La principale raison de l’élimination du phosphore dans les eaux de rejets des stations d’épuration est le risque d’eutrophisation des cours d’eaux par action simultanée avec l’azote.
L’élimination du phosphore s’effectue actuellement le plus souvent par précipitation physico-chimique (Balamanne et Gaid, 1993) et séparation liquide-solide.
Ce processus peut se réaliser dans le cycle d’une station d’épuration soit par action sur l’eau brute (précipitation primaire), soit par action au niveau du traitement biologique (précipitation simultanée), soit par action au niveau du clarificateur (post-précipitation).
Comme dans toutes les réactions de coagulation-floculation, le pH est un paramètre important qui gouverne les phénomènes d’insolubilité du phosphore et donc son élimination par précipitation, les phosphates et polyphosphates formant naturellement des complexes et des sels insolubles avec un certain nombre de composés métalliques.
Notre étude est axée sur la déphosphatation par précipitation simultanée à l’aide d’un floculant nouvellement disponible, le VTA 24-5.
Une étude sur la déphosphatation par procédé physico-chimique a déjà été effectuée en précipitation primaire avec le chlorure ferrique et le sulfate d’aluminium (Fabre et al., 1994, I).
Le phosphore
Le phosphore se trouve dans les eaux usées sous deux formes :
- • organique : phosphates insolubles (matériel cellulaire, débris de plantes), orthophosphates solubles (sucres phosphorylés, phospholipides, phosphoamines, …)
- • minérale : orthophosphates minéraux.
Dans le cadre de la déphosphatation physico-chimique, trois phénomènes vont apparaître, dépendant de la forme sous laquelle se trouve le phosphore et du pH du milieu :
- • précipitation de phosphore métallique à partir des orthophosphates,
- • adsorption des phosphates organiques,
- • coagulation des colloïdes dans l’eau usée pour piéger du phosphore particulaire.
La nouvelle Directive Européenne sur les eaux usées va imposer de nouvelles normes de rejet du phosphore selon la taille des stations :
- • < 1 mg/l ou 80 % d’élimination pour les stations traitant une pollution supérieure à 100 000 EH,
- • < 2 mg/l ou 80 % d’élimination pour les stations traitant une pollution inférieure à 100 000 EH.
Nous allons utiliser comme réactif le VTA 24-5, floculant à base de sels d’aluminium, élaboré par les laboratoires autrichiens VTA Austria Gmbh, et testé actuellement dans l’Est de la France.
La réaction de base sera :
Al³⁺ + PO₄³⁻ → AlPO₄
[Photo : Schéma du pilote]
[Photo : Phosphore total résiduel]
[Photo : Charges carbonées]
[Photo : Charge particulaire]
AlPO₄ en précipitant permet l'élimination du phosphore de l'eau, phosphore que nous retrouverons dans les boues.
Le pilote
Le pilote (contrôleur de biodégradabilité Bio Block K 83526) comporte (figure 1) :
- • un dispositif de commande comportant une pompe d’alimentation, un groupe de recirculation et un système de production d’air ;
- • un bassin d’aération, d’une capacité maximale de 9 litres avec aération par insufflation d’air ; la liqueur accède au clarificateur par une surverse ;
- • un clarificateur de 5 litres à fond conique avec un système de recirculation des boues vers le bassin d’aération, l'eau épurée étant rejetée après passage dans une cloison siphoïde.
Les analyses effectuées en entrée et sortie du pilote sont énumérées ci-après :
- – DCO, DBO₅, MES, NGL, Pt, pH, TAC ;
- – analyses de boues, analyses microbiologiques.
Les débits d’alimentation et de recirculation des boues sont de dix litres par jour. Le pilote est alimenté par l’effluent brut arrivant sur la station d’épuration de Village-Neuf (Haut-Rhin).
Les charges massiques (Cm) et volumiques (Cv) sont respectivement comprises entre 0,02 et 0,6 kg DBO₅/kg de MES, et 0,1 et 1,2 kg DBO₅/m³.
Les charges polluantes entrantes dans le pilote sont les suivantes :
DCO = 267 mg/l
DBO₅ = 98 mg/l
MES = 205 mg/l
NGL = 33,2 mg/l
Pt = 5,1 mg/l.
Le pH en entrée est très proche de la neutralité (entre 6,8 et 7,5).
Les résultats
Pollution phosphorée
La dose de VTA 24-5 utilisée a été choisie en fonction du meilleur abattement possible (en dessous de 1 mg/l en P résiduel) afin de respecter les recommandations les plus draconiennes de la Directive.
On constate que les meilleurs résultats sont obtenus dès l’injonction de 0,046 ml de réactif par litre d’eau à traiter. En effet, si l'on en rajoute une trop faible quantité, nous obtenons une non-stabilité du floc, et un taux de phosphate rejeté supérieur à 1 mg/l (figure 2).
Lors de l’ajout de 0,046 ml de VTA 24-5 par litre d’eau à traiter, nous obtenons systématiquement une élimination supérieure à 80 %, et une concentration massique en phosphore total inférieure à 1 mg/l en sortie, ce que nous n’avions pas toujours pu obtenir lors des essais de déphosphatation primaire (Fabre et al., 1994, I).
Pollution carbonée
On constate que l’on obtient un très bon abattement de la pollution carbonée (figure 3), les rejets en DCO étant toujours inférieurs à 100 mg/l, et ceux en DBO₅ étant inférieurs à 25 mg/l, ce qui permet de respecter un niveau de rejet “e”, et également de respecter les exigences de la Directive Européenne (DCO = 125 mg/l ou 75 % d’élimination, DBO₅ = 25 mg/l ou 70 à 90 % d’élimination).
Le rapport DCO/DBO₅ est compris entre 2,3 et 3,1, ce qui caractérise bien une épuration de type “boues activées”.
Pollution particulaire
On constate une élimination de 97 % des MES (figure 4). Les valeurs obtenues nous permettent même de nous situer en-dessous de celle préconisée par la Directive Européenne (35 mg/l).
Le fait d’ajouter du VTA 24-5 a permis une nette amélioration des performances du pilote (80 % en absence de VTA 24-5) et permet une meilleure coagulation-floculation des MES (Clamens, 1993).
Pollution azotée
Sans adjonction de réactif, l’élimination de la pollution azotée est de 36 à 50 % (Clamens, 1993), ce qui ne nous permet pas de respecter les normes préconisées par la Directive (10 mg/l en NGL pour une station supérieure à 100 000 eq.hab et 15 mg/l pour une station < à 100 000 eq.hab ou 80 % d’élimination). L'utilisation du VTA 24-5 assure une nette amélioration puisqu’on obtient un abattement de 82 % de la pollution azotée. Un tel rendement obtenu sur l’azote en absence de traitement biologique spécifique (zone d’anoxie pour la dénitrification) permet d’envisager la réalisation d’ouvrages moins importants pour effectuer le traitement de l’azote par un seul traitement biologique (Fabre et al., 1994, II).
Action sur les autres paramètres
On constate une chute du TAC de 20 à 60 % durant les essais de déphosphatation, ce qui s’explique d’une part par la légère acidification du milieu due aux floculants et d’autre part par la nitrification qui s’effectue en consommant du TAC.
La déphosphatation au VTA 24-5 entraîne un accroissement de la flore bactérienne dans le bassin d’aération et une meilleure épuration.
On trouve des Vorticelles et des Aspidiscaes qui témoignent d'une bonne épuration par boues activées. La présence de champignons, favorisée par l'acidité du milieu due au VTA 24-5, indique une bonne oxydation.
La floculation des boues a été nettement améliorée :
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On constate également une nette diminution des nuisances olfactives et de la couleur des eaux à épurer.
La zone de pH optima nécessaire pour obtenir la déphosphatation avec le VTA 24-5 se situe entre 6,5 et 7,5. Le VTA 24-5, bien qu’acide, est rajouté en très faible quantité (0,023 à 0,046 ml par litre), ce qui n’entraîne que peu de variations du pH du milieu et permet ainsi une efficacité maximale sur la déphosphatation.
Conclusion
Lors de ces essais de déphosphatation sur pilote, on constate une meilleure efficacité en déphosphatation simultanée par rapport à la déphosphatation primaire.
De plus, en utilisant le VTA 24-5 comme floculant, on enregistre une excellente élimination de la pollution azotée, autre paramètre devant être pris en compte dans l’application de la Directive Européenne, et une nette diminution de certains autres polluants.
L'utilisation du VTA 24-5 en déphosphatation serait en revanche à 50 % plus onéreuse à l’achat du réactif que celle du chlorure ferrique ou du sulfate d’aluminium (Clamens, 1993, II) en ce qui concerne l’étude pilote.
Par contre, lors de son utilisation en station, la dose est diminuée de 30 à 50 % après quelques mois d’injection (exemple : station d’épuration de Pontarlier), ce qui permet d’abaisser fortement le prix de revient du VTA 24-5.
Cependant, la mise en œuvre d’une déphosphatation simultanée étant plus facile et plus économique que la déphosphatation primaire, à long terme, l'utilisation du VTA 24-5 apparaît comme la solution économiquement la plus intéressante.
Bibliographie
Balamane O., Gaid A., 1993. Élimination du phosphore par combinaison d’un traitement physico-chimique et biologique. TSM, 7-8, 361-365.
Clamens B., 1993, II. Déphosphatation biologique et physico-chimique. UER des Sciences, Filière Eau, Limoges, 38 pages.
Fabre B., Clamens B., Dietsch O., 1994, I. Déphosphatation physico-chimique sur pilote. Application à la station de Village Neuf (Alsace). Soumis à TSM, Ref : TS/Jg.VT.
Fabre B., Clamens B., Dietsch O., 1994, II. Étude-pilote de la Nitrification-dénitrification biologique. Proposition de redimensionnement de la station d’épuration de Village Neuf (Alsace). Soumis à TSM, Ref : TS/CM.VT.