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Dans certains cas difficiles de l'industrie textile: comme les ateliers de teinture

27 decembre 1979 Paru dans le N°40 à la page 155 ( mots)

Dans certains cas difficiles de l'industrie textile, comme les ateliers de teinture : peut-on réduire la formation des boues par traitement physico-chimique adapté ?

L'industrie chimique se doit de résoudre tous ses problèmes de dépollution, en particulier ceux qui concernent l'épuration des eaux résiduaires, lesquels sont nombreux et complexes. Un groupe comme le groupe français PECHINEY-UGINE-KUHLAMNN s'y consacre résolument et a d'ailleurs signé en son temps avec le Ministère de l'Environnement et son Cadre de Vie deux « Contrats-Programmes d'Entreprises », successivement le 23 juillet 1975 (1) concernant 18 usines, et le 9 novembre 1976 (2) concernant 46 usines, soit au total 64 usines du groupe pour lesquelles un programme général de dépollution a été tracé. Les usines chimiques ressortissant de P.C.U.K. sont incluses dans ces programmes, dont l'exécution se poursuit malgré des difficultés économiques que personne ne peut contester.

C'est un cas particulier : celui de l'épuration des eaux résiduaires provenant des ateliers de teinture. P.C.U.K., en tant que premier producteur français de matières colorantes, ne peut se désintéresser de ce problème.

Plus précisément, c'est sous l'angle de la formation de boues résultant de la forte coloration et de la forte teneur en chlorures que l'on souhaite examiner les possibilités de réduire leur formation par traitement physico-chimique adapté.

Les effluents à traiter en provenance de ces unités de production sont essentiellement caractérisés par une forte coloration (souvent tenace) et une teneur importante en matières oxydables, de composition complexe et de nature minérale (sulfures par exemple) ou organique. Leur consommation en oxygène dissous (DCO) est élevée par rapport à la demande biochimique (DBO). De tels effluents comportent le plus souvent une concentration importante en matières dispersées sous forme colloïdale, des pigments ou colorants, et contiennent des matières toxiques éventuelles. En outre, leur charge polluante est fortement variable.

Toutes ces caractéristiques militent en faveur du choix de traitements physico-chimiques qui paraissent seuls pouvoir garantir la stabilité de résultats non imposée par les normes de rejet.

UNE EXPÉRIMENTATION EN COURS

Dans le cadre de l'étude systématique de différentes filières physico-chimiques possibles, une expérimentation a été décidée en vue d'explorer une combinaison de filière floculation-décantation avec l'intervention de peroxyde d'hydrogène, dont la mise en œuvre peut constituer une alternative souhaitée si l'on n'a pas la possibilité d'élaboration comme dans la fabrication de tel ou tel produit chimique.

M. POUILLOT et D. ARDITTI P.C.U.K. Centre d'Application de Levallois

Le choix de cet oxydant a été dicté par trois considérations majeures :

  • • Sécurité du point de vue stockage et manipulation mais aussi, et surtout, innocuité dans l'effluent traité de tout excès éventuel de réactif.
  • • Facilité de mise en œuvre.
  • • Disponibilité : le péroxyde d'hydrogène est en effet couramment utilisé par l'industrie textile pour les opérations de blanchiment. Un réseau de distribution efficace est déjà en place, particulièrement dans les zones géographiques où cette industrie est concentrée.

Les essais ont porté sur des échantillons moyens d'effluent prélevé pendant 24 heures, ces échantillons moyens (de 30 litres chacun) étant prélevés à l'aide d'un échantillonneur ISCO installé sur le caniveau qui évacue l'effluent de l'atelier considéré. Un tel échantillonnage n'est d'ailleurs pas strictement représentatif de l'effluent puisque la fraction des matières en suspension (MES) qui décante spontanément dans le caniveau ne peut pas évidemment être prise en compte.

Les prélèvements, répartis sur une durée de quatre mois, correspondent à des caractéristiques moyennes qui sont relevées dans le Tableau 1.

Coefficient de variation (V)

(1) Pour ce paramètre, l'effluent est préalablement dilué avec de l'eau déminéralisée (pour être ramené dans la gamme de mesure), et la coloration est comparée avec des essais de verre colorés gradués en échelle Pt-Co (cf norme française correspondante). La valeur ainsi déterminée est multipliée par le facteur de dilution pour obtenir l'indication de couleur recherchée.

FILIÈRE PHYSICO-CHIMIQUE : ÉTUDE PARALLÈLE DE QUATRE TRAITEMENTS DE COAGULATION

Quatre types de traitement ont été expérimentés : floculation par des quantités massives de chaux en présence de sulfate ferreux, floculation par le chlorure ferrique, floculation par le chlorure d'aluminium, floculation par le WAC (polychlorure basique d'aluminium) (1).

La description des caractéristiques et des propriétés de ce floculant a fait l'objet d'un article antérieur dans cette revue. Voir : « Le traitement des eaux », EAU ET L'INDUSTRIE, TH. D. ARDITTI, pages 59 à 65.

Tous les taux de traitement sont exprimés ici en mg de produit commercial par litre d'effluent, soit :

  • • FeCl₃ solution commerciale à 41 %
  • • AlCl₃ solution commerciale à 30 %
  • • WAC solution commerciale
  • • Ca(OH)₂ à 95 %
  • • FeSO₄·7 H₂O à 100 %

Sauf pour la floculation par chaux et sulfate ferreux, le pH de l'échantillon est préalablement ajusté (par Ca(OH)₂ ou H₂SO₄ selon le pH de départ) de telle sorte que le pH après traitement soit compris entre 6 et 8. On procède alors à un JAR TEST avec le floculant choisi et 4 à 5 mg/l de polyélectrolyte non ionique. Après une heure de décantation, les caractéristiques physico-chimiques du décantât sont déterminées.

Dans le cas du traitement chaux et sulfate ferreux, l'échantillon est traité directement par ces réactifs au cours d'un JAR TEST. Puis, le décantât est additionné d'H₂SO₄ pour ramener son pH au-dessous de 9.

Afin de dégager des règles générales des résultats expérimentaux portant sur des effluents différents, nous avons choisi de les représenter par des paramètres relatifs (pourcentage d'élimination, pourcentage de volume de boue) ce qui permet de regrouper des résultats apparemment disparates.

Les figures 1 à 3 et les figures 4 à 6 sur lesquelles sont portées les droites de régression calculées à partir des résultats expérimentaux (coefficient de corrélation compris entre 0,55 et 0,95) montrent que les traitements de floculation éliminent bien la couleur. Il faut toutefois atteindre des taux de traitement de l'ordre de 3 500 mg/l pour observer un rendement d'élimination de l'ordre de 90 % pour ce paramètre. Pour ce même taux de traitement, l'élimination de la DCO est voisine de 50 %. Ces résultats intéressants sont malheureusement accompagnés de résultats défavorables au point de vue des quantités de boues formées.

Le Tableau 2 montre ainsi que l'élimination de 90 % de la couleur s'accompagne de la formation d'un volume de boue (calculé d'après les courbes de régression) variant de 14,5 % à 18 %, selon les floculants utilisés.

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[Photo : Fig. 1 – Traitement par FeCl₃]
[Photo : Fig. 2 – Traitement par AlCl₃]
[Photo : Fig. 3 – Traitement par WAC]
[Photo : Fig. 4 – Élimination de la couleur par floculation]
[Photo : Fig. 5 – Élimination de la DCO par floculation]
[Photo : Fig. 6 – Volume de boues précipitées par floculation]

Notons qu’au cours de ces essais, la quantité de boue formée a été appréciée simplement par son volume. La boue obtenue après 1 h de décantation est transvasée dans une éprouvette graduée de 500 ml. Le volume est porté à 500 ml avec de l’eau décantée. L’ensemble est homogénéisé par retournement lent de l’éprouvette. Après une heure de décantation, le volume occupé par les boues est mesuré.

Ces volumes de boues sont bien évidemment augmentés si l’on supprime le polyélectrolyte (à titre d’exemple, sur le tableau 3 sont portés quelques essais effectués avec le WACR).

FILIÈRE D’OXYDATION : TRAITEMENT PAR H₂O₂

Sur les mêmes effluents, un traitement d’oxydation à l’aide de peroxyde d’hydrogène a également été expérimenté.

L’effluent est additionné de sulfate ferreux (catalyseur de H₂O₂) puis son pH est porté à environ 3 à l’aide d’acide sulfurique. Le peroxyde d’hydrogène, en solution commerciale à 50 %, est alors ajouté sous agitation. Les quantités de peroxyde d’hydrogène et de sulfate ferreux mises en jeu sont telles que le rapport molaire :

H₂O₂ / FeSO₄·7 H₂O = 20
(ce qui correspond à 1 g de FeSO₄·7 H₂O pour 1 g d’oxygène actif).

Après deux heures de temps de contact, l’effluent est neutralisé par Ca(OH)₂. Après une heure de décantation de l’hydroxyde ferrique formé, les caractéristiques du décantat sont mesurées. Au cours de ces essais, le volume des boues a toujours été inférieur à 2 %.

Signalons, d’autre part, que lorsqu’après les deux heures d’oxydation il subsiste des quantités notables de peroxyde d’hydrogène (supérieures à 100 mg/l), on note une tendance à la flottation des boues formées lors de la neutralisation.

La décoloration de l’effluent est très importante (Fig. 7). Contrairement à la floculation, où le pourcentage d’élimination de la couleur ne dépasse pas 90 %, on peut aller ici jusqu’à une décoloration presque complète (supérieure à 99 %).

Par contre, comme pour la floculation, l’élimination de la DCO ne dépasse pas 50 à 60 %.

[Photo : Fig. 7 – Traitement par H₂O₂ en présence de Fe]

La comparaison du tableau 4 avec le tableau 2 permet de démontrer l’intérêt de l’oxydation par H₂O₂ puisque, à qualité d’eau traitée identique, le volume de boue formée est bien inférieur.

TABLEAU 4 – Traitement H₂O₂ avec Fe

Paramètre Valeur
% d’élimination de la couleur 90
Volume de boue (en % du volume de l’effluent traité) < 2
% d’élimination de la DCO 55
Taux de traitement (g/l) 1,2

Il est à noter que l’absence de catalyseur se traduit par des performances nettement inférieures. À titre d’exemple, le tableau 5 compare les résultats obtenus pour un taux de traitement de 1,3 g/l.

TABLEAU 5

% d’élimination de la couleur % d’élimination de la DCO
sans Fe < 50 14,9
avec Fe 96,2 63,5

Des essais ultérieurs portant sur le même type d’effluent ont permis de préciser les quantités de boue formée lors du traitement de floculation et lors du traitement d’oxydation par H₂O₂. Le tableau 6, où la quantité de boue formée est exprimée en grammes de matière sèche obtenue pour un litre d’effluent, confirme les conclusions précédentes quant à l’intérêt de H₂O₂ vis-à-vis de ce paramètre.

TABLEAU 6 – Quantité de boue obtenue lors des différents traitements

Floculant minéral Grammes de matière sèche de boues par litre d’effluent (valeurs moyennes) d’eau traitée | Taux de traitement (mg/l)
E 2500 ± 1,280
1500 ± 0,86
2000 ± 1,02
2500 ± 1,54
3000 ± 1,57
2000 ± 0,72
2500 ± 1,83
2500 ± 0,97

taux de traitement en mg/l — taux de savon (g/l).

APPLICATION SUR DES EFFLUENTS CONCENTRÉS DE TEINTURE

De tels résultats nous paraissant encourageants, nous avons voulu vérifier s'ils pouvaient être reproduits sur des effluents de teinture plus concentrés.

C'est pourquoi nous avons appliqué les mêmes traitements que précédemment à une eau résiduaire de teinture en colorant direct sur coton dont les caractéristiques étaient :

pH = 8,0  
Couleur (mg/l Pt-Co) = 160 000  
DCO (mg/l O₂) = 3 410

L'échantillonnage a été effectué dans le bain usé immédiatement après la fin de l'opération de teinture.

[Photo : Tableau 7 – Traitement d’effluents de teinture]

Comme auparavant, pour une même qualité d'eau traitée, la quantité de boue formée lors des traitements de floculation (tableau 7). Notons que la DCO est plus difficile à éliminer par oxydation que par floculation : la DCO initiale est vraisemblablement composée en majeure partie de matières organiques difficilement oxydables sous forme de particules colloïdales.

CONCLUSIONS

Nous avons vu qu'il est techniquement possible de réaliser une décoloration pratiquement totale des effluents d'ateliers de teinture au moyen de certains traitements physico-chimiques. Ces procédés pourraient aussi s'appliquer à des effluents d'autres industries utilisant des colorants. Leur intérêt majeur est leur simplicité ainsi que la constance des résultats qu'ils peuvent fournir.

Pour les effluents étudiés, les traitements de floculation permettent d'éliminer 90 % de la couleur et 50 % de la DCO. Par contre, ces traitements s'accompagnent de la formation d'une quantité importante de boue. Cet inconvénient est presque totalement éliminé si, au lieu d'un traitement de floculation, on effectue un traitement d'oxydation par le peroxyde d'hydrogène : l'effluent traité est au moins d'aussi bonne qualité pour une quantité de boue formée très faible.

Pour des effluents ayant des caractéristiques similaires, une étude qui peut être réalisée sur place ou, s'il y a lieu, initiée dans nos laboratoires sera nécessaire afin de déterminer la faisabilité de cette solution et son adaptation au cas spécifique envisagé.

À cet avantage du peroxyde d'hydrogène, ainsi qu'à ceux qui avaient de prime abord orienté notre choix, on peut y ajouter à l'actif de ce réactif la possibilité de traiter à la source des flux de pollution concentrée avec toutes les conséquences positives qui en découlent sur le plan économique.

À ce sujet, les traitements étudiés ici ont un coût opératoire qui peut paraître élevé. Il convient, à notre avis, d'estimer le coût réel du « mètre cube traité » par les différentes filières possibles en tenant compte, lors du choix final, d'éléments qualitatifs tels que les nuisances qu'elles peuvent induire et la facilité d'exploitation de chacune d'elles.

M. Pouillot – D. Arditti

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Valorisation des boues résiduaires urbaines : LE PROCÉDÉ GRANECO

D. Alexandre, Chef du S.A.C.I., C.E.N. CadaracheR. Lucas, Responsable du Secteur Eaux-Déchets, ECOPOL

L'UTILISATION AGRICOLE DES BOUES POSE DES PROBLÈMES

Chacun sait maintenant que les boues résiduaires des stations d'épuration sont susceptibles d'être utilisées en agriculture. En effet, de par leur teneur en matières organiques, en éléments fertilisants tels qu'azote et phosphore, et en oligo-éléments elles représentent un amendement d’autant plus intéressant que les méthodes modernes de culture entraînent la raréfaction des fumures organiques.

Dans la mesure où seules sont prises en considération les boues biologiques en provenance de stations d'épuration urbaines, traitant principalement des effluents d'origine « domestique », c'est-à-dire sans apport d'effluents industriels en quantité importante, les études récentes poursuivies tant en France qu'à l'étranger ont mis en évidence que les problèmes de toxicité dus à l'apport excessif de métaux lourds ne présentaient pas un aspect prépondérant à court ou à moyen terme, tant que les doses d'apport étaient limitées à des seuils, fonction des quantités d'azote contenues. Par ailleurs, les risques liés à la présence éventuelle d'agents pathogènes dans les boues, provenant de stations qui ne reçoivent pas d'effluents particulièrement dangereux du point de vue biologique, tels qu'effluents d'hôpitaux ou d'animaleries, sont restés à l'état potentiel et n'ont jamais donné lieu à aucune prolifération épidémique pour autant que l'épandage ait observé quelques précautions essentielles (intervalle minimum entre le paçage et l'épandage sur prairies : six mois ; pas d'épandage sur les cultures maraîchères en cours de croissance et consommées crues).

Quels sont donc les obstacles qui s'opposent à la généralisation d'une utilisation agricole des boues ? Ils sont nombreux :

[Photo : Le produit final commercialisable, obtenu par le Procédé GRANECO]
  • — Les boues, qu'elles soient liquides ou déshydratées, fermentent même après stabilisation (stabilisation aérobie ou digestion anaérobie) et, du fait de leur richesse en matières organiques, elles possèdent un caractère évolutif qui, joint à leur volume important, en interdit le stockage.
  • — Elles sont produites toute l'année et doivent donc être utilisées au fur et à mesure de leur production. Or, pour être efficaces et rentables, les apports d'amendement doivent être effectués à des périodes précises de l'année, correspondant à des phases du cycle cultural qui ne sont pas compatibles avec une production continue.
  • — L'épandage des boues liquides ou pâteuses (pelletables) est malaisé et nécessite des dispositifs particuliers, générateurs d'investissements que bien souvent ne peuvent assumer ni les utilisateurs de boues, ni les producteurs. Ces produits sont en général difficiles à manipuler, d'aspect peu engageant et générateurs de nuisances diverses : odeurs, insectes, difficultés de circulation...
  • — Les boues qui sont proposées à l'utilisation sont souvent enlevées directement à la station par l'utilisateur lui-même qui en ignore bien souvent la composition, même approximative, et les doses à épandre. Il est évident que dans ces conditions, il est difficile de lui demander une contribution financière car il a beaucoup plus l'impression de rendre un service à la collectivité en la débarrassant d'un déchet gênant, que
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