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Déshydratation par centrifugation des boues résiduaires des stations de traitement d'eau potable

27 decembre 1979 Paru dans le N°40 à la page 60 ( mots)
Rédigé par : C.i. BERNARD

Dans les usines de production d'eau potable à partir d'eaux de surface, les traitements plus ou moins complets mis en place pour éliminer la pollution de celles-ci, conduisent à une production non négligeable de déchets.

Ceux-ci, provenant des purges de décanteur, des lavages de filtres, sont dans le cas général rejetés en rivière. Relativement concentrés, ils perturbent l'écologie du milieu récepteur et compromettent les prélèvements à l'aval.

Ces déchets constituent ce que l'on appelle « les boues hydroxydes ».

1. — LES BOUES HYDROXYDES

1.1. — ORIGINE

Le schéma classique du traitement d'une eau de surface comporte plusieurs opérations :

— Préoxydation,

— Coagulation-floculation,

— Décantation,

— Filtration,

— Stérilisation,

— Neutralisation.

L'addition des réactifs de coagulation (sulfate d'alumine, chlorure ferrique, chloro-sulfate ferrique, chaux) donne naissance à des hydroxydes qui sont en grande partie séparés au stade de la décantation. La filtration affine la séparation solide-liquide.

Les boues de décanteur constituent la masse de matière la plus forte (85 à 90 % des M.E.S. de l'eau floculée). L’eau de lavage des filtres, importante en volume, ne représentera qu'une masse beaucoup plus faible de matière.

1.2. — COMPOSITION DES BOUES HYDROXYDES

Nous donnons ci-après quelques indications concernant les boues hydroxydes des stations de traitement d'eau potable.

1.2.1. — Pollution

M.E.S. g/l 1,4 à 5,8
D.C.O. mg/l 310 à 665
D.B.O₅ g/l 70 à 110

1.2.2. — Analyse chimique

Aluminium

Fer

Manganèse

*Floculation au sulfate d'alumine.

1.3. — IMPORTANCE DES BOUES HYDROXYDES

1.3.1. — Volume

On estime en général que le volume des boues extraites d'un décanteur représente 2 à 3 % du volume d'eau traitée ; quant aux eaux de lavage des filtres, elles correspondent à 3 ou 4 % de ce même volume.

1.3.2. — Poids de matières

Outre les résultats des mesures effectuées « in situ », il est possible d’approximer le poids de M.E.S. produit par m³ d'eau traitée, en utilisant la formule :

P = M + K₁H + K₂D + X

dans laquelle :

P = poids de M.E.S. en grammes par m³ d’eau traitée,

M = poids de M.E.S. en g/m³ de l'eau à traiter,

H = couleur en degrés Hazen,

D = dose de floculant en g/m³ d'eau,

X = dose des autres réactifs ajoutés (g/m³),

K₁ = coefficient dû à la couleur, K₁ = 0,05 à 0,07,

K₂ = coefficient dépendant du floculant :

   Al₂(SO₄)₃·18 H₂O → K₂ = 0,23  
   FeCl₃ → K₂ = 0,85

2. — LA CENTRIFUGATION

2.1. — GÉNÉRALITÉS

La centrifugation est l'opération fondamentale qui consiste à utiliser la force centrifuge pour effectuer des opérations de séparation, soit de deux liquides non miscibles, soit de particules solides en suspension dans un liquide.

Elle a pour caractéristique de mettre en œuvre un champ de force puissant, afin de produire les mêmes effets, mais dans des temps beaucoup plus courts que dans des champs de forces moins intenses, tels que la pesanteur dans le cas de la décantation, la pression statique ou la dépression dans le cas de la filtration.

Dans la sédimentation, la vitesse de chute gravimétrique d'une particule est régie par la loi de Stokes qui s'exprime de la manière suivante :

          (ρₛ − ρ) d² g  
vₑ = ---------------  
             18 η

Formule dans laquelle :

v = vitesse de chute gravimétrique en cm/s,

ρₛ = masse volumique du solide,

ρ = masse volumique du liquide,

η = viscosité en poises,

d = diamètre de la particule en cm,

g = accélération de la pesanteur = 9,81 m/s².

Dans le cas de la centrifugation, la vitesse limite de chute centrifuge sera multipliée par un facteur K, multiple du champ de pesanteur :

K = 11,20 R (N²/100)

R étant le rayon du rotor en mètre et N le nombre de tours/minute.

L’augmentation du champ accélérateur par rapport au champ gravimétrique aura donc pour effet de donner une sédimentation des matières solides plus rapide, de permettre le dépôt des petites particules, de rendre possible la séparation de solides dont la masse volumique ρₛ est très voisine de celle de la masse volumique ρ du liquide.

La centrifugation est une technique dont la gamme d'utilisation est la plus vaste et la plus souple qui soit. Les boues les plus difficiles à déshydrater sont centrifugeables avec une séparation quasi totale des matières solides.

Comparée aux autres procédés de déshydratation, la centrifugation permet :

— une installation compacte pouvant être entièrement automatisée,

— un coût d’exploitation plus faible,

— un coût d'investissement inférieur,

— une grande facilité d’exploitation,

— d'éviter une surveillance continue ou d'avoir une main-d’œuvre à plein temps.

2.2. — CARACTÉRISATION DES CENTRIFUGEUSES

Les différents types de centrifugeuses se distinguent selon :

— la géométrie du bol : celui-ci sera cylindrique, conique ou cylindro-conique,

— le mode d’alimentation : il sera central ou tangentiel,

— le cheminement du centrifugat et du sédiment : dans les systèmes à équicourant, le sédiment est raclé dans le même sens que le cheminement du centrifugat et dans le sens inverse dans les systèmes à contre-courant.

2.3. — LE SYSTÈME KRUGER

La centrifugeuse KRUGER, utilisée dans les installations de déshydratation conçues par SOCEA-BALENCY, est réalisée selon une conception particulièrement originale. On peut la ranger dans le type de décanteuse cylindro-conique à alimentation axiale et cheminement des phases en équicourant.

La centrifugeuse comporte :

— un bol intérieur, équipé d'une prévis.

[Photo : Coupe d'une centrifugeuse KRUGER.]

1 Alimentation

2 Floculants

3 Centrat

4 Sédiments

5 Prévis

6 Bol intérieur

7 Vis

8 Bol

  • • Une canne d’alimentation axiale, débouchant au fond de ce bol,
  • • Un bol extérieur cylindro-conique équipé d'une vis d’extraction.

Bol intérieur et vis d’extraction sont solidaires et tournent donc à la même vitesse. Bol extérieur et prévis, également solidaires, tournent à une vitesse légèrement inférieure à l'ensemble vis d’extraction-bol intérieur.

Ce système permet :

  • • d'éviter les effets de cisaillement du floc que l'on obtient inévitablement lorsque l'on soumet la boue brutalement à l'accélération centrifuge maximale,
  • • d'effectuer une mise en accélération douce et progressive de la boue,

ce qui autorise une diminution :

  • • de la vitesse de rotation, donc de la puissance installée,
  • • de la dose de floculant nécessaire au conditionnement de la boue.

3. — DÉSHYDRATATION DES BOUES HYDROXYDES

Comme nous l'avons vu plus haut, les boues hydroxydes peuvent avoir deux origines :

[Photo : Centrifugeuse KRUGER à bol cylindro-conique.]
  • • les purges de décanteur, caractérisées par un faible volume et une concentration de 1,5 à 8 g/l ;
  • • les eaux de lavage des filtres qui, au contraire, représentent un grand volume d'eau à faible concentration moyenne de M.E.S.

Nous ferons remarquer que les eaux de lavage des filtres sont fortement chargées en M.E.S. durant les premières minutes du lavage, la concentration diminuant ensuite très rapidement. Aussi avons-nous admis de ne prendre en compte que le volume d'eau correspondant aux quatre ou cinq premières minutes du lavage, ce qui représente environ 70 % des M.E.S. retenues sur le filtre (fig. 2).

3.1. — ÉPAISSISSEMENT

Le mélange purges-eaux de lavage constituant un liquide dilué, il sera toujours intéressant d'effectuer un épaississement préalable. On obtiendra ainsi facilement des concentrations de 1,5 à 2 %.

3.2. — CONDITIONNEMENT

Le but de la déshydratation étant d’obtenir une siccité suffisante des sédiments pour que ceux-ci soient pelletables, et un centrat contenant le moins possible de M.E.S., il est absolument nécessaire d’effectuer un conditionnement préalable des boues. Pour la caractérisation des boues, le choix du réactif polymérique de conditionnement, le dimensionnement des ouvrages, nous utilisons les méthodes décrites dans le compte rendu des travaux français exécutés dans le cadre de l'action européenne COST 68, à savoir :

  • — test de décantabilité,
  • — évaluation de la floculabilité (temps de succion capillaire),
  • — évaluation de la résistance des boues floculées au cisaillement.

3.3. — CENTRIFUGATION

Nous donnons ci-dessous les résultats obtenus sur centrifugeuse KRUGER (type 142 MC).

Il s'agit d'essais industriels réalisés sur des périodes suffisamment longues pour être représentatifs, à des débits variant entre 4 et 10 m³/h.

Nous pouvons constater :

  • — que, pour des concentrations de boues inférieures à 4 g/l, on ne peut obtenir, avec des consommations raisonnables de polyélectrolytes, des siccités de sédiments supérieures à 25-27 % ;
[Photo : Essais-pilotes de déshydratation.]
[Photo : Installation compacte de centrifugation – Prémontage en atelier.]
  • — que l’on obtient des siccités supérieures ou égales à 30 %, avec des consommations de polyélectrolytes en moyenne égales à 2,5 kg à la tonne de matières sèches, quand la concentration des boues à traiter atteint 7 à 8 g/l.

Nous préciserons que la machine utilisée était équipée d'un bol de 375 mm de diamètre tournant à 2 820 tours/minute. La consommation moyenne en énergie électrique, au cours de nos essais, a été de 1,1 kWh par mètre cube de boues traitées.

DÉVELOPPEMENT

Il est absolument nécessaire, comme nous l'avons dit, de faire un épaississement préalable des boues avant centrifugation.

Les épaississeurs raclés sont les ouvrages les plus employés. Ils permettent d’obtenir des boues à 1,5-2 % quand les charges appliquées sur l’épaississeur n'excèdent pas 15 à 18 kg de M.S. par mètre carré et par jour. Ce sont donc des ouvrages de grandes dimensions nécessitant un génie civil important (fig. 3).

1 Épaississeur raclé

2 Pompe à boues

3 Préparation polyélectrolyte

4 Pompe doseuse

5 Circuit de dilution secondaire

6 Centrifugeuse

7 Centrat

8 Sédiment

9 Bande transporteuse

10 Récupération du sédiment

[Photo : Installation classique de centrifugation.]
[Photo : Épaississement par flottation ou décantation lamellaire.]

Aussi, cherchons-nous à obtenir des épaississements comparables avec des installations moins encombrantes et moins coûteuses.

1. — Utilisation de la flottation

La technique semble intéressante ; elle permet après conditionnement (0,5 à 2 ppm de polyélectrolyte) d’obtenir des concentrations de 11 à 25 g/l.

2. — La décantation lamellaire

Appliquée aux boues hydroxydes, cette technique semble la plus prometteuse.

Les essais actuellement en cours conduisent aux résultats suivants :

– Concentration des boues à traiter : 0,2 à 0,5 %.

– Concentration après décantation lamellaire : 2 %-3 %.

– Siccité des boues centrifugées : 20 à 30 %.

– M.E.S. des eaux issues du décanteur lamellaire : 10-40 mg/l.

– M.E.S. des centrats : < 1 g/l.

– Consommation en polyélectrolytes : 1,8 à 2,5 kg/t M.S.

CONCLUSION

La centrifugation apparaît donc comme une méthode bien adaptée à la déshydratation des boues hydroxydes des usines de traitement d’eaux potables.

Elle offre l’avantage d’être un procédé continu, parfaitement automatisable, de faible encombrement et d’investissement raisonnable.

Elle permet de garantir des siccités de 20 à 30 %, c’est-à-dire des boues pelletables, et le rejet d’un centrat très peu chargé.

Cl. BERNARD.

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Stations de production d’eau potable :

ESSAIS DE TRAITEMENT DES BOUES D’HYDROXYDES PAR LAGUNAGE

J. COLLIOT, L. HAHN, A. DEGUIN

Service Traitement des Eaux, Société d’Aménagement Urbain et Rural (S.A.U.R.)

Cet article concerne d’une part une étude préliminaire destinée au choix d’un traitement des boues issues d’une importante station de production d’eau potable (capacité : 60 000 m³/j) et d’autre part le suivi du fonctionnement d’un lagunage des boues d’hydroxydes résultant de la production d’une usine moyenne de traitement d’eau (capacité : 5 000 m³/j).

Dans le premier cas il s’agit d’une étude menée à l’usine de Mervent en Vendée avec la coopération de l’Agence Financière de Bassin Loire-Bretagne et portant sur une durée de deux mois. Dans le second cas il s’agit d’un travail en cours dont les conclusions définitives ne pourront être tirées qu’après une durée d’observation plus étendue du fonctionnement des lagunes. Ces dernières sont situées à la station de traitement d’eau d’Ispe dans la région de Biscarrosse (Landes).

Bien qu’il ne s’agisse que de résultats partiels, il nous est apparu intéressant d’en faire part aux lecteurs dans le cadre de ce numéro spécial. Nous espérons ainsi apporter notre contribution à l’effort entrepris en France par les spécialistes, depuis quelques années, pour résoudre le problème du traitement des boues d’hydroxydes qui résultent de la production d’eau potable.

Notre ambition n’est donc pas, dans l’état actuel de nos connaissances, d’arrêter une position en faveur ou non du lagunage. En effet notre première expérience porte uniquement sur deux types de boues et il serait hasardeux d’extrapoler les résultats observés à n’importe quel autre cas.

[Photo : Usine de Mervent (Vendée). Première tranche de traitement : un décanteur ACCELATOR et sa batterie de filtres]

I. — INTRODUCTION

La technique de lagunage est déjà très ancienne. Elle consiste à utiliser une capacité suffisante pour assurer :

– la clarification des effluents avant leur rejet dans un milieu naturel,

– le stockage des matières décantées puis leur séchage dans une phase finale.

C’est donc un procédé séduisant à divers titres :

– simplicité de fonctionnement,

– surveillance réduite en exploitation,

– consommation d’énergie très faible (uniquement pour le relèvement éventuel de l’effluent),

– grande souplesse de fonctionnement.

En revanche elle est grande utilisatrice de superficie de terrain et cet inconvénient, lié à celui de l’évacuation des boues séchées, est certainement l’élément déterminant qui fait écarter depuis longtemps le procédé au profit d’autres techniques de déshydratation des boues.

Cependant lorsqu’une surface suffisante est disponible à bon marché, ne serait-il pas judicieux d’opter pour le lagunage plutôt que pour une filière faisant intervenir une déshydratation mécanique ?

Le lagunage peut-il s’appliquer à toute taille d’usine productrice d’eau potable ou seulement, comme cela s’y prêterait bien, dans le cas d’usines isolées de moyenne importance ?

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