouvant être mesurés en continu. On s'intéresse pour ceci au suivi de paramètres dont la réponse est instantanée comme le pH, le chlore libre ou le chlore combiné, la turbidité…
L'efficacité des désinfectants est conditionnée par la qualité de l'eau. « La turbidité est un paramètre important qu'il faut suivre avec attention, rappelle Antoine Montiel, sa surveillance doit être réalisée en continu. » La Sagep cumule onze ans d'expérience sur le suivi de cette mesure, que de nombreux pays considèrent comme majeure.
C'est le cas des États-Unis. La loi américaine est très stricte : une valeur de 1 NTU ne garantit rien. Dès que l'on mesure la turbidité, il faut abattre de 4 log la concentration. Dans ce pays, la valeur maximale admissible est de 0,1 NTU, contre 0,3 NTU pour l'Allemagne et 0,5 NTU pour la France. Mais l'exploitant peut durcir ce suivi.
Chez Sagep, par exemple, dès que l'on obtient 0,3 NTU on arrête l'usine. En règle générale, celle-ci fonctionne à 0,15 NTU.
Différentes mesures permettent de garantir la qualité des barrières de désinfection. Par exemple, pour l'ozone, il faut s'assurer que 90 % de l'eau a été en contact avec 0,4 ppm d'ozone pendant 10 à 12 minutes. Quant au chlore, il faut 0,5 ppm pendant 30 minutes réelles pour garantir la désinfection. Par ailleurs, lorsqu'il est mélangé sous sa forme libre, dans le rapport chlore libre sur chlore total inférieur à 0,5, il faut que le pH soit supérieur à 8.
« En mesurant la turbidité, l'ozone, le chlore et le pH, on peut garantir la désinfection », précise-t-on chez Sagep. Et 70 % des appareils en place mesurent ces paramètres. Les données acquises sur le terrain sont enregistrées. En cas de dérive, une alarme est déclenchée, ce qui permet une intervention rapide.
L'approche contrôle de procédé ne suffit pas. L'exploitant est responsable de la qualité de l'eau qu'il produit, y compris de la qualité microbiologique. Il lui faut donc des moyens directs ou indirects pour être capable de dire, si à telle heure l'eau qui sort de son usine est potable.
Surveiller la qualité de la production
C'est la loi du 3 janvier 1989 qui impose au distributeur d'eau les contrôles.
D'abord une surveillance interne définie par l'article 13 : « L'exploitant est tenu de surveiller en permanence la qualité des eaux destinées à la consommation humaine. » Ceci signifie que l'exploitant doit mettre en place un système d'assurance qualité avec des indicateurs qui lui permettent de garantir cette qualité 24 h/24.
Il doit aussi prouver qu'il a mis en service ce système, tel que décrit dans l'article 14. « L'exploitant tient à disposition de la même autorité les résultats des vérifications opérées par lui pour la surveillance permanente prévue à l'article 13, ainsi que les autres informations en relation avec la qualité des eaux distribuées. » Cet alinéa est proche du référentiel exigé par le système d'assurance qualité de type ISO 9002.
Par ailleurs, une surveillance externe, qualifiée plutôt de contrôle sanitaire, est effectuée par les agents de l'État. Les analyses…
Contrôler la qualité des eaux
Dans le domaine de l'eau, on surveille la qualité de ses productions, mais on contrôle le respect de la réglementation. L’État n'a pas de responsabilité pour vérifier si le procédé marche bien. Par contre il a le devoir de déclencher des contrôles pour vérifier la qualité de l'eau livrée. En général, les analyses réalisées sont fonction du nombre d’habitants. Elles sont confiées à un laboratoire habilité pour réaliser ces analyses, comme le Laboratoire Wolff & Evy, ou Crepin & Rouen.
C’est l'article du 20 février 1990 qui fixe les méthodes de référence pour l'analyse des eaux destinées à la consommation humaine. Il fait référence aux méthodes normalisées Afnor et fixe les caractéristiques des performances.
Pour Claire Couturier, responsable microbiologie au Laboratoire Wolff : « Peu d’analyses sont réalisées sur les micro-organismes pathogènes dans l'eau. Pour celles qui le sont, on ne s'occupe pas de la partie virologie, c'est très lourd à gérer, il y a peu de laboratoires qui travaillent sur le sujet, c'est encore un travail d'étude. » En contrôle de la qualité des eaux, les principales analyses microbiologiques sont réalisées sur les germes test et parfois les germes pathogènes.
Ces analyses sont réalisées dans des laboratoires agréés par le Ministère de la santé. Ils permettent de vérifier si le système qualité mis en place est efficace.
Les normes de qualité biologique de l'eau potable portent sur les coliformes thermotolérants, les streptocoques fécaux, les bactéries aérobies revivifiables à 22 °C et 37 °C et les spores de bactéries sulfitoréductrices. Sur le site de production, la fréquence des analyses est fonction de la variation des paramètres. En général, quelques analyses par an suffisent s'il n'y a aucun problème. La surveillance est adaptée à la qualité de l'eau à traiter et à la qualité du traitement.
Pour les eaux brutes, par exemple, on peut réaliser la mesure des coliformes thermotolérants et des streptocoques fécaux. Le tout étant de mettre en évidence toute contamination fécale avant l’apparition des problèmes.
Quant à la surveillance de la qualité des eaux de boisson, la méthode officielle consiste à mettre en culture un échantillon prélevé dans des tubes pour détecter la présence de bactéries coliformes. C’est très long. Il faut compter de 48 à 96 heures pour obtenir le résultat, ce qui est beaucoup trop long pour les analyses de terrain.
Pour améliorer la surveillance, de nombreux acteurs cherchent à raccourcir la durée d’analyse. Des essais ont été menés par Saur, l'Agence de l'eau Seine Normandie, Ysebaert et le CRECEP (Centre de recherche et de contrôle des eaux de Paris) pour mettre au point un automate de détection E. coli destiné à fonctionner sur site. Le principe retenu repose sur les capacités d’E. coli à acidifier très rapidement un milieu de culture glucosé. La détection d'un E. coli présent dans 100 ml d’eau est d’environ dix heures en milieu inhibiteur à 44 °C.
Le Cirsee-Citep travaille pour sa part au développement d'une méthode de contrôle de la qualité microbiologique des eaux distribuées par biologie moléculaire. Il s'agit d’identifier l’organisme par sa séquence ADN ou ARN qui est spécifique à tout être vivant. L’intérêt de la méthode est certain. Elle est rapide : il ne faut que quelques heures pour identifier l’individu. De plus, elle assure une quantification spécifique de tout micro-organisme, même non cultivable.
Quant au Groupe Générale des Eaux, son partenariat avec l'Institut Pasteur depuis 1996 est marqué par la création du laboratoire Aquabiolab. Mis en place pour développer des méthodes moléculaires de détection et d’identification des bactéries présentes dans l'eau, il effectue des missions de recherche conformes à un cahier des charges précis. « Les premiers résultats obtenus sont convaincants, précise-t-on à la Générale des Eaux, au bout d’un an ce travail a permis de définir de nouvelles techniques de marquage et de dénombrer quatre espèces bactériennes indicatrices de contamination fécale. » Les informations correspondantes sont obtenues en 4 heures au lieu de 72 heures en moyenne auparavant.
Par ailleurs, un autre partenariat vient d’être signé avec le Museum d'histoire naturelle en janvier 1998. Il vise à développer des mesures de surveillance et de classification des algues bleues (cyanobactéries) et des toxines libérées par ces organismes aquatiques.
Sur le plan international, Générale des Eaux est membre de l’American Water Works Association Research Foundation (AWWARF), une fondation pour la recherche de l’association des distributeurs d’eau américains. Cette adhésion est à l’origine de sa participation à un programme de recherche sur les toxines algales, en partenariat avec des équipes américaines, australiennes et françaises.
La préoccupation des traiteurs d'eau ne se cantonne pas au site de production. Il s'agit de livrer une eau de qualité jusqu’au robinet.
Livrer une eau de qualité jusqu’au robinet
La prise en compte de la détérioration de l'eau pendant son transport préoccupe depuis longtemps les industriels du secteur. Les études menées sur l’évolution de l'eau dans le réseau indiquent que la chloration en sortie d'usine ne suffit pas pour garantir une bonne qualité du produit distribué. Il faut comme autre condition indispensable une qualité d’eau sans reproche vis-à-vis de la matière organique et des particules en suspension. Car les particules véhiculent les germes et la matière organique leur apportent un substrat assimilable.
Pour gérer la qualité de l’eau dans les réseaux de distribution, il est important de comprendre et décrire ce qui se passe. L’augmentation des numérations bactériennes qui se produit parfois au fil du réseau est la résultante de l’activité de la flore bactérienne fixée sur la paroi interne de la canalisation. Par croissance et arrachement sous l'influence des conditions hydrauliques, elle vient grossir le nombre de bacté-
L’activité bactérienne dépend entre autres de la température, de l’apport en nutriments et du résiduel de chlore présent dans le réseau. La complexité des phénomènes à prendre en compte nécessite une modélisation mathématique pour définir l’impact des différents paramètres. Les travaux menés au Cirsee ont conduit au développement d'un modèle permettant de prédire les croissances bactériennes. Son nom : Piccobio.
Ce logiciel prédictif se couple au logiciel de calculs hydrauliques Piccolo réalisé par la Safege. En tenant compte des conditions hydrauliques, de la géométrie du réseau et des paramètres descripteurs de la qualité de l’eau en entrée de réseau tels que la numération bactérienne, les nutriments (CODB, température, pH, résiduel de chlore), il est possible de réaliser une prédiction des développements bactériens à l’échelle du réseau et une localisation des zones à risques.
Celles-ci sont visualisées sur une carte, permettant un diagnostic des dysfonctionnements. Ce modèle a été validé sur plusieurs réseaux de taille et de complexités variables, comme Marseille et Cholet.