La désinfection des eaux de rejet des stations d'épuration urbaines est - et va devenir indispensable dans le cadre d'une politique rigoureuse de l'environnement. L'utilisation de la technologie des rayonnements ultraviolets, bien connue dans l'eau potable, permet une désinfection efficace sans utilisation de produits chimiques et avec un investissement raisonnable. Le développement de systèmes spécifiques aux problèmes des eaux usées permet aujourd'hui de proposer des solutions, y compris pour traiter les rejets de stations d'épuration atteignant une capacité de 250 000 équivalent-habitants (5000 m3/h).
L'effet bactéricide des ultraviolets est connu depuis plus d'un siècle : c'est en effet en 1906 à Marseille qu'ont été réussies les premières expériences de désinfection d'eau utilisant cette méthode. Hyco & Aulas – devenu Ecoflux – est l'un des précurseurs français, avec son brevet datant de 1947 d'une installation concernant la potabilisation d'eau pour la consommation humaine, comportant une chambre fermée multi-lampes. Pourtant, il fallut attendre le milieu des années 70 pour que ce mode de désinfection soit réellement reconnu et utilisé dans de nombreux cas d'application : potabilisation de l'eau pour la consommation humaine, protection des élevages (aquaculture), stérilisation des eaux ou liquides de procédé en agro-alimentaire et boissons, protection contre la recontamination d'eau déminéralisée ou osmosée pour la fabrication de produits chimiques, pharmaceutiques ou cosmétiques.
Cependant, il n'est question que depuis peu de la pollution bactériologique engendrée par les rejets d'eaux usées urbaines. Les États-Unis et le Japon ont récemment adopté des normes microbiologiques de rejets d'effluents. La désinfection commence à être pratiquée pour protéger les zones de baignades, de loisirs et de conchyliculture, ainsi que pour réutiliser les effluents traités pour l'irrigation.
Dans ce cadre, l'utilisation de la technologie des rayons ultraviolets pour la désinfection des eaux usées apparaît comme une solution moderne et efficace.
Les UVC
Les rayonnements ultraviolets à basse fréquence (UVC) ont la propriété d'agir directement sur les chaînes d'acide désoxyribonucléique (ADN) des cellules et d'interrompre le processus de la vie et de la reproduction des micro-organismes. L'absorption maximum de l'ADN est obtenue par les rayons ultraviolets de longueur d'onde 253,7 nanomètres. Le générateur UV utilisé doit être centré sur cette longueur d'onde pour obtenir une efficacité optimale (tableau I).
L'irradiation des cellules par une dose suffisante de ce rayonnement – exprimée en mJ/cm² – permet la destruction des bactéries, virus, germes pathogènes, levures, champignons, algues… La résistance des micro-organismes au rayonnement UV peut varier de manière importante, de quelques millijoules par cm² à plusieurs joules par cm² (tableau II).
En France, la Direction Générale de la Santé préconise, pour réaliser le traitement des eaux destinées à la consommation humaine, une dose d'exposition minimale de 25 mJ/cm² en tous points de la chambre d'irradiation (circulaire du 19 janvier 1987). Cette dose permet d'assurer au moins la destruction à 99,99 % de 3 à 4 unités logarithmiques des micro-organismes les plus courants, ce qui, compte tenu de la qualité habituelle des eaux traitées, représente une sécurité complète.
Les doses UV à appliquer
La dose UV reçue par une molécule d'eau est directement liée à l'abat-
Le traitement bactériologique obtenu. Il est par conséquent essentiel de la maîtriser pour dimensionner une installation. La loi de Beer-Lambert (voir encadré) permet ce calcul. Elle montre que les paramètres essentiels sont les suivants :
- temps d’exposition : directement lié au débit traité, le temps de contact varie entre 3 et 15 secondes ;
- irradiation reçue en un point : elle dépend de la puissance des lampes UV, de la distance au point considéré et surtout elle est exponentiellement liée au coefficient d’absorption des ultraviolets par l’eau traitée.
La qualité de l’eau constitue en conséquence un paramètre essentiel à prendre en compte pour réaliser le bon dimensionnement d’un stérilisateur UV.
La perméabilité aux ultraviolets sur une lame d’eau de 50 mm peut varier de 95 % pour de l’eau déminéralisée à 70 % à 90 % pour de l’eau potable et descendre entre 3 % et 10 % pour de l’eau usée à la sortie d’une station d’épuration. La conséquence immédiate de ces variations de la qualité de l’eau est l’inadaptabilité des chambres conçues pour traiter les eaux claires dans les applications destinées aux eaux chargées : ces dernières nécessitent en effet une concentration plus forte des lampes UV afin de contrebalancer leur faible transparence aux ultraviolets.
À titre d’exemple, l’appareil représenté sur la figure 1 utilise 12 lampes UV dans une usine de Cognac pour traiter un débit de 25 m³/h d’eau osmosée avec une dose UVC de 40 mJ/cm². Sa puissance électrique est de 650 W et sa puissance germicide de 170 W. Il peut irradier jusqu’à 40 m³/h d’eau potable dans les conditions édictées par la Direction Générale de la Santé. Il ne pourra cependant pas obtenir
Jusqu’à 5 000 m³/h
Tableau II
Résistance de différents micro-organismes aux UV 253,7 nm en mJ/cm²
Nature des micro-organismes | Abattement | |
---|---|---|
90 % | 99,9 % | |
Bactéries | ||
Bacillus subtilis | 12 | 22 |
Escherichia coli | 3 | 6,6 |
Pseudomonas aeruginosa | 5,5 | 10,5 |
Salmonella enteridis | 4 | 7,6 |
Staphylococcus aureus | 2,6 | 6,6 |
Vibrio comma (choléra) | 3,4 | 8 |
Champignons | ||
Aspergillus niger | 18 | 33 |
Penicillium digitatum | 48 | 88 |
Rhizopus nigricans | 120 | 220 |
Virus | ||
Poliovirus | 7 | 23 |
Virus hepatitis | 8 | 18 |
Autres | ||
Algues vertes | 500 | |
Paramécies | 80 |
d’abattement bactériologique de 4 Ulog avec des eaux usées pour des débits supérieurs à 7-8 m³/h. Par l'utilisation d’une chambre de traitement d’un diamètre plus faible, avec le même nombre de lampes (et donc la même puissance électrique), ce débit pourra s'élever à 10-12 m³/h.
Application aux eaux usées urbaines
Les différentes expériences menées montrent qu'il est nécessaire de fournir une dose UV de l’ordre de 25 mJ/cm² en moyenne pour obtenir sur une eau usée un abattement de 3 à 4 Ulog.
Deux problèmes principaux se présentent : la forte variabilité des eaux usées urbaines et l'encrassement des systèmes irradiants. Comme on le voit ci-après, leur résolution permet d’appliquer la technologie des ultraviolets à la désinfection des eaux usées urbaines.
Caractéristiques des eaux usées
Chaque station d’épuration a ses propres caractéristiques, la quantité des matières en suspension, de matières colloïdales et de substances dissoutes variant considérablement de l'une à l'autre. Pour dimensionner une installation de désinfection par rayonnement UV, le taux des MES semble un bon critère de dimensionnement, les corrélations entre MES, turbidité et perméabilité aux UV, sans être précises, permettant une estimation relativement bonne. À titre indicatif, un taux de MES de 30 mg/l (maximum autorisé par la directive européenne pour les rejets de sortie des stations d’épuration) donne une perméabilité aux UV de 3 % sur une lame d'eau de 50 mm (50 % sur une lame d'eau de 10 mm) et délivre environ 10⁶ coliformes pour 100 ml. L’abattement de 4 Ulog obtenu amène l’eau traitée à une qualité d’eau de baignade sur le plan bactériologique.
Le dimensionnement d'une installation est, en principe, effectué sur ces bases. Dans le cas d'un taux de MES plus élevé, une préfiltration doit être envisagée ; elle est d'ailleurs recommandée dès que la variation de la qualité de l'eau à traiter est trop importante.
L'encrassement des systèmes irradiants
Les lampes UV sont protégées de l'eau par des gaines de quartz en silice pure. Ces gaines, en contact permanent avec l'eau traitée, s’encrassent rapidement du fait des matières en suspension. Leur nettoyage est nécessaire toutes les trois à quatre semaines. Par ailleurs, le dépôt des matières s’accentue avec la température, notamment à la surface de l’eau. Une variation de niveau dans l’installation peut engendrer un encrassement prématuré du système irradiant.
Des stérilisateurs par rayonnement ultraviolet performants pour traiter l'eau usée devront donc permettre :
• l'accessibilité très rapide aux lampes et à leur gaine de quartz, afin de faciliter leur entretien. La meilleure méthode de nettoyage consiste en un trempage dans une solution acide (avec ou sans brassage). Un nettoyage manuel (jet d’eau ou karcher) peut être également envisagé. Par contre, les systèmes de nettoyage mécaniques (racleurs) se sont révélés pour l’instant insuffisants ;
• un niveau d’eau traité quasiment constant, ce qui est essentiel. Il peut être obtenu soit par effet de siphon, soit par une régulation du niveau aval.
Les systèmes de désinfection
Les systèmes de désinfection des eaux usées se présentent sous deux formes : “fermés” ou “à canal ouvert”.
Le système de désinfection UV fermé
Il s'agit d'une chambre de traitement construite en acier inoxydable 316 L ou éventuellement en PEHD.
Les systèmes fermés classiques – traitant l’eau potable, notamment – obligent au nettoyage individuel des gaines de quartz. Par contre, l'appareil représenté sur la figure 2 permet une extraction rapide de l’ensemble des lampes à quartz et leur acheminement – soit manuellement, soit par pont roulant – vers le bac de lavage. Le niveau d’eau est maintenu constant soit par effet de siphon, soit par un clapet anti-retour, le tout étant alimenté par pompage.
Ce type d’équipement permet la désinfection des rejets de petites stations d’épuration jusqu’à environ 4 000 EH (80 m³/h) par chambre de traitement. Il ne nécessite pas d’infrastructure de génie civil importante ; de plus il est simple d’installation et de mise en œuvre.
Le système de désinfection UV à canal ouvert
Des débits supérieurs à 80 m³/h sont fréquemment à envisager. Dans ce cas, les systèmes fermés ne peuvent être compétitifs, aussi bien en investissement qu’en facilité d’installation. Sont alors utilisés des systèmes dits “à canal ouvert”.
Ils présentent les caractéristiques suivantes :
• un ou plusieurs canaux, mis en parallèle,
• un ensemble de modules de lampes immergées venant s’y insérer,
• une géométrie modulaire standardisée.
La conception modulaire permet non seulement de faire évoluer une installation – notamment en cas d’extension – mais également de disposer d'une souplesse importante au niveau de l’exploitation et de la maintenance des équipements ; ainsi, une diminution du débit à traiter peut être compensée par la réduction du nombre de lampes UV en service.
Le nettoyage d’un ou plusieurs modules peut être également effectué aisément sans interruption du fonctionnement de l’installation.
Dans cet esprit, nous avons choisi un système comportant des lampes verticales disposées perpendiculaires au flux (figure 4) permettant d'obtenir, d'une part, une turbulence propice à l'homogénéité du traitement, et d'autre part, une simplicité de fonctionnement et de maintenance sur les plans électrique et mécanique.
Ces systèmes peuvent traiter des débits atteignant 5 000 m³/h ou plus (correspondant à 250 000 EH).
Conclusion
La désinfection par rayonnement ultraviolet présente de nombreux avantages : suppression du dosage de produits chimiques, absence de sous-produits toxiques, pas de manipulation ou stockage de produits dangereux, temps de contact court : quelques secondes, contre 30 minutes pour le chlore, emprise au sol et génie civil négligeables, action virulicide plus efficace que par les traitements chimiques.
Elle est, en outre, réalisable à un coût ne dépassant pas 3 à 5 centimes au m³ traité.
Cette technologie est à présent utilisable dans les eaux usées – y compris pour des débits importants – grâce aux progrès récemment réalisés dans le dimensionnement et à l’adaptation des systèmes à rayons ultraviolets aux problèmes spécifiques posés par les eaux résiduaires urbaines.